CA Limoges, ch. civ. sect. 1, 10 mars 2004, n° 03-01030
LIMOGES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Mauricou
Défendeur :
Limoges Diffusion Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Conseillers :
M. Pugnet, Mme Barberon-Pasquet
Avoués :
SCP Coudamy, SCP CH Durand-Marquet
Avocats :
Mes Sanchez, Bendayan.
LA COUR
Faits et procédure:
La société Limoges Diffusion Automobiles exploite un garage automobile en qualité de concessionnaire du constructeur Renault.
Par acte du 02-01-97 elle a consenti à M. Mauricou, avec lequel elle était en relations contractuelles depuis 1982, un contrat d'agent de service Renault.
Par lettre recommandée du 24-04-02 la société Limoges Diffusion Automobiles a notifié à M. Mauricou la résiliation du contrat avec effet au 25-10-02 compte tenu du délai contractuel du préavis de 6 mois.
Après avoir essayé, en vain, d'obtenir une indemnisation des conséquences qu'il prétendait subir en raison de cette résiliation, M. Mauricou a saisi le Tribunal de commerce de Limoges lequel, par jugement du 25-06-03, a dit n'y avoir lieu à application des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, relatifs aux agents commerciaux, a considéré que la société Limoges Diffusion Automobiles n'avait commis aucune faute dans l'usage qu'elle avait fait de la clause de résiliation contractuellement prévue et a condamné M. Mauricou à déposer à ses frais les panonceaux Renault, à cesser toute utilisation des signes distinctifs Renault ainsi que tout usage de documents Renault, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement.
Le tribunal de commerce a considéré qu'il résultait des termes du contrat en question que M. Mauricou n'était pas un agent commercial mais un commerçant indépendant agissant en son nom et pour son propre compte pour les prestations de l'ensemble du service après-vente, de l'entretien et de la réparation des véhicules distribués par Renault ainsi que pour la commercialisation des pièces de rechange et accessoires fournis et distribués par cette même marque, et, à titre subsidiaire, en qualité d'indicateur ou de mandataire du concessionnaire en vue de la vente de véhicules neufs des marques distribuées par Renault.
Cette juridiction a également relevé que les parties avaient convenu d'une clause d'exclusion du statut d'agent commercial.
S'agissant de la responsabilité fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil la juridiction consulaire précise que le contrat avait été conclu pour une durée indéterminée et accordait à chaque partie un droit discrétionnaire de résiliation de telle sorte qu'en ayant respecté le délai de préavis de 6 mois la société Limoges Diffusion Automobiles n'avait pas commis de faute alors que le règlement européen n° 1400-2002 du 31-07-02 exigeant une motivation explicite des causes de la rupture d'une telle convention n'était pas applicable la résiliation étant intervenue antérieurement au 01-10-03.
M. Mauricou a déclaré interjeter appel de ce jugement le 10-07-03.
Il demande à la cour de le réformer et de condamner la société Limoges Diffusion Automobiles à lui payer la sommes de 328 210 euros au titre de la perte sur la valeur du fonds, 297 687,14 euros au titre de la perte sur le patrimoine et 13 000 euros au titre de la perte sur commissions.
M. Mauricou évoque les conditions de la rupture et expose qu'elle est affectée de plusieurs anomalies;
- Absence de motivation circonstanciée
- Absence d'analyse de l'économie générale des relations contractuelles qui fait apparaître les objectifs quantitatifs et qualitatifs imposés au concessionnaire par la société Renault laquelle est à l'origine de cette rupture
- L'absence de prise en compte de l'ancienneté de M. Mauricou qui est agent Renault depuis 20 ans et n'avait fait l'objet d'aucune critique avant la rupture incriminée
- L'absence de prise en compte de la perte patrimoniale subie par M. Mauricou qui a acheté, avec son épouse, en souscrivant 4 prêts, un ensemble immobilier exclusivement affecté à son activité de garagiste
- L'absence de prise ne compte de la perte du fonds de commerce qu'il évalue à 328 210 euros
- L'absence d'indemnisation des commissions en considérant d'une part que le contrat en litige est un contrat d'agence commerciale qui donne droit à l'indemnité de rupture au profit de l'agent commercial lorsque le mandant met fin unilatéralement à un contrat à durée indéterminée et d'autre part que la rupture du contrat va générer un manque à gagner par la perte des commissions sur la vente de véhicules neufs et sur les pièces détachées évaluées à 13 000 euros alors qu'une clause de non-concurrence lui interdit de vendre des véhicules neufs durant 24 mois. Il insiste sur la perte de clientèle que représente l'impossibilité d'assurer les garanties des véhicules neufs.
