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Décisions

TPICE, 2e ch., 29 avril 2004, n° T-236/01

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tokai Carbon Co. Ltd, SGL Carbon AG, Nippon Carbon Co. Ltd, Showa Denko KK, GrafTech International Ltd, SEC Cor p., The Carbide/Graphite Group Inc.

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Forwood

Juges :

MM. Pirrung, Meij

Avocats :

Mes Van Gerven, Franchoo, Klusmann, Wiemer, Canenbley, Gilliams, Dolmans, Werdmuller, Platteau, Seimetz, Brücher, Grund, Freund

TPICE n° T-236/01

29 avril 2004

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

Faits à l'origine des litiges et procédure

1. Par la décision 2002-271-CE, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE - Affaire COMP-E-1-36.490 - Électrodes de graphite (JO 2002, L 100, p. 1, ci-après la " Décision "), la Commission a constaté la participation de diverses entreprises à une série d'accords et de pratiques concertées, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après l'" accord EEE "), dans le secteur des électrodes de graphite.

2. Les électrodes de graphite sont utilisées principalement pour la production d'acier dans les fours électriques à arc. La fabrication d'acier au moyen de ces fours consiste essentiellement en un processus de recyclage par lequel des déchets d'acier sont convertis en acier neuf, par opposition au procédé classique de production à partir du minerai de fer dans les hauts-fourneaux à l'oxygène. Neuf électrodes, rassemblées en colonnes de trois, sont utilisées dans le four électrique type pour fondre la ferraille. Étant donné l'intensité du processus de fusion, la consommation d'électrodes atteint environ une unité par tranche de huit heures. La durée de fabrication d'une électrode est d'environ deux mois. Aucun produit n'est substituable aux électrodes de graphite dans le cadre de ce processus de production.

3. La demande d'électrodes de graphite est directement liée à la production d'acier en four électrique à arc. Les principaux clients sont les sidérurgistes, qui représentent environ 85 % de la demande. En 1998, la production mondiale d'acier brut s'est élevée à 800 millions de tonnes, dont 280 millions de tonnes produites dans des fours électriques à arc. Au cours des 20 dernières années, la production par four électrique à arc a gagné en importance (35 % de la production mondiale en 1998, contre 18 % il y a 20 ans).

4. Le prix des électrodes de graphite est fixé dans la monnaie nationale par tonne. En 1998, le prix était de 5 600 marks allemands (DEM) (environ 2 863 euros) par tonne. Pour les électrodes de grande dimension, le prix est majoré de 15 à 30 %.

5. Dans les années 80, des améliorations technologiques ont permis une réduction substantielle de la consommation d'électrodes par tonne d'acier produite. L'industrie sidérurgique a également connu un important processus de restructuration pendant cette période. L'affaiblissement de la demande d'électrodes a donné lieu à un processus de restructuration de l'industrie mondiale des électrodes. Plusieurs usines ont été fermées.

6. En 2001, neuf producteurs occidentaux ont approvisionné le marché européen en électrodes de graphite: SGL Carbon AG (ci-après " SGL "), établie en Allemagne, et UCAR International Inc. (ci-après " UCAR "), établie aux États-Unis, qui ont satisfait ensemble plus de [...] (2) de la demande, les deux plus petits producteurs européens, VAW Aluminium AG (ci-après " VAW ") et Conradty, établies en Allemagne, détenant ensemble environ [...] % du marché. Le Carbide/Graphite Group Inc. (ci-après " C/G "), avec une part d'environ 7 %, a approvisionné le marché européen à partir des États-Unis. Les producteurs japonais Showa Denko KK (ci-après " SDK "), Tokai Carbon Co. Ltd. (ci-après " Tokai "), Nippon Carbon Co. Ltd. (ci-après " Nippon ") et SEC Corp. (ci-après " SEC ") ont détenu ensemble une part de 3 à 4 % du marché européen.

7. En application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), des fonctionnaires de la Commission ont, le 5 juin 1997, procédé à l'improviste à des vérifications simultanées dans les locaux de SGL, de Conradty et de VAW en Allemagne ainsi que d'UCAR en France.

8. Le même jour, des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI) ont procédé, aux États-Unis, à des perquisitions dans les locaux de plusieurs producteurs. À la suite de ces perquisitions, des poursuites pénales ont été engagées contre SGL, SDK, Tokai et UCAR pour entente délictueuse. Tous les accusés ont plaidé coupables des faits qui leur étaient reprochés et ont accepté de payer des amendes, fixées à 135 millions de dollars des États-Unis (USD) pour SGL, à 110 millions de USD pour UCAR, à 32,5 millions de USD pour SDK et à 6 millions de USD pour Tokai, alors que C/G a bénéficié d'une amnistie. Plus tard, SEC et Nippon ont également plaidé coupables et accepté de payer des amendes fixées, respectivement, à 4,8 millions et à 2,5 millions de USD.

9. En janvier 2000, la société japonaise Mitsubishi Corp., qui détenait 50 % du capital d'UCAR de 1991 à 1995, a également été inculpée d'infraction pénale aux États-Unis. En février 2001, Mitsubishi a été condamnée pour avoir favorisé et soutenu l'entente délictueuse entre producteurs d'électrodes de graphite. Elle s'est vu infliger une amende de 134 millions de USD.

10. Des actions en triples dommages et intérêts (triple damages) ont été intentées contre SGL, UCAR, C/G et SDK aux États-Unis pour le compte d'un groupe d'acheteurs.

11. Au Canada, UCAR a été condamnée, en mars 1999, à une amende de 11 millions de dollars canadiens (CAD) pour infraction pénale à la loi canadienne sur la concurrence. En juillet 2000, SGL a plaidé coupable et accepté de payer une amende de 12,5 millions de CAD pour la même infraction. Des actions civiles ont été intentées contre SGL, UCAR, C/G et SDK par des producteurs d'acier au Canada en juin 1998 pour entente délictueuse.

12. La Commission a adressé, le 24 janvier 2000, une communication des griefs aux entreprises incriminées. La procédure administrative a abouti à l'adoption, le 18 juillet 2001, de la Décision, par laquelle il est reproché aux entreprises requérantes et à VAW d'avoir procédé, à l'échelle mondiale, à une fixation des prix ainsi qu'à une répartition des marchés nationaux et régionaux du produit en cause selon le principe du " producteur domestique ": UCAR et SGL étaient responsables, la première, pour les États-Unis et pour certaines parties de l'Europe, la seconde, pour le reste de l'Europe; SDK, Tokai, Nippon et SEC étaient responsables pour le Japon et pour certaines parties de l'Extrême-Orient, tandis que C/G, active sur les marchés américain et européen, s'est essentiellement contentée de suivre les prix fixés par UCAR et SGL.

13. Toujours selon la Décision, les principes directeurs de l'entente étaient les suivants:

- les prix des électrodes de graphite devaient être fixés au niveau mondial;

- les décisions relatives aux prix de chaque société devaient être arrêtées exclusivement par le président ou les directeurs généraux;

- le " producteur domestique " devait fixer le prix du marché sur son " territoire " et les autres producteurs le " suivraient ";

- en ce qui concerne les marchés " non domestiques ", c'est-à-dire les marchés sur lesquels aucun producteur " domestique " n'était présent, les prix seraient fixés par consensus;

- les producteurs " non domestiques " ne devaient exercer aucune concurrence agressive et se retireraient des marchés " domestiques " des autres;

- la capacité ne devait pas augmenter (les producteurs japonais étaient censés réduire la leur);

- aucun transfert de technologie ne devait avoir lieu en dehors du cercle des producteurs participant au cartel.

14. La Décision poursuit en exposant que lesdits principes directeurs ont été mis en œuvre par des réunions de l'entente qui se tenaient à plusieurs niveaux: réunions " des patrons ", réunions " de travail ", réunions du groupe des producteurs européens (sans les entreprises japonaises), réunions nationales ou régionales consacrées à des marchés spécifiques et contacts bilatéraux entre les entreprises.

15. S'agissant de la durée de l'entente, l'article 1er du dispositif de la Décision fixe le début de l'infraction au mois de mai 1992 pour toutes les entreprises incriminées, à l'exception de C/G pour laquelle le mois de janvier 1993 a été retenu. Quant à la fin de l'infraction, les dates suivantes sont retenues: mars 1998 pour SGL et UCAR, février 1998 pour Tokai, Nippon et SEC, avril 1997 pour SDK, fin 1996 pour VAW et novembre 1996 pour C/G.

16. Sur la base des constatations factuelles et des appréciations juridiques effectuées dans la Décision, la Commission a imposé aux entreprises incriminées des amendes dont le montant a été calculé conformément à la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ") ainsi que de la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération ").

17. L'article 3 du dispositif de la Décision inflige les amendes suivantes:

SGL: 80,2 millions d'euros;

UCAR: 50,4 millions d'euros;

VAW: 11,6 millions d'euros;

SDK: 17,4 millions d'euros;

Tokai: 24,5 millions d'euros;

Nippon: 12,2 millions d'euros;

SEC: 12,2 millions d'euros;

C/G: 10,3 millions d'euros.

18. L'article 4 du dispositif ordonne aux entreprises concernées de verser les amendes dans les trois mois à compter de la date de notification de la Décision, sous peine de devoir payer des intérêts de 8,04 %.

19. La Décision a été notifiée aux différentes parties requérantes entre le 24 et le 30 juillet 2001.

20. Elle a été transmise par une lettre de couverture, datée du 23 juillet 2001, indiquant le montant de l'amende infligée et les conditions de paiement (ci-après la " lettre de juillet "). La lettre a précisé que, à l'expiration du délai de paiement indiqué dans la Décision, la Commission procéderait au recouvrement du montant en question; toutefois, dans l'hypothèse où un recours serait formé devant le Tribunal, aucune mesure d'exécution ne serait entreprise, à condition que des intérêts au taux de 6,04 % soient payés et qu'une garantie bancaire soit constituée.

21. La lettre de juillet a été notifiée à SGL le 24 juillet et à UCAR le 26 juillet 2001. En réponse à des observations formulées par UCAR au sujet des conditions de paiement, la Commission lui a répondu par une lettre du 9 août 2001 (ci-après la " lettre d'août "), refusant d'accepter, d'une part, une proposition de paiement qui ne porte pas sur l'intégralité de l'amende et ne tienne pas compte des intérêts dus et, d'autre part, un gage sur des biens sociaux d'UCAR visant à garantir le paiement de l'amende. La lettre d'août a été notifiée à UCAR le 10 août 2001.

22. C'est dans ces circonstances que, par requêtes séparées déposées au greffe du Tribunal entre le 1er et le 9 octobre 2001, les entreprises destinataires de la Décision, à l'exception de VAW, ont introduit les présents recours.

23. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et de poser certaines questions aux parties. Les parties y ont répondu dans le délai imparti. Ensuite, les parties ayant été entendues sur ce point, le président de la deuxième chambre a, par ordonnance du 5 juin 2003, joint les sept affaires aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal. Il a, en outre, accordé un traitement confidentiel concernant certains documents des dossiers. Lors de l'audience du 3 juillet 2003, les parties, à l'exception de C/G qui n'a pas participé à l'audience, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal.

24. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 2003, GrafTech International Ltd (anciennement UCAR) a introduit une demande visant au sursis à l'exécution de la Décision et à l'octroi de mesures provisoires relatives aux modalités de paiement de son amende prévues dans les lettres de juillet et d'août (affaire T-246-01 R). À la suite du désistement de GrafTech de sa demande en référé, le président du Tribunal a, par ordonnance du 24 mars 2004, décidé la radiation de l'affaire T-246-01 R du registre du Tribunal et condamné GrafTech à supporter les dépens afférents à cette affaire.

Conclusions des parties

25. Tokai (T-236-01) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler l'article 3 (et, si nécessaire, l'article 4) de la Décision, dans la mesure où il lui inflige une amende de 24,5 millions d'euros, ou, à titre subsidiaire, réduire substantiellement le montant de l'amende;

- condamner la Commission aux dépens.

26. SGL (T-239-01) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la Décision, dans la mesure où elle la concerne;

- à titre subsidiaire, réduire, de manière appropriée, le montant de l'amende infligée;

- condamner la Commission aux dépens.

27. Nippon (T-244-01) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler l'article 1er de la Décision, dans la mesure où il constate qu'elle a participé à une infraction aux articles 81 CE et 53, paragraphe 1, de l'accord EEE durant la période comprise entre mai 1992 et mars 1993;

- annuler l'article 3 de la Décision, dans la mesure où il lui inflige une amende de 12,2 millions d'euros;

- à titre subsidiaire, réduire substantiellement le montant de l'amende;

- condamner la Commission aux dépens.

28. SDK (T-245-01) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler l'article 3, sous d), de la Décision;

- à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende à 2,95 millions d'euros ou à tout autre montant que le Tribunal jugera raisonnable;

- inviter la Commission, en application de l'article 65, sous b), du règlement de procédure, à produire tous les documents montrant le calcul de l'amende infligée;

- condamner la Commission aux dépens.

29. UCAR (T-246-01) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- ordonner les mesures d'instruction qui apparaîtront nécessaires;

- annuler l'article 3 de la Décision, dans la mesure où il lui inflige une amende, ou, subsidiairement, réduire son montant;

- annuler l'article 4 de la Décision, dans la mesure où il la concerne, ou, subsidiairement, modifier les conditions de paiement applicables à l'amende due conformément aux stipulations figurant à l'annexe 50 de la requête;

- annuler la lettre de juillet ou, subsidiairement, modifier les conditions y mentionnées conformément aux stipulations figurant à l'annexe 50 de la requête;

- annuler la lettre d'août, subsidiairement, modifier les conditions y mentionnées conformément aux stipulations figurant à l'annexe 50 de la requête;

- ordonner toute autre mesure pouvant s'avérer équitable;

- condamner la Commission aux dépens.

30. SEC (T-251-01) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler l'article 3 de la Décision, dans la mesure où il lui inflige une amende de 12,2 millions d'euros;

- à titre subsidiaire, réduire substantiellement le montant de l'amende;

- condamner la Commission aux dépens.

31. C/G (T-252-01) conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la Décision, dans la mesure où elle lui inflige une amende;

- à titre subsidiaire, réduire le montant de son amende;

- condamner la Commission aux dépens.

32. Dans les affaires T-236-01, T-239-01, T-245-01, T-251-01 et T-252-01, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- condamner la partie requérante aux dépens.

33. Dans les affaires T-244-01 et T-246-01, elle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- majorer l'amende;

- condamner la partie requérante aux dépens.

En droit

34. Dans la plupart des affaires, les requérantes ne visent, en substance, qu'à obtenir une suppression ou une réduction du montant des amendes infligées en dénonçant la méconnaissance, par la Commission, des amendes déjà infligées dans d'autres pays et une application erronée de ses lignes directrices et de sa communication sur la coopération, sans contester la matérialité des faits constatés dans la Décision. Cependant, certains recours tendent, en outre, à l'annulation de la Décision tout entière et sont fondés sur des moyens tirés de l'illégalité de la Décision dans son ensemble et/ou sur des moyens tirés d'erreurs commises par la Commission dans la constatation des faits infractionnels. Enfin, dans deux affaires, les modalités de paiement des amendes imposées sont contestées.

35. Il convient ainsi d'examiner, tout d'abord, les conclusions ayant pour objet l'annulation de la Décision tout entière ou de certaines constatations de fait figurant dans cette dernière. Ensuite, seront examinées les conclusions visant à l'annulation de l'article 3 de la Décision ou à la réduction des amendes fixées en application des lignes directrices et de la communication sur la coopération. Enfin, seront examinés les griefs relatifs aux modalités de paiement des amendes.

A - Sur les conclusions en annulation de la Décision tout entière ou de certaines constatations factuelles

1. Sur les conclusions en annulation de la Décision tout entière

a) Affaire T-239-01

36. SGL est l'unique requérante qui demande formellement, à titre principal, l'annulation de la Décision tout entière, dans la mesure où elle la concerne. Les moyens soulevés à l'appui de ces conclusions sont tirés de plusieurs vices de procédure.

Sur le prétendu refus d'un accès complet au dossier

37. SGL reproche à la Commission de lui avoir refusé l'accès à ses documents internes et de ne lui avoir fourni aucune liste et aucun résumé non confidentiel desdits documents ni de ses documents contenant des secrets d'affaires ou des éléments confidentiels. En raison de cette violation de ses droits de la défense, il ne lui aurait pas été possible d'avoir une vue d'ensemble des contacts qui ont eu lieu entre la Commission et les autres entreprises concernées dans le contexte de leur coopération. Par conséquent, la Décision devrait être annulée.

38. À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue, afin de permettre aux entreprises concernées de se défendre utilement contre les griefs formulés à leur encontre dans la communication des griefs, de leur rendre accessible l'intégralité du dossier d'instruction, à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises ou d'autres informations confidentielles et des documents internes de la Commission (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23-99, Rec. p. II-1705, point 170, et la jurisprudence citée).

39. Dans la mesure où SGL fait valoir, devant le Tribunal, que la Commission aurait dû lui communiquer au moins une liste ou un résumé non confidentiel de ses documents contenant des éléments secrets ou confidentiels, il convient de constater que, lors de la procédure administrative, la requérante n'a pas formulé de demande en ce sens. En effet, sa lettre du 9 mars 2000 et sa réponse du 4 avril 2000 à la communication des griefs se réfèrent uniquement aux documents internes de la Commission; dans sa lettre du 9 mars, SGL a même reconnu que la Commission lui avait fourni une liste des documents consultables. Dans ces circonstances, la Commission n'était pas obligée de rendre accessibles, de sa propre initiative, les listes et résumés en question (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, ci-après l'" arrêt Ciment ", point 383).

40. S'agissant de la demande d'accès aux documents internes, que la Commission n'est pas obligée de rendre accessibles (arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, point 170), il convient de rappeler que cette restriction d'accès est justifiée par la nécessité d'assurer le bon fonctionnement de la Commission dans le domaine de la répression des infractions aux règles de concurrence du traité; les documents internes ne sauraient être rendus accessibles que si les circonstances exceptionnelles de l'espèce l'exigent, sur la base d'indices sérieux qu'il appartient à la partie intéressée de fournir, et ce tant devant le juge communautaire que dans le cadre de la procédure administrative conduite par la Commission (voir arrêt Ciment, point 39 supra, point 420, et la jurisprudence citée). Or, en faisant valoir, de manière générale, qu'il pourrait résulter des documents internes de la Commission qu'elle a été défavorisée par rapport à d'autres entreprises lors de l'appréciation de sa coopération, SGL n'a pas fourni d'indices sérieux indiquant des circonstances qui exigeaient son accès aux documents en cause.

41. Par ailleurs, la Commission a souligné, sans être contredite par SGL sur ce point, que les documents relatifs à la coopération des entreprises ne faisaient pas partie de son dossier interne, mais figuraient dans le dossier d'instruction auquel les entreprises avaient accès. Enfin, ainsi qu'il ressort de plusieurs griefs dirigés contre le calcul de son amende (voir points 384 et suivants ci-après), SGL a effectivement procédé à une comparaison de sa propre coopération avec celle des autres membres de l'entente, ce qui confirme la thèse de la Commission.

42. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir divulgué ses documents internes à SGL et de s'être abstenue de lui transmettre une liste ou des résumés non confidentiels desdits documents.

43. Par conséquent, le moyen doit être rejeté.

Sur le caractère prétendument non définitif de la communication des griefs

44. SGL fait valoir que la communication des griefs du 24 janvier 2000 n'était pas définitive. En effet, bien que la Commission ait constaté, par lettre du 4 mai 2000, que les réponses de certaines entreprises à cette communication comportaient des imprécisions et des contradictions, elle aurait omis de la remplacer avant l'adoption de la Décision. SGL n'aurait donc pas été en mesure d'exercer son droit d'être entendue sur le résultat définitif de l'enquête.

45. À cet égard, le Tribunal rappelle qu'aucune disposition n'interdit à la Commission de communiquer aux parties concernées, après l'envoi de la communication des griefs, de nouvelles pièces dont elle estime qu'elles soutiennent sa thèse, sous réserve de donner aux entreprises le temps nécessaire pour présenter leur point de vue à ce sujet (voir arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, point 190, et la jurisprudence citée).

46. En l'espèce, la Commission admet que certaines réponses à la communication des griefs contenaient des contradictions et des incriminations visant d'autres entreprises. Pour cette raison, elle aurait donné accès à une version non confidentielle de ces réponses et aurait permis aux entreprises de présenter leurs observations à ce propos durant l'audition du 25 mai 2000. Elle n'en aurait cependant pas tiré la moindre conclusion à charge.

47. Selon une jurisprudence constante, la communication des griefs doit permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, cette exigence étant respectée lorsque la décision finale ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, ci-après l'" arrêt FETTCSA ", point 109). Or, en l'espèce, rien n'empêchait SGL de comparer la communication des griefs avec le texte de la Décision pour vérifier si la Commission s'était fondée sur des griefs nouveaux, qui ne figuraient pas dans la communication des griefs et sur lesquels SGL n'a pas pu se prononcer avant l'adoption de la Décision. Cependant, SGL n'invoque pas une telle divergence entre la communication des griefs et la Décision.

48. En tout état de cause, il suffit que la Commission permette aux entreprises de se prononcer spécifiquement sur les observations émises au regard de la communication des griefs. En l'espèce, SGL ne reproche pas à la Commission d'avoir porté atteinte à son droit d'être entendue sur ce point précis. Elle ne se plaint que du caractère purement oral des observations admises par la Commission, sans toutefois démontrer que seules des observations écrites lui auraient permis de défendre utilement son point de vue.

49. Par conséquent, ce moyen doit être écarté.

Sur le rapport prétendument illégal du conseiller-auditeur

50. Le Tribunal constate que, le 28 mai 2001, le conseiller-auditeur a présenté, en application de l'article 15 de la décision 2001-462-CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), un rapport final qui se lit comme suit:

" Le projet de décision ne donne pas lieu à des observations particulières relatives au droit d'être entendu. Les entreprises concernées n'ont soulevé aucun problème de procédure. Le projet de décision ne comporte aucun grief auquel les entreprises concernées n'ont pas pu préalablement prendre position. "

51. Dans ce contexte, SGL soutient que le conseiller-auditeur a erronément constaté qu'elle n'avait soulevé aucun problème de procédure. La Décision reconnaîtrait elle-même que SGL s'était plainte d'un accès incomplet au dossier. En violation de l'article 8 de la décision 2001-462, le conseiller-auditeur ne se serait pas prononcé sur la demande d'accès au dossier formulée par SGL dans sa réponse à la communication des griefs. Son rapport final aurait donc contenu des erreurs qui ont pu influencer, au détriment de SGL, le résultat des délibérations du collège des membres de la Commission. Le conseiller-auditeur ne se serait pas non plus saisi de la problématique des réponses de certaines entreprises à la communication des griefs, qui contenaient des contradictions et incriminations au regard desquelles SGL n'aurait pu que se prononcer oralement lors de l'audition. Bien que SGL ait dénoncé cette manière de procéder, le rapport du conseiller-auditeur n'évoquerait pas ce vice de procédure.

52. Le Tribunal rappelle que, selon les considérants 2, 3 et 8 de la décision 2001-462, la Commission est appelée à veiller à ce que le droit des personnes concernées par une procédure de concurrence d'être entendues tout au long de cette procédure soit garanti; elle doit confier la conduite des procédures administratives en la matière à une personne indépendante, qui possède l'intégrité nécessaire pour contribuer à l'objectivité, à la transparence et à l'efficacité de ces procédures. En vertu des articles 15 et 16, paragraphe 1, de ladite décision, le conseiller-auditeur élabore un rapport final sur le respect du droit d'être entendu, qui examine aussi si le projet de décision ne retient que les griefs au sujet desquels les parties ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue et qui est joint au projet de décision soumis à la Commission, de manière que celle-ci, lorsqu'elle prend une décision, soit pleinement informée de " tous les éléments pertinents " en ce qui concerne le déroulement de la procédure et le respect du droit d'être entendu.

53. Ainsi qu'il ressort des dispositions susmentionnées, le conseiller-auditeur n'a pas la tâche de rassembler tous les griefs d'ordre procédural qui ont été avancés par les intéressés au cours de la procédure administrative. Il n'est tenu de communiquer au collège des membres de la Commission que les griefs pertinents pour l'appréciation de la légalité du déroulement de la procédure administrative. Or, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, les deux moyens soulevés par SGL au regard de son accès aux documents internes de la Commission et de la problématique des réponses à la communication des griefs ne sont pas fondés. Dès lors, en sa qualité de conseiller objectif et indépendant, le conseiller-auditeur n'était pas obligé de communiquer au collège des membres de la Commission ces deux griefs dénués de pertinence.

54. Par conséquent, ce moyen ne saurait non plus être retenu.

55. Il s'ensuit qu'aucun des moyens par lesquels SGL soutient que la Décision est entachée de vices de forme ne saurait être accueilli.

b) Affaire T-246-01

56. Sans présenter de conclusions formelles visant à l'annulation de la Décision tout entière, UCAR a fait valoir, dans sa requête, que la Décision devait être " annulée dans sa totalité ou en partie ". En effet, en n'examinant pas le rôle joué par Mitsubishi et Union Carbide, ses sociétés parentes entre 1992 et 1995, dans la création de l'entente et pendant la période initiale de son fonctionnement, la Commission aurait violé son obligation d'effectuer une enquête impartiale et aurait porté atteinte à ses droits de la défense. Dans sa réplique, UCAR a, cependant, précisé qu'elle visait à obtenir non pas l'annulation de la Décision tout entière pour violation d'une forme substantielle, mais la suppression ou la réduction du montant de l'amende qui lui a été infligée par l'article 3 de la Décision. Selon UCAR, le passage susmentionné de sa requête a uniquement été présenté dans ce dernier contexte.

57. Le Tribunal en conclut que le recours formé par UCAR ne tend pas à l'annulation de la Décision tout entière. Le grief pris de la méconnaissance, par la Commission, du rôle joué par Mitsubishi et Union Carbide dans la participation d'UCAR à l'entente incriminée sera donc examiné dans le cadre des moyens dirigés par UCAR contre le calcul de son amende.

2. Sur les conclusions en annulation partielle de l'article 1er de la Décision et de certaines constatations factuelles figurant dans celle-ci

a) Sur le moyen tiré, dans l'affaire T-239-01, d'une constatation erronée relative à la mise en œuvre d'un système central de surveillance

58. Dans le cadre du groupe des moyens pris du calcul erroné de son amende, SGL reproche à la Commission de l'avoir discriminée par rapport à SDK en ayant réduit l'amende infligée à cette entreprise au motif qu'elle avait révélé l'existence et le fonctionnement d'un système central de surveillance (Central Monitoring System, ci-après le " CMS ") mis en œuvre dans le cadre de l'entente. SGL fait valoir que ce système n'a jamais été pratiqué. Elle en aurait informé la Commission dans sa réponse à la communication des griefs.

59. À cet égard, le Tribunal constate que SGL fait état, dans sa requête, de ce qu'elle s'est expressément abstenue, dans sa réponse à la communication des griefs, de contester les faits tels qu'ils étaient présentés par la Commission. Dans cette réponse, SGL avait, néanmoins, corrigé certaines constatations factuelles; s'agissant du CMS, elle avait relevé que " le système central de surveillance n'a [...] jamais été réalisé ".

60. Le Tribunal rappelle que, dans la Décision, la Commission a, malgré la réponse de SGL sur ce point, considéré que l'infraction retenue consistait, notamment, en l'établissement d'un mécanisme de contrôle et de mise en application des accords de cartel (considérant 2). Elle a décrit les détails du CMS (considérants 72, 73, 91 et 92), en relevant que la thèse défendue par SGL était contredite par les preuves documentaires et par les déclarations d'autres producteurs tels que Tokai et UCAR. Le mémoire en défense de la Commission se réfère à ces passages de la Décision, alors que la réplique de SGL se borne à maintenir que le CMS n'avait pas été mis en œuvre.

61. Dans les circonstances du cas d'espèce, le fait pour SGL de se limiter à répéter, en des termes généraux, une simple affirmation non étayée relative à la non-réalisation du CMS ne suffit pas pour affaiblir valablement les constatations factuelles en sens contraire figurant dans la Décision.

62. Le moyen dirigé contre les constatations factuelles relatives à l'application du CMS doit donc être rejeté.

b) Sur le moyen tiré, dans l'affaire T-236-01, d'une constatation erronée du caractère mondial de l'entente

63. Dans le cadre du moyen tiré de ce que la Commission s'est fondée à tort sur son chiffre d'affaires mondial, Tokai soutient que le marché géographique des électrodes de graphite n'a pas de caractère mondial. En tout état de cause, la Commission n'aurait pas convenablement analysé le marché géographique concerné. En effet, dans sa décision du 4 janvier 1991 (Mitsubishi/UCAR, IVM024), adoptée en application du règlement relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la Commission aurait conclu que le marché des électrodes de graphite était un marché de dimension communautaire.

64. À cet égard, le Tribunal rappelle la déclaration expresse faite par Tokai elle-même dans sa requête selon laquelle son recours ne vise pas à contester la matérialité des faits mentionnés dans la Décision. Or, les constatations factuelles selon lesquelles l'entente a cartellisé le marché mondial des électrodes de graphite figurent tant dans la Décision (voir, par exemple, considérants 14 à 18, 46, 47, 49, 51, 71, 72 et 73) que dans la communication des griefs (points 33, 34, 35, 37, 39, 59, 60 et 61). Il en ressort que l'essence même de l'entente consistait, d'après les constatations de la Commission, à structurer le secteur des électrodes de graphite dans le monde selon un système de trois " piliers ": SGL représentant l'Europe, UCAR représentant les États-Unis et SDK, Tokai, Nippon et SEC représentant le Japon (considérant 47 de la Décision). En outre, parmi les principes directeurs de l'entente identifiés par la Commission figurait celui du " producteur domestique " qui devait fixer les prix sur son territoire, tandis que les autres producteurs le suivraient (voir points 12 et 13 ci-dessus), étant précisé que les producteurs " non domestiques " devaient se retirer des marchés " domestiques " des autres (considérant 50 de la Décision). Enfin, la Commission a exposé l'exemple de la société américaine C/G qui, sans disposer d'aucun site de production en dehors des États-Unis, a réussi à obtenir une part de marché d'environ 7 % en Europe et à écouler près d'un tiers de sa production dans l'EEE (considérants 16, 30 et 85 de la Décision), ce que la Commission a considéré comme révélateur de l'existence d'un marché à l'échelle mondiale et comme démontrant que même un producteur " non domestique " était capable de perturber le fonctionnement de l'entente.

65. Or, le présent moyen est manifestement incompatible avec la reconnaissance, par Tokai, des précisions factuelles qui viennent d'être exposées et que Tokai n'a valablement contestées ni lors de la procédure administrative ni devant le Tribunal. Replacé dans le contexte des autres moyens tirés d'un calcul erroné des amendes, le moyen vise plutôt l'appréciation, par la Commission, de l'incidence réelle du comportement de Tokai sur la concurrence dans l'EEE. En effet, Tokai souligne, dans le cadre de ces moyens, tout particulièrement son comportement passif et son absence d'intérêt économique à vendre le produit en cause sur le marché européen. La portée réelle du moyen consiste donc à reprocher à la Commission d'avoir méconnu, dans le cadre de la fixation du montant de l'amende infligée à Tokai, le rôle purement passif de cette dernière.

66. Cette conclusion n'est pas contredite par la référence de Tokai à la décision du 4 janvier 1991 (Mitsubishi/UCAR, IVM024) dans laquelle la Commission a considéré, en matière de concentration entre entreprises, que le marché des électrodes de graphite avait une dimension communautaire. À cet égard, il suffit de relever que cette décision a été adoptée dans un contexte différent de celui du cas d'espèce et qu'elle date d'une époque antérieure tant à l'enquête de la Commission dans la présente affaire qu'à la période infractionnelle retenue dans la Décision. Or, c'est précisément la détection, à partir de 1997, du cartel auquel Tokai a participé qui a permis à la Commission de constater que les membres du cartel avaient réparti le marché des électrodes de graphite à l'échelle mondiale. La référence à la décision de 1991 est donc inopérante.

67. Par conséquent, le moyen doit être rejeté en ce qu'il conteste les constatations factuelles relatives au caractère mondial du marché des électrodes de graphite.

c) Sur le moyen tiré, dans l'affaire T-239-01, d'une méconnaissance de la durée de l'infraction

68. Dans le cadre du groupe des moyens pris du calcul erroné de son amende, SGL reproche à la Commission, en premier lieu, d'avoir retenu, sans aucune preuve, une durée trop longue de sa participation à l'infraction: la Commission aurait constaté, à tort, que SGL avait poursuivi l'infraction après les vérifications effectuées en juin 1997, et ce jusqu'en février/mars 1998. Par conséquent, la détermination de son amende serait erronée dans la mesure où elle contient une majoration pour cette période. En outre, ce serait à tort que la Commission a considéré la prétendue poursuite de l'infraction après les vérifications comme une circonstance aggravante au détriment de SGL. Dans ce contexte, SGL prétend que les réunions qui ont eu lieu au sein de l'entente lors de la période litigieuse portaient non pas sur le marché européen, mais uniquement sur les marchés asiatiques, dont elle avait déjà informé la Commission lors de la procédure administrative. Les preuves invoquées par la Commission à l'appui de sa thèse ne seraient pas fiables.

69. SGL dénonce, en second lieu, la constatation erronée au considérant 57 de la Décision, selon laquelle le groupe européen de l'entente s'est encore réuni à partir de " 1999 ". Elle estime qu'il ne saurait être exclu que cette erreur ait eu des répercussions négatives pour la fixation du montant de son amende. Par ailleurs, au considérant 124 de la Décision, la Commission affirmerait qu'il existe des indices permettant de conclure que l'infraction n'a toujours pas pris fin en 2001. SGL demande au Tribunal de vérifier, par une mesure d'organisation de la procédure, si le chiffre erroné de 1999 a été transmis au collège des membres de la Commission en vue de l'adoption de la Décision.

70. S'agissant de la première branche du moyen soulevé par SGL, il convient de rappeler la chronologie et la teneur précise des observations formulées par SGL en réponse aux constatations de la Commission.

71. Premièrement, c'est en réponse à une demande de renseignements de la Commission que SGL a, par mémorandum du 8 juin 1999, déclaré que les plus importants producteurs d'électrodes de graphite, parmi lesquels SGL et UCAR, ont coordonné leurs comportements en matière de concurrence dans les années 1992 " à 1998 ". Ensuite, elle a énuméré les réunions qui ont eu lieu au sein de l'entente. Concernant les réunions postérieures au mois de juin 1997, elle a mentionné, chaque fois dans une seule phrase, une réunion de juillet 1997 en Malaisie, une réunion de novembre 1997 à Hong Kong et une réunion de février 1998 à Bangkok, en relevant que ces réunions ont eu pour objet des thèmes spécifiquement asiatiques.

