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Décisions

Cass. crim., 24 février 2004, n° 03-82.759

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Chaumont

Avocat général :

M. Finielz

Avocat :

Me Ricard.

TGI Tarascon, ch. corr., du 29 janv. 200…

29 janvier 2002

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par G Henri contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 26 mars 2003, qui, pour tromperie, l'a condamné à 8 000 euros d'amende et qui a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions et défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir commis le délit de tromperie sur les qualités substantielles et l'origine d'un produit, en commercialisant des oignons et l'a condamné à la peine d'amende de huit mille euros et à des dommages-intérêts;

"aux motifs d'une part, qu'il est constant qu'en 1997, la SA X, dirigée par le prévenu, a mis sur le marché des semences d'oignons avec indication d'une variété, alors qu'elle n'était pas inscrite sur le catalogue tandis que l'indication d'une variété sur un catalogue commercial signifie que la variété a été inscrite sur le catalogue officiel; que l'indication "Cévenol" laissait, par ailleurs, croire à une origine exclusive du produit, à savoir les Cévennes, tandis que la SA Graine X multipliait ses semences sur plusieurs régions; que si courant 1998, le CTPS a proposé d'inscrire cette semence sur la liste du catalogue officiel, il n'en demeure pas moins que cette proposition ne s'appuyait que sur les seuls caractères techniques alors que d'autres éléments tels qu'une dénomination ambiguë ou de nature à induire en erreur sont tout aussi déterminants;

"aux motifs d'autre part, que l'intention frauduleuse d'Henri G apparaît évidente du fait de sa qualité de professionnel averti et spécialisé de longue date dans la sélection, la production et la distribution de semences de légumes et, partant, parfaitement informé de la réglementation en la matière et ce d'autant qu'en 1997, il avait fait l'objet d'un premier contrôle et qu'il a persévéré en toute connaissance de cause dans la voie de ses agissements délictueux; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré Henri G coupable des faits reprochés;

"alors que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour, le prévenu a démontré sa bonne foi en indiquant tout d'abord que la semence "Cévenol" avait fait l'objet à la date du 26 mars 1998 d'une proposition du CTPS pour figurer sur la liste officielle et ensuite que, parallèlement concernant la dénomination de la semence " Oignon Jaune des Cévennes ", également contestée par la coopérative partie civile, le ministère de l'Agriculture par lettre du 25 septembre 1998 avait donné un avis favorable pour l'homologation de l'appellation nouvelle "Oignon doux des Cévennes", proposée par la coopérative en indiquant que les dispositions communautaires ne s'opposaient pas à l'existence de ces deux appellations dès lors qu'il n'y avait pas de risque d'erreur, ce qui implique que cette analyse valait également pour la semence "Cévenol"; qu'il a indiqué que depuis le premier procès-verbal effectué le 4 novembre 1997 demeuré sans suite, il avait tenu compte des observations des agents de la DGCCRF en veillant à ce que le produit commercialisé réponde aux exigences de l'inscription sur le catalogue officiel et ne soit pas l'objet de confusion avec un autre produit; qu'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué ne s'explique sur la réalité de la bonne foi du prévenu, et sur les éléments susvisés, l'intention frauduleuse étant considérée comme apparemment évidente du seul fait de la qualité de professionnel d'Henri G, de sorte qu'en omettant de se prononcer sur ce chef péremptoire des conclusions, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié";

Attendu que, pour déclarer Henri G, dirigeant de la société X, coupable de tromperie, l'arrêt attaqué retient qu'en mettant sur le marché des semences d'oignon désignées dans le catalogue commercial de la société sous le nom de variété "cévenol", alors qu'aucune variété n'était inscrite sous ce nom sur le catalogue officiel des plantes cultivées prévu par l'article 2 du décret du 18 mai 1981 et que la société multiplie ses semences dans plusieurs régions, il a trompé ou tenté de tromper le contractant sur la nature, l'espèce et l'origine du produit vendu; que les juges ajoutent que, professionnel parfaitement informé de la réglementation, il a persévéré dans ses agissements malgré l'échec des démarches qu'il avait entreprises pour régulariser la situation;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation de la loi, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société coopérative agricole recevable en sa constitution de partie civile et a condamné le demandeur à lui verser une somme de 5 000 euros au titre des dommages-intérêts et une somme de 230 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

"aux motifs que la société coopérative agricole "l'Oignon Doux des Cévennes" dont l'objet social consiste en la collecte, le conditionnement, la vente et la promotion de l'oignon doux des Cévennes et de ses dérivés, a subi du fait des agissements du prévenu un préjudice certain; que le fait qu'Henri G soit producteur de semences alors que la coopérative agricole, qui commercialise des oignons, n'aurait pas d'intérêt légitime à préserver, ne peut être retenu dans la mesure où la dénomination abusive et déloyale de la semence "Cévenol" donne le nom tout aussi abusif et déloyal de "Cévenol" au produit qui est issu de cette semence; que c'est donc légitimement que les premiers juges ont déclaré recevable la constitution de partie civile et condamné le prévenu à verser des dommages-intérêts à la coopérative;

"alors que, sauf disposition légale contraire, l'action civile en réparation du préjudice résultant d'une infraction appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction; que la société coopérative agricole "Les oignons doux des Cévennes " ne dispose d'aucun texte spécial dérogatoire lui conférant le droit de se constituer partie civile et ne fait état d'aucune AOC; que l'utilisation de la dénomination "Cévenol" attribuée à la semence vendue par un producteur, à supposer constitutive de tromperie sur l'origine du produit, ne crée aucun préjudice personnel et direct à la société coopérative agricole qui commercialise des oignons issus des Cévennes; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action de la coopérative agricole, en raison du caractère abusif de cette dénomination qui pourrait aboutir à une dénomination abusive de l'oignon issu de cette semence, les juges d'appel n'ont pas caractérisé un dommage personnel et direct en relation avec le délit et n'ont pas légalement justifié leur décision";

Vu les articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, - Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction;

Attendu que, pour allouer des dommages et intérêts à la société coopérative agricole "l'Oignon Doux des Cévennes", l'arrêt, après avoir constaté que l'activité de celle-ci, selon ses statuts, consiste dans la collecte, le conditionnement, la vente et la promotion de cette plante potagère et de ses dérivés, relève que l'usage de l'indication de variété "cévenol" a entraîné une confusion entre les semences commercialisées et les plantes qui en sont issues,

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser de lien direct entre le délit de tromperie sanctionné et le dommage allégué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef;

Par ces motifs, casse et annule, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt précité de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 mars 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nîmes.