Selon M. Mauricou cette rupture s'inscrit dans la stratégie du constructeur Renault qui s'efforce, avec ses concessionnaires, de réduire le réseau Renault sans indemniser les agents.
Il affirme que le contrat litigieux, qui est un contrat d'adhésion établi à l'échelon national par la société Renault, lui confère la qualité d'agent commercial eu égard à son application pratique et aux avenants annuels qui fixent des objectifs en matière de pièces détachées et surtout de ventes de véhicules neufs qui représentent une moyenne sur les exercices 1999, 2000 et 2001 de 50,56 % du bénéfice d'exploitation.
Il sollicite l'application des dispositions de l'article L. 134-15 alinéa 2 du Code du commerce selon lesquelles la renonciation au bénéfice de la loi relative aux agents commerciaux est nulle si l'exécution du contrat fait apparaître que l'activité d'agence commerciale est exercée en réalité à titre principal ou déterminant ce qui était le cas. Il précise que depuis 1982 il réalise 100 % de son chiffre d'affaires sous la marque Renault.
M. Mauricou prétend que les dispositions de l'article 8-1 du contrat en cause n'autorisent pas une partie à le rompre de manière discrétionnaire comme l'a fait la société Limoges Diffusion Automobiles mais exigent que cette rupture ait lieu dans "l'intérêt réciproque des parties", ce qui nécessite une motivation de cette rupture faute de quoi elle est fautive et ouvre droit à réparation sur le fondement des dispositions des articles 1134 à 1156 ou 1382 et 1383 du Code civil.
Il invoque la discrimination, qui, dans le cas contraire, existerait entre les salariés qui peuvent faire valoir le caractère ni réel ni sérieux de la rupture du contrat de travail et les agents non salariés qui ne pourraient prétendre à aucune indemnisation. Il invoque les dispositions des articles 6 et suivants de la CEDH plus particulièrement des articles 14 et 1er et du protocole additionnel.
Il constate que l'aide financière de prise en charge par Renault d'une partie du coût des travaux qu'il avait engagé en 1999 à hauteur de 79 129,35 HT euros supposait son engagement de maintenir le panneau Renault pendant 5 ans à compter de l'aide.
Il affirme que le nouveau règlement communautaire n° 1400-2002 qui exige une motivation explicite des cause de la rupture et un préavis de résiliation de 2 années est entré en application le 01-10-02 et s'applique donc à la résiliation de son contrat en raison de l'exécution du préavis de la rupture, sans que Limoges Diffusion Automobiles puisse invoquer un report de certaines mesures de ce règlement compte tenu de la rupture du contrat avec le constructeur Renault le 01-10-02.
La société Limoges Diffusion Automobiles demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de liquider l'astreinte ayant couru et d'en fixer une nouvelle, à titre subsidiaire d'ordonner une expertise afin de déterminer si l'activité d'intermédiaire dans la vente de véhicules neufs était principale ou accessoire dans l'activité totale de M. Mauricou, et si cette activité était déterminante pour son activité principale, à titre infiniment subsidiaire, de dire que M. Mauricou ne pouvait prétendre à une activité d'agent commercial que pour son activité d'intermédiaire de vente et qu'elle s'établit à 13 000 euros à l'exclusion de toute somme, et de le condamner à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'engagement de non-concurrence figurant à l'article 8.7 du contrat d'agent service ou à défaut d'ordonner une expertise aux fins de chiffrer le préjudice né de la violation de cette clause.