72. Deuxièmement, la communication des griefs du 24 janvier 2000 a retenu que l'infraction reprochée à SGL avait duré jusqu'au mois de mars 1998, en précisant, d'une part, que les réunions de Hong Kong et de Bangkok avaient porté sur l'actualisation des tableaux du CMS sur les volumes de vente pour toutes les régions et tous les marchés et, d'autre part, que SGL et UCAR avaient informé les membres japonais de l'entente sur les prix nouvellement pratiqués en Europe (points 78 et 79). Selon la communication des griefs, des contacts bilatéraux entre SGL et UCAR ont, en outre, eu lieu au moins jusqu'en mars 1998 (point 80). La plupart de ces constatations ont été basées sur une déclaration de l'ancien directeur des ventes pour l'Europe d'UCAR, M. [...]. Enfin, la communication des griefs comporte une liste volumineuse de documents annexés, utilisés comme preuves, dont la déclaration de M. [...].

73. Troisièmement, la réponse de SGL du 4 avril 2000 à la communication des griefs, après avoir confirmé que les faits à l'origine de la communication des griefs n'étaient en principe (" grundsätzlich ") pas contestés, s'est limitée à renvoyer au mémorandum du 8 juin 1999, tout en restant muette sur les nouvelles constatations et preuves documentaires relatives à la période d'infraction litigieuse telles qu'elles figuraient dans la communication des griefs. En particulier, elle n'a pas contesté la déclaration de M. [...], bien que SGL ait eu accès à cette déclaration.

74. Devant le Tribunal, SGL n'a rien ajouté de substantiel à son argumentation précontentieuse. Elle s'est bornée à soutenir que la valeur de la déclaration de M. [...] devait être nettement relativisée eu égard aux circonstances qui ont présidé à son élaboration. Cette remarque vise le fait, rapporté par la Commission, qu'UCAR, après avoir licencié M. [...], a subordonné toute solution amiable du différend de licenciement intenté par ce dernier à la condition qu'il acceptait de coopérer avec la Commission dans le cadre de son enquête.

75. Toutefois, le texte de la déclaration complémentaire (supplemental statement) de M. [...], sur lequel la Commission s'est basée en particulier, ne contient rien qui puisse justifier les soupçons avancés par SGL: les faits qu'il mentionne sont concrets et ne comportent pas de contradictions; M. [...] fait état des noms de plusieurs représentants d'autres membres de l'entente, dont M. [...] de SGL et M. [...] d'UCAR, de sorte que la véracité de ses déclarations aurait pu être vérifiée par l'audition de ces personnes en tant que témoins. Pourtant, SGL n'a pas demandé leur citation; elle ne s'est pas non plus adressée à la Commission, lors de la procédure administrative, pour lui communiquer des contre-déclarations, par exemple, de la part de son ancien directeur des ventes, M. [...]. Enfin, il ressort de la déclaration de M. [...], qui a, elle aussi, été transmise à la Commission sur demande d'UCAR, que ses déclarations n'avaient nullement pour objet d'innocenter UCAR au détriment d'autres membres de l'entente, dans le but d'obtenir une solution favorable de son différend avec UCAR. En effet, M. [...] indique que ses actions infractionnelles étaient connues de ses supérieurs dans l'entreprise et ont été approuvées par ces derniers.

76. Il s'ensuit que SGL n'est pas parvenue à établir, à suffisance de droit, que les constatations factuelles de la Commission concernant sa participation à l'infraction durant la période allant de juin 1997 à mars 1998 (considérants 91 à 93 de la Décision) sont erronées. Dès lors, la première branche du moyen doit être rejetée.

77. En ce qui concerne la seconde branche, dirigée contre le considérant 57 de la Décision, la Commission a admis que la phrase figurant dans la version allemande notifiée de la Décision, selon laquelle des réunions du groupe européen à l'intérieur de l'entente ont eu lieu " à partir de 1999 ", constitue une erreur typographique. Or, le caractère évident de cette erreur résulte, d'une part, d'une comparaison avec la version anglaise de la Décision, autre texte faisant foi (outre le texte allemand), qui mentionne, correctement, " 1992 ". D'autre part, la version allemande du considérant 57 (avec la date erronée de 1999) est en elle-même incompréhensible: en effet, selon UCAR, les réunions en cause ont cessé " au bout d'un an environ " (c'est-à-dire en 2000, si l'on se place dans la logique du texte erroné), les producteurs européens ayant estimé, toujours selon UCAR, qu'il n'était plus nécessaire de se réunir au cours de l'année " 1993 ". Cette phrase n'a manifestement de sens que si l'année de référence est 1992.

78. Enfin et surtout, l'article 1er ainsi que les considérants 3, 114 et 155 de la Décision désignent clairement le mois de mars 1998 comme la fin de l'infraction commise par SGL. Ce constat n'est pas contredit par le considérant 124 de la Décision, selon lequel l'infraction n'a éventuellement pas même cessé en 2001. En effet, ce passage, loin de modifier les constatations factuelles relatives à la durée de l'infraction, ne sert qu'à justifier l'article 2 du dispositif de la Décision, qui ordonne - par précaution - aux entreprises concernées de mettre immédiatement fin aux infractions visées, si elles ne l'ont pas déjà fait.

79. En raison de son caractère manifeste, l'erreur de frappe ne pouvait pas porter atteinte aux intérêts de SGL quant à la fixation de son amende: le chapitre " Durée de l'infraction ", figurant dans la partie de la Décision consacrée à la fixation des amendes, indique les mois de " février/mars 1998 " comme fin de l'infraction commise par SGL, UCAR, Tokai, Nippon et SEC (considérant 155).

80. Par conséquent, une telle erreur ne saurait justifier l'annulation des constatations factuelles relatives à la durée de l'infraction commise par SGL. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu d'arrêter la mesure d'organisation de la procédure proposée par SGL.

81. Le moyen soulevé par SGL doit donc être écarté en ses deux branches.

d) Sur les moyens tirés, dans l'affaire T-244-01, d'une violation des formes substantielles, en raison de l'absence de preuves suffisantes sur la participation de Nippon à l'infraction pendant la période allant de mai 1992 à mars 1993, et d'un défaut de motivation sur ce point

Arguments des parties

82. À l'appui de ses conclusions en annulation partielle de l'article 1er de la Décision, Nippon soutient que la charge de la preuve incombe à la Commission lorsqu'elle arrête une décision accusant une entreprise d'enfreindre des dispositions du droit communautaire. En l'espèce, la constatation dans la Décision, selon laquelle Nippon a participé à l'infraction entre mai 1992 et mars 1993, ne serait pas étayée par des preuves suffisantes et concluantes. En effet, dans la mesure où la Commission soutient que Nippon avait participé aux réunions tenues pendant cette période, son affirmation ne serait pas prouvée. L'accusation de la Commission serait entièrement basée sur des déclarations faites par certains des concurrents de Nippon (SDK, UCAR et SGL) dans le seul but de bénéficier d'une application de la communication sur la coopération. Dans ces circonstances, la Commission n'aurait pas le droit d'accorder une quelconque valeur probante à ces déclarations dont la fiabilité est limitée.

83. Quant à la première réunion " des patrons " tenue à Londres le 21 mai 1992, Nippon soutient que la constatation dans la Décision, selon laquelle Tokai représentait les intérêts de la requérante, n'est étayée par aucune preuve. Or, dans l'arrêt Ciment (point 39 supra, points 2773 à 2782), le Tribunal aurait jugé que, faute d'avoir démontré qu'une partie avait donné des instructions afin d'être représentée à une réunion, la Commission n'était pas fondée à déduire que cette partie était effectivement présente, ou représentée, et qu'elle avait souscrit l'accord conclu lors de cette réunion. Selon la requérante, un tel raisonnement s'impose aussi dans le cas d'espèce. En particulier, la Commission ne fournirait pas de preuve démontrant que la requérante a effectivement donné instruction à Tokai de la représenter lors de cette réunion.

84. Dans la mesure où la Commission invoque une déclaration de SDK concernant une réunion qui a apparemment eu lieu dans le cadre de contacts préliminaires avant la réunion du 21 mai 1992, Nippon ne peut comprendre comment la référence à une réunion qui a eu lieu avant la création de l'entente pourrait éventuellement prouver son affirmation. Quant à la déclaration faite par SGL, elle serait rédigée en termes généraux, sans la moindre nuance, et constituerait une admission généralisée par SGL de sa propre participation à l'infraction alléguée de 1992 à 1998. Cette déclaration ne pourrait pas être interprétée comme visant la participation de Nippon aux différentes réunions qui ont eu lieu au cours de la période litigieuse. Elle ne mentionnerait pas non plus que les intérêts de la requérante étaient représentés par Tokai.

85. Nippon ajoute que les déclarations imprécises faites par UCAR, selon lesquelles ont assisté à ladite réunion " certains concurrents japonais " et " plusieurs concurrents japonais ", ne peuvent servir de fondement à l'affirmation de la Commission, selon laquelle c'était précisément Nippon qui a été représentée par une entreprise spécifique ayant assisté à cette réunion.

86. En ce qui concerne les réunions " de travail " des 25 mai et 19 septembre 1992, Nippon affirme que les constatations de la Commission relatives à sa présence lors de ces réunions sont entièrement fondées sur des déclarations imprécises et incohérentes, faites par des concurrents de la requérante. Dans la Décision, la Commission ne fournirait aucune preuve factuelle ou documentaire à cet égard.

87. S'agissant plus particulièrement de la réunion tenue à Zurich le 25 mai 1992, la prétendue présence de Nippon serait fondée sur une déclaration unique de SDK qui soutient que des " représentants de Nippon " ont assisté à la réunion, sans indiquer qui l'a, en fait, représentée à cette occasion. En revanche, dans ses déclarations relatives à d'autres sociétés, SDK fournirait cette information en détail. Quant à la déclaration d'UCAR, elle ne mentionnerait pas du tout la réunion de Zurich. Celle de SGL ne mentionnerait pas la présence de Nippon à cette réunion.

88. S'agissant de la réunion tenue à Lugano le 19 septembre 1992, la prétendue présence de Nippon serait, à nouveau, entièrement fondée sur une seule déclaration, formulée par SGL. Cette déclaration serait en contradiction avec celles de SDK et d'UCAR, qui ne mentionnent pas la réunion de Lugano.

89. Dans la mesure où la Décision prétend que des notes de frais de voyages, fournies par Nippon, établissent sa présence aux réunions en cause (considérant 48), cette dernière rappelle avoir remis à la Commission ces notes à la suite d'une demande formelle de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17. Cependant, la Commission ne disposerait pas du pouvoir de recueillir des renseignements en dehors du territoire de la Communauté. Dès lors, ces renseignements auraient été recueillis illégalement et ne sauraient servir de fondement en vue d'établir la participation de Nippon à la prétendue infraction. En tout état de cause, la demande adressée à Nippon en l'espèce ne répondrait pas aux exigences prescrites par le règlement n° 17, du fait que la Commission n'a pas mentionné les sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous b), comme l'exige l'article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17. Enfin, les notes de frais de voyages en cause ne démontreraient pas la participation de Nippon aux réunions tenues entre mai 1992 et mars 1993.

90. Nippon affirme n'avoir jamais admis, dans sa correspondance avec la Commission, sa présence à l'une ou l'autre des réunions organisées au cours de la période allant de mai 1992 à mars 1993. À cet égard, elle souligne que ses lettres des 30 mars et 17 mai 2000, rédigées en réponse à la communication des griefs, doivent être lues dans le contexte de sa lettre du 18 décembre 1998.

91. Par cette dernière lettre, Nippon aurait répondu à une demande formulée par la Commission afin de savoir si elle avait participé aux réunions organisées par l'entente. La réponse aurait été claire et détaillée au regard de chacune des périodes indiquées par la Commission. Or, Nippon n'aurait pas mentionné la moindre réunion au cours de la période allant de mai 1992 à mars 1993, bien que la Commission ait expressément enquêté sur cette période.

92. Nippon admet avoir reconnu, dans sa lettre du 30 mars 2000, que ses administrateurs ou cadres avaient participé " plusieurs fois " à des réunions internationales entre concurrents et avoir déclaré qu'elle n'allait pas discuter sa participation aux réunions. Cependant, cette déclaration à caractère général ne saurait être interprétée comme un aveu impliquant la participation de Nippon à toutes les réunions, notamment celles qui ont eu lieu précisément durant la période comprise entre mai 1992 et mars 1993.

93. Dans sa lettre subséquente du 17 mai 2000, Nippon aurait clarifié qu'elle ne contestait pas " pour l'essentiel " les faits rapportés dans la communication des griefs. Cette lettre n'impliquerait pas que Nippon avait participé à toutes les réunions. Au contraire, elle rappellerait expressément sa lettre du 18 décembre 1998 et répéterait donc que Nippon n'était impliquée que dans un certain nombre de réunions.

94. Nippon ajoute que la Décision n'est pas motivée de façon appropriée sur ce point. En effet, à supposer même que sa participation durant cette période soit établie, la Commission se serait abstenue de fournir la raison pour laquelle une majoration du montant de base de l'amende est justifiée, eu égard au fait que l'amende infligée à la requérante avait aussi fait l'objet d'une majoration en raison de la prétendue poursuite de l'infraction après l'enquête de la Commission. La Décision resterait en défaut d'expliquer cette double majoration.

95. S'agissant des conclusions de la Commission visant à ce que le Tribunal augmente le montant de l'amende infligée à la requérante, cette dernière estime qu'il s'agit là d'une demande inappropriée et non fondée.

96. La Commission souligne que, à aucun moment avant le dépôt de sa requête devant le Tribunal, Nippon n'a contesté sa participation aux réunions organisées entre mai 1992 et mars 1993. Au contraire, elle aurait invoqué son absence de contestation des faits sur lesquels la Commission fondait ses allégations, pour obtenir une réduction d'amende au titre de la communication sur la coopération. En tout état de cause, la participation de Nippon aux réunions en cause serait prouvée par les déclarations de SDK et de SGL.

97. La Commission admet qu'elle ne dispose pas de notes de frais de voyages de Nippon couvrant la période litigieuse. Toutefois, eu égard aux preuves susmentionnées, il n'aurait pas été nécessaire d'avoir recours à ces notes.

98. Enfin, la Commission demande au Tribunal de majorer, en application de son pouvoir de pleine juridiction, l'amende infligée à Nippon. En effet, contrairement à sa réponse à la communication des griefs, Nippon contesterait à présent les constatations relatives à la durée de sa participation. Selon la Commission, la majoration de l'amende devrait être au moins égale à la réduction de 10 % accordée à Nippon au titre de la communication sur la coopération.

Appréciation du Tribunal

99. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans la Décision (considérant 113), la Commission a limité son appréciation au regard des règles de concurrence, ainsi que la durée prise en considération pour le calcul des amendes, à la période commençant en mai 1992, date de la première réunion " des patrons " à Londres, au cours de laquelle ont été adoptés les principes de base qui devaient présider à la cartellisation du marché. Selon la Commission, le fait que Nippon n'a pas participé à cette réunion importe peu étant donné qu'elle était représentée par Tokai et qu'elle était elle-même présente à la première réunion " de travail " qui n'a eu lieu que quatre jours plus tard.

100. Afin d'apprécier la portée du présent moyen au regard de cette constatation, il y a lieu de rappeler, à nouveau, la chronologie des différentes étapes de la procédure administrative et d'analyser la teneur, d'une part, des documents présentés par la Commission et, d'autre part, des déclarations faites par Nippon.

101. À cet égard, il importe de relever, premièrement, que, en réponse à une demande de renseignements de la Commission, Nippon a, par lettre du 18 décembre 1998, fourni des informations sur les voyages de son directeur général, M. [...], et de certains autres de ses cadres. Il est vrai que cette lettre ne mentionne aucun déplacement pendant la période litigieuse.

102. Deuxièmement, la communication des griefs du 24 janvier 2000 expose, aux points 36, 37, 39, 40 et 101, en renvoyant aux déclarations de SGL, de SDK et d'UCAR:

- que les participants à la première réunion " des patrons " du 21 mai 1992, à Londres, étaient SGL, UCAR, Mitsubishi, SDK et Tokai, " cette dernière représentant également les intérêts de Nippon et de SEC ", et que les règles de base de l'entente ont été fixées lors de cette réunion;

- que cette réunion a été suivie presque immédiatement d'une réunion " de travail ", à Zurich, le 25 mai 1992, à laquelle participaient des représentants de toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs, y compris Nippon, et lors de laquelle le marché mondial des électrodes de graphite a été examiné région par région (Extrême-Orient, Moyen-Orient et Afrique, Europe occidentale, Europe orientale, Amérique latine et Amérique du Nord) et des parts de marché ont été attribuées;

- que Nippon et SEC ne peuvent pas faire valoir qu'elles étaient absentes de la réunion du 21 mai 1992, étant donné qu'elles se sont fait représenter toutes les deux par Tokai et qu'elles ont participé elles-mêmes à la première réunion " de travail " qui a eu lieu déjà quatre jours plus tard;

- qu'une deuxième réunion " de travail " a eu lieu à Lugano, le 19 septembre 1992, " en présence des producteurs japonais " lors de laquelle, d'une part, les prix minimaux pour le marché européen ont été communiqués à ces producteurs et, d'autre part, des volumes ainsi que des quotas ont été fixés pour chaque région.

103. Troisièmement, la réponse de Nippon à la communication des griefs a été rédigée le 30 mars 2000, sans que Nippon ait consulté le dossier d'instruction de la Commission bien que cette dernière ait, entre le 14 et le 23 février 2000, donné accès à ce dossier (considérant 38 de la Décision); Nippon n'a pas non plus participé à l'audition organisée le 25 mai 2000 par la Commission (considérant 40 de la Décision). Dans cette réponse, Nippon admet que ses représentants ont participé " plusieurs fois " à des réunions internationales entre concurrents et déclare que, " s'agissant de la phase initiale [de l'entente] ", elle n'a pas participé à chaque occasion bien qu'elle ait été invitée à le faire. Ensuite, elle souligne, " au regard de la communication des griefs ", qu'" elle ne conteste pas, sur le plan factuel, sa participation aux réunions " et qu'elle offre à la Commission sa coopération dans la mesure la plus large possible.

104. Quatrièmement, la lettre subséquente du 17 mai 2000, par laquelle Nippon demande l'application de la communication sur la coopération, rappelle, en renvoyant au point 6 de la réponse du 30 mars 2000, que Nippon " ne conteste pas pour l'essentiel la matérialité des faits constatés dans la communication des griefs ". Comme exemple de son entière coopération avec la Commission, elle cite, notamment, sa lettre du 18 décembre 1998 en relevant qu'y figuraient toutes les réunions auxquelles ses représentants avaient participé. Enfin, elle indique expressément qu'elle a mis fin à l'infraction après le mois de février 1998.

105. Les pièces documentaires qui viennent d'être résumées ne sont pas de nature à étayer la thèse défendue par Nippon. En effet, s'il est vrai que Nippon n'a pas affirmé, de sa propre initiative (lettre du 18 décembre 1998), avoir participé aux réunions organisées pendant la période pertinente, la communication des griefs subséquente a comporté des indications très concrètes concernant, respectivement, sa participation et sa représentation, par Tokai, lors de ces réunions en précisant, de surcroît, que des questions cruciales pour le fonctionnement de l'entente avaient été discutées à ces occasions. Ces indications étaient fondées sur des déclarations d'entreprises autres que Nippon. Cette dernière devait donc raisonnablement conclure, à la lecture de la communication des griefs, que la Commission accordait à ces déclarations plus d'importance et de crédibilité qu'à la lettre de Nippon du 18 décembre 1998.

106. Dans ces circonstances, si Nippon n'acceptait ni les affirmations relatives à sa participation ou à sa représentation aux réunions organisées pendant la période pertinente, telles qu'elles figuraient dans la communication des griefs, ni la signification et la valeur probante des déclarations de SGL, de SDK et d'UCAR sur lesquelles la Commission fondait ses affirmations, elle aurait dû les contester dans sa réponse à la communication des griefs. Seule une telle contestation concrète, présentée dès ce stade de la procédure administrative, aurait donné à la Commission la possibilité d'approfondir son enquête et d'essayer d'apporter des preuves supplémentaires.

107. Or, les lettres de Nippon des 30 mars et 17 mai 2000 ne comportent aucune contestation ciblée sur les affirmations et déclarations susmentionnées. Au contraire, dans l'espoir d'obtenir une réduction d'amende, Nippon souligne sa volonté de coopération et déclare qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits constatés dans la communication des griefs. La seule remarque concrète relative à la durée de l'infraction concerne la phase finale, à savoir la cessation de toute activité infractionnelle après février 1998. Replacée dans ce contexte, l'absence de contestation concernant les dix premiers mois de l'infraction - combinée avec l'absence de consultation par Nippon du dossier d'instruction de la Commission et avec son absence à l'audition organisée par la Commission - pouvait raisonnablement être interprétée par cette dernière en ce sens que Nippon, dans le cadre de sa coopération offerte à la Commission, entendait faciliter la tâche de celle-ci consistant à établir la durée de l'infraction, en acceptant les constatations relatives à son début et en n'émettant de précision que quant à sa fin.

108. S'agissant de savoir si Nippon peut revenir sur cette coopération et faire valoir, devant le Tribunal, qu'elle n'avait pas participé à l'infraction entre mai 1992 et mars 1993, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, en l'absence de reconnaissance expresse de la part de l'entreprise mise en cause, la Commission doit établir les faits, l'entreprise restant libre de développer, dans le cadre de la procédure contentieuse, tous les moyens de défense qui lui paraîtront utiles (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297-98 P, Rec. p. I-10101, point 37). Il est permis d'en conclure, a contrario, que tel ne saurait être le cas en présence d'une reconnaissance expresse, claire et précise des faits par l'entreprise en question: lorsque celle-ci a explicitement admis, dans le cadre de la procédure administrative, la matérialité des faits qui lui étaient reprochés par la Commission dans la communication des griefs, ces faits doivent alors être considérés comme établis, l'entreprise n'étant, en principe, plus en mesure de les contester dans le cadre de la procédure contentieuse devant le Tribunal.

109. En l'espèce, cependant, la participation de Nippon à l'entente incriminée, entre mai 1992 et mars 1993, a été déduite par la Commission non pas d'une déclaration claire et précise de Nippon, expressément ciblée sur cette période, mais d'un faisceau d'éléments tels que son comportement objectif vis-à-vis de la Commission lors de la procédure administrative et ses déclarations de non-contestation plutôt générales. Dans ces circonstances, Nippon ne saurait être empêchée de faire valoir, devant le Tribunal, que ce faisceau d'éléments a été erronément interprété comme prouvant sa participation pendant la période susmentionnée.

110. Toutefois, cette contestation tardive ne saurait prospérer au fond. En effet, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, la Commission était fondée à considérer que Nippon, confrontée aux éléments de preuve présentés dans la communication des griefs, n'avait pas contesté sa participation à l'entente durant la période pertinente. Par conséquent, la Commission pouvait se limiter, devant le Tribunal, à rappeler, d'une part, le comportement de Nippon lors de la procédure administrative et, d'autre part, lesdits éléments de preuve consistant, notamment, en des déclarations de SGL, de SDK et d'UCAR. Or, ces déclarations - qui, en réponse à une question écrite du Tribunal, ont été présentées par la Commission dans une version synthétisée - permettent d'établir, à suffisance de droit, la participation de Nippon à l'entente pendant la période pertinente.

111. Il s'ensuit que la Commission était dispensée de devoir apporter une nouvelle administration de la preuve devant le Tribunal et de se prononcer sur les arguments avancés pour la première fois par Nippon devant le Tribunal en vue de fragiliser les éléments de preuve susmentionnés. En particulier, l'argumentation de Nippon relative à ses notes de frais de voyages pouvait être considérée comme dénuée de pertinence. La tâche de la Commission consistant à établir les faits infractionnels, laquelle avait été facilitée au cours de la procédure administrative par le comportement et les déclarations de Nippon, n'a donc objectivement pas été rendue plus difficile par la contestation ultérieure de Nippon devant le Tribunal.

112. Cependant, il ne saurait être négligé que la Commission, contre toute attente qu'elle pouvait raisonnablement fonder sur la coopération objective de Nippon lors de la procédure administrative, a été obligée d'élaborer et de présenter une défense devant le Tribunal ciblée sur la contestation de faits infractionnels dont elle avait considéré à bon droit que Nippon ne les remettrait plus en question. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu'il convient d'exercer le pouvoir de pleine juridiction qui lui est confié en vertu de l'article 17 du règlement n° 17 en majorant l'amende infligée à Nippon de 2 points de pourcentage (voir point 457 ci-après).

113. Cette conclusion ne se heurte pas à l'arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T-354-94, Rec. p. II-843, point 85). Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé, sur renvoi de la Cour après pourvoi, que le risque qu'une entreprise ayant bénéficié d'une réduction du montant de l'amende, en contrepartie de sa coopération, forme ultérieurement un recours en annulation contre la décision la sanctionnant pour son infraction aux règles de la concurrence et obtienne gain de cause devant le Tribunal ou devant la Cour est une conséquence normale de l'exercice des voies de recours prévues par le traité; dès lors, le seul fait que cette entreprise ait obtenu judiciairement gain de cause ne saurait justifier une nouvelle appréciation de l'ampleur de la réduction qui lui a été accordée. Il convient de souligner à cet égard que l'arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T-354-94, Rec. p. II-2111), qui avait fait l'objet du pourvoi, ne s'était pas prononcé sur le caractère approprié ou non de la réduction d'amende accordée au titre de la coopération fournie par l'entreprise et, par ailleurs, que l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C-286-98 P, Rec. p. I-9925), ayant partiellement annulé cet arrêt n'avait pas non plus abordé la problématique de ladite réduction d'amende. Compte tenu de cette situation procédurale particulière, le fait pour le Tribunal d'avoir refusé, dans l'arrêt susmentionné du 28 février 2002, de procéder à " une nouvelle appréciation de l'ampleur de la réduction [...] accordée " ne doit pas être interprété en ce sens que le Tribunal ne saurait en aucune circonstance, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, augmenter le montant de l'amende infligée à une entreprise qui, après avoir bénéficié d'une réduction d'amende pour n'avoir pas contesté la matérialité des faits retenus par la Commission lors de la procédure administrative, remet en cause la véracité de ces mêmes faits pour la première fois devant le Tribunal.

114. Dans la mesure où Nippon fait encore valoir que le considérant 48 de la Décision prétend erronément que ses notes de frais de voyages établissent sa présence aux réunions " des patrons " et " de travail ", il suffit de rappeler le texte dudit considérant, selon lequel la participation auxdites réunions des représentants de Tokai, de Nippon et de SEC est " soit reconnue par ces derniers soit attestée par leurs notes de frais ". Eu égard à la circonstance que Nippon a objectivement reconnu avoir participé à l'entente pendant sa durée intégrale, ce passage ne saurait être interprété en ce sens que la Commission a voulu fonder la participation à l'infraction, précisément entre mai 1992 et mars 1993, de la seule société Nippon sur les seules notes de frais de voyages de cette dernière.

115. Enfin, le grief pris d'un défaut de motivation n'est dirigé ni contre la Décision tout entière ni contre la constatation factuelle relative à la période de participation susmentionnée. Il vise la seule majoration de 55 % du montant de base de l'amende infligée à Nippon. Par conséquent, à supposer même que ce grief soit fondé, il emporterait non pas l'annulation de la Décision tout entière ou la constatation factuelle en cause, mais sa seule réformation en ce qu'elle prévoit une majoration de 55 %.

116. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'une violation des formes substantielles, en raison de l'absence de preuves suffisantes sur la participation de Nippon à l'infraction pendant la période allant de mai 1992 à mars 1993, et d'un défaut de motivation doivent être rejetés.

117. L'examen du premier groupe de moyens a révélé qu'aucun élément soulevé par les requérantes ne justifie l'annulation de la Décision tout entière ni celle des constatations factuelles contenues dans cette dernière. Par conséquent, les conclusions en annulation totale de la Décision ou en annulation partielle de son article 1er doivent toutes être rejetées.

118. L'examen subséquent des conclusions et des moyens dirigés contre la fixation des amendes tiendra dès lors compte de l'ensemble desdites constatations factuelles.

B - Sur les conclusions visant à l'annulation de l'article 3 de la Décision ou à la réduction des amendes infligées

1. Sur les moyens tirés d'une violation du principe de non-cumul des sanctions et de l'obligation pour la Commission de prendre en compte les sanctions infligées antérieurement ainsi que d'un défaut de motivation sur ce point

a) Arguments des parties

119. Toutes les requérantes, à l'exception de C/G, font valoir que, par son refus de déduire des amendes fixées par la Décision le montant des amendes déjà infligées aux États-Unis et au Canada ainsi que celui des dommages et intérêts punitifs déjà versés dans ces pays, la Commission a violé la règle interdisant le cumul de sanctions pour une même infraction. Cette règle se fonderait sur les principes d'équité et de proportionnalité ancrés dans le droit constitutionnel de la Communauté; elle aurait été confirmée par l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1), et par les articles 54 à 58 de la convention d'application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19), signée le 19 juin 1990 à Schengen (Luxembourg). Le principe ne bis in idem serait également consacré par l'article 4 du protocole n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, tel qu'interprété, notamment, par l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme du 29 mai 2001, Fischer c. Autriche.

120. Ainsi qu'il résulterait de l'arrêt de la Cour du 14 décembre 1972, Boehringer/Commission (7-72, Rec. p. 1281), la Commission serait obligée d'imputer une sanction infligée par les autorités d'un pays tiers si les faits retenus contre l'entreprise requérante par la Commission, d'une part, et par ces autorités, d'autre part, sont identiques. Tel serait précisément le cas en l'espèce, puisque, à l'inverse de l'affaire ayant donné lieu audit arrêt du 14 décembre 1972, l'entente sanctionnée par les autorités américaines et canadiennes était la même, de par son objet, sa localisation et sa durée, que celle sanctionnée par la Commission.

121. En outre, l'absence de prise en considération du principe d'imputation méconnaîtrait l'arrêt de la Cour du 13 février 1969, Walt Wilhelm e.a. (14-68, Rec. p. 1, point 11), ainsi que les arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Sotralentz/Commission (T-149-89, Rec. p. II-1127, point 29), et du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (T-305-94 à T-307-94, T-313-94 à T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94 et T-335-94, Rec. p. II-931, point 96), selon lesquels l'exigence générale d'équité implique que, en fixant le montant d'une amende, la Commission soit obligée de tenir compte de sanctions qui auraient déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait.

122. Dans ce contexte, SGL conteste l'appréciation contenue dans la Décision, selon laquelle les amendes infligées aux États-Unis et au Canada auraient uniquement pris en considération les effets anticoncurrentiels de l'entente dans le ressort de ces juridictions (considérants 179 et 180 de la Décision). Pour établir que des faits identiques ont été sanctionnés aux États-Unis et en Europe, SGL renvoie aux constatations faites dans la Décision. Ainsi, les considérants 14, 17, 18, 71 à 73, 106 et 149 de cette dernière démontreraient que la Commission a généralement admis que les infractions étaient constituées d'accords au niveau mondial, basés sur un projet global, auxquels participaient les entreprises concernées. La Commission n'aurait pas affirmé que les faits pour lesquels elle a infligé une amende constituaient des événements séparables des faits déjà sanctionnés aux États-Unis. S'agissant du grief matériel auquel la sanction infligée à la requérante aux États-Unis se réfère, on pourrait lire dans la transaction (plea agreement), confirmée en justice, que les accords sur les prix et les quotas concernés ont eu lieu " aux États-Unis et ailleurs ", et ce entre 1992 et juin 1997.

123. SGL ajoute que la sanction pénale qui lui a été infligée aux États-Unis à hauteur de 135 millions de USD dépasse déjà la limite maximale des sanctions (10 % du chiffre d'affaires mondial) prévue à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Dès lors, la Commission aurait été empêchée de lui imposer une sanction supplémentaire à concurrence de 80,2 millions d'euros.

124. SGL souligne, de plus, que la Commission, en ne procédant à aucune imputation des sanctions déjà infligées dans d'autres pays, a méconnu l'annonce de l'ancien directeur général de la direction générale de la concurrence, M. Alexander Schaub, qui, au cours d'un entretien du 1er décembre 1998, avait promis que, dans le calcul de l'amende, la Commission tiendrait compte des sanctions infligées aux États-Unis.

125. Les requérantes estiment, en outre, que la Commission a violé le principe d'interdiction du cumul des sanctions en tenant compte de leur chiffre d'affaires mondial, qui comprend le chiffre d'affaires réalisé aux États-Unis et au Canada. En effet, ce chiffre d'affaires aurait déjà été pris en considération par les autorités américaines et canadiennes pour fixer leurs amendes. Pour éviter une double sanction, il convenait donc, selon les requérantes, que la Commission ne tienne compte que de la part du chiffre d'affaires provenant des ventes d'électrodes de graphite en Europe.

126. Elles ajoutent que la Commission a méconnu l'effet dissuasif des amendes déjà infligées. En effet, elle aurait omis de prendre en compte, lors de la détermination du montant des amendes, le fait que les requérantes avaient déjà été condamnées, dans des pays tiers, à des amendes et à des dommages et intérêts d'un montant suffisant pour les dissuader de commettre toute nouvelle infraction au droit de la concurrence. Les requérantes auraient été, dès lors, suffisamment sanctionnées.

127. Enfin, Tokai et Nippon reprochent à la Commission de ne pas avoir pourvu la Décision d'une motivation suffisante sur ce point. D'une part, elle se serait abstenue de répondre à l'argument de Tokai relatif au principe ne bis in idem présenté dans sa réponse à la communication des griefs, cet argument ayant souligné la nécessité d'une " localisation territoriale " adéquate pour le calcul de l'amende. D'autre part, selon Nippon, l'obligation de motivation aurait été d'une importance particulière en l'espèce, étant donné que la Commission a infligé des amendes calculées en fonction du chiffre d'affaires mondial, cette méthode constituant une nouvelle étape dans la pratique décisionnelle de la Commission.

128. La Commission expose, en substance, que les amendes infligées par des autorités d'États tiers ne sanctionnent que les violations de leur droit national de la concurrence et qu'elles ne sont pas compétentes pour sanctionner les violations du droit communautaire de la concurrence. La circonstance selon laquelle diverses autorités aient eu à examiner les mêmes faits serait dénuée de pertinence, un même fait pouvant constituer une infraction à l'égard de plusieurs ordres juridiques.

