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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 12 février 2004, n° 2002-01874

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Transformation d'emballages plastiques des établissements A. Cornillon (Sté)

Défendeur :

Patrigeon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

MM. Faucher, Remenieras

Avoués :

SCP Regnier-Becquet, Me Ribaut

Avocats :

Mes Demichel, Le Borgne.

T. com. Melun, du 19 nov. 2001

19 novembre 2001

LA COUR statue sur l'appel formé par la société transformation d'emballages plastiques - établissements A. Cornillon, (société Step Cornillon), société anonyme, contre le jugement rendu le 19 novembre 2001 par le Tribunal de commerce de Melun, qui, au visa de l'article L. 134-13-2° du Code de commerce, l'a condamnée à payer à Monsieur Roger Patrigeon la somme de 113 796 F, avec les intérêts au taux légal à compter du 23 avril 1997, ce avec exécution provisoire, ainsi que la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a mis les dépens à sa charge, déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Monsieur Patrigeon, qui était agent commercial de la société Step depuis 1989, a, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception daté du 31 mai 1996, notifié à sa mandante sa décision de cesser d'exercer son mandat le 30 septembre 1996. Nonobstant la circonstance d'âge -plus de 60 ans- qu'il invoquait, la société Step a refusé de lui verser l'indemnité compensatrice qu'il lui a réclamée. Monsieur Patrigeon l'a donc, par acte du 31 août 2000, assignée en paiement de ladite indemnité. Par le jugement déféré, le tribunal a fait droit à sa demande.

Aux termes de ses uniques écritures, signifiées le 9 avril 2002, la société Step Cornillon, appelante, soutient pour l'essentiel que Monsieur Patrigeon ne peut prétendre à l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce dès lors qu'il a pris l'initiative de la rupture, qu'il ne justifie pas de ce que son âge ou la maladie empêchait la poursuite de son activité, peu important qu'il ait été âgé de plus de 60 ans et qu'un médecin ait attesté, 6 mois après la rupture du mandat, que son état de santé contre-indiquait toute activité professionnelle à compter du 1er octobre 1996. Elle fait valoir encore que Monsieur Patrigeon ne prouve pas, en toute hypothèse, avoir subi un préjudice quelconque.

L'appelante demande donc à la cour, infirmant le jugement déféré, de débouter Monsieur Patrigeon de l'ensemble de ses demandes ou, subsidiairement de rectifier la moyenne des commissions perçues au cours des trois dernières années, servant de base au calcul de l'indemnité, en se référant à la pièce n° 2 par elle versée aux débats. Elle sollicite la condamnation de l'intimé à supporter les dépens ainsi qu'à lui payer 1 600 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Roger Patrigeon, intimé, prie la cour, par ses uniques écritures, signifiées le 3 septembre 2002, de confirmer le jugement attaqué et de condamner l'appelante à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Cela étant exposé,

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991, devenus les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant l'agent commercial n'a pas droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi si la cessation du contrat résulte de son initiative, à moins qu'elle ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée;

Considérant que Monsieur Patrigeon soutient qu'ayant atteint l'âge de 60 ans le 15 juin 1993, ainsi qu'il le faisait valoir dans sa lettre du 31 mai 1996 notifiant à sa mandante sa décision de cesser son activité au 30 septembre 1996 et ayant de surcroît une santé fragile, puisqu'il a subi en décembre 1997 une intervention chirurgicale cardiaque (triple pontage aorto-coronaire), sa situation entrait dans les prévisions de l'article L. 134-13-2° précité, ouvrant droit à l'indemnité compensatrice nonobstant la circonstance que l'agent a pris lui-même l'initiative de la rupture;

Mais considérant que, dans la lettre de rupture susvisée, Monsieur Patrigeon s'est borné à invoquer son âge, sans aucune mention d'un état de santé déficient;qu'il était alors âgé de près de 63 ans;que, contrairement à ce qu'énonce la décision critiquée, la seule circonstance que cet âge était supérieur à 60 ans, âge de départ à la retraite de droit commun pour les salariés, ne dispense pas Monsieur Patrigeon de l'obligation de démontrer qu'en l'espèce cet âge ne permettait plus d'exiger raisonnablement de lui la poursuite de son activité et justifiait par là la cessation du contrat;qu'une telle démonstration n'est pas faite, alors que, sauf circonstances particulières, dont la preuve n'est pas rapportée, un agent commercial âgé de 63 ans peut poursuivre son activité;que certes, à cet âge, un état de santé déficient ou fragile aurait pu justifier la cessation de cette activité;mais que Monsieur Patrigeon n'a pas invoqué une telle circonstance lorsqu'il a notifié la rupture;que la preuve d'un état de santé déficient ou fragile ou d'une maladie à la date de la rupture ne peut résulter des certificats médicaux produits, dès lors que le certificat établi par le docteur Noël est daté du 28 novembre 1996, soit 6 mois après la lettre de rupture et 2 mois après la cessation des relations contractuelles et se borne à énoncer que l'état de santé de Monsieur Patrigeon "a contre-indiqué toute activité professionnelle à partir du 1er octobre 1996", alors que rien ne permet d'affirmer que cette contre-indication, opportunément fixée rétroactivement au lendemain de la cessation du contrat d'agence, était prévisible au jour où la rupture a été notifiée, cependant que le certificat du Docteur Christine Mathieu-Roleau, daté du 5 juin 1998, mentionne que Monsieur Patrigeon "est atteint d'une coronaropathie compliquée en décembre 97 d'un infarctus du myocarde latéral" ayant nécessité une revascularisation au moyen d'un triple pontage, ce dont on ne peut déduire avec certitude que Monsieur Patrigeon était déjà atteint en mai 1996 de l'affection révélée par l'accident survenu un an et demi plus tard et en avait connaissance bien qu'il n'en eût pas fait état, alors que c'est du jour où l'agent prend l'initiative de rompre le mandat ou, au plus tard, à la date d'effet de cette rupture que doivent exister les circonstances d'âge ou de maladie justifiant la cessation du contrat, selon les dispositions de l'article L. 134-13-2° précitées du Code de commerce, étant précisé que, si elles n'existent qu'à la date où la cessation a pris effet, elles doivent avoir été prévisibles à la date où elle a été notifiée;

Considérant qu'il suit de là que Monsieur Patrigeon ne peut prétendre à l'indemnité compensatrice qu'il réclame; qu'il sera en conséquence débouté de ses demandes et condamné à supporter les dépens ainsi qu'à payer à l'appelante, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme de 750 euros;

Par ces motifs: Infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau; Déboute Monsieur Roger Patrigeon de l'ensemble de ses demandes; Le condamne à payer à la société Step Cornillon 750 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP Regnier-Becquet, avoué au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.