La société Limoges Diffusion Automobiles fait valoir que M. Mauricou ne démontre pas que le contrat litigieux est un contrat d'agent commercial assujetti à la loi du 25-06-91.
D'une part le contrat lui-même prévoit cette exclusion, laquelle était parfaitement licite par application de l'article L. 134-16 du Code du commerce s'agissant d'un contrat conclu à titre principal pour l'activité de réparation automobile dont l'objet était autre que l'activité d'intermédiaire de commerce.
D'autre part la vente des véhicules neufs n'était évoquée dans le contrat qu'à titre accessoire (art 1-1) et dans la réalité de l'exécution du contrat l'activité d'intermédiaire est toujours demeurée marginale et accessoire face à l'activité de réparation automobile de M. Mauricou.
La société Limoges Diffusion Automobiles affirme que les commissions sur les ventes de voitures neuves représentent pour l'année 2001 1,74 % du CA pour l'année 2000 1,63 % et pour l'année 1999 5,26 %.
Elle estime que le ratio comptable produit par M. Mauricou "commissions sur bénéfice fiscal 50,56 %" ne signifie pas que l'activité commerciale de M. Mauricou représente plus de la moitié de son activité totale. Elle évalue à 2 362,08 % le ratio comptable CA hors commission bénéfice fiscal, ajoutant qu'en outre aucune ventilation n'était effectuée entre les commissions sur les ventes de véhicules neufs de marque Renault et les ventes de véhicules d'occasion. Elle mentionne que l'expert comptable a refusé de satisfaire à la sommation interpellative destinée à le faire réagir sur des contradictions relevées dans son attestation et insiste sur la nécessité de rapporter le montant HT des commissions au chiffre d'affaires total pour déterminer la part proportionnelle d'une partie de l'activité au regard de l'activité totale.
La société Limoges Diffusion Automobiles relève la faible part du chiffre d'affaires correspondant aux interventions réalisées au titre de la garantie Renault ce qui confirme le caractère non déterminant de l'activité d'intermédiaire de vente. Elle note que M. Mauricou ne justifie pas d'une chute de son CA en 2002 et 2003 du fait de la résiliation du contrat d'agent de service et que malgré la disparition de son activité accessoire d'intermédiaire il n'a pas perdu son activité principale.
Les avenants annuels du contrat comportaient des engagements de mise en œuvre des moyens pour participer à la vente et non des engagements de vente, ce qui en outre, si tel était bien le cas, ne caractériserait pas une activité d'agent commercial.
L'intimé relève que M. Mauricou ne s'est pas fait immatriculer en tant qu'agent commercial sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce.
S'agissant de l'action fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil la société Limoges Diffusion Automobiles rappelle qu'elle a résilié le contrat en cause en respectant les dispositions contractuelles de l'article 8-1 qui conféraient aux parties un droit discrétionnaire de résiliation.
Elle considère que le mandat d'intérêt commun est exclu lorsque le cocontractant agit en son nom, pour son compte et achète en vue de leur revente des marchandises, ce qui correspond aux activités qu'exerçaient M. Mauricou.
L'aide financière accordée par Renault en 1999 n'emporte pas novation des engagements des parties au contrat et ne fait obstacle qu'au droit de résiliation de M. Mauricou non à celui de Limoges Diffusion Automobiles.
Cette société affirme n'avoir commis aucun abus de droit en procédant à la résiliation du contrat d'agent service l'alliant à M. Mauricou.
Elle soutient que l'article 10 du règlement d'exemption n° 1400-2002 du 31-07-02 le rend applicable à compter du 01-10-03 et ne peut régir la rupture du contrat de M. Mauricou intervenue le 24-04-02 donc avant la publication dudit règlement faite le 31-07-02 et avant son entrée en vigueur fixée au 01-10-03.
A titre infiniment subsidiaire la société Limoges Diffusion Automobiles fait valoir que si la cour devait considérer que M. Mauricou exerçait à titre principal l'activité d'agent commercial, son indemnisation serait limitée à l'indemnité habituellement allouée à l'agent commercial soit la somme réclamée au titre de la perte sur commissions à l'exclusion des autres activités qui n'entrent pas dans le cadre juridique de la loi du 25-06-91.