129. En ce qui concerne le caractère dissuasif des amendes, la Commission rappelle que le critère principal aux fins du calcul d'une amende est la gravité de l'infraction. Rien ne permettrait de conclure que les amendes doivent être réduites parce que les requérantes auraient déjà été suffisamment dissuadées par les sanctions infligées dans d'autres ressorts. Les requérantes auraient été sanctionnées parce qu'elles n'ont pas respecté les règles de concurrence communautaires en commettant une infraction en Europe. Ces règles de concurrence devraient être prises autant au sérieux que celles d'autres ressorts pour obtenir l'effet dissuasif souhaité.

b) Appréciation du Tribunal

130. Il ressort de la jurisprudence que le principe ne bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole n° 7 de la CEDH, constitue un principe général du droit communautaire dont le juge assure le respect (arrêts de la Cour du 5 mai 1966, Gutmann/Commission CEEA, 18-65 et 35-65, Rec. p. 149, 172, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commisssion, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, ci-après l'" arrêt LVM ", point 59, ainsi qu'arrêt Boehringer/Commission, point 120 supra, point 3).

131. Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, ce principe interdit qu'une entreprise soit sanctionnée ou poursuivie une nouvelle fois par la Commission du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a déjà été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure de la Commission qui n'est plus susceptible de recours.

132. La jurisprudence a toutefois admis la possibilité d'un cumul de sanctions, l'une communautaire, l'autre nationale, à la suite de l'existence de deux procédures parallèles, poursuivant des fins distinctes, dont l'admissibilité résulte du système particulier de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres en matière d'ententes. Cependant, une exigence générale d'équité implique que, en fixant le montant de l'amende, la Commission est obligée de tenir compte de sanctions qui auraient déjà été supportées par la même entreprise pour le même fait, lorsqu'il s'agit de sanctions infligées pour infractions au droit des ententes d'un État membre et, par conséquent, commises sur le territoire communautaire (arrêt Walt Wilhelm e.a., point 121 supra, point 11, et arrêt Boehringer/Commission, point 120 supra, point 3; arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141-89, Rec. p. II-791, point 191, et arrêt Sotralentz/Commission, point 121 supra, point 29).

133. Pour autant que les requérantes allèguent que, en leur infligeant une amende pour la participation à une entente déjà sanctionnée par les autorités américaines et canadiennes, la Commission a violé le principe ne bis in idem, selon lequel il ne peut être infligé une deuxième sanction à la même personne pour la même infraction, il y a lieu de rappeler que le juge communautaire a admis qu'une entreprise peut valablement faire l'objet de deux procédures parallèles pour une même infraction et donc d'une double sanction, l'une par l'autorité compétente de l'État membre en cause, l'autre communautaire. Cette possibilité de cumul de sanctions est justifiée par le fait que lesdites procédures poursuivent des fins distinctes (arrêts Walt Wilhelm e.a., point 121 supra, point 11; Tréfileurope/Commission, point 132 supra, point 191, et Sotralentz/Commission, point 121 supra, point 29).

134. Dans ces conditions, le principe ne bis in idem ne peut, à plus forte raison, trouver à s'appliquer en l'espèce, les procédures diligentées et les sanctions infligées par la Commission, d'une part, et par les autorités américaines et canadiennes, d'autre part, ne poursuivant pas, à l'évidence, les mêmes objectifs. Si, dans le premier cas, il s'agit de préserver une concurrence non faussée sur le territoire de l'Union européenne ou dans l'EEE, la protection recherchée concerne, dans le second cas, le marché américain ou canadien (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, 44-69, Rec. p. 733, points 52 et 53). En effet, l'application du principe ne bis in idem est subordonnée non seulement à l'identité des faits infractionnels et des personnes sanctionnées, mais également à l'unité du bien juridique protégé (conclusions de l'avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer du 11 février 2003, Italcementi/Commission, C-213-00 P, non encore publiées au Recueil, point 89).

135. Cette conclusion se trouve confortée par la portée du principe d'interdiction du cumul des sanctions, tel qu'il est consacré par l'article 4 du protocole n° 7 de la CEDH. Il résulte du libellé dudit article que ce principe a seulement pour effet d'interdire à une juridiction d'un État de se saisir de, ou de réprimer, une infraction pour laquelle la personne mise en cause a déjà été acquittée ou condamnée dans ce même État. En revanche, le principe ne bis in idem n'interdit pas qu'une personne soit poursuivie ou punie plus d'une fois pour un même fait dans deux États différents, ou plus. Par conséquent, l'arrêt Fischer c. Autriche, invoqué par SGL, est dénué de pertinence pour le présent litige, en ce qu'il a été rendu en application de l'article 4 du protocole n° 7 de la CEDH et qu'il concerne deux condamnations prononcées à l'intérieur d'un même pays.

136. Il importe, également, de souligner que les requérantes n'ont invoqué aucune convention ou règle de droit international public interdisant à des autorités ou à des juridictions d'États différents de poursuivre et de condamner une personne en raison des mêmes faits. Une telle interdiction ne pourrait donc aujourd'hui résulter que d'une coopération internationale très étroite débouchant sur l'adoption de règles communes telles que celles figurant dans la convention d'application de l'accord de Schengen susmentionnée. À cet égard, il n'a pas été excipé par les requérantes de l'existence d'un texte conventionnel liant la Communauté et des États tiers tels que les États-Unis ou le Canada et prévoyant une telle interdiction.

137. Il est vrai que l'article 50 de la charte des droits fondamentaux susmentionnée prévoit que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. Force est de constater, toutefois, que ce texte n'a vocation à s'appliquer que sur le territoire de l'Union et délimite expressément la portée du droit défini en son article 50 aux cas où la décision d'acquittement ou de condamnation en cause a été prononcée à l'intérieur de ce territoire.

138. Il s'ensuit que, dans la mesure où les requérantes invoquent une violation du principe ne bis in idem au motif que l'entente en question a également fait l'objet de condamnations en dehors du territoire communautaire ou que la Commission a pris en compte dans la Décision leurs chiffres d'affaires globaux qui comprennent leurs chiffres d'affaires réalisés aux États-Unis et au Canada déjà pris en considération par les autorités américaines et canadiennes pour fixer des amendes, il y a lieu de rejeter ce grief.

139. Pour autant que les requérantes allèguent que la Commission a méconnu l'arrêt Boehringer/Commission, point 120 supra, selon lequel la Commission serait obligée d'imputer une sanction infligée par les autorités d'un pays tiers si les faits retenus contre l'entreprise requérante par la Commission, d'une part, et par ces autorités, d'autre part, sont identiques, il y a lieu de rappeler que, dans cet arrêt, la Cour a indiqué (point 3):

" [...] en ce qui concerne la question de savoir si la Commission peut également être tenue d'imputer une sanction infligée par les autorités d'un État tiers, elle n'aurait besoin d'être tranchée que si les faits retenus en l'espèce contre la requérante par la Commission, d'une part, et les autorités américaines, d'autre part, sont identiques. "

140. Il résulte à l'évidence de ce passage que la Cour, loin d'avoir tranché la question de savoir si la Commission est tenue d'imputer une sanction infligée par les autorités d'un État tiers dans l'hypothèse où les faits retenus contre une entreprise par cette institution et par lesdites autorités seraient identiques, a fait de l'identité des faits incriminés par la Commission et les autorités d'un État tiers une condition préalable à l'interrogation susvisée.

141. En outre, c'est en considération de la situation particulière qui résulte, d'une part, de l'étroite interdépendance des marchés nationaux des États membres et du Marché commun et, d'autre part, du système particulier de répartition des compétences entre la Communauté et les États membres en matière d'ententes sur un même territoire, celui du Marché commun, que la Cour, ayant admis la possibilité d'une double poursuite, a, eu égard à l'éventuelle double sanction qui en découle, jugé nécessaire la prise en compte de la première décision répressive conformément à une exigence d'équité (arrêt Walt Wilhelm e.a., point 121 supra, point 11, et conclusions de l'avocat général M. Mayras sous l'arrêt Boehringer/Commission, point 120 supra, Rec. p. 1293, 1301 à 1303).

142. Or, une telle situation fait défaut dans le cas présent. Dès lors, en l'absence d'allégation d'une disposition conventionnelle expresse prévoyant l'obligation pour la Commission, lors de la fixation du montant d'une amende, de tenir compte de sanctions déjà infligées à la même entreprise pour le même fait par des autorités ou des juridictions d'un État tiers, tel que les États-Unis ou le Canada, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la Commission d'avoir méconnu, en l'espèce, cette prétendue obligation.

143. En tout état de cause, à supposer même qu'il puisse être déduit, a contrario, de l'arrêt Boehringer/Commission, point 120 supra, que la Commission est tenue d'imputer une sanction infligée par les autorités d'un État tiers dans l'hypothèse où les faits retenus contre l'entreprise en cause par cette institution et par lesdites autorités sont identiques, il convient de souligner que, bien que le jugement rendu contre SGL aux États-Unis évoque le fait que l'entente sur les électrodes de graphite avait pour objet de restreindre la production et d'augmenter les prix du produit " aux États-Unis et ailleurs ", il n'est nullement établi que la condamnation prononcée aux États-Unis ait visé des applications ou des effets de l'entente autres que ceux intervenus dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt Boehringer/Commission, précité, point 6) et en particulier dans l'EEE, ce qui, au demeurant, aurait manifestement empiété sur la compétence territoriale de la Commission. Cette dernière observation vaut également pour la condamnation infligée au Canada.

144. S'agissant de l'effet dissuasif des amendes déjà infligées, il y a lieu de souligner que, selon la jurisprudence, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, CE ou de l'article 82 CE constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d'accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire. Cette mission comporte le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 105).

145. Il s'ensuit que la Commission a le pouvoir de décider du niveau du montant des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif lorsque des infractions d'un type déterminé sont encore relativement fréquentes, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire en matière de concurrence, en raison du profit que certaines des entreprises intéressées peuvent en tirer (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, point 108).

146. Les requérantes ne sauraient valablement faire valoir qu'aucune dissuasion ne s'imposait à leur égard au motif qu'elles avaient déjà été condamnées pour les mêmes faits par des juridictions d'États tiers. En effet, cette argumentation des requérantes recoupe en réalité celle relative à la violation du principe d'interdiction du cumul des sanctions qui a été rejetée ci-dessus.

147. En outre, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence susvisée, l'objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d'une amende vise à assurer le respect par les entreprises des règles de concurrence fixées par le traité pour la conduite de leurs activités au sein de la Communauté ou de l'EEE. Par conséquent, le caractère dissuasif d'une amende infligée en raison d'une violation des règles de concurrence communautaires ne saurait être déterminé ni en fonction, seulement, de la situation particulière de l'entreprise condamnée ni en fonction du respect par celle-ci des règles de concurrence fixées dans des États tiers en dehors de l'EEE.

148. Il était donc loisible à la Commission d'infliger à SGL une amende d'un niveau suffisamment dissuasif dans les limites fixées par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, sans devoir tenir compte des sanctions américaines et canadiennes aux fins de la détermination de ces limites.

149. Quant au moyen tiré d'un défaut de motivation, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'un acte doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle (voir arrêts du Tribunal du 20 octobre 1999, Swedish Match Philippines/Conseil, T-171-97, Rec. p. II-3241, point 82, et la jurisprudence citée, et du 12 juillet 2001, UK Coal/Commission, T-12-99 et T-63-99, Rec. p. II-2153, point 196).

150. Or, en l'espèce, les considérants 179 à 183 de la Décision ont explicitement rejeté l'argumentation que SGL avait développée au cours de la procédure administrative en vue de bénéficier de l'application du principe ne bis in idem. La Commission a, ainsi, exposé que, à son avis, ce principe ne trouvait pas à s'appliquer au regard des sanctions imposées par les autorités américaines et canadiennes. À supposer même que ces considérants n'aient pas pris position sur un argument spécifique présenté par Tokai (voir point 127 ci-dessus) et que l'approche de la Commission ait effectivement constitué une nouvelle étape dans sa pratique décisionnelle, rien n'a empêché les requérantes d'assurer utilement la défense de leurs intérêts devant le Tribunal en soulevant tous les moyens et arguments qui leur semblaient pertinents pour contester la thèse de la Commission. En outre, le Tribunal a été en mesure d'exercer son contrôle juridictionnel en statuant sur les différents aspects du principe ne bis in idem.

151. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'une violation du principe de non-cumul des sanctions et de l'obligation pour la Commission de prendre en compte les sanctions infligées antérieurement ainsi que d'un défaut de motivation sur ce point doivent être écartés.

152. S'agissant du grief spécifique avancé par SGL, selon lequel le directeur général compétent de la Commission lui aurait promis que les sanctions américaines seraient imputées sur l'amende infligée par la Commission, la requérante se prévaut du principe de protection de sa confiance légitime. Ce principe s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens/Commission, 265-85, Rec. p. 1155, point 44, et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152-88, Rec. p. I-2477, point 26), étant précisé que nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l'absence d'assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, que lui aurait fournies l'administration (arrêts du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T-203-97, RecFP p. I-A-129, II-705, point 70, et la jurisprudence citée, et du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T-290-97, Rec. p. II-15, point 59).

153. À cet égard, il suffit de rappeler que la Décision a été adoptée par le collège des membres de la Commission, conformément au principe de collégialité consacré par l'article 1er du règlement intérieur de la Commission du 29 novembre 2000 (JO L 308, p. 26), et non pas par un directeur général (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T-31-99, Rec. p. II-1881, point 104). Par ailleurs, SGL ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que la décision lui infligeant une amende pour sanctionner sa participation à l'entente active, à l'échelle mondiale, sur le marché des électrodes de graphite puisse faire l'objet d'une délégation, en tant que " mesure de gestion ou d'administration " au sens de l'article 14 du règlement intérieur, au directeur général compétent en matière de concurrence. Par conséquent, le directeur général ne pouvait aucunement avoir fourni à SGL des " assurances précises émanant d'une source autorisée et fiable " quant à l'imputation des sanctions qui lui avaient été infligées aux États-Unis et au Canada, sa compétence se limitant à soumettre des propositions au collège que celui-ci était libre d'accepter ou de rejeter.

154. Par ailleurs, SGL semble avoir douté elle-même du caractère précis des assurances prétendument fournies par M. Schaub le 1er décembre 1998. En effet, dans sa réponse du 4 avril 2000 à la communication des griefs, SGL n'invoque pas lesdites assurances, mais reproche à la Commission, au contraire, de ne pas révéler si, et dans quelle mesure, elle tiendrait compte, sous l'aspect du principe ne bis in idem, des sanctions déjà infligées aux États-Unis. En tout état de cause, SGL n'a pas prétendu avoir été incitée par la promesse litigieuse de M. Schaub à coopérer avec la Commission et à reconnaître la matérialité des faits reprochés.

155. Il s'ensuit que le grief pris d'une violation du principe de protection de la confiance légitime au regard d'une imputation de la sanction infligée à SGL aux États-Unis ne saurait non plus être retenu.

2. Sur les moyens tirés d'une méconnaissance des lignes directrices, de l'illégalité de ces dernières et d'un défaut de motivation sur ce point

a) Observations préliminaires sur le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les amendes infligées aux requérantes

156. Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, " la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises [...] des amendes de mille [euros] au moins et de un million d'[euros] au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence [...], elles commettent une infraction aux dispositions de l'article [81], paragraphe 1, [...] du traité ". Il est prévu, dans la même disposition, que " pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ".

157. Cette disposition confère à la Commission une marge d'appréciation dans la fixation des amendes (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229-94, Rec. p. II-1689, point 127) qui est, notamment, fonction de sa politique générale en matière de concurrence (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, points 105 et 109). C'est dans ce cadre que, pour assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions en matière d'amendes, la Commission a adopté, en 1998, ses lignes directrices. Il s'agit d'un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères qu'elle compte appliquer dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation; il en résulte une autolimitation de ce pouvoir (arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214-95, Rec. p. II-717, point 89), dans la mesure où il appartient à la Commission de se conformer aux règles indicatives qu'elle s'est elle-même imposées (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380-94, Rec. p. II-2169, point 57).

158. En l'espèce, aux termes des considérants 126 à 144 de la Décision, la Commission a infligé des amendes à toutes les requérantes du fait de l'infraction constatée à l'article 81, paragraphe 1, CE et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Il ressort de ces considérants que les amendes ont été imposées en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et que la Commission - quand bien même la Décision ne se réfère pas explicitement aux lignes directrices - a déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices.

159. Selon cette méthode, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant de base déterminé en fonction de la gravité de l'infraction. L'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les " infractions peu graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 million d'euros, les " infractions graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 million et 20 millions d'euros et les " infractions très graves " pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 millions d'euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tirets). À l'intérieur de chacune de ces catégories, l'échelle des sanctions retenues permet de différencier le traitement qu'il convient d'appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises (point 1 A, troisième alinéa). Il est en outre nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

160. À l'intérieur de chacune des trois catégories d'infraction ainsi définies, il peut convenir, selon la Commission, de pondérer, dans certains cas, le montant déterminé, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature et d'adapter en conséquence le point de départ du montant de base selon le caractère spécifique de chaque entreprise (ci-après le " montant de départ ") (point 1 A, sixième alinéa).

161. Quant au facteur relatif à la durée, les lignes directrices établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général, inférieures à un an), pour lesquelles le montant retenu pour la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général, de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut subir jusqu'à 50 % de majoration, et les infractions de longue durée (en général, au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier alinéa, premier à troisième tirets).

162. Puis, les lignes directrices citent, à titre d'exemple, une liste de circonstances aggravantes et de circonstances atténuantes qui peuvent être prises en considération pour augmenter ou diminuer le montant de base.

163. Enfin, les lignes directrices précisent que le résultat final du calcul du montant de l'amende selon ce schéma (montant de base affecté de pourcentages d'aggravation et d'atténuation) ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial des entreprises, conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 [point 5, sous a)]. De plus, les lignes directrices prévoient qu'il convient, selon les circonstances, après avoir effectué les calculs décrits ci-dessus, de prendre en considération certaines données objectives telles que le contexte économique spécifique, l'avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction, les caractéristiques propres des entreprises en cause ainsi que leur capacité contributive réelle dans un contexte social particulier, pour adapter, in fine, le montant des amendes envisagé [point 5, sous b)].

164. C'est dans ce contexte qu'il convient d'apprécier si, comme l'allèguent les requérantes, les amendes infligées à l'article 3 de la Décision sont excessives et ont été déterminées sur la base d'une méthodologie erronée.

165. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation lors de la fixation du montant de chaque amende, sans être tenue d'appliquer une formule mathématique précise (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 59), le Tribunal statue toutefois, en vertu de l'article 17 du règlement n° 17, avec une compétence de pleine juridiction au sens de l'article 229 CE sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende et peut, en conséquence, supprimer, réduire ou majorer l'amende infligée. Dans ce cadre, son appréciation du caractère proportionné de l'amende peut, indépendamment d'éventuelles erreurs manifestes d'appréciation commises par la Commission, justifier la production et la prise en considération d'éléments complémentaires d'information qui ne sont pas mentionnés dans la décision de la Commission (arrêt SCA Holding/Commission, point 108 supra, point 55).

b) Sur les montants de départ retenus dans la Décision en fonction de la gravité de l'infraction

Résumé de la Décision

166. Aux considérants 129 à 154 de la Décision, la Commission a déterminé le montant de départ de chaque amende en fonction de la gravité de l'infraction. Dans ce contexte, elle a tenu compte:

- de la nature de l'infraction (répartition des marchés et fixation des prix dans un secteur important de l'industrie), en estimant qu'il s'agit d'une violation très grave de l'article 81, paragraphe 1, CE et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE;

- de l'incidence réelle de l'infraction sur le marché des électrodes de graphite dans l'EEE, en estimant que les prix étaient non seulement convenus, mais aussi annoncés et mis en œuvre, et en précisant que les prix pratiqués (notamment les hausses de prix) ont largement suivi ceux décidés par le cartel pendant six ans;

- de la taille du marché géographique en cause, en relevant que le cartel couvrait l'ensemble du Marché commun et, après sa création, l'ensemble de l'EEE.

167. Eu égard à ces facteurs, la Commission a considéré que les entreprises concernées avaient commis une " infraction très grave ".

168. Ensuite, afin de tenir compte de la capacité économique effective de chaque entreprise de provoquer un préjudice significatif à la concurrence et eu égard à la grande disparité de taille entre les entreprises concernées, la Commission a appliqué un traitement différencié. À cette fin, elle a réparti les entreprises concernées en trois catégories, en s'appuyant sur le chiffre d'affaires mondial tiré par chacune de la vente du produit concerné. La comparaison a été basée sur les données relatives au chiffre d'affaires imputable au produit en question portant sur la dernière année de l'infraction, à savoir 1998, telles qu'elles ressortaient du tableau figurant au considérant 30 de la Décision:

169. Compte tenu des données figurant dans ce tableau, SGL et UCAR, les deux principaux producteurs d'électrodes de graphite au niveau mondial et au niveau de l'EEE, ont été classées dans la première catégorie (montant de départ de 40 millions d'euros). C/G, SDK et Tokai, avec des parts de marché beaucoup plus faibles à l'échelle mondiale (entre 5 et 10 %), ont été classées dans la deuxième catégorie (montant de départ de 16 millions d'euros). VAW, SEC et Nippon, dont les parts de marché mondiales étaient inférieures à 5 %, ont été placées dans la troisième catégorie (montant de départ de 8 millions d'euros).

170. Enfin, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de VAW et de SDK, la Commission a affecté le montant de départ de VAW d'un coefficient de 1,25 pour atteindre 10 millions d'euros et celui de SDK - considérée comme étant de loin la plus grande des entreprises concernées par la Décision - d'un coefficient de 2,5 pour atteindre 40 millions d'euros.

Arguments des parties

171. SGL s'oppose à l'applicabilité des lignes directrices en faisant valoir que la méthode de calcul qu'elles définissent s'écarte totalement de l'approche antérieure en faisant abstraction de la proportionnalité au chiffre d'affaires. Or, seule une sanction proportionnelle au chiffre d'affaires global serait compatible avec l'article 15 du règlement n° 17. Autrement, des entreprises comme SGL qui réalisent leur chiffre d'affaires principalement grâce à la vente du produit concerné seraient désavantagées par rapport aux entreprises qui réalisent la plus grosse partie de leur chiffre d'affaires avec d'autres produits.

172. UCAR, en revanche, reproche à la Commission d'avoir pris en considération le chiffre d'affaires mondial comme critère de l'importance relative des entreprises concernées. Cette méthode aurait pénalisé UCAR, société américaine, du fait que le niveau de ses activités économiques aux États-Unis s'est nécessairement reflété dans son chiffre d'affaires mondial.

173. SGL dénonce, ensuite, un manque de transparence et un défaut de motivation quant à l'établissement des trois catégories dans lesquelles les entreprises concernées ont été classées, notamment quant au choix des montants et des critères de classification. Les montants ainsi déterminés seraient arbitraires, la Décision ne permettant d'ailleurs pas de savoir si la Commission s'est fondée sur le chiffre d'affaires global des entreprises concernées ou sur leur chiffre d'affaires réalisé avec le produit en cause. En outre, le montant de départ très élevé de 40 millions d'euros, fixé pour SGL en fonction de la gravité de l'infraction, serait incompatible avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.

174. La Commission n'aurait pas non plus démontré que l'entente a concrètement entraîné une augmentation réelle des prix. Elle aurait méconnu qu'il existe une explication alternative aux augmentations de prix intervenues entre 1992 et 1996: lors de la crise structurelle sévissant au début des années 90, les prix auraient été nettement inférieurs aux coûts de revient; les hausses subséquentes auraient donc été nécessaires à la survie du secteur et au financement des améliorations de qualité. Par ailleurs, la Commission reconnaîtrait elle-même (considérant 139 de la Décision) qu'il est difficile de savoir si et dans quelle mesure les prix auraient été différents en l'absence d'entente.

175. SGL ajoute que la Commission n'a justifié les montants de départ considérables qu'avec la nécessité d'assurer un " effet dissuasif " (considérants 146, 148 et 152 de la Décision). Dès lors, elle aurait méconnu le fait que le principe d'équité commande de tenir compte également des circonstances propres à chaque entreprise, telles que les aspects de prévention spécifique et de proportionnalité.

176. Les quatre requérantes japonaises et C/G, pour qui l'EEE n'était pas leur " marché domestique ", font valoir que la Commission, au lieu d'attribuer une importance disproportionnée aux chiffres d'affaires et aux parts de marché mondiaux pour le produit en cause, aurait dû se fonder sur les chiffres d'affaires et sur les parts de marché dans l'EEE. Seule une telle méthode aurait, d'une part, respecté la compétence territoriale limitée de la Commission et, d'autre part, permis de mesurer la capacité réelle de chaque entreprise de porter sérieusement atteinte à la concurrence dans l'EEE.

177. Or, les parts de marché dans l'EEE de Tokai [... %], de Nippon [. %], de SDK [... %], de SEC [... %] et de C/G [... %] n'auraient été que marginales par rapport à celles de SGL et d'UCAR; leur participation aux activités européennes de l'entente n'aurait été que purement passive. Dans ce contexte, elles procèdent à de multiples comparaisons entre les montants de départ, de base et finals de leurs amendes avec les chiffres correspondants des chefs de file SGL et UCAR et entre les différents chiffres d'affaires des entreprises concernées afin de démontrer le caractère excessif de leurs sanctions par rapport à leur présence économique dans l'EEE. De plus, elles comparent la méthode de calcul appliquée par la Commission avec celle, prétendument plus équitable, des autorités américaines.

178. Elles précisent que leur présence marginale et passive sur le marché de l'EEE ne résulte nullement des effets de l'entente, mais est la conséquence de décisions autonomes qu'elles avaient prises, d'ailleurs longtemps avant le début de la période infractionnelle, dans leur intérêt économique propre. La Commission ne serait pas parvenue à prouver qu'elles se sont abstenues de vendre le produit en cause dans l'EEE précisément en raison de l'entente. Elle n'aurait, notamment, pas établi que leurs parts de marché ou leurs ventes dans l'EEE auraient, en l'absence de l'entente, été nettement plus élevées.

179. Tokai, Nippon, SEC et C/G ajoutent que, même si l'on se place dans la logique de la Commission et accepte de fixer leur montant de départ sur la base du chiffre d'affaires mondial réalisé en 1998 avec le produit en cause, leur classement par la Commission dans les trois catégories susmentionnées et la fixation des chiffres correspondant (40 millions, 16 millions et 8 millions d'euros) violent les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement. En effet, leur montant de départ serait proportionnellement, c'est-à-dire par rapport aux chiffres d'affaires et aux parts de marché mondiaux, beaucoup plus élevé que celui de SGL, d'UCAR et de SDK.

180. S'agissant de sa participation individuelle à l'infraction, C/G expose encore que sa situation se distingue sur plusieurs points de celle des autres membres de l'entente. À cet égard, elle invoque, outre son rôle marginal, plusieurs éléments dont elle déduit que son comportement ne pouvait pas être qualifié de " très grave ".

181. SDK reproche à la Commission d'avoir artificiellement gonflé son amende par l'application supplémentaire d'un facteur de dissuasion de 2,5, ce qui a augmenté son montant de départ de 24 millions d'euros. Or, un tel facteur n'aurait été appliqué ni aux chefs de file de l'entente, ni aux membres de l'entente disposant de parts de marché plus importantes dans l'EEE, ni à ceux qui avaient fait obstruction à l'enquête de la Commission et qui avaient continué l'infraction même après cette enquête. Il s'agirait donc d'une double pénalisation discriminatoire et disproportionnée de la seule société SDK, alors que le multiplicateur appliqué à VAW ne s'est élevé qu'à 1,25 et n'a augmenté le montant pour cette société que de 2 millions d'euros.

182. Dans la mesure où la Commission invoque sa taille et ses ressources globales (considérants 152 à 154 de la Décision), SDK se réfère à un rapport d'expertise économique pour affirmer que la force économique ne dépend pas de la taille en soi. D'une part, de grandes sociétés avec des parts de marché réduites sur un marché pertinent, telles que SDK, ne tireraient aucun pouvoir de leur présence sur d'autres marchés qui n'ont aucun lien avec le marché pertinent. D'autre part, un grand conglomérat avec une faible position financière ne pourrait pas non plus être considéré comme étant économiquement fort en raison de sa seule taille. Une entreprise disposant d'une part de marché limitée relative au produit en cause ne bénéficierait pas plus d'une entente en raison du seul fait qu'elle vend aussi des produits sans aucun lien avec l'entente et qui n'en sont donc pas affectés. En tout état de cause, à supposer même qu'il y ait lieu d'appliquer un facteur de dissuasion, celui-ci devrait dépendre de la situation sur le marché de l'EEE, sur lequel SDK n'occupe qu'une position marginale, et prendre en considération uniquement la probabilité d'une découverte de l'entente et les profits escomptés des membres de cette dernière.

183. Selon SDK, l'application du multiplicateur de 2,5 est aussi inconciliable avec plusieurs décisions antérieures de la Commission. Cette dernière traiterait donc les différentes affaires de manière incohérente. Enfin, les droits de la défense de SDK auraient été violés en ce qu'elle n'a pas été entendue sur les raisons et sur les critères du choix d'un multiplicateur de 2,5.

184. Toutes les requérantes japonaises dénoncent une motivation insuffisante sur les différents points qui viennent d'être résumés.

185. Selon la Commission, il ressort des motifs exposés dans la Décision et de la jurisprudence qu'aucun des moyens n'est fondé.

186. S'agissant notamment de la répartition des entreprises en trois catégories et de la fixation des montants de départ, la Commission conteste qu'elle se soit exclusivement fondée sur le chiffre d'affaires mondial tiré de la vente du produit en cause. Le point de départ du calcul des amendes aurait été la gravité de l'infraction (nature et incidence ainsi que taille du marché géographique en cause). Les chiffres d'affaires et les parts de marché à l'échelle mondiale auraient simplement servi de base pour déterminer l'importance relative dans l'EEE des entreprises impliquées dans l'entente. L'approche de la Commission aurait donc tenu compte de nombreux éléments et ne constituerait nullement un simple calcul fondé sur le chiffre d'affaires.

187. Quant au multiplicateur de 2,5 appliqué au montant de départ fixé pour SDK, la Commission conteste l'argument selon lequel cet ajustement était censé produire un effet dissuasif supplémentaire. Au contraire, le facteur d'ajustement reconnaîtrait simplement le fait que des ressources financières différentes requièrent des amendes différentes si celles-ci sont censées produire un effet dissuasif équivalent. Cela impliquerait un traitement différencié des membres de l'entente. Dans le cas de grands conglomérats, tels que celui dont fait partie SDK, il ne serait pas suffisant de retenir le chiffre d'affaires sur le marché où l'infraction s'est produite.

188. Quant au chiffre précis de 2,5, la Commission affirme qu'il n'était pas fondé sur le chiffre d'affaires mondial du groupe auquel appartenait la requérante. Il se serait plutôt agi d'une adaptation brute tenant compte de la taille de SDK et de ses ressources globales, étant donné qu'elle était de loin la plus grande entreprise concernée par la Décision.

Appréciation du Tribunal

- Sur l'applicabilité des lignes directrices pour déterminer le chiffre d'affaires à retenir

189. Dans la mesure où SGL excipe de l'incompatibilité des lignes directrices avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, qui aurait été basée sur le chiffre d'affaires global, il y a lieu de préciser que les sanctions pouvant être imposées par la Commission pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence sont définies par l'article 15 du règlement n° 17, adopté antérieurement à la date à laquelle l'infraction a été commise. Or, ainsi qu'il résulte des points 159 à 164 ci-dessus, la méthode générale pour le calcul du montant des amendes énoncée dans les lignes directrices est basée sur les deux critères mentionnés dans l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à savoir la gravité de l'infraction et la durée de celle-ci, et respecte la limite maximale par rapport au chiffre d'affaires de chaque entreprise, établie par la même disposition (arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, point 231).

190. Par conséquent, les lignes directrices ne vont pas au-delà du cadre juridique des sanctions tel que défini par cette disposition (arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, point 232).

191. Le changement qu'entraîneraient les lignes directrices par rapport à la pratique administrative antérieure de la Commission ne constitue pas une altération du cadre juridique déterminant le montant des amendes pouvant être infligées, contraire au principe général de non-rétroactivité des lois ou à celui de sécurité juridique. D'une part, en effet, la pratique antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est défini uniquement dans le règlement n° 17. D'autre part, au regard de la marge d'appréciation laissée par le règlement n° 17 à la Commission, l'introduction par celle-ci d'une nouvelle méthode de calcul du montant des amendes, pouvant entraîner une augmentation du niveau général des amendes, ne peut être considérée comme une aggravation, avec effet rétroactif, des amendes telles qu'elles sont prévues par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, points 233 à 235).

192. Par ailleurs, le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, point 109). L'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige, au contraire, que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, précité, point 109, et LR AF 1998/Commission, point 38 supra, points 236 et 237).

193. Il s'ensuit que le grief tiré de l'inapplicabilité des lignes directrices doit être rejeté.

194. Par conséquent, la référence des quatre requérantes japonaises et de C/G aux méthodes de calcul américaines, prétendument plus équitables, est inopérante, étant donné que la Commission pouvait légitimement appliquer la méthode de calcul énoncée dans les lignes directrices.

- Sur le chiffre d'affaires retenu par la Commission aux fins de la détermination du montant de départ

195. Dans la mesure où il est reproché à la Commission de ne pas avoir déterminé les différents montants de départ en se fondant soit sur le chiffre d'affaires afférant aux ventes d'électrodes de graphite dans l'EEE, soit sur le chiffre d'affaires global, tous produits confondus, il convient de rappeler, d'une part, que la seule référence expresse au chiffre d'affaires contenue dans l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 concerne la limite supérieure que le montant d'une amende ne peut dépasser et, d'autre part, que cette limite s'entend comme étant relative au chiffre d'affaires global (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, point 119). Dans le respect de cette limite, la Commission peut, en principe, fixer l'amende à partir du chiffre d'affaires de son choix, en termes d'assiette géographique et de produits concernés (arrêt Ciment, point 39 supra, point 5023), sans être obligée de retenir précisément le chiffre d'affaires global ou celui réalisé sur le marché géographique ou le marché des produits en cause. Enfin, si les lignes directrices ne prévoient pas le calcul des amendes en fonction d'un chiffre d'affaires déterminé, elles ne s'opposent pas non plus à ce qu'un tel chiffre d'affaires soit pris en compte, à condition que le choix opéré par la Commission ne soit pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

196. En l'espèce, contrairement à l'argument de SGL, il résulte à l'évidence des considérants 149 à 151 de la Décision que la Commission a choisi le chiffre d'affaires mondial réalisé par la vente du produit en cause pour exprimer, en termes de montants de départ, la nature de l'infraction, son incidence réelle sur le marché ainsi que l'étendue du marché géographique, compte tenu de la grande disparité de taille entre les membres de l'entente.

