Cass. crim., 23 mars 2004, n° 03-84.228
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocat général :
M. Launay
Avocat :
SCP Tiffreau.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par le Procureur générale près la Cour d'appel de Paris, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 13e chambre, en date du 1er avril 2003 qui, après relaxe d'Alain V des chefs de tromperie et mise en vente de denrées alimentaires falsifiées, corrompues ou toxiques, l'a condamné à 15 000 euros d'amende pour publicité de nature à induire en erreur; - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er du décret du 15 avril 1912, du décret du 14 octobre 1997, du règlement 2002-78-CE du 28 janvier 2002, de la directive 2002-46-CE du 10 juin 2002, de l'article 30 du traité CE, des articles L. 213-1, L. 213-3 du Code de la consommation, 591 du Code de procédure pénale, violation de la loi; - Vu l'article L. 213-3 du Code de la consommation, et les articles 1 et 15-2 du décret du 1er avril 1912; - Attendu que les dispositions précitées du décret du 15 avril 1912, qui ne sont pas des règles techniques au sens de la directive 83-189-CE du 28 mars 1983, interdisent que des produits chimiques dont l'emploi n'a pas été autorisé par arrêtés ministériels ou qui ne sont pas régis par des dispositions communautaires spécifiques soient incorporés dans les denrées alimentaires; que les dispositions nationales interdisant d'incorporer dans les compléments alimentaires des acides aminés, des extraits de plantes ainsi que des vitamines et minéraux en quantités dépassant les apports journaliers recommandés définis par la directive 90-496-CEE du 24 septembre 1990 et l'arrêté du 3 décembre 1993, constituent une mesure de précaution, objective et non discriminatoire, justifiée par les incertitudes scientifiques qui subsistent et nécessaire à la protection de la santé publique; qu'elles ne sont contraires ni au règlement 178-2002-CE du Parlement et du Conseil du 28 janvier 2002 ni, pour ce qui est des produits ne figurant pas sur ses annexes, à la directive 2002-46-CE du Parlement et du Conseil du 10 juin 2002, laquelle ne comporte, faute de données scientifiques suffisantes et appropriées, aucune disposition autorisant l'incorporation d'acides aminés ou d'extraits de plantes dans les compléments alimentaires et prévoit la fixation, non encore intervenue, de limites maximales de sécurité pour les vitamines et minéraux dont la consommation en quantité excessive peut avoir des conséquences néfastes sur la santé;
Attendu que la société Vitamins commercialise, sous la marque Solgar, des compléments alimentaires présentés sous forme de solutions buvables, d'ampoules ou de gélules, fabriqués aux Etats-Unis et importés de Grande Bretagne; qu'à la suite de plusieurs contrôles effectués notamment dans divers centres de remises en forme proposant ces produits, les agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont constaté que 27 compléments alimentaires comportaient soit des substances chimiques non autorisées en alimentation humaine, soit des quantités de vitamines et minéraux entraînant des consommations excessives de ces nutriments eu égard aux apports journaliers recommandés et aux limites de sécurité fixées par un avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France; qu'Alain V, dirigeant de la société, a été poursuivi pour tromperie sur les qualités substantielles, pour exposition, mise en vente et vente de denrées alimentaires falsifiées, corrompues ou toxiques, avec cette circonstance que 8 d'entre elles présentaient un danger pour l'homme, et pour publicité de nature à induire en erreur; qu'il a été condamné de ce seul dernier chef;
Attendu que pour relaxer le prévenu du délit d'exposition, mise en vente et vente de denrées alimentaires falsifiées, corrompues ou toxiques, avec cette circonstance que 8 d'entre elles présentaient un danger pour l'homme, l'arrêt retient que les substances entrant dans la composition des compléments alimentaires visés par la poursuite ne sont pas des additifs chimiques, catégorie dont les acides aminés ont été exclus par l'arrêté du 2 octobre 1997; qu'il relève que les apports journaliers recommandés ne sont définis par aucun texte et que les avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France n'ont pas d'autorité légale; que les juges ajoutent que le décret du 15 avril 1912, qui n'a pas été communiqué à la Commission et qui est incompatible avec le règlement 178-2002-CE du 28 janvier 2002 et la directive 2002-46-CE du 10 juin 2002, ne peut plus servir de base aux poursuites, lesquelles, dès lors que les produits Solgar sont vendus en Europe, n'apparaissent pas justifiées par la protection de la santé publique au sens de l'article 36 du Traité CE;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, au surplus sans justifier en quoi les substances qui entraient dans la composition des compléments alimentaires incriminés et qui ne sont pas des additifs au sens du décret du 18 septembre 1989 et de son arrêté d'application du 2 octobre 1997, n'étaient pas toxiques ou nuisibles à la santé de l'homme au sens de l'article L. 213-3 du Code de la consommation, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes ci-dessus visés et des principes ci-dessus énoncés; d'où il suit que la cassation est encourue;
Par ces motifs, casse et annule l'arrêt précité de la Cour d'appel de Paris, en date du 1er avril 2003, en ses dispositions ayant relaxé le prévenu des chefs d'exposition, mise en vente et vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques et ayant prononcé sur la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.