Dans cette hypothèse elle demande à la cour de constater que M. Mauricou poursuit une activité de vente de véhicules neufs de marque Renault ce qui constitue une violation de la clause contractuelle de non-concurrence et justifierait la condamnation de M. Mauricou à lui payer une indemnité de 15 000 euros, sollicitant une expertise au cas où la cour s'estimerait insuffisamment éclairée sur ce point.
S'agissant des autres chefs d'indemnisation présentés par M. Mauricou l'intimée relève que M. Mauricou ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice certain, d'une faute génératrice de ce préjudice et d'un lien de causalité entre les 2.
Pour ce qui concerne le fonds de commerce elle souligne que la rupture du contrat d'agent n'empêche pas M. Mauricou de poursuivre ses activités liées à la réparation automobile, qu'il peut toujours acheter des pièces de rechange et des accessoires de marque Renault ou d'autres marques, qu'il peut toujours réparer des véhicules de marque Renault, qu'il peut agir comme intermédiaire de vente de véhicules neufs pour le compte de son concessionnaire et peut continuer à développer le commerce et la réparation de véhicules toutes marques comme par le passé, que la seule différence réside dans le fait qu'il ne bénéficie plus de taux de remise et de taux de commission aussi avantageux. Elle indique que M. Mauricou dispose à quelques mètres du garage en cause d'un autre garage automobile exploité sous forme sociale sans contrat d'agent service et que toute expertise ordonnée pour déterminer l'activité de M. Mauricou devrait porter sur cette société également pour rechercher le transfert d'activité de l'une vers l'autre.
Pour ce qui concerne la perte patrimoniale invoquée l'intimée soutient que M. Mauricou ne démontre pas que l'immeuble a disparu totalement ou a perdu toute sa valeur du fait de la résiliation du contrat alors qu'en outre il est partiellement affecté à l'habitation.
Quant à la clause de non-concurrence, dans la mesure où elle serait jugée applicable elle ne s'appliquerait qu'à l'activité de vente de véhicules neufs de marque Renault, et ne serait pas de nature à causer un préjudice particulier à M. Mauricou dans la mesure où les ventes de véhicules neufs représentait pour l'année 2001 un CA de 1,74 % sur le CA total et celui de 1,63 % pour l'année 2000.
Vu les conclusions déposées au greffe le 23-10-03 pour la société Limoges Diffusion Automobiles et les pièces annexées selon bordereau reçu au greffe le 05-12-03;
Vu les conclusions déposées au greffe le 03-11-03 pour Alain Mauricou et les pièces annexées selon bordereau reçu au greffe le 14-01-04;
Vu la décision du Conseiller de la mise en état de faire application des dispositions de l'article 910 du nouveau Code de procédure civile et de fixer l'affaire à l'audience du 05-11-03 date à laquelle elle fut renvoyée à l'audience du 21-01-04, plaidée et mis en délibéré à ce jour;
Discussion:
Sur les liens contractuels formels unissant les parties:
Attendu qu'il n'est pas contesté que ces liens contractuels existaient depuis 1982 mais que le contrat qui était en cours d'exécution lors de la rupture des relations contractuelles avait été signé le 02-01-97;
Attendu que ledit contrat, intitulé "Contrat d'Agent Service, stipulait (art 1.1) qu'il avait pour objet de régir les relations contractuelles existant entre le Concessionnaire et l'Agent Service et qu'à titre principal ce dernier était un commerçant indépendant qui agissait en son nom propre et pour son propre compte afin d'assurer la prestation de l'ensemble des services après-vente nécessaires à la garantie, à l'entretien et à la réparation des véhicules des marques distribuées par Renault, la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par Renault achetées auprès de son concessionnaire, la réalisation des prestations de service liées à l'une des garanties offertes dans le réseau commercial du Constructeur lors de la vente de véhicules d'occasion, le développement de l'image de marque du constructeur et la commercialisation des accessoires fournis et distribués par Renault achetés principalement auprès de son concessionnaire;