197. Or, eu égard à la nature intrinsèque de l'entente, la Commission était fondée à retenir ce chiffre d'affaires, sans commettre d'erreur d'appréciation, en ce qu'il permettait de tenir compte de " la capacité économique effective des auteurs d'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs ", au sens du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices.

198. En effet, selon les constatations figurant dans la Décision, l'entente avait une dimension mondiale et comportait, outre la fixation des prix, la répartition des marchés selon le principe du " producteur domestique ": les producteurs non originaires de l'EEE, au lieu de livrer une concurrence agressive sur le marché de l'EEE, devaient finir par se retirer de ce marché qui n'était pas " leur marché domestique " (voir points 64 et 67 ci-dessus). Si la Commission avait calculé le montant de départ de Tokai, SDK, Nippon, SEC et C/G sur la base de leur faible chiffre d'affaires dans l'EEE pour le produit en cause, elle les aurait récompensées de s'être conformées à l'un des principes fondamentaux de l'entente et d'avoir accepté de ne pas entrer en concurrence sur le marché de l'EEE, alors que leur comportement conforme à ce principe de l'entente a permis aux producteurs " domestiques " en Europe, à savoir notamment SGL et UCAR, de fixer unilatéralement les prix dans l'EEE. Ce faisant, les requérantes japonaises et C/G ont entravé la concurrence sur le marché de l'EEE, peu importe leur chiffre d'affaires réel sur ce marché.

199. À cet égard, il convient de préciser que l'entente mondiale incriminée par la Décision a porté atteinte aux consommateurs dans l'EEE parce que notamment SGL et UCAR avaient pu augmenter leurs prix dans l'EEE sans être menacées par les requérantes japonaises et par C/G, lesquelles pouvaient agir de même, en vertu du principe de réciprocité au niveau mondial, sur leurs marchés respectifs, à savoir le Japon et l'Extrême-Orient, d'une part, et les États-Unis, d'autre part. L'un des objets de l'entente ayant été d'empêcher les forces concurrentielles des producteurs " non domestiques " de se déployer dans l'EEE, la participation de ces producteurs était nécessaire au bon fonctionnement de l'entente dans son ensemble, c'est-à-dire sur les autres marchés régionaux du monde. Par conséquent, l'incidence réelle sur l'EEE de l'infraction commise par tous les membres de l'entente, y compris celles des requérantes pour lesquelles l'EEE n'était pas le " marché domestique ", consistait en leur contribution à l'efficacité globale de l'entente, chacun des trois " piliers " - États-Unis, EEE, Extrême-Orient/Japon - étant essentiel au fonctionnement effectif de l'entente sur le plan mondial.

200. Il y a lieu d'ajouter que le fait pour la Commission de ne disposer que d'une compétence de sanction limitée au territoire de l'EEE ne s'oppose pas à ce qu'elle prenne en considération le chiffre d'affaires mondial tiré de la vente du produit en cause, afin d'évaluer la capacité économique des membres de l'entente à porter atteinte à la concurrence au sein de l'EEE. La Commission peut procéder à cette évaluation au même titre qu'elle tient compte, conformément à l'article 15 du règlement n° 17 et à la jurisprudence y relative, de la capacité financière de l'entreprise sanctionnée en se fondant sur son chiffre d'affaires mondial global.

201. Il est vrai qu'une jurisprudence bien établie s'oppose à ce que soit attribuée à l'un ou à l'autre des différents chiffres d'affaires une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation, de sorte que la fixation d'une amende appropriée ne peut pas être le résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global, en particulier lorsque les marchandises concernées ne représentent qu'une faible fraction de ce chiffre (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, points 120 et 121, et arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77-92, Rec. p. II-549, point 94). Ainsi, le Tribunal a accueilli, dans l'arrêt Parker Pen/Commission, précité, le moyen tiré d'une violation du principe de proportionnalité au motif que la Commission n'avait pas pris en considération le fait que le chiffre d'affaires réalisé avec les produits concernés par l'infraction était relativement faible par rapport à celui de l'ensemble des ventes réalisées par l'entreprise en cause.

202. Les quatre requérantes japonaises et C/G invoquent cette jurisprudence en renvoyant à leur faible présence dans l'EEE. Toutefois, la solution adoptée par le Tribunal dans l'arrêt Parker Pen/Commission, point 201 supra, concerne la fixation du montant final de l'amende et non pas, comme en l'espèce, du montant de départ déterminé au regard de la gravité de l'infraction. Or, en l'espèce, la Commission n'a nullement basé le montant final des amendes sur le seul chiffre d'affaires global, mais elle a tenu compte de toute une série d'éléments autres que le chiffre d'affaires et, quant au montant de départ, ce n'est précisément pas le chiffre d'affaires global qui a été pris en considération. La jurisprudence invoquée est donc dénuée de pertinence (voir, en ce sens, arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 153 supra, point 156).

203. Dans la mesure où C/G estime encore que sa participation à l'infraction ne saurait être qualifiée de " très grave " en raison de la spécificité de sa situation dans l'EEE, il suffit de relever que des données spécifiques propres à une entreprise donnée peuvent certes constituer des circonstances aggravantes ou atténuantes (points 2 et 3 des lignes directrices) ou justifier l'adaptation finale de l'amende [point 5, sous b), des lignes directrices]. Cependant, lorsque la Commission se fonde sur l'impact de l'infraction pour en évaluer la gravité, conformément au point 1 A, premier et deuxième alinéas, des lignes directrices, les effets à prendre en compte à ce titre sont ceux résultant de l'ensemble de l'infraction à laquelle toutes les entreprises ont participé (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, points 150 à 152), de sorte qu'une prise en considération du comportement individuel ou de données propres à chaque entreprise n'est pas pertinente à cet égard. Les éléments particuliers avancés par C/G sont donc dénués de pertinence dans le présent contexte.

204. Il s'ensuit que les moyens tirés d'une méconnaissance du chiffre d'affaires à retenir aux fins de la détermination du montant de départ doivent être rejetés.

- Sur l'impact réel de l'entente sur les augmentations de prix et sur les parts de marché de certains membres de l'entente

205. Dans la mesure où les requérantes japonaises et C/G font valoir que leur comportement infractionnel n'a pas eu d'" impact réel " dans l'EEE, au sens du point 1 A, avant-dernier alinéa, des lignes directrices, du fait que leur abstention de vendre le produit en cause reposait sur des décisions autonomes antérieures à l'entente, il y a lieu de relever que cette argumentation méconnaît la nature intrinsèque de l'entente de répartition des marchés au niveau mondial, d'une part, et le fait que les requérantes n'ont pas valablement contesté les constatations factuelles de la Commission sur ce point, d'autre part.

206. En effet, les requérantes ont admis les principes directeurs de l'entente selon lesquels les prix du produit en cause devaient être fixés au niveau mondial et les producteurs " non domestiques " devaient se retirer des marchés réservés aux producteurs " domestiques " (considérant 50 de la Décision). En outre, la Commission a constaté que ces principes directeurs avaient été mis en œuvre par les différentes réunions de l'entente (considérants 51 à 93 de la Décision), sans que les requérantes susmentionnées aient valablement remis en question ces constatations.

207. S'agissant de l'impact concret du comportement infractionnel de chaque entreprise sur le marché et la concurrence, cet impact doit être pris en considération, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, " lorsqu'il est mesurable ". En l'espèce, le comportement non agressif dans l'EEE des cinq requérantes susmentionnées correspondait fidèlement aux principes et au bon fonctionnement de l'entente. Il est donc difficilement " mesurable " dans quelle mesure l'impact concret de l'infraction commise par ces requérantes, à savoir leur absence d'agressivité sur le marché de l'EEE, excède le niveau purement contractuel, à savoir leur engagement de rester passives.

208. Pour contester valablement l'impact concret de l'infraction, il ne suffit pas non plus d'invoquer des " explications alternatives " pour le comportement conforme aux accords infractionnels, à savoir des décisions autonomes prétendument prises dans l'intérêt économique des entreprises. En effet, le concept des " explications alternatives " ne peut servir qu'à exclure l'existence d'une pratique concertée, lorsqu'un comportement parallèle et passif peut être expliqué par d'autres raisons plausibles qu'une concertation entre les entreprises concernées (voir arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30-91, Rec. p. II-1775, point 75, et la jurisprudence de la Cour citée). En l'espèce, loin de constituer un simple comportement parallèle, le comportement infractionnel des cinq requérantes susmentionnées correspond précisément aux accords collusoires dont elles n'ont contesté ni l'existence ni le contenu.

209. En outre, ainsi que la Commission l'a souligné à juste titre, l'objet de l'entente était d'assurer la stabilité du marché mondial de manière à permettre des augmentations de prix concertées. En acceptant de rester éloignées du marché de l'EEE, les cinq requérantes susmentionnées ont apporté à la stabilité du marché mondial une contribution importante, qui a eu pour effet de porter gravement atteinte à la concurrence dans l'EEE. La contrepartie de la protection assurée par SGL et UCAR à ces requérantes sur leurs marchés " domestiques " était leur promesse de rester en dehors de l'EEE. Si cette promesse n'avait pas eu de valeur, il n'aurait pas été nécessaire pour ces requérantes de participer à l'entente.

210. Enfin, selon les constatations figurant dans la Décision, l'entente en cause n'était pas une entente européenne à laquelle auraient été associés quelques participants japonais et américains, mais il s'agissait d'une entente active à l'échelle mondiale. Pour exclure le risque de perturbation du bon fonctionnement de l'entente, chaque partie s'était engagée à respecter les parts de marché acquises au niveau mondial, en dépit d'éventuelles tendances et évolutions futures, et à assurer ainsi des augmentations de prix régulières dans chaque région du monde, augmentations qui, en l'absence du principe du producteur " domestique ", auraient pu encourager l'accès de producteurs " non domestiques " à des régions caractérisées par la présence de producteurs " domestiques ".

211. La référence des requérantes à leurs décisions autonomes, prises dans leur intérêt économique, de se concentrer sur leur marché " domestique " respectif est donc dénuée de pertinence. En effet, les circonstances ayant déterminé de telles décisions peuvent changer à tout moment, de sorte que l'engagement de rester en dehors d'une région qui, à un moment donné, ne présentait pas d'intérêt économique conserve sa valeur. De plus, s'il est toujours difficile d'imaginer quelle aurait été l'évolution sur un marché donné en l'absence de l'entente active sur ce marché, de tels pronostics sont tout particulièrement problématiques dans l'hypothèse d'une répartition des marchés selon le principe du producteur " domestique " qui oblige les membres de l'entente d'être passifs dans certaines régions géographiques.

212. En tout état de cause, il ne suffit pas de s'interroger, dans une telle hypothèse, sur les parts de marché que les producteurs " non domestiques " auraient raisonnablement pu acquérir, en l'absence de l'entente, sur un marché réservé à un autre membre de l'entente. En effet, il ne saurait être exclu que, en l'absence de la sécurité conférée par l'entente, le producteur " domestique " ait, sous la simple menace d'un accès d'autres producteurs à ce marché, pratiqué des prix assez bas pour que ces autres producteurs choisissent de rester en dehors du marché en question, sans y acquérir la moindre part de marché. Or, dans une telle situation, le libre jeu de la concurrence aurait profité aux consommateurs, en termes d'une baisse des prix, sans que les parts de marché aient évolué du tout.

213. La Commission a donc estimé à bon droit que le comportement passif dans l'EEE des cinq requérantes en question était la conséquence réelle de l'entente, de sorte que ces requérantes avaient, elles aussi, participé à une " infraction très grave ".

214. Il en va de même pour les augmentations de prix provoquées par l'entente entre 1992 et 1996. Dans la mesure où SGL invoque des " explications alternatives " à cet égard, il suffit de rappeler, à nouveau, que le cas présent ne concerne pas l'hypothèse d'un simple " comportement parallèle ". En outre, les considérants 136 et 137 de la Décision résument les constatations factuelles de la Commission relatives à la fixation de prix cibles et aux augmentations effectives des prix en application du principe directeur de l'entente, selon lequel les prix des électrodes de graphite étaient fixés sur le plan mondial (considérants 50 et 61 à 70 de la Décision). Il en ressort que les prix convenus lors des réunions du cartel ont progressivement été imposés aux acheteurs et ont augmenté de presque 50 % entre 1992 et 1996. Ces constatations concrètes et circonstanciées n'ont pas été contestées par SGL. La Commission a donc valablement établi un lien entre la hausse des prix et l'application des accords infractionnels par les huit membres de l'entente qui contrôlaient près de 90 % du marché mondial des électrodes de graphite (considérant 135 de la Décision) et qui étaient parvenus à convenir des prix pendant cinq à six années (considérant 3 de la Décision), à se partager les marchés et à prendre toute une série de mesures connexes (considérant 2 de la Décision).

215. Il s'ensuit que les moyens tirés d'une méconnaissance de l'impact réel de l'entente sur les augmentations de prix et sur les parts de marché de certains membres de l'entente ne sauraient être retenus.

- Sur la répartition des membres de l'entente en trois catégories et sur la fixation des montants de départ respectifs

216. Quant au grief pris du caractère arbitraire et excessif des montants de départ et, notamment, du montant de 40 millions d'euros fixé pour SGL, au motif que ce montant élevé serait incompatible avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, il suffit de rappeler que la Commission dispose d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt Deutsche Bahn/Commission, point 157 supra, point 127). Le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait donc la priver de la possibilité d'élever, à tout moment, ce niveau pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, point 109) et pour renforcer l'effet dissuasif des amendes (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 179) (voir points 191 et 192 ci-dessus). Il s'ensuit que le grief pris du changement de pratique quant au niveau des montants de base doit être rejeté.

217. S'agissant de la répartition des membres de l'entente en plusieurs catégories, ce qui a entraîné une forfaitisation du montant de départ fixé aux entreprises appartenant à une même catégorie, il y a lieu de relever qu'une telle approche de la Commission, bien qu'elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d'une même catégorie, ne saurait, en principe, être censurée. En effet, la Commission n'est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes, d'assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes traduisent toute différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d'affaires global (voir arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 385, et la jurisprudence citée).

218. La Commission n'a donc pas commis d'erreur de fait ou de droit en procédant, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, à la répartition des requérantes en catégories.

219. Il n'en reste pas moins qu'une telle répartition par catégories doit respecter le principe d'égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 406). Dans cette même optique, les lignes directrices prévoient en leur point 1 A, sixième alinéa, qu'une disparité " considérable " dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature est, notamment, de nature à justifier une différenciation aux fins de l'appréciation de la gravité de l'infraction. Par ailleurs, selon la jurisprudence, le montant des amendes doit, au moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202-98, T-204-98 et T-207-98, Rec. p. II-2035, point 106).

220. Par conséquent, lorsque la Commission répartit les entreprises concernées en catégories aux fins de la fixation du montant des amendes, la détermination des seuils pour chacune des catégories ainsi identifiées doit être cohérente et objectivement justifiée (arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 416, et arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, point 298).

221. À cet égard, il y a lieu d'observer que la Commission, en disposant dans l'introduction de ses lignes directrices que la marge discrétionnaire dont elle dispose lors de la fixation du montant des amendes doit s'exprimer " dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence ", s'est engagée à s'orienter sur ces principes lorsqu'elle détermine le montant des amendes pour infraction aux règles de concurrence.

222. Il convient dès lors d'examiner si, en l'espèce, la détermination des seuils séparant les trois catégories identifiées par la Commission sur la base du tableau figurant au considérant 30 de la Décision (voir point 168 ci-dessus) est cohérente et objectivement justifiée.

223. Force est, à cet égard, de constater qu'il ressort à l'évidence des considérants 148 à 151 de la Décision que, pour former les trois catégories et pour fixer les différents montants de départ, la Commission s'est fondée sur un critère unique, à savoir les chiffres d'affaires et les parts de marché concrets que les membres de l'entente ont réalisés avec la vente du produit en cause sur le marché mondial. À cette fin, la Commission s'est référée aux chiffres d'affaires pour l'année 1998 et à l'évolution des parts de marché entre 1992 et 1998, tels qu'ils figurent dans le tableau susmentionné. Il apparaît, en outre, que la méthode arithmétique appliquée consistait à procéder par tranches d'environ [...] % de parts de marché, chaque tranche correspondant à un montant d'environ 8 millions d'euros. Ainsi, SGL et UCAR, avec une part de marché d'approximativement [...], se sont vu attribuer un montant de départ de [...] 40 millions chacune. VAW, SEC et Nippon, dont la part de marché n'atteignait pas 5 %, se sont vu attribuer 8 millions chacune, tandis que le montant attribué à SDK, à C/G et à Tokai, avec une part de marché entre 5 et 10 %, s'élève à 16 millions pour chacune.

224. S'agissant du point de départ de cette méthode, à savoir le choix des tranches de 8 millions d'euros, pour arriver au chiffre maximal précis de 40 millions d'euros retenu à l'égard de SGL et d'UCAR, il est vrai que la Commission n'indique nulle part dans la Décision pour quelles raisons elle a choisi le chiffre précis de 40 millions d'euros pour les entreprises classées dans la première catégorie. Cependant, ce choix de la Commission ne saurait être qualifié d'arbitraire et ne dépasse pas les limites du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose en la matière.

225. En effet, les lignes directrices permettent de fixer pour les infractions " très graves " un montant au-delà de 20 millions d'euros. Or, les ententes horizontales en matière de prix ont toujours été considérées comme faisant partie des infractions les plus graves au droit communautaire de la concurrence et peuvent donc, à elles seules, être qualifiées de " très graves " (arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 262). Cela est donc vrai à un double titre pour l'entente incriminée dans le cas présent où il s'agissait d'un cartel à la fois en matière de prix et en matière de répartition des marchés qui portait sur le territoire total du Marché commun et de l'EEE.

226. Il importe d'ajouter que le chiffre d'affaires pertinent pour SGL et UCAR s'élève, respectivement, à [...] millions et [...] millions d'euros, leurs parts de marché oscillant, respectivement, entre [...] et [...] % et entre [...] et [...] %. C'est donc à juste titre que la Commission a estimé qu'il convenait de ranger ces deux entreprises dans une même catégorie cohérente avec un chiffre d'affaires moyen de [...] millions d'euros et une part de marché moyenne d'environ [...] %.

227. La régularité de la première catégorie et du montant de départ y afférent étant ainsi constatée, il y a lieu d'examiner si la deuxième catégorie, composée de SDK, de C/G et de Tokai, a été constituée de manière cohérente et objectivement justifiée. À cet égard, il s'avère que la méthode arithmétique appliquée par la Commission aboutit à un résultat cohérent en ce qui concerne SDK, dont le chiffre d'affaires et la part de marché pertinents s'élèvent, respectivement, à [...] millions d'euros et à environ [...] %. La relation entre SDK, d'une part, et la catégorie composée de SGL et d'UCAR, d'autre part, peut donc approximativement être chiffrée à 1: 2,5, ce qui justifie la fixation d'un montant de départ de 16 millions d'euros à l'égard de SDK (40: 2,5).

228. En revanche, le fait d'avoir classé dans une même catégorie SDK et Tokai, alors que le chiffre d'affaires et la part de marché de cette dernière ne s'élèvent, respectivement, qu'à [...] millions d'euros et à environ [...] %, c'est-à-dire à la moitié des données pertinentes pour SDK, dépasse les limites de ce qui peut être accepté sous l'aspect des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, d'autant plus que la différence de taille entre Tokai et SDK, appartenant à une même catégorie, est plus importante que celle entre Tokai et Nippon (chiffre d'affaires: [...] millions d'euros et part de marché: environ [...] %), relevant de deux catégories différentes. Contrairement à la thèse de la Commission, une telle manière de classer ne saurait être qualifiée de cohérente (voir, en ce sens, arrêt FETTCSA, point 47 supra, points 415, 422 et 426).

229. S'agissant de vérifier si l'approche de la Commission peut être objectivement justifiée, il y a lieu de rappeler que la Décision, après avoir fait référence au chiffre d'affaires mondial tiré par chaque entreprise de la vente du produit concerné en 1998 et aux parts de marché à l'échelle mondiale (considérants 149 et 150), se limite à indiquer que " C/G, SDK et Tokai, dont les parts de marché étaient beaucoup plus faibles à l'échelle mondiale (entre 5 et 10 %) [que celles de SGL et d'UCAR], relèvent de la deuxième catégorie " (considérant 150). Or, ce passage n'expose aucune raison spécifique permettant à la Commission, malgré les relations de taille susmentionnées, de rattacher Tokai précisément à SDK et non pas à Nippon.

230. Devant le Tribunal, la Commission a fait valoir que, en établissant les trois catégories et en fixant les différents montants de départ, elle s'était attachée à des ordres de grandeur plutôt qu'à des formules arithmétiques, une amende devant être proportionnelle non pas au chiffre d'affaires d'une entreprise donnée, mais à la gravité et à la durée de l'infraction. En tout état de cause, l'entente dans son ensemble aurait eu une incidence considérable dans l'EEE, de sorte que même un participant doté d'une part de marché modeste pouvait contribuer significativement à ce résultat. La part de marché et le chiffre d'affaires ne refléteraient donc pas forcément toute l'étendue de l'incidence sur la concurrence de chaque membre de l'entente. Enfin, la Commission ne serait pas obligée de faire une quelconque distinction entre les entreprises sur la base de leur chiffre d'affaires; par conséquent, si une telle distinction est faite, il ne saurait lui être reproché de ne pas appliquer un strict rapport entre les chiffres d'affaires relatifs.

231. Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, la Commission ayant décidé d'appliquer au cas d'espèce la méthode de différenciation énoncée dans les lignes directrices, elle était tenue de s'y conformer, sauf à expliquer spécifiquement les motifs qui justifient, le cas échéant, de s'en écarter sur un point précis (arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 271). Étant donné que les membres de l'entente ont, aux termes de la Décision, été classés en catégories sur la seule base de leurs chiffres d'affaires et de leurs parts de marché, la Commission ne peut pas utilement revenir, devant le Tribunal, sur sa propre méthode de différenciation en faisant valoir qu'il ne s'agissait là que d'ordres de grandeur plutôt vagues et que ni la part de marché ni le chiffre d'affaires ne reflétait forcément l'incidence de chaque entreprise sur la concurrence. Par ailleurs, la Décision ne comporte aucun élément concret qui expliquerait pourquoi ce dernier argument justifierait le rattachement de Tokai précisément à SDK et non pas à Nippon.

232. S'il est vrai que la Commission peut prendre en considération une multitude d'éléments pour déterminer le montant final d'une amende et qu'elle n'est pas obligée d'appliquer des formules mathématiques à cet effet, il n'en reste pas moins que, dès lors qu'elle a jugé opportun et équitable d'avoir recours, à une certaine étape de cette détermination, à des éléments de calcul chiffrés, elle doit appliquer sa propre méthode de manière correcte, cohérente et, en particulier, non discriminatoire. Une fois qu'elle a volontairement choisi d'appliquer une telle méthode arithmétique, elle est liée aux règles inhérentes à celle-ci, sauf justification explicite, au regard de tous les membres d'une même entente.

233. Il résulte de ce qui précède que le classement de Tokai dans la même catégorie que SDK ne saurait être maintenu. Dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal estime qu'il convient, certes, de rester dans la logique générale de la Commission et de conserver la catégorisation des membres de l'entente. Toutefois, il y a lieu de dissoudre la deuxième catégorie et de classer, dans un premier temps, SDK et Tokai en deux catégories différentes, SDK conservant le montant de départ de 16 millions d'euros attribué par la Commission, alors que Tokai se verra attribuer un montant de départ de 8 millions d'euros.

234. En conséquence, il n'y a plus lieu de se prononcer sur les deux moyens supplémentaires soulevés par Tokai pour obtenir un montant de départ de 8 millions d'euros, moyens qui ont été tirés de ce que la Commission n'avait fourni aucune indication valable quant à la taille du marché en cause et qu'elle avait négligé que la part de marché de Tokai s'élevait légèrement en dessous du seuil de 5 %.

235. Toujours dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal estime, dans un second temps, que C/G, avec un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros et une part de marché d'environ [...] %, est tellement proche de Tokai, en termes de taille sur le marché mondial pertinent, qu'il convient de la ranger dans une même catégorie avec cette dernière. Par conséquent, le montant de départ pour C/G sera également fixé à 8 millions d'euros.

236. Quant à l'ancienne troisième catégorie, composée de Nippon, de SEC et de VAW, elle apparaît suffisamment cohérente sous l'aspect de la différence de taille tant entre les trois entreprises concernées que par rapport aux entreprises de la catégorie voisine (Tokai et C/G). Il convient donc de maintenir cette catégorie des plus petites entreprises en tant que telle.

237. Toutefois, le chiffre d'affaires moyen ([...] millions d'euros) et la part de marché moyenne (environ [...] %) de cette catégorie ne s'élèvent qu'à la moitié des données moyennes correspondantes de la catégorie voisine, formée par Tokai et par C/G, et à un dixième des données de la première catégorie, formée par SGL et UCAR. Par conséquent, le Tribunal estime, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, qu'il convient de fixer le montant de départ pour chacune des requérantes, Nippon et SEC, à 4 millions d'euros.

- Sur le " facteur de dissuasion " appliqué dans la Décision

238. Il y a lieu de relever, tout d'abord, que le reproche de SGL, selon lequel la Commission, au lieu de tenir compte des circonstances propres à l'entreprise, n'aurait cherché qu'à lui imposer un effet de dissuasion, manque en fait. En effet, ce n'est qu'en rappelant les règles générales de calcul que la Commission a mentionné le niveau suffisamment dissuasif des montants de départ (considérants 146 et 148 de la Décision). L'adaptation concrète de ces montants, en vue de les pourvoir d'un effet dissuasif spécifique, n'a été opérée qu'au regard de VAW et de SDK (considérants 152 à 154 de la Décision), alors que SGL n'a pas fait l'objet d'une telle adaptation.

239. Quant au grief soulevé par SDK, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission, lorsqu'elle calcule l'amende d'une entreprise, peut prendre en considération, notamment, sa taille et sa puissance économique (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, point 120, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T-48-98, Rec. p. II-3859, points 89 et 90). En outre, s'agissant de mesurer la capacité financière des membres d'une entente, la jurisprudence a reconnu la pertinence du chiffre d'affaires global (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, points 85 et 86), et, dans son arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission (point 153 supra, points 154, 155 et 162 à 167), le Tribunal a même reconnu la légalité du principe d'un multiplicateur précisément de 2,5 en soulignant la faculté pour la Commission de prendre en considération l'effet suffisamment dissuasif de l'amende infligée.

240. Dans ces circonstances, le grief tiré d'une violation des droits de la défense de SDK doit être rejeté. En effet, au point 110 de la communication des griefs, la Commission a précisé qu'elle entendait " fixer les amendes à un niveau suffisamment élevé pour avoir un effet dissuasif ". Or, SDK était à l'évidence au courant du texte de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de son chiffre d'affaires global élevé. En outre, SDK pouvait déduire de la décision 1999-60-CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE [IV-35.691-E-4 - Conduites précalorifugées (JO 1999, L 24, p. 1, ci-après la " décision Conduites précalorifugées ")], dans laquelle un multiplicateur précisément de 2,5 avait été appliqué à la société Asea Brown Boveri, qu'il n'était pas exclu que la Commission lui appliquerait également un multiplicateur de cet ordre. Rien n'aurait donc empêché SDK de se référer, lors de la procédure administrative, à sa taille et à ses ressources financières et de se prononcer sur l'effet dissuasif de la sanction que la Commission prendrait à son encontre.

241. Eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 239 ci-dessus, la Commission pouvait donc estimer, à juste titre, que SDK, en raison de son chiffre d'affaires global énorme par rapport à celui des autres membres de l'entente, mobiliserait plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, ce qui justifiait, en vue d'un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l'application d'un multiplicateur. Aucun des arguments avancés par SDK en sens contraire ne saurait être retenu.

242. En effet, premièrement, s'il est vrai que la simple taille d'une entreprise n'est pas automatiquement synonyme de sa puissance financière, cette constatation générale est dénuée de pertinence en l'espèce, étant donné que SDK, contrairement à d'autres requérantes, n'a pas allégué son incapacité financière de payer l'amende infligée. Deuxièmement, en prétendant qu'une amende équitable ne peut viser qu'à compenser le préjudice causé au libre jeu de la concurrence et qu'il faut évaluer, à cet effet, la probabilité dune découverte de l'entente ainsi que les profits escomptés par les membres de celle-ci, SDK invoque des paramètres hypothétiques et trop incertains pour une évaluation des ressources financières effectives d'une entreprise.

243. En tout état de cause, cette argumentation de SDK n'est pas de nature à infirmer la règle selon laquelle une infraction commise par une entreprise disposant de ressources financières énormes peut, en principe, être sanctionnée par une amende proportionnellement plus élevée que la même infraction commise par une entreprise qui ne dispose pas de telles ressources. Enfin, quant à la référence à d'autres entreprises qui, bien que s'étant trouvées dans des situations comparables à celle de SDK, auraient été sanctionnées moins gravement, il suffit de rappeler que la Commission, à condition de respecter la limite maximale de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, n'est pas tenue de pérenniser une pratique donnée en matière de fixation du niveau des amendes.

244. La possibilité de l'imposition d'un multiplicateur à SDK étant ainsi reconnue, il convient d'examiner si le chiffre de 2,5 est compatible avec les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

245. À cet égard, il y a lieu de constater que l'unique point de rattachement dans la Décision, permettant d'examiner le bien-fondé du chiffre de 2,5 appliqué à SDK, est sa comparaison avec celui de 1,25 appliqué à VAW, et ce au regard des chiffres et motifs figurant aux considérants 30 et 152 à 154 de la Décision (voir points 168 et 170 ci-dessus).

246. Il en ressort que la Commission a jugé équitable, dans le cas de VAW, de majorer le montant de départ " afin de tenir compte de la taille et des ressources globales " de l'entreprise. Or, les chiffres d'affaires et les parts de marché relatifs à la vente du produit à l'échelle mondiale entre 1992 et 1998 ayant été épuisés aux fins de la différenciation des membres de l'entente au titre de la gravité de l'infraction et les chiffres relatifs au marché de l'EEE étant dénués de pertinence dans le présent contexte, le seul élément susceptible de justifier cette constatation à l'égard de VAW est son chiffre d'affaires mondial total réalisé en 2000 qui, ainsi qu'il ressort du tableau figurant au considérant 30 de la Décision, est trois fois supérieur à celui de SGL. Quant au facteur de 1,25 fixé pour VAW, il apparaît à l'évidence que la multiplication avec le chiffre 1 a un effet totalement neutre, le seul effet multiplicateur réel étant apporté par le chiffre 0,25 additionné au chiffre 1.

247. S'agissant de la situation de SDK, la Décision fait état de ce qu'elle est " de loin la plus grande des entreprises concernées ", raison pour laquelle son montant de départ devrait être affecté d'un coefficient de 2,5 (considérant 154). Le seul élément qui justifie cette description de SDK est son chiffre d'affaires mondial total réalisé en 2000, qui est deux fois supérieur à celui de VAW et six fois supérieur à celui de SGL. Selon la logique que la Commission a elle-même suivie dans le cas de VAW, il convenait donc d'affecter le montant de départ de SDK du double de la majoration réelle appliquée à VAW, pour tenir compte de sa double taille et de ses doubles ressources globales. Or, le seul multiplicateur satisfaisant à ce critère est celui de 0,5 (2 x 0,25) additionné au chiffre 1.

248. Aucun des arguments avancés par la Commission en sens contraire ne saurait infirmer cette conclusion. D'une part, la Décision ne contient aucune constatation autre que celles relatives à la taille et aux ressources globales de l'entreprise, qui justifierait l'application à SDK d'un multiplicateur supérieur à celui de 1,5. En particulier, elle n'explique pas pourquoi les circonstances du cas d'espèce exigeraient l'application à SDK d'un multiplicateur six fois supérieur à celui appliqué à VAW, bien que son chiffre d'affaires pertinent pour cette opération ne soit que deux fois supérieur à celui de VAW. Dans la mesure où la Commission a déclaré, devant le Tribunal, qu'elle ne s'était pas fondée sur le chiffre d'affaires précis de SDK, mais qu'elle avait procédé à une simple adaptation brute pour donner une certaine orientation, il suffit de constater que cette argumentation est contredite tant par les chiffres que par les motifs fournis à cet égard dans la Décision. La Commission ne peut donc pas s'en écarter devant le Tribunal (voir point 232 ci-dessus). En tout état de cause, cette argumentation ne saurait justifier l'application du multiplicateur de 2,5.

249. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, estime qu'il convient d'affecter le montant de départ fixé pour SDK d'un coefficient de 1,5 pour atteindre 24 millions d'euros.

- Sur la motivation de la Décision

250. Il est de jurisprudence constante que la motivation d'une décision individuelle doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de la motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l'acte en cause, mais aussi du contexte dans lequel cet acte a été adopté (voir, notamment, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

251. Eu égard aux informations fournies aux considérants 129 à 154 de la Décision sur le calcul des amendes au titre de la gravité de l'infraction, aux lignes directrices ainsi qu'à la jurisprudence et à la pratique décisionnelle en la matière, débattues par les parties devant le Tribunal, il convient de constater que les requérantes étaient pleinement en mesure de soulever les nombreux moyens tirés de l'illégalité au fond en ce qui concerne les éléments de calcul relatifs à la gravité de l'infraction. Si elles font valoir que l'un ou l'autre de ces éléments n'est pas suffisamment motivé, elles dénoncent, en même temps, le caractère erroné ou arbitraire de cet élément et présentent les données que la Commission aurait, de leur avis, dû prendre en considération. Dans ces circonstances, les requérantes n'étaient pas exposées à une situation dans laquelle l'absence de motivation exhaustive de la part de la Commission les privait d'une protection juridictionnelle adéquate (voir, en ce sens, arrêt UK Coal/Commission, point 149 supra, point 206).

252. En tout état de cause, la Cour a jugé que la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu'elle indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité de l'infraction commise, sans être tenue d'y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l'amende (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C-279-98 P, Rec. p. I-9693, points 38 à 47, et arrêt Sarrió/Commission, point 239 supra, points 76 et 80).

253. Il s'ensuit que les moyens tirés d'un défaut de motivation ne sauraient être retenus.

254. Il résulte de ce qui précède que les moyens soulevés par SGL et UCAR doivent être rejetés, alors que les montants de départ des autres requérantes seront fixés comme suit: pour Tokai et C/G à 8 millions d'euros chacune, pour SEC et Nippon à 4 millions d'euros chacune et pour SDK à 24 millions d'euros.

c) Sur les montants de base retenus dans la Décision en fonction de la durée de l'infraction

Résumé de la Décision

255. Aux considérants 155 à 157 de la Décision, la Commission a retenu que SGL, UCAR, Tokai, Nippon et SEC avaient enfreint l'article 81, paragraphe 1, CE et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE entre mai 1992 et février/mars 1998. Ayant commis une infraction de longue durée de cinq ans et neuf à dix mois, leurs montants de départ, calculés sur la base de la gravité de l'infraction, ont été majorés de 55 %. Selon la Commission, SDK et VAW avaient commis une infraction de moyenne durée de quatre ans et sept à onze mois, et leurs montants de départ ont, par conséquent, été majoré de 45 %. C/G ayant commis une infraction de moyenne durée de trois ans et dix mois, son montant de départ a été augmenté de 35 %.

Affaire T-239-01

256. SGL fait valoir que la majoration de son montant de départ de 55 % pour une durée d'infraction de cinq ans et dix mois est en contradiction avec la décision Conduites précalorifugées (citée au point 240 ci-dessus) dans laquelle la Commission s'est contentée d'appliquer une majoration de 40 % pour une durée infractionnelle de cinq ans.

257. SGL ajoute que les cartels de quotas, qualifiés d'infractions " très graves " dans les lignes directrices, s'étendent régulièrement sur plusieurs années. Ce caractère typiquement durable serait inhérent aux infractions de ce genre. Par conséquent, un cartel de quotas qui, de par sa nature même, présente un caractère durable ne pourrait pas, s'agissant de sa durée, être traité de la même façon qu'une infraction qui, par exemple un abus de position dominante, est en soi " très grave " en cas de commission ponctuelle. La durée d'un cartel de quotas ne pourrait donc légalement être prise en compte que lorsqu'elle est nettement supérieure à la durée typique de ce genre d'infraction. Sur ce point, SGL conteste la légalité des lignes directrices en ce qu'elles envisagent la durée d'une infraction de la même façon quelle que soit la nature de cette dernière.

258. À cet égard, le Tribunal rappelle, tout d'abord, que le moyen dirigé par SGL contre les constatations factuelles de la Commission relatives à la durée de l'infraction a été rejeté ci-dessus (points 71 à 77).

259. S'agissant de l'exception d'illégalité soulevée dans le présent contexte, il convient de relever que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 prévoit expressément qu'il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, " outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ". À la lumière de ce texte, à supposer même que les cartels de quotas soient intrinsèquement conçus pour durer, il ne saurait être interdit à la Commission de tenir compte de leur durée effective dans chaque cas d'espèce. Il suffit de penser aux ententes qui, malgré une longévité projetée, sont détectées par la Commission ou dénoncées par un participant après une courte durée de fonctionnement effectif. Leur effet préjudiciable est nécessairement moindre que dans l'hypothèse où elles auraient eu une longue durée de fonctionnement effectif. Par conséquent, il importe de faire toujours une distinction entre la durée d'une infraction et sa gravité telle qu'elle résulte de sa nature propre (voir, en ce sens, arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 283).

260. La Commission était donc autorisée à annoncer, au point 1 B, troisième alinéa, des lignes directrices, que la majoration pour les infractions de longue durée serait désormais considérablement renforcée par rapport à la pratique antérieure en vue de sanctionner réellement les restrictions " qui ont produit durablement leurs effets nocifs " à l'égard des consommateurs.

261. Rien ne s'oppose, dès lors, à ce que la Commission ait tenu compte des lignes directrices pour augmenter de 55 %, au titre d'une durée d'infraction de cinq ans et neuf mois, le montant de départ calculé dans le cas de SGL.

262. Cette déduction n'est pas remise en question par la décision Conduites précalorifugées, dans laquelle la Commission n'a appliqué qu'une majoration de 40 % pour une durée infractionnelle de cinq ans. En effet, il s'agissait là d'une pondération particulière qui a été expressément justifiée par les circonstances spécifiques de l'espèce: au départ de la période infractionnelle, les arrangements collusoires avaient été incomplets ou avaient eu un effet limité; ensuite, ils avaient été suspendus pendant une certaine période et n'avaient atteint leur forme la plus achevée qu'après plusieurs années (considérant 170 de la décision Conduites précalorifugées). Or, la situation de SGL n'est pas marquée par de telles circonstances spécifiques.

263. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une méconnaissance de la durée de l'infraction retenue à l'égard de SGL doit être rejeté.

Affaire T-246-01

- Arguments des parties

264. S'agissant de la période finale du fonctionnement de l'entente, UCAR affirme avoir fourni, elle-même, les preuves de sa participation à l'infraction après les vérifications surprises opérées par la Commission en juin 1997, notamment les preuves ayant permis à cette dernière d'établir les réunions de l'entente de novembre 1997 et du 13 février 1998 ainsi que le maintien des contacts bilatéraux jusqu'en mars 1998. En application de son projet d'une nouvelle communication sur la coopération, publié en 2001, la Commission aurait été empêchée d'utiliser ces informations pour augmenter son amende de 55 %. En effet, dans ce projet, la Commission aurait suggéré que, lorsqu'une entreprise fournit des éléments de preuve sur des faits précédemment ignorés de la Commission et qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l'infraction présumée, la Commission n'en tiendrait pas compte pour fixer le montant de l'amende infligée à l'entreprise qui les a fournis. Il s'agirait là d'une approche appropriée que la Commission aurait dû suivre. En tout état de cause, le Tribunal pourrait la prendre en considération en vertu de sa compétence de pleine juridiction.

265. UCAR en conclut que les preuves de sa participation à l'entente après la réunion d'avril 1997 ne devraient pas être prises en compte, ce qui réduirait la durée de son infraction à quatre ans et onze mois. Son montant de départ devrait donc être augmenté au maximum de 45 % en raison de la durée.

266. S'agissant de la période initiale de l'entente (1992 à 1995), UCAR souligne que c'est à Mitsubishi et à Union Carbide, ses sociétés mères à cette époque, que la Commission aurait dû infliger une amende, et non pas à UCAR. En effet, ces sociétés auraient détenu le contrôle d'UCAR et auraient joué un rôle important en démarrant les premiers contacts entre concurrents et en facilitant la participation d'UCAR dans l'entente. UCAR précise que, sur le plan juridique, Mitsubishi et Union Carbide l'ont contrôlée jusqu'en 1995. Dans le cadre d'une recapitalisation opérée en janvier 1995, Mitsubishi et Union Carbide l'auraient littéralement " dépouillée " et provoqué son endettement. Or, la Commission n'aurait jamais enquêté sur le rôle de Mitsubishi et de Union Carbide. En outre, la Décision ne contiendrait aucune motivation sur la problématique du contrôle exercé par Mitsubishi et Union Carbide sur UCAR durant la période litigieuse.

267. UCAR ajoute que la Commission aurait également dû prendre en considération que, depuis la date de ses vérifications surprises, le conseil d'administration d'UCAR cherchait, par le biais d'une enquête interne systématique et intensive, à détecter activement et à faire cesser tout contact illégal avec des concurrents.

268. En ce qui concerne la période finale de l'entente, la Commission souligne que sa nouvelle politique en matière de coopération n'avait pas encore été adoptée à la date de la Décision. Dès lors, UCAR ne saurait avoir fondé une confiance légitime dans le fait que la Commission appliquerait une telle politique. Le fait que la Commission se rende compte que sa politique en matière de coopération pourrait être modifiée et améliorée ne lui interdirait pas d'appliquer, dans l'intervalle, les dispositions en vigueur. Avant l'adoption formelle de son projet de révision invoqué par UCAR, la Commission n'aurait donc pas été contrainte de tenir compte de ce projet.

269. Les questions soulevées par UCAR au regard du rôle de Mitsubishi et de Union Carbide n'auraient été évoquées ni dans sa réponse à la communication des griefs ni à aucun moment de la procédure engagée devant la Commission. Jusqu'au dépôt de sa requête, elle aurait fait comme si elle reconnaissait pleinement avoir enfreint les règles de concurrence et mérité une amende; elle n'aurait pas fait valoir qu'elle ne devait pas être sanctionnée pour l'infraction commise avant 1995 parce que son comportement devait être imputé à Mitsubishi et à Union Carbide.

270. Même dans la lettre envoyée à la Commission le 23 février 2001, à laquelle était joint le compte rendu du procès contre Mitsubishi aux États-Unis, UCAR n'avancerait aucun des arguments présentés devant le Tribunal. Par conséquent, même à cette époque, alors qu'elle disposait de toutes les preuves pertinentes, elle n'aurait pas allégué que le rôle joué par Mitsubishi ait eu la moindre incidence sur les faits constatés quant à sa participation à l'infraction. La lettre se serait concentrée plutôt sur la question de la capacité contributive réelle d'UCAR.

271. En ce qui concerne Union Carbide, UCAR n'aurait soutenu à aucun moment que cette société avait participé directement à l'infraction. Même devant le Tribunal, Union Carbide ne serait pas clairement mise en cause, sauf pour ce qui est des avantages financiers que cette société aurait prétendument retirés de l'entente.

272. La Commission considère donc que le Tribunal, dans l'exercice de sa pleine juridiction en matière d'amendes, devrait augmenter l'amende infligée à UCAR pour ce changement de point de vue que la Commission qualifie d'inacceptable de la part d'une entreprise ayant bénéficié d'une réduction substantielle de l'amende en application de la communication sur la coopération au motif qu'elle ne contestait pas les allégations de la Commission.

- Appréciation du Tribunal

273. En ce qui concerne le grief relatif à la période finale de l'entente, il est exclusivement fondé sur le projet d'une nouvelle communication sur la coopération qui, à la date d'adoption de la Décision (18 juillet 2001), n'avait pas même été publié au Journal officiel; en effet, ce projet n'est paru que dans le Journal officiel du 21 juillet 2001 (JO C 205, p. 18). Quant à la nouvelle " communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes " qui, en son point 23, dernier alinéa, a entériné le projet invoqué par UCAR, elle n'a été publiée qu'au Journal officiel du 19 février 2002 (JO C 45, p. 3) et ne remplace, en vertu de son point 28, l'ancienne communication sur la coopération de 1996 que depuis le 14 février 2002. Dans ces circonstances, il est évident que la Commission n'a commis aucune erreur en s'abstenant d'appliquer la nouvelle politique en matière de coopération, invoquée par UCAR, dans le cadre de la Décision.

274. Dans la mesure où UCAR fait valoir que le Tribunal ne serait pas empêché de tenir compte de la nouvelle communication sur la coopération de 2002 en tant qu'expression du principe d'équité, il y a lieu d'observer que le Tribunal pourrait effectivement, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, la prendre en considération comme élément complémentaire d'information qui n'était pas mentionné dans la Décision (arrêt du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, point 108 supra, point 55). Dans les conditions du cas d'espèce, le Tribunal estime, cependant, qu'il ne convient pas d'exercer son pouvoir dans le sens d'une réduction du taux appliqué à UCAR au titre de la durée de sa participation à l'infraction.

275. En effet, les réponses à une question écrite du Tribunal et les débats lors de l'audience ont fait ressortir qu'il est constant entre les parties que les éléments de preuve qu'UCAR a été la première entreprise à avoir fournis à la Commission ne couvrent que la période allant de la mi-novembre 1997 à mars 1998. Or, même si la durée de la participation d'UCAR à l'infraction était réduite à la période allant de mai 1992 à la mi-novembre 1997, il s'agirait toujours d'une participation à une infraction de longue durée, à savoir cinq ans et demi, pour laquelle le point 1 B, premier alinéa, des lignes directrices permet de fixer un montant additionnel déterminé par l'application d'un taux de 55 %. Par ailleurs, la Commission a déjà tenu compte de tous les éléments de preuve fournis par UCAR, qui lui avaient permis d'établir " certains aspects importants de l'affaire ", en lui accordant une réduction d'amende de 40 %, au titre de la communication sur la coopération (considérants 200 à 202 de la Décision), ce qui représente - à côté de la réduction de 70 % consentie à SDK pour avoir fourni les premiers éléments de preuve sur l'entente tout entière (considérant 217 de la Décision) - la deuxième plus importante de toutes les réductions accordées à ce titre.

276. Le principe d'équité ne commande donc aucune correction, pour la période finale de l'entente, du taux de 55 % appliqué à UCAR au titre de la durée de sa participation à l'infraction.

277. Quant aux mesures que le conseil d'administration d'UCAR a prises dès les vérifications de la Commission afin de faire cesser l'infraction, il suffit de relever que des efforts visant à faire cesser une infraction ne sauraient être automatiquement assimilés à la cessation définitive de celle-ci. Il est de fait qu'UCAR n'a pas contesté la constatation factuelle de la Commission, selon laquelle elle avait participé à l'entente en 1997 et en 1998. Or, le pouvoir de la Commission de sanctionner une entreprise lorsqu'elle a commis une infraction ne suppose que l'action infractionnelle d'une personne qui est généralement autorisée à agir pour le compte de l'entreprise (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, point 97). L'action du conseil d'administration d'UCAR est donc dénuée de pertinence pour la prise en considération de la durée de l'infraction.

278. S'agissant du grief relatif à la période initiale de l'entente (1992 à 1995), durant laquelle UCAR se trouvait sous le contrôle de Mitsubishi et de Union Carbide, il est constant qu'UCAR a participé de mai 1992 à mars 1998, en tant qu'" UCAR International Inc. ", à l'entente litigieuse. C'est à cette société UCAR International Inc. que la Commission a infligé une amende pour cette infraction, et non pas aux personnes physiques ou morales qui l'ont prétendument influencée. Par conséquent, elle n'était pas tenue de prendre en considération les changements qui pouvaient avoir eu lieu, durant la période infractionnelle, dans la composition des propriétaires juridiques ou économiques de la société.

279. La circonstance qu'UCAR formait éventuellement une unité économique avec Mitsubishi et/ou Union Carbide, de sorte qu'elle ne pouvait pas prendre de décisions autonomes, ce que la Commission conteste, ne joue aucun rôle dans ce contexte. Cette circonstance n'aurait été pertinente que dans l'hypothèse où la Commission aurait fait usage de sa faculté de sanctionner la société mère d'UCAR pour le comportement de cette dernière, comme elle l'a d'ailleurs fait dans le cas de VAW (considérants 117 à 123 de la Décision), en invoquant l'arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (point 113 supra, points 26 à 29). En l'espèce, en revanche, il ne s'agit pas du point de savoir si le comportement d'UCAR pouvait être imputé à quelqu'un d'autre (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, ci-après l'" arrêt Krupp ", point 189), étant donné que la Commission a décidé de s'adresser à la seule société UCAR.

280. Le cas présent ne concerne pas non plus les questions que peut soulever une succession économique dans le contrôle d'une entreprise, lorsqu'il convient de déterminer celui qui répond des agissements de l'entreprise, à savoir le cédant ou le cessionnaire (arrêt du Tribunal rendu, après pourvoi et renvoi, dans l'affaire Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 113 supra, points 60 et 70; arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, points 101 à 108). En effet, s'il est vrai que l'application de la règle jurisprudentielle selon laquelle " il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l'entreprise en cause au moment où l'infraction a été commise de répondre à celle-ci, même si, au jour de l'adoption de la décision constatant l'infraction, l'exploitation de l'entreprise a été placée sous la responsabilité d'une autre personne " (arrêt HFB e. a./Commission, précité, point 103), peut s'avérer difficile dans certaines conditions, la Commission s'est contentée, en l'espèce, de sanctionner la seule entreprise UCAR et n'avait donc pas à examiner les questions d'exploitation et de contrôle d'UCAR.

281. En tout état de cause, la règle jurisprudentielle qui vient d'être mentionnée doit être interprétée en ce sens qu'une entreprise - c'est-à-dire une unité économique comprenant des éléments personnels, matériels et immatériels (arrêt de la Cour du 13 juillet 1962, Mannesmann/Haute Autorité, 19-61, Rec. p. 675, 705-706) - est dirigée par les organes prévus par son statut juridique et que toute décision lui infligeant une amende peut être adressée à la direction statutaire de l'entreprise (conseil d'administration, comité directeur, président, gérant, etc.), même si les conséquences financières en sont finalement supportées par ses propriétaires. Cette règle serait méconnue si l'on exigeait de la Commission, confrontée au comportement infractionnel d'une entreprise, de vérifier toujours qui est le propriétaire exerçant une influence décisive sur l'entreprise, pour lui permettre de ne sanctionner que ce propriétaire.

282. Si UCAR prétend avoir été " dépouillée " par ses anciens propriétaires Mitsubishi et Union Carbide, qui l'auraient incitée à créer l'entente pour laquelle elle est maintenant sanctionnée, la Commission a exposé, à juste titre, que la solution de ce conflit doit être cherchée dans les relations entre Mitsubishi et Union Carbide, d'une part, et UCAR ainsi que ses actuels propriétaires, d'autre part, et non pas au niveau de l'application du droit de la concurrence par la Commission. Ainsi, même si Mitsubishi et Union Carbide avaient réellement utilisé UCAR comme instrument destiné à réaliser des profits tirés des agissements de l'entente litigieuse, la Commission était autorisée à imposer une amende à ce seul instrument, tandis qu'UCAR et/ou ses propriétaires sont libres d'introduire des recours en réparation contre Mitsubishi et Union Carbide. Par ailleurs, UCAR s'est effectivement retournée contre Mitsubishi et Union Carbide aux États-Unis pour récupérer les fonds qui lui avaient prétendument été soustraits (considérant 42 de la Décision).

283. Dans la mesure où UCAR prétend encore que la Commission aurait dû examiner le rôle joué par Mitsubishi et Union Carbide dans la création de l'entente, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même à supposer que la situation d'un autre opérateur économique non destinataire de la Décision ait été analogue à celle d'UCAR, une telle constatation ne permettrait pas d'écarter l'infraction retenue à l'encontre d'UCAR, dès lors que cette infraction a été correctement établie sur le fondement de preuves documentaires. UCAR, du fait qu'elle a violé l'article 81 CE, ne saurait échapper à toute sanction au motif que d'autres opérateurs économiques tels que Mitsubishi et Union Carbide ne se sont pas vu infliger une amende, alors même que, comme en l'espèce, le Tribunal n'est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, points 146 et 197; arrêt Acerinox/Commission, point 239 supra, points 156 et 157, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T-17-99, Rec. p. II-1647, point 101).

284. Dans ces circonstances, le fait que Mitsubishi a été condamnée, en février 2001, aux États-Unis pour avoir favorisé et soutenu une entente entre producteurs d'électrodes de graphite et s'est vu infliger une amende de 134 millions de USD (considérant 42 de la Décision) est dénué de pertinence pour l'examen du calcul de l'amende infligée à UCAR. Il n'est pas non plus nécessaire d'examiner si la Commission avait été informée en temps utile de l'implication de Mitsubishi et de Union Carbide dans l'entente et si UCAR était effectivement contrôlée par Mitsubishi ou Union Carbide.

285. Enfin, la Commission étant autorisée à sanctionner l'entreprise qui a participé directement à l'infraction en cause, à savoir UCAR, elle n'était pas tenue de justifier ce choix en exposant les raisons pour lesquelles elle n'a pas sanctionné Mitsubishi et Union Carbide. Par conséquent, la Commission n'a pas violé l'obligation de motivation lui incombant en vertu de l'article 253 CE.

286. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Commission visant à augmenter l'amende infligée à UCAR.

287. En effet, il résulte de ce qui précède que la Commission était dispensée de devoir apporter une nouvelle administration de la preuve devant le Tribunal en ce qui concerne la durée de la participation d'UCAR à l'infraction retenue dans la Décision. Face au moyen pris d'une méconnaissance du rôle joué par Mitsubishi et Union Carbide entre 1992 et 1995, elle pouvait se limiter à présenter les arguments juridiques qui viennent d'être exposés.

288. En outre, c'est déjà en février et en avril 2001, donc avant l'adoption de la Décision, qu'UCAR avait transmis à la Commission des éléments relatifs à la participation, notamment, de Mitsubishi à l'entente faisant l'objet de l'enquête de la Commission. La Décision fait également état de l'affirmation d'UCAR selon laquelle ses anciennes sociétés mères, Union Carbide et Mitsubishi, ont bénéficié du cartel (considérant 204). Dans ces circonstances, il ne saurait être affirmé qu'UCAR a contesté, pour la première fois devant le Tribunal, la matérialité des faits relatifs à la durée de sa participation à l'infraction, au sens du point E, paragraphe 4, second alinéa, de la communication sur la coopération. UCAR a plutôt procédé à une requalification juridique d'éléments documentaires qu'elle avait déjà mis à la disposition de la Commission lors de la procédure administrative.

289. Il résulte de ce qui précède que les moyens soulevés par SGL et UCAR doivent être rejetés.

290. En ce qui concerne les autres requérantes qui se sont vu réduire les montants de départ attribués au titre de la gravité de l'infraction, le Tribunal ne voit aucune raison de se départir des taux appliqués par la Commission au titre de la durée de leur participation à l'infraction. Par conséquent, les montants de base fixés au considérant 158 de la Décision seront corrigés comme suit: Tokai = 12,4; Nippon = 6,2; SEC = 6,2; SDK = 34,8; C/G = 10,8.

d) Sur les circonstances aggravantes

Résumé de la Décision

291. Dans les cas de SGL, d'UCAR, de Tokai, de SEC et de Nippon, la Commission a estimé que la gravité de l'infraction était renforcée par le fait qu'elles avaient poursuivi cette infraction flagrante et indiscutable après les vérifications effectuées par la Commission. Une autre circonstance aggravante a été retenue à l'égard de SGL et d'UCAR du fait qu'elles étaient les deux chefs de file et les instigateurs du cartel. Enfin, la Commission a qualifié de circonstance aggravante la tentative de SGL d'entraver la procédure de la Commission en avertissant d'autres entreprises de l'imminence des vérifications. La Commission a donc procédé à une majoration du montant de base de 85 % pour SGL, de 60 % pour UCAR et de 10 % pour Tokai, pour SEC et pour Nippon (considérants 160, 164, 187, 192, 209 et 210 de la Décision).

Affaires T-244-01 et T-251-01

292. Nippon et SEC reprochent à la Commission d'avoir majoré de 10 % leur amende en raison de leur prétendue poursuite de l'infraction après les vérifications effectuées en juin 1997. Toutefois, par lettre du 15 décembre 1997 adressée aux producteurs japonais, la Commission aurait déclaré que ces derniers n'étaient pas directement concernés par l'entente en cause. Ce ne serait que deux années plus tard, par la communication des griefs, que la Commission les aurait informées de ses soupçons concernant leur éventuelle implication dans l'entente. Nippon et SEC auraient donc bénéficié d'une confiance légitime à ce qu'elles ne soient pas sanctionnées pour la période postérieure aux vérifications de juin 1997, la Commission ne pouvant pas soutenir qu'elles auraient dû cesser l'infraction à la suite de vérifications qui ne les concernaient pas. Nippon et SEC dénoncent, en outre, un défaut de motivation, en ce que la Décision reste muette sur la problématique de leur confiance légitime.

293. SEC ajoute que la majoration de son montant de départ de 55 %, en raison de la durée de l'infraction, couvrait déjà la période consécutive auxdites vérifications. Par la majoration supplémentaire de 10 %, elle aurait donc été sanctionnée deux fois pour sa participation à l'infraction pendant cette période.

294. À cet égard, le Tribunal rappelle qu'il est constant que Nippon et SEC ont participé à l'infraction jusqu'en février 1998. Par la lettre susmentionnée du 15 décembre 1997, elles ont été informées que la Commission enquêtait sur l'entente sans être au courant, à cette date, de ce qu'elles y participaient directement, elles aussi. La lettre en question ne saurait donc nullement être considérée comme ayant fait naître dans le chef de Nippon et de SEC des espérances fondées, et encore moins comme ayant fourni des assurances précises, à ce qu'elles ne seraient pas sanctionnées (voir point 152 ci-dessus). Au contraire, Nippon et SEC devaient s'attendre à ce que la Commission, une fois que leur implication dans le cartel serait détectée, les sanctionnerait pour leur participation à l'infraction en tenant compte, notamment, du fait qu'elles n'avaient pas cessé l'infraction dès qu'elles avaient été averties du fait que la Commission enquêtait sur l'entente.

295. Il ne saurait non plus être question d'une double sanction de SEC pour la période en cause. La majoration de 55 % ne concerne que la durée de l'infraction en cause, alors que celle de 10 % vise à sanctionner l'énergie infractionnelle supplémentaire de SEC, qui s'est traduite par la poursuite de l'infraction bien qu'elle ait été informée que la Commission avait lancé une enquête ciblée sur cette même infraction.

296. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir pourvu la Décision d'une motivation spécifique sur la problématique d'une éventuelle confiance légitime dans le chef de Nippon et de SEC, d'autant moins que ce silence de la Décision n'a pas empêché les deux requérantes de présenter leur argumentation sur ce point.

297. Par conséquent, les moyens soulevés par Nippon et SEC ne sauraient être accueillis.

Affaires T-239-01 et T-246-01

298. UCAR soutient que la Commission a eu tort de considérer comme une circonstance aggravante la continuation de l'infraction après ses vérifications de juin 1997, étant donné que le conseil d'administration d'UCAR a déployé des efforts intenses pour faire cesser toute activité collusoire. En outre, la Commission n'aurait pas dû lui attribuer la responsabilité pour avoir créé et mis en œuvre l'entente, du fait que Mitsubishi et Union Carbide avaient été les instigateurs réels de l'entente. Enfin, SGL aurait été le seul véritable chef de file de l'entente. Dans la mesure où la Commission tente d'attribuer ce rôle également à UCAR, elle ne serait pas autorisée à se fonder sur des événements antérieurs au début de la période incriminée, à savoir antérieurs au mois de mai 1992.

299. SGL souligne que la majoration de 85 % de son montant de base pour circonstances aggravantes est totalement disproportionnée et incompatible avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, qui n'a jamais connu une telle augmentation exorbitante. Elle précise que, premièrement, aucune majoration n'était possible en raison d'une prétendue poursuite de l'infraction après les vérifications de juin 1997, la Commission n'ayant produit aucune preuve suffisante à cet égard. Deuxièmement, le fait pour SGL d'avoir averti d'autres membres de l'entente de l'imminence de ces vérifications ne saurait aucunement être sanctionné par une augmentation de l'amende. En effet, l'article 15 du règlement n° 17 ne permettrait d'infliger des amendes que pour une violation des articles 81 CE et 82 CE ou pour le non-respect d'une des conditions et charges imposées conformément à l'article 8 du règlement n° 17. Or, les avertissements en question ne constitueraient pas de telles violations de la loi.

300. Ces avertissements ne seraient pas non plus couverts par les lignes directrices dont le point 2, deuxième tiret, ne prévoit une augmentation que pour des tentatives d'obstruction " pendant le déroulement de l'enquête ". Or, les avertissements auraient été transmis avant le début de l'enquête. En tout état de cause, SGL aurait été discriminée par rapport à UCAR. En effet, cette dernière aurait même détruit des documents à charge, sans que la Commission l'ait pour autant sanctionnée au titre d'une circonstance aggravante. Selon SGL, une telle destruction de documents est plus grave que des avertissements oraux concernant d'éventuelles vérifications.

301. À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu, dans le cadre de la détermination du montant des amendes, d'établir leurs rôles respectifs dans l'infraction pendant la durée de leur participation à celle-ci (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 203 supra, point 150, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6-89, Rec. p. II-1623, point 264). Il en résulte, notamment, que le rôle de " chef de file " joué par une ou plusieurs entreprises dans le cadre d'une entente doit être pris en compte aux fins du calcul du montant de l'amende, dans la mesure où les entreprises ayant joué un tel rôle doivent, de ce fait, porter une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C-298-98 P, Rec. p. I-10157, point 45).

302. Conformément à ces principes, le point 2 des lignes directrices établit, sous le titre de circonstances aggravantes, une liste non exhaustive de circonstances pouvant amener à une augmentation du montant de base de l'amende, parmi lesquelles figure le " rôle de meneur ou d'incitateur de l'infraction ".

303. En l'espèce, c'est déjà lors de la procédure administrative que SGL et UCAR se sont reprochées réciproquement d'avoir été le chef de file et l'instigateur de l'entente (considérants 161 et 188 de la Décision). Toutefois, il apparaît que la Commission a établi dans la Décision, à suffisance de droit, que SGL et UCAR étaient, à parts plus ou moins égales, les deux moteurs conjoints du cartel qui avaient, dès les premiers contacts en 1991, conçu ses principes fondamentaux et qui ont organisé les premières réunions " des patrons " en mai 1992 (considérants 44 à 51 de la Décision).

304. Dans ce contexte, rien n'empêchait la Commission de tenir compte des étapes préparatoires à la création proprement dite de l'entente, afin de constater la situation économique ayant précédé et expliqué la création de l'entente ou afin d'établir et d'évaluer le rôle respectif que les membres de l'entente ont joué dans la conception, la création et la mise en œuvre de celle-ci. Par ailleurs, c'est au même titre que la Commission peut tenir compte de la phase postérieure à la période infractionnelle proprement dite, afin d'évaluer, au titre de la communication sur la coopération ou d'éventuelles circonstances atténuantes, la collaboration effective des entreprises dans la dénonciation de leur entente.

305. Selon les constatations de la Commission, la codirection de l'entente par SGL et UCAR s'est traduite également en matière de fixation des prix dans l'EEE, leur marché " domestique ", en ce que SGL prenait l'initiative des augmentations de prix en Scandinavie et en Allemagne, tandis qu'UCAR faisait de même en France et au Royaume-Uni, les deux décidant au coup par coup qui prendrait l'initiative en Italie et en Espagne (considérants 62 et 66 de la Décision).

306. Ces constatations n'ont été valablement remises en cause ni par UCAR ni par SGL.

307. UCAR répète son argumentation basée sur le rôle de Mitsubishi et de Union Carbide en affirmant que ces deux sociétés étaient, en vérité, les instigateurs - et, jusqu'en 1995, les chefs de file - du cartel. Sur ce point, il suffit de rappeler que Mitsubishi et Union Carbide ne comptent pas parmi les entreprises dont la participation à l'entente a été constatée et sanctionnée par la Commission et qu'elles ne participent pas aux litiges y relatifs portés devant le Tribunal. La référence à Mitsubishi et à Union Carbide ne saurait donc infirmer l'appréciation selon laquelle SGL et UCAR étaient, parmi les membres de l'entente identifiés par la Commission, les instigateurs et chefs de file.

308. En ce qui concerne la référence d'UCAR aux efforts déployés par son conseil d'administration afin de faire cesser l'infraction, il suffit également de renvoyer à ce qui a été exposé ci-dessus au sujet de la durée de l'infraction: ces efforts n'ont pas pu éviter qu'UCAR, représentée par des personnes autorisées à agir pour le compte de l'entreprise, a effectivement poursuivi l'infraction après les vérifications de juin 1997.

309. Quant à l'argument de SGL selon lequel la majoration de 85 % serait excessive et supérieure à celle généralement appliquée dans des décisions antérieures de la Commission, il n'est pas de nature à révéler une violation du principe de proportionnalité ou du principe d'égalité de traitement. À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lors de la détermination du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (arrêt Martinelli/Commission, point 165 supra, point 59). Le fait que le rôle d'instigateur joué par une société dans d'autres affaires ait été sanctionné par un taux de majoration donné ne signifie donc pas que ce taux ne pourra plus jamais être dépassé à l'avenir, quelles que soient les circonstances du cas d'espèce (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, points 106 et 109).

310. Même sous l'aspect de la compétence de pleine juridiction du Tribunal, il n'apparaît pas disproportionné ou discriminatoire d'appliquer à SGL une majoration de 50 % pour son rôle de chef de file (comme les 50 % appliqués à UCAR), une majoration de 10 % pour sa poursuite de l'infraction après juin 1997 (comme les 10 % appliqués à UCAR, à SEC, à Nippon et à Tokai) et une majoration de 25 % pour le fait d'avoir averti d'autres membres du cartel de l'imminence des vérifications de la Commission.

311. Sur les deux derniers points, il convient de rappeler que le moyen dirigé par SGL contre les constatations factuelles de la Commission relatives à la durée de sa participation à l'entente, notamment la poursuite de l'infraction après les vérifications, a été rejeté (voir points 70 à 76 ci-dessus). C'est donc à bon droit que la Commission a effectué la majoration de 10 % au titre de la poursuite de l'infraction.

312. Le fait pour SGL d'avoir averti d'autres entreprises de l'imminence desdites vérifications pouvait également être qualifié, à juste titre, de circonstance aggravante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Sarrió/Commission, T-334-94, Rec. p. II-1439, point 320). Contrairement aux allégations de SGL, il s'agit là non pas d'une infraction spécifique et autonome, non prévue dans le traité et le règlement n° 17, mais d'un comportement qui renforçait la gravité de l'infraction initiale. Par ces avertissements adressés à d'autres membres de l'entente, SGL visait, en effet, à dissimuler l'existence de l'entente et à la maintenir en fonction, ce qui a d'ailleurs été couronné de succès jusqu'en mars 1998.

313. Dans ce contexte, la référence de SGL à l'article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 17 - dont elle déduit que le législateur communautaire a voulu sanctionner seules les obstructions dirigées contre des vérifications que la Commission a déjà entamées, et non pas les agissements antérieurs à son enquête - est dénuée de pertinence. En effet, la disposition susmentionnée vise lesdites obstructions en tant qu'infractions autonomes, indépendantes de l'éventuelle existence d'un cartel, ce qui explique, d'ailleurs, la sanction relativement clémente de 100 à 5 000 euros prévue à cet effet. En l'espèce, en revanche, les avertissements fournis par SGL visaient à assurer la poursuite d'un cartel dont il est constant qu'il constituait une violation flagrante et indiscutable du droit communautaire de la concurrence.

314. La prise en compte desdits avertissements comme circonstance aggravante n'est pas non plus contraire au point 2 des lignes directrices. En effet, la simple lecture du texte (" par exemple " et " autres ") montre que la liste des circonstances aggravantes énumérées n'est pas exhaustive.