Attendu qu'il était précisé dans ce même article qu'à titre accessoire l'Agent service était habilité à agir en qualité soit d'indicateur soit de mandataire du Concessionnaire en vue de la vente de l'ensemble des véhicules neufs des marques distribuées par Renault;
Attendu que s'agissant de cette activité qualifiée d'accessoire il était également stipulé que si l'Agent Service intervenait en qualité de mandataire accessoire pour négocier à titre exclusif et pour le compte de son Concessionnaire la vente de véhicules neufs des marques distribuées par Renault les parties convenaient que les dispositions de la loi n° 91-593 du 25-06-91 (relative aux agents commerciaux) n'étaient pas applicables à cette activité;
Attendu qu'il était ajouté que si toutefois l'exécution du contrat faisait apparaître que l'activité de vente de véhicules neufs était exercée à titre principal ou déterminant les dispositions de ladite loi étaient applicables à cette activité;
Attendu que M. Mauricou revendique le bénéfice du statut d'agent commercial, qu'il lui appartient donc de démontrer qu'il exerçait en réalité à titre principal ou déterminant l'activité de vente de véhicules neufs des marques distribuées par Renault;
Sur la réalité de l'activité de vente de véhicules neufs:
Attendu qu'il convient en premier lieu de relever que M. Mauricou ne s'est jamais fait immatriculer au registre spécial des agents commerciaux tenu au greffe du tribunal de commerce alors qu'il s'agit d'une obligation imposée aux agents commerciaux par les dispositions de l'article 4 du décret n° 58-1345 du 23-12-58;
Attendu que par ailleurs c'est l'ampleur de l'activité réelle de vente de véhicules neufs qui constitue le critère d'applicabilité du statut d'agent commercial,qu'il convient donc de se référer au chiffre d'affaires,qu'à cet égard le ratio comptable invoqué par M. Mauricou de 50,56 % de la moyenne au cours des 3 dernières années des commissions sur les ventes de véhicules neufs par rapport au bénéfice fiscal n'est pas révélateur, qu'en outre en faisant application du ratio du chiffre d'affaires hors commissions sur le bénéfice fiscal la moyenne des 3 dernières années s'élève à 2 362,08 %, ce qui réduit à néant la démonstration de M. Mauricou;
Attendu que le nombre des véhicules neufs vendus par l'entreprise de M. Mauricou était de 36 en 1999, 27 en 2000 et 37 en 2001,que les avenants annuels au contrat d'agent de service mentionnant, au cours de ces années, le chiffre de 45 véhicules neufs, se référaient à l'article 1.2 dudit contrat qui précisait qu'il s'agissait d'un engagement de M. Mauricou à disposer des moyens nécessaires pour être en mesure de participer à la vente par le concessionnaire du nombre de ces véhicules, que l'existence d'un tel engagement contractuellement défini, ne caractérise pas l'activité d'agent commercial;
Attendu que si l'activité globale de M. Mauricou se réalise avec des véhicules Renault cette situation est parfaitement cohérente et conforme à son contrat d'agent de service dont l'activité principale consiste à réaliser des prestations de l'ensemble des services après-vente des véhicules des marques distribuées par Renault, ainsi que la commercialisation des pièces de rechange et des accessoires fournis et distribués par Renault;
Attendu qu'en revanche les éléments comptables produits par M. Mauricou n'établissent pas que son activité de vente de véhicules neufs des marques distribuées par Renault, dont le caractère accessoire a été précédemment démontré, générait automatiquement une augmentation de son activité principale, notamment au titre de la garantie constructeur, de telle sorte que cette activité de vente théoriquement accessoire présenterait en réalité un caractère déterminant par rapport à son activité principale;
Attendu en effet que les interventions de l'entreprise de M. Mauricou au titre des garanties du constructeur Renault ont représenté 9,4 %, 8,98 % et 4,84% de la production de services de son garage au cours des exercice 1999, 2000 et 2001;
Attendu que M. Mauricou n'invoque d'ailleurs pas une chute de son chiffre d'affaires en 2002 et 2003 soit postérieurement à la résiliation du contrat d'Agent Service;