315. Enfin, l'invocation par SGL du principe d'égalité de traitement par rapport à UCAR - dont la destruction de ses documents à charge n'a pas été prise en considération comme circonstance aggravante - n'est pas de nature à modifier la qualification de circonstance aggravante des avertissements susmentionnés. En effet, s'adressant à d'autres entreprises, ces avertissements allaient au-delà de la sphère purement interne de SGL et visaient à faire échouer l'enquête tout entière de la Commission, afin de garantir le prolongement de l'entente, alors qu'UCAR avait détruit ses documents afin d'éviter que sa propre implication dans l'entente soit découverte. Il s'agit là de deux comportements différents, raison pour laquelle il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir traité des situations comparables de manière différente.

316. Par ailleurs, même si la Commission avait incorrectement favorisé UCAR en ne majorant pas son amende, le caractère aggravant du comportement de SGL n'en serait pas affecté. Or, SGL ne saurait légitimement réclamer l'augmentation de l'amende infligée à UCAR ni invoquer en sa faveur l'éventuelle illégalité commise en faveur d'UCAR (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, point 216 supra, point 160).

317. À l'audience, SGL a encore soutenu que le fait pour elle d'avoir averti d'autres entreprises de l'imminence des vérifications en question ne saurait être qualifié de circonstance aggravante puisque le point de départ de ces avertissements aurait été la Commission elle-même. SGL se réfère ainsi à la révélation, par UCAR, d'une fuite au sein des services de la Commission dont un fonctionnaire désigné nommément aurait informé SGL de vérifications surprises imminentes dans les locaux des membres du cartel. À cet égard, il est évident que ces informations, à supposer qu'elles aient effectivement été fournies, ne sauraient aucunement être imputées à la Commission en tant qu'expression de sa politique officielle en matière de concurrence. Il s'agissait d'agissements frauduleux d'un agent destinés à soutenir le fonctionnement du cartel. Par conséquent, SGL ne saurait valablement invoquer ces agissements dans le but de minimiser la gravité de son propre comportement.

318. Tous les moyens soulevés par Nippon, SEC, UCAR et SGL devant être rejetés, les taux appliqués par la Commission aux montants de base fixés pour ces requérantes seront maintenus.

319. Quant aux requérantes dont les montants respectifs ont été modifiés au titre de la durée de l'infraction, il convient de déterminer, pour tenir compte des circonstances aggravantes retenues par la Commission, les chiffres suivants: Tokai = 13,64; Nippon = 6,82; SEC = 6,82.

e) Sur les circonstances atténuantes

Résumé de la Décision

320. La Commission a considéré qu'aucune circonstance atténuante ne justifiait une réduction du montant de base dans les cas de SGL, d'UCAR, de Tokai, de SEC, de Nippon et de SDK. En revanche, dans le cas de C/G, elle a procédé à une réduction de 40 % en raison du rôle exclusivement passif de l'entreprise et de sa non-application partielle des accords illicites (considérants 165, 166, 193 à 198, 211 à 215 et 234 à 238 de la Décision).

Affaires T-236-01, T-239-01, T-244-01, T-246-01, T-251-01 et T-252-01

- Arguments des parties

321. C/G estime qu'elle aurait dû bénéficier d'une réduction bien plus importante que les 40 % accordés par la Commission. Elle souligne son rôle marginal et passif dans l'entente. Elle n'aurait eu que des contacts bilatéraux avec SGL et n'aurait pas été invitée aux réunions " des patrons " ou " de travail ", ni aux réunions locales; personne ne l'aurait même informée de la tenue de ces réunions. Aucun des autres membres de l'entente ne l'aurait désignée comme participant à l'infraction. De plus, elle n'aurait participé ni au système central de surveillance créé pour mettre en œuvre l'entente ni au système de noms de code élaboré pour dissimuler l'identité des membres de l'entente. La fixation de ses prix n'aurait pas été réservée - contrairement à l'un des principes de l'entente - au plus haut niveau de la hiérarchie au sein de l'entreprise. Ensuite, elle aurait agi de façon directement contraire à un autre principe fondamental de l'entente en augmentant sa capacité de production et ses ventes sur le marché de l'EEE.

322. C/G affirme, en outre, avoir vendu, en 1994, sa technologie de fabrication à un producteur chinois pour 4 millions de USD. Ce transfert de technologie, contraire aux intérêts du cartel, aurait causé une telle inquiétude à SGL que cette dernière s'en est plainte auprès de C/G. Enfin, elle aurait mis fin, de sa propre initiative, à ses rapports avec l'entente, avant que la Commission n'ouvre son enquête. C/G ajoute avoir agi sous la pression économique provoquée par sa situation spécifique de producteur dépendant des autres membres du cartel et invoque, par ailleurs, la surcapacité structurelle de l'industrie des électrodes de graphite dans les années 70 et 80 qui a entraîné des chutes de prix considérables.

323. Sur ce dernier point, SGL précise que la crise structurelle du secteur des électrodes de graphite est comparable à celle qui régnait dans le secteur de l'acier au début des années 90 et qui a affecté de la même manière les producteurs d'acier et ceux des électrodes de graphite. Or, dans ses décisions Tubes et tuyaux en acier sans soudure du 8 décembre 1999 et Extra d'alliage du 21 janvier 1998, la Commission aurait qualifié cette crise de circonstance atténuante. Cette qualification ne pourrait pas être refusée dans le cas d'espèce au regard de la même crise économique.

324. UCAR se réfère également à la situation économique désastreuse du secteur et rappelle que tant la Commission, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que le Tribunal ont considéré qu'une telle situation peut constituer une circonstance atténuante. UCAR considère, en outre, que son enquête interne exemplaire visant à détecter l'infraction et à la faire cesser aussi rapidement que possible aurait mérité d'être reconnue comme circonstance atténuante. Dans ce contexte, C/G invoque, quant à elle, la mise en place d'un programme tendant à mettre sa politique commerciale en conformité avec le droit de la concurrence.

325. UCAR ajoute que l'entente en cause ne lui a apporté aucun avantage financier du fait que Mitsubishi et Union Carbide ont " récolté " tous les profits réalisés par l'entente. Par ailleurs, la Commission aurait dû tenir compte des sommes considérables qu'UCAR a payées à ses clients aux États-Unis, à titre de dédommagement, pour les prix artificiellement élevés pendant la période de l'infraction.

326. Nippon, SEC et Tokai soulignent leur rôle passif dans le cadre de l'entente. Nippon rappelle ne pas avoir participé aux premières réunions du cartel lors desquelles les principes fondamentaux de la répartition des marchés ont été fixés; même au cours des autres réunions auxquelles elle a effectivement participé, elle serait restée purement passive. SEC souligne, pour sa part, n'avoir jamais participé, elle-même, à une quelconque réunion " des patrons "; à ce niveau, elle n'aurait été représentée, à deux reprises, que par Tokai. En outre, la Commission n'aurait qualifié d'actif que le rôle de Tokai et de SDK, et non pas celui de SEC (considérant 212 de la Décision). De plus, dans le cas individuel de SEC, la plus petite entreprise japonaise, aucun lien de causalité n'existerait entre l'entente mondiale et l'abstention d'agir dans l'EEE. Tokai allègue qu'elle n'a pas été activement impliquée dans les accords collusoires relatifs au marché européen et n'avait participé à aucune des réunions du groupe européen. Lors des réunions " des patrons " et " de travail " auxquelles elle a participé, aucun accord sur les prix européens n'aurait été conclu.

327. Nippon et Tokai estiment, notamment, qu'elles auraient dû être traitées de la même façon que C/G du fait qu'elles n'ont pas, tout comme C/G, réduit le volume de leurs ventes dans l'EEE et se sont donc abstenues d'appliquer entièrement les accords de cartel.

328. Enfin, Nippon, SEC et Tokai reprochent à la Commission de ne pas avoir expliqué, dans la Décision, pour quelles raisons elle ne leur accordait aucune circonstance atténuante. Ainsi, elle aurait enfreint l'article 253 CE.

329. La Commission s'oppose à chacun des moyens et arguments avancés par les requérantes.

- Appréciation du Tribunal

330. Il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que, aux termes du point 3, premier tiret, des lignes directrices, le " rôle exclusivement passif ou suiviste " d'une entreprise dans la réalisation de l'infraction peut, s'il est établi, constituer une circonstance atténuante.

331. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T-311-94, Rec. p. II-1129, point 343) de même que l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Weig/Commission, T-317-94, Rec. p. II-1235, point 264). En tout état de cause, il convient de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes du cas d'espèce.

332. En ce qui concerne le comportement de C/G, la Décision satisfait à ces critères. Ainsi qu'il ressort de ses considérants 81 à 86 et 234 à 238, la Commission a suffisamment apprécié et récompensé par une réduction d'amende de 40 % le rôle passif joué par C/G au sein de l'entente, sans être tenue de lui accorder un taux de réduction plus élevé. En effet, selon les constatations de la Commission, C/G - si elle n'avait pas participé aux réunions " des patrons " et " de travail " du cartel - entretenait, néanmoins, des contacts bilatéraux avec les autres membres du cartel et profitait des informations qu'elle obtenait d'eux sur les décisions prises par les " producteurs domestiques " en matière de fixation des prix au sein de l'entente. En outre, dans sa requête, C/G a explicitement déclaré qu'elle ne contestait ni l'existence de l'entente ni sa participation à cette dernière. Cette conclusion n'est pas infirmée par la circonstance que les prix de C/G n'ont pas été fixés au plus haut niveau de sa hiérarchie; eu égard au rôle passif et " suiviste " de C/G, le niveau hiérarchique sur lequel ses prix, qui ne faisaient que suivre les prix fixés par les autres membres du cartel, ont été calculés était dénué de pertinence.

333. Quant au rôle joué par Tokai, SEC et Nippon, la Commission pouvait à juste titre le distinguer de celui joué par C/G, étant donné que ces producteurs japonais ont effectivement participé à de nombreuses réunions " des patrons " et " de travail " (considérants 49 à 56 de la Décision). Les constatations factuelles de la Commission relatives à cette participation n'ont pas été contestées par SEC ni par Tokai, tandis que la contestation dirigée par Nippon contre les constatations relatives à la période allant de mai 1992 à mars 1993 a été rejetée (voir points 100 à 116 ci-dessus). Or, dès lors qu'une entreprise a participé, même sans y jouer un rôle actif, à une ou plusieurs réunions ayant un objet anticoncurrentiel, elle doit être considérée comme ayant participé à l'entente à moins qu'elle prouve s'être ouvertement distanciée de la concertation illicite (arrêt Ciment, point 39 supra, point 3199, et la jurisprudence citée). Tokai, SEC et Nippon n'allèguent pas qu'elles se sont ouvertement opposées à la création et à la mise en œuvre du cartel litigieux.

334. À titre d'exemples, lors de la réunion " de travail " à Zurich, le marché mondial du graphite a été examiné région par région, y compris l'Extrême-Orient, et des parts de marché ont été attribuées également aux producteurs japonais. Lors de la réunion à Vienne, les participants ont, à nouveau, procédé à un échange d'informations sur le marché des électrodes de graphite région par région (considérants 51, 53 et 71 de la Décision).

335. Le caractère non passif du comportement de SEC et de Nippon n'est pas remis en question par le fait qu'elles ont été, à une ou deux réunions, représentées par Tokai: loin de s'être ouvertement opposées à une telle " immixtion importune " dans leur politique commerciale, elles ont plutôt accepté cette représentation et témoigné de leur adhésion à l'entente en participant, représentées par leurs propres employés, aux autres réunions qui touchaient leurs intérêts, ce qui n'était évidemment pas le cas des réunions du groupe européen composé des producteurs " domestiques " responsables de l'EEE, raison pour laquelle il était suffisant d'informer les membres japonais du cartel sur les prix européens fixés lors de ces réunions. Eu égard à la nature mondiale du cartel, attribuant aux producteurs japonais le rôle de se concentrer sur leur marché " domestique " en Asie, la Commission a donc pu, à bon droit, considérer qu'ils n'avaient pas joué un rôle passif dans l'infraction. Dans ces circonstances, elle n'était pas obligée d'exposer, dans la Décision, les raisons pour lesquelles elle ne leur accordait aucune circonstance atténuante à ce titre.

336. Contrairement au grief tiré de l'insuffisance de la réduction de l'amende de C/G du fait de sa non-application partielle des accords illicites, la Commission a suffisamment tenu compte du fait que C/G avait augmenté ses ventes sur le marché de l'EEE, violant ainsi le principe de base du cartel qui consistait à restreindre les ventes sur les marchés " non domestiques " (considérant 235 de la Décision). Ce faisant, elle n'était pas tenue de prendre en considération, à titre supplémentaire, l'augmentation de la capacité de production de C/G. D'une part, en effet, la Commission a déclaré dans son mémoire en défense, sans être contredite sur ce point dans la réplique de C/G, que la capacité de production de cette dernière était restée inchangée pour l'essentiel durant la période infractionnelle retenue contre elle (1993 à 1996). D'autre part, il est permis d'estimer que l'augmentation des ventes européennes reflète suffisamment, en ce qui concerne le marché de l'EEE, toute augmentation éventuelle de la capacité de production.

337. Dans ce contexte, Nippon et Tokai invoquent le principe d'égalité de traitement en faisant valoir qu'elles se trouvent dans la même situation que C/G, laquelle avait été " récompensée " pour avoir augmenté le volume de ses ventes dans l'EEE.

338. L'argument de Nippon doit être rejeté en ce que la requérante se limite à soutenir qu'elle " n'avait pas réduit le volume de ses ventes à l'intérieur de l'EEE ", sans fournir le moindre élément chiffré. Or, la Commission pouvait, à bon droit, faire une distinction entre l'affirmation non étayée de Nippon d'avoir maintenu le volume des ventes et le fait incontesté que C/G avait plus que doublé ses ventes entre 1993 et 1996.

339. S'agissant du cas de Tokai, qui affirme s'être implantée, en 1996, sur le marché allemand, un des marchés " domestiques " de SGL et d'UCAR, et avoir quadruplé ses ventes dans l'EEE entre 1992 et 1997 (de 200 tonnes en 1992 jusqu'à 900 tonnes en 1997), il y a lieu de constater que Tokai, contrairement à C/G, n'a obtenu qu'une part de marché minime dans l'EEE, à savoir moins de 2 %, alors que celle de C/G s'élevait à presque 8 %. Dans ces circonstances, la Commission pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation et sans violer le principe d'égalité de traitement, considérer à bon droit que, si Tokai a procédé à une non-application des accords infractionnels, cette non-application restait en dessous d'un seuil d'efficacité raisonnable au sens du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices. Le Tribunal n'estime pas qu'il convient de réformer cette appréciation, même dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction.

340. Il en va de même en ce qui concerne l'argumentation de C/G selon laquelle elle avait vendu, en 1994, sa technologie de fabrication à un producteur chinois pour 4 millions de USD, et ce contrairement à l'un des principes directeurs du cartel (considérant 50, dernier tiret, de la Décision). En effet, les détails de ce transfert de technologie n'ont pas été exposés par C/G au cours de la procédure administrative - sa déclaration d'entreprise du 11 octobre 1999 et sa réponse du 6 avril 2000 à la communication des griefs ne comportent chacune qu'une seule phrase en ce sens - de sorte que la Commission n'a pas commis d'erreur en refusant de le prendre en considération dans la Décision. Le Tribunal ne voit pas de raison pour réformer l'appréciation de la Commission, même dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, et ce d'autant moins que l'usine projetée en Chine n'a jamais été construite.

341. Enfin, le fait pour C/G d'avoir volontairement mis fin à l'infraction avant l'ouverture de l'enquête de la Commission a été suffisamment pris en compte par le calcul de la durée de la période infractionnelle retenue à l'encontre de C/G (considérant 157 de la Décision). C/G ne saurait, notamment, invoquer le troisième tiret du point 3 des lignes directrices, la cessation de son comportement anticoncurrentiel n'ayant pas été incitée par des interventions de la Commission.

342. Quant aux autres arguments visant à obtenir des réductions d'amende pour circonstances atténuantes, ils doivent également tous être rejetés.

343. Premièrement, le fait pour C/G et UCAR d'avoir instauré, à la suite de l'enquête entamée par la Commission, respectivement un programme de mise en conformité aux règles de concurrence et une enquête interne visant à faire cesser l'infraction, ne change rien à la réalité de l'infraction constatée. Par conséquent, la seule circonstance que, dans certains cas, la Commission ait pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, de telles mesures en tant que circonstances atténuantes n'implique pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans chaque cas d'espèce (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 357, et du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T-352-94, Rec. p. II-1989, points 417 et 419). Il en est d'autant plus ainsi lorsque l'infraction en cause constitue, comme en l'espèce, une violation manifeste de l'article 81, paragraphe 1, sous a) et c), CE. Par ailleurs, dans la mesure où l'enquête interne d'UCAR a favorisé sa coopération avec la Commission, cette dernière en a tenu compte en accordant une réduction d'amende de 40 % au titre de sa communication sur la coopération.

344. S'agissant, deuxièmement, de l'argument pris par C/G de la pression économique qui aurait été exercée sur elle, la seule précision apportée par la requérante à cet égard porte sur des contacts qu'elle avait eus avec SGL en 1996 (considérant 82 de la Décision), c'est-à-dire après la mise en œuvre de l'entente. Il suffit donc de rappeler que C/G a librement décidé de se conformer aux décisions des membres de l'entente en matière de prix. Elle n'a pas prétendu avoir subi des pressions pour adhérer à l'entente; par ailleurs, même si tel avait été le cas, elle aurait pu en informer les autorités compétentes, au lieu de se rallier à l'entente. L'argument ne saurait donc être retenu.

345. Il en va de même en ce qui concerne, troisièmement, la référence de C/G, de SGL et d'UCAR à la crise structurelle du secteur des électrodes de graphite. À cet égard, il suffit de rappeler que, dans son arrêt du 20 mars 2002, Lögstör Rör/Commission (T-16-99, Rec. p. II-1633, points 319 et 320), rendu dans l'affaire Conduites précalorifugées, le Tribunal a jugé que la Commission n'est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause. Le Tribunal a également confirmé que ce n'est pas parce que la Commission a tenu compte, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante qu'elle doit nécessairement continuer à observer cette pratique (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13-89, Rec. p. II-1021, point 372). En effet, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, en règle générale, les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés. Si l'on suivait le raisonnement des requérantes, l'amende devrait régulièrement être réduite dans la quasi-totalité des cas. Il est donc inutile de vérifier davantage si les faits de l'espèce et ceux à l'origine d'autres décisions, dans lesquelles des crises structurelles ont été considérées comme des circonstances atténuantes, étaient vraiment comparables.

346. Quatrièmement, et à titre subsidiaire, l'argumentation de SGL consistant à conclure à l'existence d'une crise affectant tout particulièrement les fabricants d'électrodes de graphite en raison d'une crise vécue par l'industrie des tubes d'acier n'est pas convaincante. À cet égard, la Commission a souligné, sans être contredite sur ce point, que le volume d'acier produit au four électrique est passé de 196 millions de tonnes en 1987 à 270 millions de tonnes en 1997 (considérant 9 de la Décision). Il peut en être déduit qu'un éventuel recul de la production globale d'acier n'a, en premier lieu, pas concerné la production des aciéries électriques, mais celle des aciéries traditionnelles (considérants 4, 5, 9 et 10 de la Décision).

347. Cinquièmement, quant à l'avantage économique que seules les sociétés Mitsubishi et Union Carbide, et non pas UCAR, auraient tiré de l'entente, le fait de ne pas bénéficier d'une infraction ne saurait constituer une circonstance atténuante, sous peine de faire perdre à l'amende infligée son caractère dissuasif (voir, en ce sens, arrêt FETTCSA, point 47 supra, points 340 à 342, et la jurisprudence citée). Une telle absence d'avantage économique ne limite nullement la gravité de l'infraction commise. Par ailleurs, si UCAR critique les agissements de Mitsubishi et de Union Carbide, elle doit se retourner contre ces sociétés pour faire valoir ses droits, comme elle l'a déjà fait par l'introduction d'une plainte aux États-Unis.

348. Dans la mesure où UCAR se prévaut, enfin, des transactions de droit civil conclues aux États-Unis et au Canada, ces dernières ne changent rien non plus à la gravité de l'infraction commise et ne peuvent donc pas être prises en considération comme circonstances atténuantes. Si la Commission a tenu compte, dans la décision Conduites précalorifugées, du dédommagement payé à un concurrent dont l'élimination du Marché communautaire avait constitué l'un des principaux objectifs de l'entente, ce concurrent était établi dans la Communauté et comptait donc parmi les opérateurs économiques protégés par le droit communautaire de la concurrence. Cette circonstance n'oblige pas la Commission à tenir compte, en faveur d'UCAR, du dédommagement de clients aux États-Unis et au Canada en raison de pertes subies sur ces marchés. Les transactions en cause sont sans influence sur l'infraction commise par UCAR dans l'EEE.

349. Il résulte de ce qui précède que les moyens et arguments soulevés par Tokai, C/G, SGL, Nippon, UCAR et SEC doivent être rejetés.

f) Sur la limite maximale des amendes et sur la capacité contributive de certaines requérantes au sens du point 5 des lignes directrices

Affaires T-239-01 et T-245-01

350. Rappelant que l'amende de base calculée pour UCAR a été réduite de 15,2 % pour respecter la limite maximale de 10 % du chiffre d'affaires global d'UCAR (considérant 199 de la Décision), SDK et SGL reprochent à la Commission d'avoir fait bénéficier UCAR de ce réajustement avant l'application de la communication sur la coopération, donc à un stade intermédiaire dans son processus de fixation des amendes, et non pas à la fin de ce processus. Or, les amendes infligées aux autres participants à l'entente n'auraient pas été réduites de cette manière. SDK et SGL dénoncent cette inégalité de traitement et exigent la même réduction de leur amende afin que soit maintenue une relation cohérente et proportionnelle avec l'amende d'UCAR.

351. SDK ajoute qu'elle est excessivement sanctionnée du fait que son chiffre d'affaires global dépasse largement celui relatif aux ventes d'électrodes de graphite; elle serait donc pénalisée parce qu'elle a un nombre plus élevé d'autres activités qui ne concernent pas la vente du produit en cause. Si l'activité de SDK en matière d'électrodes de graphite avait constitué une entreprise distincte, l'application du plafond de 10 % aurait réduit l'amende finale à 6,6 millions d'euros.

352. À cet égard, le Tribunal constate que la Commission, en appliquant à UCAR la limite maximale de 10 % non pas au " résultat final du calcul de l'amende " mais à un stade antérieur, à savoir avant l'application de la communication sur la coopération, n'a pas respecté le texte du point 5, sous a), des lignes directrices. Or, dès lors que la Commission a décidé d'appliquer au cas d'espèce la méthode énoncée dans les lignes directrices, elle était tenue de s'y conformer lors du calcul du montant des amendes, sauf à expliciter spécifiquement les motifs qui justifiaient, le cas échéant, de s'en écarter sur un point précis (voir la jurisprudence citée au point 157 ci-dessus et arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 271).

353. Le considérant 199 de la Décision, en ce qu'il se borne à renvoyer à la limite maximale des amendes prévue à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, ne comporte pas d'explication spécifique sur le motif pour lequel la Commission s'est écartée des lignes directrices. Toutefois, la Commission a exposé, devant le Tribunal, qu'elle n'avait pas procédé à la réduction de 15,2 % en faveur d'UCAR parce qu'elle aurait estimé que l'infraction commise par cette dernière méritait une sanction inférieure à celle des autres membres de l'entente, mais qu'elle a voulu tenir compte du fait que, dans le seul cas d'UCAR, le montant de base fixé avant l'application de la communication sur la coopération dépassait de 15,1 millions d'euros, c'est-à-dire de 15,2 %, la limite maximale prévue. Dans ces circonstances, la Commission a estimé qu'il fallait anticiper l'application de cette limite pour assurer que la communication sur la coopération puisse produire son plein effet utile: si le montant de base excédait largement la limite de 10 % avant l'application de ladite communication sans que cette limite puisse être appliquée immédiatement, l'incitation de l'entreprise concernée à coopérer avec la Commission serait beaucoup plus faible, étant donné que l'amende finale serait ramenée à 10 % en toute hypothèse, avec ou sans coopération.

354. Le Tribunal estime que cette explication justifie l'approche choisie par la Commission dans le cas d'UCAR. La motivation y relative ne devait pas figurer dans la Décision elle-même, en ce que l'approche en cause ne faisait pas grief à l'entreprise visée, à savoir UCAR. Même si ladite mesure favorable à UCAR était illégale pour défaut de motivation, SDK et SGL ne pourraient invoquer cette illégalité commise en faveur d'autrui (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, point 216 supra, point 160).

355. En tout état de cause, il est constant que SDK et SGL n'étaient pas dans une situation comparable à celle d'UCAR en termes de chiffres d'affaires globaux, le montant de base fixé pour elles ne dépassant pas la limite maximale avant l'application de la communication sur la coopération. Par conséquent, elles ne sauraient valablement soutenir que la Commission était obligée, en vertu du principe d'égalité de traitement, de leur accorder la même réduction que celle appliquée en faveur d'UCAR. Il s'ensuit que les moyens tirés d'une violation de ce principe doivent être rejetés.

356. Il en va de même du moyen soulevé par SDK selon lequel son amende aurait dû être considérablement réduite si ses activités en matière d'électrodes de graphite avaient constitué une entreprise distincte. Ce moyen est fondé sur des spéculations totalement étrangères au statut juridique réel de la société dont la Commission devait tenir compte en rattachant, conformément à une jurisprudence bien établie (voir, par exemple, arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, points 118 et 119, et arrêt Ciment, point 39 supra, point 5022), la limite maximale de 10 % au chiffre d'affaires global (tous produits confondus) de SDK. Si SDK a choisi une structure " unitaire " verticale de sa société, la Commission ne pouvait qu'en prendre acte et supposer que cette structure était dans l'intérêt économique de SDK. Par ailleurs, au stade actuel, rien ne permet de savoir quelles auraient été le statut précis et la position d'une " entreprise distincte " au sein du groupe SDK. Ce moyen doit donc également être rejeté.

Affaires T-239-01, T-246-01, T-251-01 et T-252-01

- Arguments des parties

357. SEC fait valoir que son amende correspond à 11,3 % de son chiffre d'affaires global réalisé en 1999 et dépasse donc le plafond de 10 % prévu à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

358. SGL est d'avis que la Commission n'avait pas le droit de calculer son amende sur la base de son chiffre d'affaires réalisé en 2000. Ce chiffre aurait été augmenté de 180 millions d'euros à la suite de l'acquisition, en janvier 2000, d'une autre société. Or, l'arrêt Ciment, point 39 supra, point 5045, s'opposerait à la prise en considération d'une augmentation du chiffre d'affaires postérieure à la fin de l'infraction (mars 1998). Dans ce contexte, SGL se plaint de la durée exagérément longue de la procédure administrative; le retard intervenu aurait porté atteinte à ses intérêts financiers, étant donné que son chiffre d'affaires pour 1999 était inférieur à celui pour 2000.

359. SGL ajoute que la limite maximale de 10 % est absolue en ce sens qu'elle ne pouvait même pas être dépassée par les montants " intermédiaires " (de départ et de base) fixés par la Commission au cours de son processus de calcul. Le raisonnement contraire exposé par le Tribunal dans l'arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, serait erroné.

360. SGL reproche à la Commission, enfin, de ne pas avoir tenu compte de sa situation financière très difficile. Cette omission aurait violé le point 5, sous b), des lignes directrices.

361. UCAR et C/G invoquent également leur incapacité de payer l'amende. Elles soulignent la situation difficile du secteur des électrodes de graphite et leur propre position financière précaire.

362. Dans ce contexte, UCAR rappelle la lourde dette que Mitsubishi et Union Carbide lui ont causée dans le cadre de sa restructuration en 1995. Elle renvoie, en outre, aux fortes amendes qui lui ont été imposées par les autorités américaines et canadiennes. À l'heure actuelle, UCAR n'aurait plus la possibilité d'emprunter encore plus d'argent, ses lignes de crédit ayant été gelées. UCAR rappelle que la Commission a itérativement tenu compte, dans sa pratique décisionnelle antérieure, de la rentabilité des destinataires de ses décisions, soit en fixant le montant des amendes, soit en déterminant les conditions de paiement. Or, en l'espèce, elle se serait mise en contradiction avec sa propre pratique administrative.

363. C/G ajoute que ses difficultés financières l'ont obligée à demander, peu après l'adoption de la Décision, l'ouverture d'une procédure de faillite aux États-Unis.

364. La Commission s'oppose aux moyens et aux arguments présentés par les requérantes.

- Appréciation du Tribunal

365. Quant au moyen soulevé par SEC, il suffit de rappeler que le plafond de 10 % prévu à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 se rapporte à l'exercice social qui précède la date de la Décision, à savoir, en l'espèce, l'année 2000 (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, point 239 supra, point 85, et arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 506). Or, SEC admet explicitement que, pour l'année 2000, ledit plafond était respecté dans son cas. Dès lors, le moyen doit être rejeté.

366. Dans la mesure où SGL fait valoir que la Commission était obligée de calculer son amende sur la base de son chiffre d'affaires global pour l'exercice 1999, ce chiffre ayant été largement inférieur à celui pour l'exercice 2000, il suffit de rappeler que le point de départ du calcul des amendes était les chiffres d'affaires mondiaux réalisés en 1998 avec la vente du produit en cause et les parts de marché des entreprises concernées entre 1992 et 1998 (considérants 30, 149 et 150 de la Décision). Ces chiffres ne se rapportent ni à l'exercice 1999 ni à l'exercice 2000. L'argument de SGL est donc inopérant.

367. Ensuite, il est de jurisprudence constante que la limite maximale de 10 % visée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 se rapporte au chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée, en ce que seul ce chiffre d'affaires donne une indication de l'importance et de l'influence de cette entreprise sur le marché (voir arrêt Ciment, point 39 supra, point 5022, et la jurisprudence citée). En outre, c'est la seule amende finalement imposée qui doit être réduite à la limite susmentionnée, conformément audit article 15; cette disposition n'interdit pas à la Commission de se référer, au cours de son calcul, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que l'amende finalement imposée ne la dépasse pas (arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, points 287 et 288). Dans le cas de SGL, l'amende finale de 80,2 millions d'euros est inférieure à la limite de 10 % rapportée tant à l'exercice 1999 (980 millions d'euros) qu'à l'exercice 2000 (1 262 millions d'euros). Les arguments pris par SGL d'une durée excessivement longue de la procédure administrative et de l'arrêt Ciment (point 5045) sont donc dénués de pertinence.

368. La critique formulée au regard de l'arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, n'est pas fondée. Si SGL renvoie au droit pénal, qui ne permet pas au juge de dépasser le niveau maximal prévu pour un délit donné, il convient de souligner qu'aucune disposition du droit communautaire ne fixe des sanctions administratives, minimales ou maximales, pour les différentes catégories d'infractions au droit de la concurrence. La Commission est donc, en principe, libre de déterminer le montant des amendes sanctionnant de telles infractions en fonction de la gravité et de la durée de ces dernières. La seule limite maximale du pouvoir de sanction conféré à la Commission concerne la capacité financière de l'entreprise concernée en termes de son chiffre d'affaires global. Rien ne s'oppose donc à ce que la Commission dépasse, par des opérations de calcul purement intermédiaires se rapportant à la gravité et à la durée de l'infraction, la limite maximale de 10 % visée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

369. Quant à la situation difficile du secteur des électrodes de graphite, il ne s'agit pas d'un contexte économique " spécifique " au sens du point 5, sous b), des lignes directrices. Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, les cartels naissent notamment au moment où un secteur connaît des difficultés. Si ce constat n'a pas justifié l'octroi d'une circonstance atténuante (voir point 345 ci-dessus), il ne saurait non plus justifier une réduction d'amende dans le présent contexte.

370. Il en va de même en ce qui concerne la situation financière précaire de SGL, d'UCAR et de C/G. En effet, selon une jurisprudence constante, la Commission n'est pas obligée, lors de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d'une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d'une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, point 308; arrêt HFB e.a./Commission, point 280 supra, point 596, et arrêt FETTCSA, point 47 supra, point 351, et la jurisprudence citée). Le fait que la Commission ait considéré dans sa pratique décisionnelle antérieure qu'il y avait lieu de tenir compte des difficultés financières d'une entreprise donnée n'implique pas qu'elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (arrêt FETTCSA, points 353 et 354).

371. Cette jurisprudence n'est pas remise en cause par le point 5, sous b), des lignes directrices, selon lequel la capacité contributive réelle d'une entreprise doit être prise en considération. En effet, cette capacité ne joue que dans son " contexte social particulier ", constitué par les conséquences que le paiement de l'amende aurait, notamment, au niveau d'une augmentation du chômage ou d'une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l'entreprise concernée. À cet égard, les requérantes n'ont produit aucun élément susceptible d'apprécier ledit " contexte social particulier ".

372. Par ailleurs, le fait qu'une mesure prise par une autorité communautaire provoque la faillite ou la liquidation d'une entreprise donnée n'est pas interdit, en tant que tel, par le droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52-84, Rec. p. 89, point 14, et du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C-499-99, Rec. p. I-6031, point 38). En effet, la liquidation d'une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l'entreprise perdraient eux aussi leur valeur.

373. À l'audience, SGL a soutenu que l'abstention de la Commission de tenir compte de la mauvaise situation financière de l'entreprise est contredite par la pratique toute récente de la Commission qui, dans sa décision C (2002) 5083 final, du 17 décembre 2002, concernant une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (COMP-E-2-37.667 - Graphites spéciaux), a expressément réduit l'amende infligée à SGL en raison de la situation financière sérieuse de l'entreprise. Selon SGL, la même réduction aurait donc dû être accordée en l'espèce.

374. À cet égard, il suffit d'observer que la décision du 17 décembre 2002 a pris en considération à la fois la situation financière de SGL et le fait qu'une amende considérable a déjà été infligée à l'entreprise pour sa participation au cartel sur le marché des électrodes de graphite, si bien que la Commission estimait que, " dans ces circonstances particulières, il n'apparai[ssait] pas nécessaire, pour assurer une dissuasion effective, d'imposer la totalité du montant de l'amende " (considérant 558). SGL ne saurait donc utilement se prévaloir de cette particularité de la décision du 17 décembre 2002 et reprocher à la Commission une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation pour avoir omis, dans le présent contexte qui n'est pas marqué par cette particularité, de s'écarter de la jurisprudence mentionnée au point 370 ci-dessus.

375. Dans la mesure où C/G énumère encore ses handicaps économiques dont la Commission aurait dû tenir compte, à savoir l'absence de site de production en dehors des États-Unis et l'incapacité d'offrir des services techniques de haut niveau, ses coûts de main-d'œuvre élevés, la mauvaise qualité de ses produits et l'intégration verticale de ses activités de production, la Commission a relevé, à juste titre, que ces inconvénients se sont reflétés dans le chiffre d'affaires et, partant, dans le classement de C/G dans une catégorie pour laquelle un montant de départ inférieur à celui de SGL et d'UCAR a été fixé. En outre, dans la mesure où C/G, malgré ces handicaps, a pu augmenter le volume de ses ventes en Europe, une réduction d'amende importante, au titre de circonstances atténuantes, lui a été accordée. Par conséquent, aucune réduction d'amende supplémentaire n'est justifiée dans le présent contexte.

376. Les références d'UCAR aux sanctions qui lui ont été infligées aux États-Unis et au Canada ainsi qu'au comportement nuisible de Mitsubishi et de Union Carbide ne font que répéter, dans le présent contexte, des moyens qui ont déjà été rejetés ci-dessus. Il suffit donc de rappeler qu'UCAR n'a pas démontré qu'elle était placée dans un " contexte social spécifique " qui commandait à la Commission de renoncer, au moins partiellement, à lui imposer une amende. Quant au comportement de Mitsubishi et de Union Carbide, lesquelles n'ont pas été identifiées et sanctionnées, dans la Décision, en tant qu'auteurs de l'infraction, rien n'obligeait la Commission de réduire, à ce titre, l'amende d'UCAR dont le rôle d'auteur de l'infraction a été constaté et d'épargner ainsi à UCAR l'introduction devant les juridictions nationales compétentes de recours en réparation du préjudice financier prétendument subi par les agissements de ces deux sociétés.

377. Aucun des moyens et arguments avancés dans ce contexte n'ayant été retenu, les montants de base tels qu'ils ont été déterminés jusqu'ici ne seront pas modifiés.

3. Sur les moyens tirés d'une méconnaissance de la communication sur la coopération

378. SGL, UCAR et C/G soutiennent que la Commission leur a accordé des réductions d'amendes insuffisantes au titre du point D de la communication sur la coopération.

379. Aux termes de ce point D, " [l]orsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération " (paragraphe 1), et " [t]el peut notamment être le cas si:

- avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

- après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations " (paragraphe 2).

380. Dans la Décision, la Commission a fait application du point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération aux cas de SGL (considérants 169 et 172 à 175), d'UCAR (considérants 200 à 202) et de C/G (considérants 239 et 240).

a) Affaire T-239-01

Résumé de la Décision

381. La Commission a réduit l'amende de SGL de 30 % parce que SGL avait coopéré à un stade précoce de la procédure (considérants 167 à 169 et 175). Cependant, SGL n'aurait pas réellement coopéré après les premiers contacts noués en avril 1998, de sorte que la Commission a dû lui envoyer une demande formelle de renseignements et un rappel dans lequel elle se réservait le droit d'adopter une décision formelle en application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17. En réponse, SGL aurait transmis une déclaration relative à sa participation au cartel en date du 8 juin 1999 (considérant 173). La Commission a estimé que la coopération des entreprises devait être spontanée et ne pas s'inscrire dans le cadre de l'exercice d'un pouvoir d'investigation. Par conséquent, une partie substantielle des informations fournies dans la déclaration du 8 juin 1999 constituerait en fait la réponse de SGL à la demande formelle de renseignements de la Commission. Seules seraient considérées comme une contribution spontanée au sens de la communication sur la coopération les informations qui allaient au-delà de ce qui était demandé au titre de l'article 11 (considérant 174).

Arguments des parties

382. SGL soutient qu'elle n'était pas tenue de répondre à certaines questions de la demande de renseignements de la Commission du fait que, autrement, elle aurait été obligée de s'incriminer elle-même. Dans sa déclaration du 8 juin 1999, elle aurait néanmoins fourni des réponses complètes et exactes. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt Funke du 25 février 1993, série A n° 256-A, § 44), SGL aurait même été autorisée à s'opposer à toute contribution active à l'établissement de sa propre culpabilité. En considérant erronément que SGL était obligée de répondre à toutes les questions posées, la Commission aurait sous-évalué sa coopération volontaire.

383. SGL ajoute que la Commission aurait également dû tenir compte de sa réponse du 30 juillet 1997 à une demande de renseignements. Par cette réponse, SGL aurait confirmé avoir prévenu des tiers de la vérification imminente par la Commission. Cette demande de renseignements aurait eu pour objectif d'obtenir des aveux de SGL concernant une infraction, de sorte que SGL n'aurait en aucun cas été tenue d'y répondre. Son aveu volontaire aurait donc dû se répercuter sous la forme d'une réduction d'amende plus importante.

384. SGL est d'avis que sa déclaration du 8 juin 1999 est intervenue au même stade de la procédure administrative que la coopération de SDK et d'UCAR. Elle aurait présenté les faits de manière aussi détaillée que ces sociétés, la portée et le contenu des informations ayant été objectivement équivalents. Par conséquent, la Commission n'aurait pas pu attribuer à la coopération fournie par SGL une valeur plus limitée à celle chronologiquement antérieure de SDK et d'UCAR (arrêt Krupp, point 279 supra, points 237 et suivants).

385. SGL prétend, en outre, que la Commission l'a discriminée par rapport à UCAR, à C/G et à SDK.

386. Premièrement, le fait d'avoir réduit l'amende infligée à UCAR de 40 % alors que l'amende de SGL n'a été réduite que de 30 % constituerait une inégalité de traitement, étant donné que la coopération de la part d'UCAR n'excédait pas substantiellement sa propre coopération. Dès le départ, elle aurait informé la Commission sur son intention de collaborer le plus vite possible, tout en soulignant que la procédure pénale parallèle en cours contre elle aux États-Unis l'empêchait de lui communiquer par écrit tous les détails factuels sur l'entente. Elle aurait dû attendre la conclusion d'une transaction judiciaire (plea agreement) en mai 1999 pour pouvoir transmettre à la Commission sa déclaration du 8 juin 1999. Or, UCAR et SDK auraient également attendu la conclusion de telles transactions judiciaires avant de transmettre leurs informations à la Commission. SGL n'aurait pas dû être désavantagée par le fait que SDK et UCAR aient été en mesure de conclure leurs transactions judiciaires plus tôt, SGL n'ayant eu aucune influence sur le comportement des autorités américaines. SGL ajoute que les déclarations de deux collaborateurs d'UCAR transmises à la Commission le 25 mars 1999 ne sauraient être considérées comme une coopération de l'entreprise, étant donné que seule l'entreprise elle-même peut être concernée par la procédure et être redevable au titre de la coopération. En outre, la valeur de la coopération d'UCAR aurait été inférieure à ce que la Commission lui a attribué.

387. Deuxièmement, l'octroi d'une réduction d'amende, à concurrence de 40 %, accordée à C/G refléterait une erreur d'appréciation en ce que la non-application partielle par C/G des accords illicites a été considérée comme justifiant une telle réduction. En effet, C/G aurait eu un comportement comparable à celui d'autres participants à l'entente.

388. Troisièmement, la Commission aurait commis une inégalité de traitement au détriment de SGL en réduisant de 70 %, selon le point C de la communication sur la coopération, le montant de l'amende infligée à SDK. Or, la Décision n'indiquerait pas si les conditions de ladite communication étaient effectivement réunies dans le cas de SDK et ne l'étaient pas dans le cas de SGL. En tout état de cause, la contribution de SDK ne justifierait pas le traitement de faveur considérable accordé à cette entreprise.

389. La Commission rétorque que la plupart des éléments mis en évidence par SGL pour faire apprécier l'ampleur de sa coopération sont des indications qu'elle avait l'obligation de fournir conformément à l'article 11 du règlement n° 17, à savoir les dates, lieux, participants et modalités de la préparation et de l'organisation des réunions avec les concurrents, les chiffres et livraisons des électrodes de graphite dans la Communauté et les tableaux relatifs à l'évolution des prix. Par conséquent, toutes ces indications auraient dû être laissées de côté lors de l'application de la communication sur la coopération. À supposer même que SGL n'ait pas été tenue de fournir certains des renseignements demandés le 31 mars 1999, il ne faudrait pas surévaluer sa contribution. En effet, la Commission aurait déjà disposé, le 8 juin 1999, lorsqu'elle a reçu la déclaration de SGL, de la plupart des informations pertinentes grâce à la coopération de SDK et de deux collaborateurs hauts placés d'UCAR. En tout état de cause, SGL n'aurait pas pris l'initiative de coopérer, mais se serait bornée à répondre à une demande de renseignements.

390. La référence de SGL à l'arrêt Krupp (point 279 supra) serait dénuée de pertinence, étant donné que la chronologie des réponses fournies dans l'affaire Krupp a correspondu à l'ordre dans lequel la Commission avait interrogé les entreprises concernées; selon le Tribunal, dans ces conditions, la seule circonstance que l'une de ces entreprises ait reconnu les faits reprochés en répondant la première aux questions posées ne saurait constituer une raison objective d'un traitement différencié. En l'espèce, au contraire, l'ordre dans lequel les documents sont parvenus à la Commission ne s'expliquerait pas par celui dans lequel elle a interrogé SGL, SDK et UCAR.

391. La Commission ajoute que SGL lui a donné une réponse incomplète à la question de savoir quelles étaient les entreprises informées par SGL de l'imminence des vérifications de la part de la Commission: SGL n'aurait pas dit qu'elle avait aussi prévenu UCAR. Or, elle aurait parfaitement pu informer la Commission qu'elle avait prévenu trois entreprises, sans admettre simultanément l'existence d'une infraction. En effet, le fait de signaler à d'autres entreprises que des vérifications vont avoir lieu ne constituerait pas en soi une violation de l'article 81 CE.

392. Dans la mesure où SGL lui reproche de l'avoir discriminée par rapport à UCAR, à C/G et à SDK, la Commission répond qu'UCAR a davantage contribué à la constatation de l'infraction que SGL. Quant au rôle joué par C/G, la Commission souligne que le caractère passif du comportement de C/G et l'augmentation de ses ventes en Europe lui ont valu une réduction d'amende de 40 % au titre de circonstances atténuantes. La situation de C/G et celle de SGL ne seraient donc nullement comparables. Il en irait de même pour la comparaison avec SDK. Contrairement à SGL, SDK aurait bénéficié de l'application du point C de la communication sur la coopération, étant donné qu'elle était la première société à fournir réellement des éléments de preuve décisifs pour prouver l'existence de l'entente et s'est retirée du cartel dès le mois d'avril 1997.

393. La Commission relève que SGL n'a pas contesté, lors de la procédure administrative, le grief selon lequel elle avait poursuivi l'infraction après les vérifications et que cette non-contestation factuelle est entrée en ligne de compte dans la réduction de 30 % de son amende. Or, devant le Tribunal, SGL nierait pour la première fois la poursuite de l'infraction après lesdites vérifications. Ce faisant, elle aurait restreint a posteriori l'ampleur de sa coopération. Dès lors, une réduction supplémentaire de l'amende par le Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, ne serait pas appropriée.

Appréciation du Tribunal

394. Quant au grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement, il est de jurisprudence bien établie que, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les entreprises concernées, la Commission ne saurait méconnaître ce principe, qui est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt Krupp, point 279 supra, point 237, et arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 153 supra, point 240, et la jurisprudence citée).

395. À cet égard, il y a lieu de constater que SDK et C/G ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle de SGL.

396. En effet, la Commission a constaté, dans la Décision, que C/G n'a pas participé aux réunions " des patrons " ni aux réunions " de travail ", qu'elle s'est contentée de suivre les prix fixés par les autres membres du cartel et qu'elle a, en violation d'un des principes de base du cartel (celui du " producteur domestique "), augmenté ses ventes en Europe. SGL n'a ni contesté ces constatations de fait (considérants 81 à 86 de la Décision) ni prétendu s'être comportée d'une manière comparable à celle de C/G qui vient d'être décrite.

397. En ce qui concerne la situation de SDK qui s'est vu appliquer le point C de la communication sur la coopération et a bénéficié d'une réduction d'amende de 70 %, SGL ne fait pas valoir qu'elle aurait également dû profiter dudit point C; elle se limite à dénoncer que la Décision n'indiquait pas pourquoi les conditions du point C étaient réunies dans la cas de SDK et ne l'étaient pas dans celui de SGL. Or, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la Commission a valablement constaté que SGL avait été l'un des instigateurs et chefs de file du cartel; en outre, SGL ne prétend pas même qu'elle était la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence du cartel. Par conséquent, les conditions établies au point B, sous b) et e), lues conjointement avec le point C, de la communication sur la coopération n'ont pas été remplies par SGL. Cette dernière ne saurait donc aucunement bénéficier d'une réduction d'amende prévue audit point C, de sorte que son argumentation relative à SDK est inopérante.

398. Est également inopérant l'argument tiré de ce que la contribution de SDK - de même que celle d'UCAR - était en réalité d'une valeur inférieure à celle retenue par la Commission et ne justifiait nullement la réduction d'amende accordée. En effet, en s'efforçant de déprécier la coopération d'autres entreprises, SGL vise non pas à soutenir que sa propre coopération avait la même valeur que celle fournie par une autre entreprise et méritait donc la même réduction que celle accordée à cette dernière, mais à dénoncer le traitement prétendument trop favorable, c'est-à-dire illégal, de ces entreprises. Cette argumentation n'est donc pas susceptible de lui procurer une réduction plus importante.

399. Quant au point de savoir si la coopération fournie par SGL, récompensée par 30 % de réduction, était objectivement d'une valeur comparable à celle fournie par UCAR, récompensée par 40 % de réduction, il ressort du dossier devant le Tribunal que SGL et UCAR ont toutes deux, en leur qualité d'instigateurs et chefs de file du cartel, apporté des éléments instructifs et détaillés qui ont sensiblement facilité la tâche de la Commission, étant précisé que la partie substantielle de la coopération de SGL a été fournie quelques mois plus tard que celle des deux collaborateurs d'UCAR, MM. [...] et [...], qui avaient été incités par UCAR à transmettre leurs dépositions à la Commission de sorte que celle-ci pouvait à bon droit imputer cette coopération à l'entreprise UCAR elle-même.

400. Dans ce contexte, SGL ne saurait utilement faire valoir que sa coopération a été " retardée " par la procédure parallèle aux États-Unis. Ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre (considérant 172 de la Décision), c'était à ses propres risques et périls que SGL préférait attendre la clôture de la procédure américaine, dans l'espoir d'obtenir une sanction américaine plus clémente, avant de collaborer avec la Commission, de sorte qu'elle devait s'attendre à ce que cette dernière ait déjà été informée par d'autres entreprises et que la contribution de SGL ait ainsi perdu de sa valeur informative.

401. Il y a lieu de constater, ensuite, que le motif essentiel pour lequel la Commission n'a accordé à SGL qu'une réduction d'amende de 30 % figure au considérant 174 de la Décision: selon la Commission, une entreprise ne mérite une réduction d'amende que si sa coopération est " spontanée " et ne s'inscrit pas dans le cadre de l'" exercice d'un pouvoir d'investigation "; considérant qu'" une partie substantielle des informations fournies [par SGL] constitue en fait la réponse de SGL à la demande formelle de renseignements de la Commission, seules [ont été] considérées comme une contribution spontanée au sens de la communication les informations contenues dans la déclaration qui allaient au-delà de ce qui était demandé au titre de l'article 11 ". En outre, SGL n'aurait transmis sa déclaration du 8 juin 1999 qu'après l'envoi d'un rappel dans lequel la Commission se réservait le droit d'adopter une décision formelle en application de l'article 11, paragraphe 5 (considérant 173 de la Décision). Se fondant sur l'arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission (374-87, Rec. p. 3283, points 27, 28 et 32 à 35), la Commission n'a donc pas récompensé les informations dont elle estimait que SGL devait, en tout état de cause, les lui fournir en réponse à une demande de renseignements ou à une décision ordonnant, sous la menace de sanctions, la communication des renseignements demandés.

402. Dans ce contexte, il convient de souligner que le droit au silence absolu, invoqué par SGL pour soutenir qu'elle ne devait répondre à aucune demande de renseignements, ne peut pas être reconnu. En effet, la reconnaissance d'un tel droit irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits de la défense des entreprises et constituerait une entrave injustifiée à l'accomplissement, par la Commission, de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans le Marché commun. Un droit au silence ne peut être reconnu que dans la mesure où l'entreprise concernée serait obligée de fournir des réponses par lesquelles elle serait amenée à admettre l'existence de l'infraction dont il appartient à la Commission d'établir l'existence (arrêt du Tribunal du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-112-98, Rec. p. II-729, points 66 et 67).

403. Pour préserver l'effet utile de l'article 11 du règlement n° 17, la Commission est, dès lors, en droit d'obliger les entreprises à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elles peuvent avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en leur possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir l'existence d'un comportement anticoncurrentiel (voir arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 402 supra, point 65, et la jurisprudence citée).

404. Ce pouvoir de renseignements de la Commission, consacré par les arrêts Orkem/Commission et Mannesmannröhren-Werke/Commission, respectivement, points 401 et 402 supra, ne se heurte ni à l'article 6, paragraphes 1 et 2, de la CEDH (arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, précité, point 75) ni à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

405. En effet, si la Cour a jugé (arrêt LVM, point 130 supra, point 274) que, postérieurement à l'arrêt Orkem/Commission, point 401 supra, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, dont le juge communautaire doit tenir compte, a connu de nouveaux développements avec l'arrêt Funke, point 382 supra, l'arrêt Saunders c. Royaume-Uni du 17 décembre 1996 (Recueil des arrêts et décisions, 1996-VI, p. 2044, § 69, 71 et 76) et l'arrêt J.B. c. Suisse du 3 mai 2001 (non encore publié au Recueil des arrêts et décisions, § 64 à 71), la Cour n'a pas procédé, dans l'arrêt LVM, précité, au revirement de sa jurisprudence.

406. En tout état de cause, le fait d'être obligé de répondre aux questions purement factuelles posées par la Commission et de satisfaire aux demandes de celle-ci de production de documents préexistants n'est pas susceptible de violer le principe fondamental du respect des droits de la défense ainsi que celui d'un droit à un procès équitable, qui offrent, dans le domaine du droit de la concurrence, une protection équivalente à celle garantie par l'article 6 de la CEDH. Rien n'empêche, en effet, le destinataire d'une demande de renseignements de démontrer, plus tard dans le cadre de la procédure administrative ou lors d'une procédure devant le juge communautaire, que les faits exposés dans ses réponses ou les documents communiqués ont une autre signification que celle retenue par la Commission (arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 402 supra, points 77 et 78).

407. S'agissant ensuite de savoir dans quelle mesure SGL était obligée de répondre, conformément à la jurisprudence susmentionnée, à la demande de renseignements du 31 mars 1999, il y a lieu de constater que, outre les questions purement factuelles et les demandes de production de documents préexistants, la Commission a demandé de décrire l'objet et le déroulement de plusieurs réunions auxquelles SGL aurait participé ainsi que les résultats/conclusions de ces réunions, alors qu'il était clair que la Commission soupçonnait que l'objet desdites réunions était de restreindre la concurrence. Il s'ensuit qu'une telle demande était de nature à obliger SGL à avouer sa participation à une infraction aux règles communautaires de la concurrence.

408. Il en va de même pour les demandes visant à obtenir les protocoles desdites réunions, les documents de travail et les documents de préparation y relatifs, les notes manuscrites s'y rapportant, les notes et conclusions ayant trait à ces réunions, les documents de planification et de discussion ainsi que les projets d'exécution relatifs aux majorations de prix effectuées entre 1992 et 1998.

409. SGL n'ayant pas été tenue de répondre à ce type de questions figurant dans la demande de renseignements du 31 mars 1999, le fait pour elle d'avoir néanmoins fourni des informations sur ces points doit être considéré comme une collaboration volontaire de l'entreprise susceptible de justifier une réduction d'amende en application de la communication sur la coopération.

410. Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument de la Commission selon lequel les informations en cause n'ont pas été apportées spontanément, mais en réponse à une demande de renseignements. En effet, le point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération, loin de requérir un acte spontané, pris de la seule initiative de l'entreprise concernée, se contente d'exiger des informations qui contribuent " à confirmer " l'existence de l'infraction commise. En outre, même le point C, qui concerne une réduction d'amende plus importante que celle visée au point D, permet de récompenser une coopération fournie " après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l'entente ". Dès lors, la circonstance qu'une demande de renseignements ait été adressée à SGL, au titre de l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, ne saurait être déterminante pour minimiser la coopération fournie par l'entreprise, au titre du point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération, d'autant moins qu'une telle demande est un acte moins contraignant qu'une vérification effectuée sur la base d'une décision.

411. Il s'ensuit que la Commission a méconnu l'importance de la coopération apportée par SGL dans ce contexte.

412. Dans la mesure où la Commission reproche à SGL de lui avoir donné une réponse incomplète à la question de savoir quelles étaient les entreprises que SGL avait informées de l'imminence des vérifications de la Commission en juin 1997, il est vrai que, par lettre du 30 juillet 1997, SGL a limité son aveu à VAW et à une autre entreprise, sans indiquer qu'elle avait aussi informé UCAR. Toutefois, la Commission a elle-même souligné que l'avertissement donné par SGL renforçait la gravité de l'infraction, donnait lieu à une amende dont l'effet dissuasif était plus important que normalement et justifiait d'être retenue comme circonstance aggravante, ce comportement de SGL ayant créé les conditions nécessaires au maintien du cartel en activité et à la prolongation de ses effets néfastes. Il s'avère donc que SGL n'aurait pas été tenue d'indiquer à la Commission qu'elle avait averti d'autres entreprises. En effet, ces informations étaient susceptibles d'aggraver la sanction que la Commission allait imposer à SGL. La Commission a donc, également sur ce point, méconnu le comportement de SGL en lui reprochant d'avoir fourni une réponse incomplète.

413. Enfin, il ressort de la Décision qu'aucune des entreprises impliquées, y compris SGL, n'a contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission avait fondé sa communication des griefs (considérant 41). Or, bien que le considérant 168 reproduise le texte intégral du point D de la communication sur la coopération et que la Commission ait expressément accordé à Tokai, à SEC et à Nippon une réduction d'amende de 10 % en application dudit point D, paragraphe 2, second tiret, pour ne pas avoir contesté les faits (considérants 219 et 222), elle s'est abstenue d'appliquer cette même disposition à SGL et n'a réduit l'amende de cette dernière qu'en vertu du point D, paragraphe 2, premier tiret (considérant 175).

414. En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission s'est efforcée d'expliquer cette omission en exposant que, lorsque la coopération des entreprises s'était limitée à une absence de contestation des faits, elle a procédé à une réduction uniquement fondée sur ce type de coopération et s'est expressément référée au point D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération, tandis que, pour les entreprises ayant aussi coopéré en vertu du premier tiret de cette disposition, à savoir SGL, UCAR, VAW et C/G, elle n'a procédé qu'à une seule réduction, regroupant les deux types de coopération; cette réduction unique aurait été exclusivement, et erronément, fondée sur le premier tiret. En tout état de cause, il ressortirait clairement du contexte de la Décision que la réduction octroyée à SGL était fondée aussi bien sur sa fourniture d'informations et de documents que sur sa non-contestation des faits.

415. À cet égard, il suffit de constater que cette explication a été formulée pour la première fois devant le Tribunal par les représentants de la Commission et qu'elle ne figure nullement dans la Décision adoptée par le collège des membres de la Commission. Or, l'appréciation de la non-contestation des faits de la part de SGL aurait dû figurer dans les considérants relatifs à la coopération de l'entreprise comme elle était expressément mentionnée - outre dans le considérant 41 relatif à la description du déroulement de la procédure administrative - dans les considérants 219 et 222 au regard de Tokai, de SEC et de Nippon (voir, en ce sens, arrêt ABB Asean Brown Boveri/Commission, point 153 supra, point 244). À la lumière du passage de la Décision concernant SGL, le Tribunal ne saurait donc que prendre acte de ce que la Commission n'a pas fait bénéficier l'entreprise de la disposition du point D, paragraphe 2, second tiret, de la communication sur la coopération, bien que SGL ait rempli les conditions de cette disposition.

416. Il résulte de ce qui précède que la Commission a méconnu, sur différents points, l'importance de la coopération fournie par SGL avant l'adoption de la Décision. Dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal estime qu'il convient de réduire, à ce titre, l'amende infligée à SGL de 10 % qui s'ajoutent aux 30 % déjà accordés par la Commission.

417. Dans la mesure où la Commission demande au Tribunal de ne pas procéder à cette réduction au motif que SGL aurait contesté, pour la première fois devant le Tribunal, la matérialité des faits qu'elle avait admis auparavant lors de la procédure administrative, il y a lieu de constater que SGL fait effectivement grief à la Commission d'avoir erronément constaté la poursuite de l'infraction après juin 1997. Les constatations y relatives de la Commission ont essentiellement été fondées sur le comportement objectif de l'entreprise lors de la procédure administrative et sur ses déclarations de non-contestation plutôt générales. Devant le Tribunal, SGL s'est, en substance, limitée à faire valoir que la Commission s'était trompée sur le sens de son comportement et de ses déclarations. Pour réfuter ce grief, la Commission pouvait se borner à rappeler ce comportement et les déclarations de SGL ainsi que la chronologie du déroulement de la procédure administrative (voir points 71 à 77 ci-dessus). La tâche de la Commission consistant à établir les faits infractionnels, qui avait été facilitée au cours de la procédure administrative par le comportement et les déclarations de SGL, n'a donc objectivement pas été rendue plus difficile par la contestation ultérieure présentée par SGL devant le Tribunal.

418. Cependant, il ne saurait être négligé que la Commission, contre toute attente qu'elle pouvait raisonnablement fonder sur la coopération objective de SGL lors de la procédure administrative, a été obligée d'élaborer et de présenter une défense devant le Tribunal ciblée sur la contestation de faits infractionnels dont elle avait considéré à bon droit que SGL ne les remettrait plus en question. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu'il convient d'exercer le pouvoir de pleine juridiction qui lui est confié en vertu de l'article 17 du règlement n° 17 en diminuant la réduction d'amende accordée à SGL de 2 points de pourcentage. Cette réduction d'amende ne s'élève donc qu'à 8 %.

419. Ainsi qu'il a été jugé au point 113 ci-dessus, cette conclusion ne se heurte pas à l'arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission.

420. Il s'ensuit que le montant final de l'amende infligée à SGL doit être fixé à 69,114 millions d'euros.

b) Affaire T-246-01

Résumé de la Décision

421. La Commission a procédé à une réduction d'amende de 40 % parce qu'UCAR - bien que n'étant pas la première société à lui fournir des éléments de preuve déterminants - a largement contribué à l'établissement de certains aspects importants de l'affaire et a été la première société à reconnaître l'existence de contacts illicites avec des concurrents, en réponse à une demande formelle de renseignements (considérants 200 à 202).

Arguments des parties

422. UCAR fait valoir que la réduction d'amende que la Commission lui a accordée à hauteur de 40 % est insuffisante en comparaison de la réduction de 30 % accordée à SGL et celle de 70 % accordée à SDK. En raison du fait qu'UCAR a coopéré autant que possible avec la Commission, elle aurait droit à la réduction la plus élevée possible. En effet, UCAR aurait procuré des informations décisives pour la compréhension du fonctionnement de l'entente. Grâce aux révélations de SDK, la Commission aurait, certes, eu la preuve qu'il existait une entente. Cependant, UCAR aurait fourni les preuves qui ont comblé les nombreuses lacunes dans l'information de la Commission.

423. UCAR reproche à la Commission, premièrement, de ne pas avoir tenu compte de l'enquête interne indépendante et approfondie que son conseil d'administration a menée dans le but d'établir et de communiquer à la Commission tous les faits pertinents. Cette enquête aurait été décisive, puisque son président directeur général et son directeur des ventes pour l'Europe étaient directement impliqués dans l'entente et avaient les moyens d'empêcher la communication des informations.

424. Deuxièmement, UCAR aurait communiqué toutes les informations pertinentes à la Commission immédiatement après avoir eu connaissance de l'infraction commise par elle-même. Elle aurait travaillé avec le personnel de la Commission en vue de la rédaction d'une demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17. En effet, UCAR aurait exprimé sa réticence à remettre à la Commission des pièces écrites, car il y avait un risque que ces documents soient utilisés dans des procédures parallèles ouvertes contre UCAR aux États-Unis. UCAR aurait donc proposé à la Commission de lui communiquer oralement des informations. En juin 1998, la Commission lui aurait envoyé une demande de renseignements structurée en accord avec UCAR afin de se rapporter aux informations orales déjà fournies à la Commission. Après la fin des procédures engagées aux États-Unis, UCAR aurait, en juin 1999, transmis volontairement à la Commission toutes les informations pertinentes.

425. UCAR rappelle, troisièmement, avoir informé la Commission que la mise en garde contre ses vérifications surprises provenait de contacts entre SGL et un fonctionnaire de la Commission désigné nommément. L'enquête dirigée contre ce fonctionnaire aurait abouti à une procédure pénale. UCAR ajoute que sa coopération concernant la mise en garde contre ces vérifications surprises a joué un rôle important pour l'appréciation de la gravité de l'infraction commise par SGL.

426. La Commission soutient que la réduction d'amende de 40 % accordée à UCAR reste dans la fourchette comprise entre 10 et 50 % prévue par le point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération. UCAR ne serait pas parvenue à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste sur ce point. La coopération fournie par UCAR aurait été suffisamment reconnue dans la Décision, étant précisé que les informations purement orales ne pouvaient pas être utilisées comme éléments de preuve fiables.

427. Quant au rôle joué par UCAR au regard de la découverte d'éventuelles fuites émanant des services de la Commission, cette dernière fait valoir qu'il convient de distinguer deux aspects de l'assistance fournie. D'une part, UCAR l'aurait informée que SGL avait alerté les autres entreprises; ce fait relèverait de l'infraction litigieuse et la Commission en aurait tenu compte comme circonstance aggravante aux fins du calcul de l'amende infligée à SGL, tandis que cette coopération d'UCAR a été prise en considération dans le cadre de la réduction de son amende de 40 %. D'autre part, l'information sur la possible implication d'un fonctionnaire de la Commission n'aurait pas été pertinente pour l'application de la communication sur la coopération à l'infraction commise par UCAR dans le cadre de la présente procédure, cette information n'ayant pas aidé la Commission à mettre en cause les membres de l'entente.

Appréciation du Tribunal

428. Dans la mesure où UCAR fait valoir que la réduction de son amende était insuffisante en comparaison de celle accordée à SGL et à SDK, cette argumentation ne suffit pas pour établir une erreur manifeste d'appréciation de la Commission. En effet, SDK a bénéficié d'une réduction d'amende en application du point C de la communication sur la coopération. Sa situation n'est donc pas comparable à celle d'UCAR qui a bénéficié du point D et qui ne prétend pas remplir les conditions du point C. Quant à SGL, UCAR n'a pas démontré, en détail, que sa propre coopération, récompensée par une réduction de 40 %, était d'une valeur très largement supérieure à celle de SGL, récompensée par une réduction de 30 %. En ce qui concerne la référence d'UCAR à la procédure parallèle aux États-Unis, elle n'est pas de nature à établir que la Commission a méconnu la valeur de sa coopération lors de la procédure administrative devant elle (voir point 400 ci-dessus).

429. L'argument tiré par UCAR de l'enquête interne de son conseil d'administration ne saurait non plus prospérer. Dans la mesure où cette enquête s'est traduite par la coopération d'UCAR, la Commission en a tenu compte en accordant une réduction d'amende de 40 %. Le fait d'avoir mis en œuvre l'enquête interne ne justifie pas, en tant que tel, une augmentation de ce taux. En effet, il ne faut pas oublier que, parallèlement à cette enquête, d'autres représentants d'UCAR ont poursuivi, pour le compte de l'entreprise, l'infraction même après les vérifications surprises de la Commission.

430. S'agissant des contacts oraux entre UCAR et la Commission, cette dernière a précisé, en réponse à une question écrite du Tribunal, que les informations orales fournies par UCAR le 25 mars, le 2 avril et le 11 juin 1998 avaient été rapportées en détail, dans des notes internes rédigées par des fonctionnaires de la Commission. Ces notes ne feraient pas partie du dossier d'instruction de l'affaire. En effet, à l'époque en cause, UCAR n'aurait pas souhaité que les informations qu'elle avait fournies oralement soient utilisées comme preuves. La Commission en a déduit que ces informations orales ne constituaient pas d'éléments de preuve valables au sens du point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération, raison pour laquelle UCAR ne s'est pas vu accorder de réduction d'amende spécifique pour les avoir fournies.

431. Cette thèse ne saurait être retenue. D'une part, en effet, la disposition susmentionnée prévoit que non seulement des " documents ", mais aussi des " informations " peuvent servir d'" éléments de preuve " contribuant à confirmer l'existence de l'infraction commise. Il s'ensuit que lesdites informations ne doivent pas nécessairement être fournies sous une forme documentaire. D'autre part, l'utilité pratique d'une information purement orale est incontestable lorsqu'elle permet à la Commission, par exemple, de trouver des preuves directes de l'infraction ou lorsqu'elle encourage la Commission, en raison de sa précision, à poursuivre une enquête qu'elle aurait, à défaut de preuves suffisantes disponibles à ce moment, abandonnée sans cette information.

432. En l'espèce, ainsi qu'il ressort des notes internes susmentionnées, UCAR avait oralement fourni, notamment, les noms d'autres entreprises membres de l'entente, les noms de plusieurs représentants de tels membres, des noms de code utilisés pour dissimuler les contacts (voir considérant 59 de la Décision) ainsi que plusieurs dates et lieux de réunions, y compris les participants, organisées dans le cadre de l'entente. Ces indications auraient déjà permis à la Commission d'adresser des demandes de renseignements aux entreprises identifiées par UCAR, en les invitant à confirmer si leurs représentants nommément désignés avaient participé aux réunions mentionnées par UCAR, et de leur signaler ainsi qu'elle disposait déjà d'une source d'informations certaine, ce qui aurait pu amener les entreprises destinataires à coopérer avec la Commission dès ce stade précoce de l'enquête.

433. Les informations orales fournies par UCAR ayant ultérieurement été confirmées par les déclarations écrites produites par l'entreprise elle-même ou de son initiative (déclarations de MM. [...] et [...]), il apparaît qu'UCAR a apporté sa coopération en deux étapes: tout d'abord, dans le cadre de plusieurs communications orales, puis, par la communication de preuves documentaires. En s'abstenant de tenir compte des informations orales fournies par UCAR en mars, en avril et en juin 1998, la Commission a donc méconnu l'importance de la coopération apportée par l'entreprise.

434. S'agissant du rôle joué par UCAR dans la révélation d'une éventuelle fuite émanant des services de la Commission, cette dernière a confirmé, à l'audience, son point de vue selon lequel cette révélation ne l'a pas aidée à mettre en cause les membres de l'entente. La communication sur la coopération aurait pour seul objectif de récompenser la fourniture de preuves qui, sinon, exposerait l'entreprise coopérative à des sanctions. Or, la source des avertissements en cause en l'espèce ne ferait pas partie d'une infraction qui exposerait UCAR à une amende.

435. Cette thèse ne saurait être retenue. En effet, peut être récompensée par une réduction d'amende toute coopération qui a permis à la Commission de constater l'existence d'une infraction avec moins de difficultés et, le cas échéant, d'y mettre fin (arrêt du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, point 108 supra, point 36). S'il est vrai que la communication sur la coopération ne prévoit, en son point A, paragraphe 3, qu'une réduction " de l'amende [que les entreprises coopérant avec la Commission] auraient autrement dû acquitter ", ce texte n'exige pas que chaque élément d'information individuel doive se rapporter à une infraction au droit de la concurrence susceptible d'être sanctionnée séparément. Pour pouvoir bénéficier de la communication sur la coopération, il suffit que l'entreprise disposée à coopérer s'expose, par la révélation de son implication dans une infraction, à des sanctions, tandis que la prise en considération, aux fins d'une éventuelle réduction d'amende, des différents éléments d'information dépend de leur utilité pour la Commission dans sa tâche consistant à établir l'existence de l'infraction et à y mettre fin.

436. À ce dernier égard, il est évident qu'un fonctionnaire de la Commission déloyal est en mesure de saboter la mission de son institution en soutenant les membres d'un cartel illégal. Ainsi, il peut compliquer considérablement l'enquête menée par celle-ci, par exemple en détruisant ou en manipulant des éléments de preuve, en informant les membres du cartel d'une vérification surprise imminente et en révélant toute la stratégie d'instruction élaborée par la Commission. Par conséquent, l'information sur l'existence d'un tel fonctionnaire doit, en principe, être considérée comme susceptible de faciliter la tâche de la Commission consistant à établir une infraction et à y mettre fin. L'utilité d'une telle information est particulièrement importante lorsqu'elle est fournie au début de l'enquête ouverte par la Commission sur d'éventuels agissements anticoncurrentiels.

437. Dans le cas d'espèce, UCAR a présenté, dans sa requête et à l'annexe 47 de celle-ci, les détails factuels relatifs à la fuite émanant des services de la Commission, en précisant notamment qu'elle en avait informé la Commission en janvier 1999, que l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) était intervenu et qu'une enquête pénale avait été engagée en Italie contre le fonctionnaire incriminé. Pendant toute la procédure écrite devant le Tribunal et encore en réponse à une question écrite de celui-ci, la Commission n'a contesté aucun de ces éléments factuels. Ce n'est qu'à l'audience que la Commission a affirmé, pour la première fois, que l'enquête interne réalisée dans ce contexte n'avait pas porté ses fruits et que le fonctionnaire dénoncé par UCAR était toujours au service de la Commission. Il ne serait donc pas possible d'identifier aujourd'hui un fonctionnaire comme étant responsable de la fuite en question.

438. À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission, mise au courant par UCAR en janvier 1999, aurait dû informer UCAR au plus tard à la date d'adoption de la Décision si elle allait tenir compte dudit élément d'information dans le cadre de l'application de la communication sur la coopération. Le Tribunal étant empêché de vérifier si l'enquête interne de la Commission visant à détecter le fonctionnaire en question a été menée en bonne et due forme et si elle a abouti à un résultat correct, il ne peut que tirer les conséquences du comportement procédural de la Commission qui s'imposent: la contestation factuelle présentée pour la première fois à l'audience doit être qualifiée de moyen de défense nouveau et rejetée comme tardive, en application de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Le Tribunal doit donc se baser sur les faits tels qu'ils ont été présentés par UCAR et admettre que l'information sur la fuite émanant des services de la Commission a été d'une utilité objective pour la Commission dans le traitement du dossier relatif au cartel actif sur le marché des électrodes de graphite. En s'abstenant de tenir compte de cet élément, la Commission a donc méconnu l'importance de la coopération fournie par UCAR.

439. Il en va de même en ce qui concerne le fait pour la Commission d'avoir appliqué à UCAR uniquement le point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération (considérant 202 de la Décision), bien qu'UCAR n'ait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé sa communication des griefs (considérant 41 de la Décision) (voir, en ce sens, points 413 à 415 ci-dessus).

440. Il résulte de ce qui précède que la Commission a méconnu, sur différents points, l'importance de la coopération fournie par UCAR avant l'adoption de la Décision. Dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal estime qu'il convient de réduire, à ce titre, l'amende infligée à UCAR de 10 % qui s'ajoutent aux 40 % déjà accordés par la Commission.

441. Il s'ensuit que le montant final de l'amende infligée à UCAR doit être fixé à 42,05 millions d'euros.

c) Affaire T-252-01

Résumé de la Décision

442. La Commission a réduit l'amende de C/G de 20 % parce que C/G lui a fourni certaines informations. C/G n'aurait cependant pas droit à une réduction plus importante. Bien qu'elle ait fourni à la Commission dès juillet 1998 certains documents relatifs aux contacts entre concurrents, elle n'aurait transmis une déclaration d'entreprise qu'en octobre 1999, dans laquelle elle restait cependant ambiguë sur son rôle dans le cartel. De l'avis de la Commission, la réponse de l'entreprise du 21 juillet 1999 à la demande formelle de renseignements en application de l'article 11 du règlement n° 17 ne constitue pas une contribution spontanée au sens de la communication sur la coopération (considérants 239 et 240).

Arguments des parties

443. C/G reproche à la Commission d'avoir commis une erreur en lui accordant seulement 20 % de réduction d'amende au titre de sa coopération. En effet, C/G aurait fourni à la Commission toutes les informations pertinentes. En outre, elle n'aurait pas contesté la matérialité des faits que la Commission a retenue dans sa communication des griefs. Selon C/G, cette coopération a été plus précieuse que celle d'autres destinataires de la Décision qui ont bénéficié de réductions identiques ou supérieures.

444. C/G précise que, en réalité, toutes les preuves retenues contre elle proviennent d'elle-même. Sans sa coopération, la Commission n'aurait pas obtenu ces preuves. Dans la mesure où la Commission affirme que d'autres entreprises ont également incriminé C/G, cette dernière souligne que les déclarations des autres entreprises constituent de pures suppositions fragiles et hésitantes.

445. C/G compare, en outre, sa propre situation avec celle de Conradty qui, contrairement à C/G, a refusé de coopérer avec la Commission, ce qui n'a pas empêché cette dernière d'infliger une amende à C/G et non pas à Conradty. Enfin, C/G se plaint de ce que SGL et VAW ont bénéficié d'une réduction de, respectivement, 30 et 20 % pour leur coopération, alors que SGL avait averti VAW, comme d'autres entreprises, de l'imminence des vérifications surprises de la Commission. Il ne serait pas logique que SGL, le chef de file de l'entente, bénéficie d'une réduction plus importante qu'elle-même.

446. La Commission rappelle que C/G a bénéficié d'une réduction de 20 % qui s'est située dans la fourchette prévue comprise entre 10 et 50 %. Sa confiance légitime aurait donc été respectée.

447. Dans la mesure où C/G prétend avoir elle-même fourni toutes les preuves retenues à son encontre, la Commission souligne qu'elle était déjà en possession des preuves fournies par SGL, VAW et UCAR, qui ont également attesté la participation de C/G à l'infraction. Dans ce contexte, elle cite la déclaration de SGL qui contient le compte-rendu direct d'une réunion entre SGL et C/G afin de discuter du problème des " exportations américaines toujours croissantes " vers le marché européen. Cette déclaration aurait corroboré celles d'UCAR et de ses salariés.

448. Pour la Commission, la situation de C/G, d'une part, et celle de Conradty, de SGL et de VAW, d'autre part, sont totalement différentes: Conradty n'aurait pas coopéré et la Commission ne serait pas parvenue à établir sa participation à l'infraction. SGL aurait bénéficié d'une réduction d'amende parce qu'elle avait fourni des informations précieuses sur le fonctionnement de l'entente, alors que la contribution de C/G a essentiellement concerné la nature de sa propre participation. Enfin, C/G aurait été la dernière entreprise à présenter une déclaration, à une époque où presque toutes les informations sur l'entente, notamment celles fournies par SGL et VAW, étaient connues de la Commission.

Appréciation du Tribunal

449. Dans la mesure où C/G compare sa propre situation avec celle de Conradty, il suffit de relever que C/G a elle-même reconnu sa participation à l'infraction, alors que Conradty - tout comme Mitsubishi et Union Carbide - n'a pas été identifiée dans la Décision en tant qu'auteur de l'infraction et ne participe pas aux litiges devant le Tribunal relatifs à la Décision. La référence à Conradty ne saurait donc justifier aucune réduction d'amende supplémentaire en faveur de C/G.

450. L'argumentation basée sur une comparaison de C/G avec SGL et VAW n'est pas davantage de nature à justifier une telle réduction. En effet, loin de démontrer en détail que sa propre coopération a été sous-évaluée par rapport à celle de ces deux entreprises, C/G se limite à déprécier leur coopération.

451. Quant à l'affirmation de C/G selon laquelle l'entreprise avait fourni, elle-même, la quasi-totalité des preuves retenues à son encontre, ce que la Commission a contesté, il s'est avéré devant le Tribunal que les preuves invoquées par la Commission, autres que celles fournies par C/G elle-même, consistaient en deux déclarations d'UCAR selon lesquelles " M. [...] a supposé sur la base de déclarations faites par M. [...] [de SGL] que M. [...] poursuivait ses contacts avec C/G " et " le représentant d'UCAR pense que SGL a peut-être eu des contacts directs éventuellement avec l'agent allemand de C/G ", en une déclaration de M. [...] qui a " supposé que M. [...] avait des contacts avec C/G " et en une déclaration de SGL selon laquelle, lors d'une réunion entre des représentants de SGL et de C/G, qui a eu lieu à l'aéroport de Francfort le 21 novembre 1996, l'augmentation incessante des exportations américaines vers l'Europe a été discutée et des informations sur la situation du marché européen ont été échangées.

452. Or, l'unique information concrète dépassant le niveau de pures suppositions figure dans la déclaration de SGL relative à la réunion du 21 novembre 1996. Cependant, la participation de C/G à l'infraction, telle qu'elle lui est reprochée dans la Décision, s'est achevée précisément au mois de novembre 1996. Il s'ensuit que C/G a, en réalité, fourni l'ensemble des preuves pertinentes pour la nature et la durée de sa participation à l'infraction retenue. En lui accordant seulement 20 % de réduction d'amende, la Commission a manifestement méconnu l'importance de la coopération volontaire fournie par C/G à ce titre.

453. Il en va de même en ce qui concerne le fait pour la Commission d'avoir appliqué à C/G uniquement le point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération (considérant 239 de la Décision), bien que C/G n'ait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé sa communication des griefs (considérant 41 de la Décision) (voir, en ce sens, points 413 à 415 ci-dessus).

454. Enfin, en estimant que la réponse de C/G à une demande formelle de renseignements ne constituait pas une contribution spontanée au sens de la communication sur la coopération, ce qui réduirait sa valeur, la Commission a également sous-estimé la coopération apportée par C/G (voir, en ce sens, point 410 ci-dessus).

455. Il résulte de ce qui précède que la Commission a méconnu, sur différents points, l'importance de la coopération fournie par C/G avant l'adoption de la Décision. Dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal estime qu'il convient de réduire, à ce titre, l'amende infligée à C/G de 20 % qui s'ajoutent aux 20 % déjà accordés par la Commission.

456. Par conséquent, le montant final de l'amende infligée à C/G doit être fixé à 6,48 millions d'euros.

457. Il résulte de ce qui précède que le montant final des amendes infligées à SGL, à UCAR et à C/G doit être fixé, respectivement, à 69,114 millions, à 42,05 millions et à 6,48 millions d'euros. En revanche, le Tribunal ne voit aucune raison de se départir des taux appliqués par la Commission aux autres requérantes au titre de la communication sur la coopération, à l'exception de Nippon dont l'amende sera réduite non pas de 10 %, mais en raison de sa contestation tardive de la durée de l'infraction (voir point 112 ci-dessus), seulement de 8 % pour être fixée à 6,2744 millions d'euros.

458. Compte tenu de l'examen auquel le Tribunal a procédé ci-dessus, les amendes visées à l'article 3 de la Décision doivent être réduites comme suit:

- l'amende infligée à SGL est réduite à 69,114 millions d'euros;

- l'amende infligée à UCAR est réduite à 42,05 millions d'euros;

- l'amende infligée à Tokai est réduite à 12,276 millions d'euros;

- l'amende infligée à SDK est réduite à 10,44 millions d'euros;

- l'amende infligée à C/G est réduite à 6,48 millions d'euros;

- l'amende infligée à Nippon est réduite à 6,2744 millions d'euros;

- l'amende infligée à SEC est réduite à 6,138 millions d'euros.

C - Sur les conclusions, formulées dans les affaires T-239-01 et T-246-01, visant à l'annulation de l'article 4 de la Décision ainsi que des lettres de juillet et d'août

1. Arguments des parties

459. SGL demande l'annulation de l'article 4 de la Décision en contestant la légalité du taux d'intérêt et en dénonçant qu'il a été fixé sans aucune référence à une base juridique. Elle rappelle que la Décision lui a été transmise par lettre de la Commission du 23 juillet 2001, dans laquelle la Commission l'a informée qu'elle procéderait, après l'écoulement du délai de paiement, au recouvrement de sa créance en appliquant le taux d'intérêt de 8,04 %, en précisant que, dans l'hypothèse d'une saisine du Tribunal, elle renoncerait au recouvrement de la créance pour la durée de la procédure juridictionnelle, à condition que SGL donne son accord à l'application d'un taux d'intérêt de 6,04 % et constitue une garantie bancaire. SGL conteste également la légalité de ce taux d'intérêt. Elle estime que le droit d'appliquer des intérêts de retard vise uniquement à éviter les recours abusifs et à veiller à ce que les entreprises qui payent " en retard " ne soient pas avantagées. Si la Commission peut donc se référer aux conditions de taux effectivement appliquées dans la pratique, il ne serait pas justifié de majorer encore une fois de 3,5 points de pourcentage un tel taux du marché. Il s'agirait là d'un taux d'intérêt prohibitif qui agit, sans base d'habilitation, comme une peine supplémentaire sanctionnant l'utilisation d'un moyen de protection juridique.

460. UCAR demande également l'annulation de l'article 4 de la Décision en faisant valoir que rien dans la Décision n'indique que sa capacité de payer a été prise en considération, bien qu'elle ait fourni à la Commission des informations détaillées sur sa situation financière précaire. UCAR déclare qu'elle n'est capable de payer ni l'amende dans le délai prévu à l'article 4 ni le taux d'intérêt applicable en cas de retard de paiement. La Commission n'aurait pas tenu compte de la capacité contributive réelle d'UCAR dans un contexte social particulier, en violation de ses propres lignes directrices. À titre subsidiaire, UCAR demande que l'article 4 soit remplacé par l'obligation pour UCAR de fournir une sûreté sur ses biens immobiliers non grevés. Le taux d'intérêt devrait être soit supprimé, soit considérablement réduit.

461. UCAR demande, en outre, l'annulation de la lettre du 23 juillet 2001, par laquelle la Décision lui a été transmise et dans laquelle le montant de l'amende infligée ainsi que les conditions de paiement ont été indiqués. Elle conteste, notamment, la condition selon laquelle, dans l'hypothèse d'une saisine du Tribunal, aucune mesure d'exécution ne serait entreprise, à condition que des intérêts au taux de 6,04 % soient payés et qu'une garantie bancaire soit constituée.

462. UCAR demande, enfin, l'annulation de la lettre du 9 août 2001 par laquelle la Commission, en réponse aux observations formulées par UCAR au sujet des conditions de paiement, a refusé d'accepter, d'une part, une proposition de paiement échelonné et, d'autre part, un gage sur des biens d'UCAR à titre de garantie du paiement de l'amende.

463. La Commission rétorque que l'imposition d'une majoration de 3,5 % en sus du taux de refinancement de la Banque centrale européenne est conforme à sa pratique habituelle et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter les manœuvres dilatoires. Elle soutient qu'elle n'est pas obligée de tenir compte de la capacité de payer d'une entreprise pour déterminer la méthode ou le délai de paiement de l'amende. Elle n'aurait pas non plus été tenue d'assortir l'article 4 de quelque justification que ce soit.

464. La Commission estime que les demandes visant à l'annulation des lettres de juillet et d'août sont irrecevables. Dans sa lettre de juillet, elle aurait fait une offre à UCAR que cette dernière pouvait accepter ou rejeter. Cette lettre n'aurait produit aucun effet juridique contraignant de nature à porter atteinte aux intérêts d'UCAR. La lettre d'août ne constituerait pas non plus un acte visant à produire des effets de droit obligatoires. En effet, le refus opposé par cette lettre aux conditions de paiement proposées par UCAR aurait laissé cette dernière exactement dans la même situation juridique que celle qui était la sienne avant cette lettre, c'est-à-dire la situation dans laquelle l'avait placée l'article 4 de la Décision.

465. Quant au fond, la Commission rappelle que la jurisprudence a admis sa pratique consistant à exiger la constitution d'une garantie bancaire produisant des intérêts, en indiquant que ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles qu'un requérant peut éviter de constituer une garantie bancaire. Or, UCAR n'aurait pas prouvé l'existence de circonstances exceptionnelles susceptibles de justifier la levée de la condition portant sur la garantie bancaire. Selon la Commission, la voie de droit appropriée pour contester sa position sur la constitution d'une garantie bancaire est une demande de mesures provisoires au titre des articles 242 CE et 243 CE.

466. UCAR rétorque que la lettre de juillet établit des conditions ayant trait à la mise en œuvre de la Décision qui ne sont pas contenues dans cette dernière. Par conséquent, cette lettre devrait être susceptible d'un contrôle juridictionnel. La lettre d'août contiendrait une prise de position de la Commission sur la question de savoir si des paiements échelonnés de l'amende et la constitution d'une sûreté sur des actifs de la société peuvent être acceptés. La lettre ne confirmerait donc pas une décision antérieure, mais déterminerait, pour la première fois, que les circonstances du cas d'espèce ne sont pas exceptionnelles au point de justifier des conditions de paiement alternatives.

467. Quant au fond, UCAR reproche à la Commission d'avoir insisté sur la constitution d'une garantie bancaire, sans avoir examiné si les circonstances du cas d'espèce n'étaient pas telles qu'une autre sûreté pouvait être considérée comme appropriée. Dans ce contexte, elle rappelle posséder des actifs en France qui ne sont pas grevés au profit de ses banques et dont la valeur dépasse 50 millions de USD. Or, la Commission se serait contentée d'affirmer, dans la lettre d'août, qu'elle ne tiendrait compte d'aucune autre proposition que celle du paiement total de l'amende ou de la constitution d'une garantie bancaire. Elle n'aurait pas motivé ce refus de prendre en considération la situation particulière d'UCAR. UCAR ajoute que la constitution d'une garantie bancaire, contrairement à celle d'une sûreté réelle, violerait ses principales facilités de crédit telles qu'elles ont été convenues avec ses banques prêteurs de fonds.

2. Appréciation du Tribunal

468. Quant à la recevabilité des demandes visant à l'annulation des lettres de juillet et d'août, il convient de définir, tout d'abord, l'objet précis de ces demandes.

469. À cet égard, il est de fait qu'UCAR, avant d'avoir reçu, le 26 juillet 2001, la lettre de juillet et la Décision, s'était adressée à la Commission afin de discuter d'éventuelles modalités de paiement dans l'hypothèse où elle ferait l'objet d'une amende, proposition de discussion que la Commission avait refusée à ce stade. Dans ces circonstances, UCAR doit se voir reconnaître un intérêt légitime à faire contrôler les éléments nouveaux - par rapport à l'article 4 de la Décision - contenus dans ces lettres, à savoir le montant du taux de faveur de 6,04 % ainsi que les conditions lui permettant d'obtenir ce taux de faveur. Ce contrôle porte sur la question de savoir si la Commission peut valablement lui refuser le bénéfice du taux de 6,04 % au motif qu'UCAR n'avait pas constitué de garantie bancaire ou si la Commission aurait dû accepter la sûreté offerte par UCAR à titre alternatif.

470. En effet, s'il est hors de doute que la légalité du taux de 8,04 % imposé par l'article 4 de la Décision peut être soumise au contrôle juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, T-24-93 à T-26-93 et T-28-93, Rec. p. II-1201, point 250), UCAR doit également être recevable à attaquer le taux de 6,04 %, fixé à titre alternatif, ainsi que les conditions d'obtention de ce taux, telles qu'elles ont été établies dans les lettres de juillet et d'août. À cet effet, elle doit pouvoir dénoncer, notamment, une violation par la Commission du principe d'égalité de traitement dans l'hypothèse où la Commission lui aurait refusé l'application du taux de faveur, tout en l'accordant à une autre entreprise qui se trouve dans la même situation qu'UCAR.

471. Il en va de même en ce qui concerne le recours formé par SGL qui, sans attaquer formellement la lettre de juillet, conteste la légalité du taux de 6,04 % fixé dans cette lettre.

472. En revanche, il est également de fait que la Commission n'a pas encore procédé, à la date d'introduction du recours T-246-01, au recouvrement de l'amende infligée ni à l'exécution forcée de la Décision en vertu de l'article 256 CE et des articles 104 à 110 du règlement de procédure du Tribunal. Par conséquent, toute demande tendant à vérifier l'application concrète des modalités de paiement à l'égard d'UCAR (remplacement de l'article 4 de la Décision par un échéancier de paiements, taux d'intérêt effectif, délais de paiement) doit être considérée comme prématurée, étant donné que l'on ne pouvait pas savoir, à la date d'introduction du recours, quelle serait la situation d'UCAR dans l'hypothèse et au moment où la Commission procéderait à des mesures de recouvrement ou d'exécution forcée (voir, en ce sens, arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 144 supra, point 135). En particulier, UCAR n'ayant pas à cette date, sous la menace d'un recouvrement imminent, introduit de demande de référé au sens des articles 242 CE et 104 et suivants du règlement de procédure, le Tribunal ne saurait être appelé, dans le cadre d'une procédure autre, à se prononcer sur le point de savoir si la mise en balance des intérêts en présence s'oppose à l'application desdites modalités de paiement avant le prononcé de l'arrêt au principal statuant sur la légalité de l'amende infligée à UCAR, au motif que cette application mettrait en péril l'existence de l'entreprise.

473. Les demandes présentées en ce sens par UCAR doivent, dès lors, être déclarées irrecevables.

474. Quant au fond, il y a lieu de constater, d'une part, que ni SGL ni UCAR n'a soulevé de moyen tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement.

475. D'autre part, il est de jurisprudence bien établie (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, points 141 à 143; arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, CB/Commission, T-275-94, Rec. p. II-2169, points 46 à 49, et arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, points 395 et 396) que le pouvoir dont la Commission est investie en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 comprend la faculté de déterminer la date d'exigibilité des amendes et celle de la prise de cours des intérêts de retard, de fixer le taux de ces intérêts et d'arrêter les modalités d'exécution de sa décision en exigeant, le cas échéant, la constitution d'une garantie bancaire couvrant le montant en principal et en intérêts des amendes infligées. En l'absence d'un tel pouvoir, l'avantage que les entreprises seraient susceptibles de tirer du paiement tardif des amendes aurait pour effet d'affaiblir des sanctions infligées par la Commission dans le cadre de sa tâche de veiller à l'application des règles de concurrence. Ainsi, l'application d'intérêts de retard aux amendes se justifie pour éviter que l'effet utile du traité ne soit déjoué par des pratiques mises unilatéralement en œuvre par des entreprises tardant à payer les amendes auxquelles elles ont été condamnées et pour exclure que ces dernières entreprises soient avantagées par rapport à celles qui s'acquittent du paiement de leurs amendes à l'échéance qui leur a été impartie.

476. Dans ce contexte, la jurisprudence a reconnu à la Commission le droit de fixer les intérêts de retard au taux du marché majoré de 3,5 points de pourcentage (arrêt CB/Commission, point 475 supra, point 54, arrêt LR AF 1998/Commission, point 38 supra, point 397, et arrêt Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, point 470 supra, point 250) et, dans l'hypothèse de la constitution d'une garantie bancaire, au taux du marché majoré de 1,5 point de pourcentage (arrêt CB/Commission, précité, point 54). Dans ces arrêts, le Tribunal a toléré des intérêts de retard de 7,5, de 13,25 et de 13,75 %, en précisant que la Commission est autorisée à prendre un point de référence situé à un niveau plus élevé que le taux proposé à l'emprunteur moyen, applicable sur le marché, dans la mesure nécessaire pour décourager les comportements dilatoires (arrêt LR AF 1998/Commission, précité, point 398).

477. Dans ces circonstances, la Commission n'a pas dépassé, en l'espèce, la marge discrétionnaire dont elle jouit dans la fixation d'un taux d'intérêt de retard. SGL et UCAR, en tant qu'opérateurs économiques prudents et avisés, étaient censées connaître la pratique décisionnelle de la Commission et la jurisprudence susmentionnée. Elles ne pouvaient pas s'attendre à ce que la Commission leur applique des taux d'intérêt plus cléments. Dans le présent contexte - qui n'est pas visé par les articles 242 CE et 256 CE ainsi que les articles 104 à 110 du règlement de procédure -, la Commission n'était notamment pas tenue de prendre en considération la situation financière d'UCAR (voir points 370 à 372 et 472 ci-dessus).

478. S'agissant plus particulièrement de l'obligation pour UCAR de constituer une garantie bancaire, le Tribunal a jugé que, en accordant la faculté de s'exonérer du paiement immédiat de l'amende moyennant fourniture d'une garantie bancaire destinée à assurer le paiement de l'amende et des intérêts y afférents, la Commission octroie à l'entreprise concernée le bénéfice d'un privilège qui ne résulte ni des dispositions du traité ni de celles du règlement n° 17 (arrêt CB/Commission, point 475 supra, point 82). Ce privilège est augmenté par la circonstance que le taux d'intérêt imposé en cas de fourniture d'une garantie bancaire est inférieur à celui exigé en cas de non-paiement de l'amende (arrêt CB/Commission, précité, point 83).

479. Compte tenu de cette jurisprudence, la Commission n'était pas tenue d'accepter la demande d'UCAR visant à obtenir un privilège supplémentaire, à savoir la renonciation à la constitution d'une garantie bancaire et l'acceptation, à sa place, d'une sûreté réelle. En effet, la qualité d'une garantie bancaire est supérieure à celle d'une autre forme de sûreté en ce qu'il suffit, en cas de non-paiement, de se retourner contre la banque pour obtenir immédiatement la somme garantie, alors que la réalisation de la valeur d'une autre sûreté peut s'avérer incertaine et demander des efforts et délais supplémentaires. Or, la Cour a, dans un autre contexte, concédé aux institutions communautaires le droit d'instaurer un mécanisme de cautionnement simple et efficace (arrêt de la Cour du 18 novembre 1987, Maizena, 137-85, Rec. p. 4587, point 10). La Commission n'est pas, elle-même, une banque et ne dispose ni de l'infrastructure ni des services spécialisés d'une banque, qui seraient nécessaires pour évaluer la sûreté en cause et pour vérifier les modalités de son éventuelle réalisation en cas de non-paiement. Elle était donc autorisée à refuser, sans motivation spécifique, d'accepter la sûreté réelle offerte par UCAR.

480. Enfin, s'agissant de la prétendue impossibilité pour UCAR d'obtenir une garantie bancaire, il y a lieu de constater que cette affirmation de la requérante n'a pas été étayée à suffisance de droit. En effet, la requérante n'a produit aucun document émis par ses banques prêteurs de fonds démontrant qu'elle a effectué une demande visant à obtenir la constitution d'une garantie bancaire relative à son amende, tout en pouvant continuer à bénéficier des avances bancaires destinées aux activités courantes de la société, et qu'une telle demande a été refusée en raison de ses difficultés financières. En outre, UCAR n'a pas démontré qu'il lui était impossible d'obtenir, sur la base de la sûreté réelle offerte à la Commission, une garantie bancaire constituée par un institut financier autre que ses banques prêteuses de fonds.

481. Aucun des moyens et arguments présentés dans ce contexte n'ayant été retenu, les conclusions visant à l'annulation de l'article 4 de la Décision ainsi que des lettres de juillet et d'août, dans la mesure où elles sont recevables, doivent être rejetées comme non fondées.

Sur la réouverture de la procédure orale

482. Par mémoire du 9 janvier 2004, GrafTech International Ltd, anciennement UCAR, a demandé que la procédure orale soit rouverte dans l'affaire T-246-01. Au soutien de sa demande, elle a rappelé avoir invoqué, lors de la procédure administrative devant la Commission et lors de la procédure contentieuse devant le Tribunal, son incapacité de payer l'amende en raison de sa situation financière précaire, aggravée par les sanctions qui lui avaient été infligées par les autorités d'États tiers. Bien qu'elle ait ainsi établi son incapacité contributive au sens du point 5, sous b), des lignes directrices, la Commission lui aurait refusé l'application de cette disposition au motif qu'une réduction d'amende accordée à ce titre reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché. Or, dans sa décision du 3 décembre 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE (COMP 38.359 . Produits à base de carbone et de graphite pour applications électriques et mécaniques), la Commission aurait adopté une position radicalement différente sur la question de la capacité contributive au sens du point 5, sous b), susmentionné.

483. Se référant à un communiqué de presse de la Commission du même jour, UCAR précise, à cet égard, que la Commission a réduit de 33 % le montant de l'amende qui aurait autrement été infligée à SGL en raison du fait que cette société avait déjà fait l'objet d'amendes élevées pour sa participation à deux précédentes ententes et qu'elle se trouvait dans une situation financière difficile. Pour UCAR, il est nécessaire de rouvrir la procédure orale dans le cas d'espèce afin d'inviter la Commission à indiquer si elle entend maintenir le refus opposé à UCAR et, dans l'affirmative, à expliquer comment ce refus peut être concilié avec l'approche qu'elle a adoptée dans sa décision du 3 décembre 2003.

484. Face à cette argumentation, le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu d'ordonner, conformément à l'article 62 de son règlement de procédure, la réouverture de la procédure orale. En effet, le Tribunal, qui dispose d'un pouvoir discrétionnaire en ce domaine, n'est tenu de faire droit à une demande de réouverture que si la partie intéressée se fonde sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur la solution du litige et que ces faits n'ont pas pu être invoqués avant la fin de la procédure orale (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199-92 P, Rec. p. I-4287, points 127 et 128). Or, si UCAR n'a pas pu se prévaloir, lors de la procédure orale du 3 juillet 2003, de la décision susmentionnée de la Commission du 3 décembre 2003, cette décision est dénuée de pertinence dans le présent contexte. En effet, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence citée au point 370 ci-dessus, il n'existe aucune obligation pour la Commission, lors de la détermination du montant d'une amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire de l'entreprise concernée, et ce indépendamment du fait qu'elle peut être amenée à prendre en considération cette situation dans les circonstances spécifiques d'une affaire donnée.

485. Par conséquent, la demande de réouverture de la procédure orale doit être rejetée.

Sur les dépens

486. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

487. En l'espèce, dans les affaires T-239-01 et T-246-01, les requérantes ayant succombé en une partie significative de leurs conclusions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que SGL supportera sept huitièmes de ses propres dépens et sept huitièmes des dépens exposés par la Commission et que cette dernière supportera un huitième de ses propres dépens et un huitième des dépens exposés par SGL, tandis qu'UCAR supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant un cinquième de ses propres dépens et un cinquième des dépens exposés par UCAR.

488. Dans les affaires T-245-01 et T-252-01, les requérantes ayant obtenu gain de cause sur une partie non négligeable de leurs conclusions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que SDK et C/G supporteront trois cinquièmes de leurs propres dépens et trois cinquièmes des dépens exposés par la Commission, tandis que cette dernière supportera deux cinquièmes de ses propres dépens et deux cinquièmes des dépens exposés par les requérantes.

489. Dans les affaires T-236-01, T-244-01 et T-251-01, les parties ayant succombé et obtenu gain de cause à parts égales, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que Tokai, Nippon et SEC supporteront la moitié de leurs propres dépens et la moitié des dépens exposés par la Commission, tandis que cette dernière supportera la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par les requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

Déclare et arrête:

1) Dans l'affaire T-236-01, Tokai Carbon/Commission:

Le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 3 de la décision 2002-271 est fixé à 12 276 000 euros;

Le recours est rejeté pour le surplus;

Chaque partie supportera la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par la partie adverse.

2) Dans l'affaire T-239-01, SGL Carbon/Commission:

Le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 3 de la décision 2002-271 est fixé à 69 114 000 euros;

Le recours est rejeté pour le surplus;

La partie requérante supportera sept huitièmes de ses propres dépens et sept huitièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant un huitième de ses propres dépens et un huitième des dépens exposés par la partie requérante.

3) Dans l'affaire T-244-01, Nippon Carbon/Commission:

Le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 3 de la décision 2002-271 est fixé à 6 274 400 euros;

Le recours est rejeté pour le surplus;

Chaque partie supportera la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par la partie adverse.

4) Dans l'affaire T-245-01, Showa Denko/Commission:

Le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 3 de la décision 2002-271 est fixé à 10 440 000 euros;

Le recours est rejeté pour le surplus;

La partie requérante supportera trois cinquièmes de ses propres dépens et trois cinquièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant deux cinquièmes de ses propres dépens et deux cinquièmes des dépens exposés par la partie requérante.

5) Dans l'affaire T-246-01, GrafTech International, anciennement UCAR International/Commission:

Le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 3 de la décision 2002-271 est fixé à 42 050 000 euros;

Le recours est rejeté pour le surplus;

La partie requérante supportera quatre cinquièmes de ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant un cinquième de ses propres dépens et un cinquième des dépens exposés par la partie requérante.

6) Dans l'affaire T-251-01, SEC Corp./Commission:

Le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 3 de la décision 2002-271 est fixé à 6 138 000 euros;

Le recours est rejeté pour le surplus;

Chaque partie supportera la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par la partie adverse.

7) Dans l'affaire T-252-01, The Carbide/Graphite Group/Commission:

Le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 3 de la décision 2002-271 est fixé à 6 480 000 euros;

Le recours est rejeté pour le surplus;

La partie requérante supportera trois cinquièmes de ses propres dépens et trois cinquièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant deux cinquièmes de ses propres dépens et deux cinquièmes des dépens exposés par la partie requérante.