Attendu que faute pour M. Mauricou de démontrer que, contrairement aux dispositions contractuelles, son activité de vente de véhicules neufs était exercée à titre principal ou déterminant, il n'est pas en mesure de bénéficier du statut des agents commerciaux,qu'il sera donc débouté de l'ensemble des demandes qui découlait de cette qualification;
Sur la qualification de contrat d'intérêt commun:
Attendu que dans le cadre de l'exercice de son activité principale d'entretien, de réparations de véhicules et de vente de pièces de rechange, M. Mauricou est un commerçant indépendant qui agit en son nom propre, pour son compte, achète et revend de la marchandise dont il conserve un stock en permanence;
Attendu que ce type de relations contractuelles exclut la qualification de contrat d'intérêt commun;
Attendu que la mention relative à l'intérêt réciproque des parties figurant à la référence 8.1 du contrat est incluse dans les dispositions de l'article VIII relatives à la durée du contrat et à la résiliation et constitue plus particulièrement la justification de l'existence d'un nécessaire respect par les parties d'un préavis de 6 mois en matière de résiliation, mais ne saurait, sauf à dénaturer les termes clairs et précis de la convention, s'interpréter comme une qualification de l'objet du contrat ou une condition de sa résiliation;
Sur l'applicabilité du Règlement d'exemption n° 1400-2002 du 31-07-02:
Attendu que M. Mauricou revendique l'application de cette réglementation qui impose notamment le respect d'un préavis de rupture de 2 années pour un contrat à durée indéterminée et une motivation des causes de la rupture;
Mais attendu que si en vertu de l'article 12 dudit Règlement son entrée en vigueur était fixée au 01-10-02, l'article 10 instituait une période transitoire d'une année qui expirait le 30-09-03 date à laquelle la résiliation du contrat en cause était effective pour avoir été faite par lettre du 24-04-02 avec effet à l'expiration d'un délai de préavis de 6 mois;
Sur les circonstances de la rupture contractuelle:
Attendu que le contrat d'Agent Service du 02-01-97 stipulait qu'il était conclu pour une durée indéterminée et que, dans l'intérêt réciproque des parties, celle qui désirait y mettre fin devrait prévenir l'autre par lettre recommandée en respectant un préavis de 6 mois;
Attendu qu'il s'agit d'une clause licite, que la société Limoges Diffusion Automobiles était donc en droit de résilier unilatéralement le contrat à la condition de respecter le préavis de 6 mois, ce qu'elle a fait;
Attendu que si l'absence de motivation de la rupture ne constitue pas, en soi, une faute imputable à cette société, elle restait toutefois tenue, à l'instar de tout contractant, de ne pas commettre un abus de droit en procédant à cette résiliation;
Attendu qu'il convient en premier lieu de prendre en considération l'ancienneté des relations contractuelles qui unissaient les parties dont il n'est pas contesté qu'elles avaient pris naissance en 1982;
Attendu que la société Limoges Diffusion Automobiles a résilié le contrat de M. Mauricou par lettre du 24-04-02 dont il a accusé réception le 25-04-02;
Attendu que 5 semaines auparavant, le 15-03-02, cette société avait conclu avec M. Mauricou un avenant au contrat d'Agent Service indicateur d'affaire ou mandataire pour l'année 2002 fixant à 85 371 l'objectif du nombre de pièces de rechange et à 45 le nombre de véhicules neufs pour lesquels il s'engageait à disposer des moyens nécessaires pour être en mesure de participer à leur vente;
Attendu que M. Mauricou avait réalisé en 1999 d'importants travaux de modernisation de ses locaux d'une valeur HT de 500 000 F, comportant notamment l'aménagement d'un hall d'exposition, améliorations réalisées dans le cadre d'une opération qualifiée de "mise aux standards", conformément aux dispositions d'une charte tripartite signée par la Direction Commerciale France agissant pour sa filiale Renault, le Groupement des Concessionnaires Renault et le Groupement des Agents Renault;
Attendu que M. Mauricou a bénéficié à ce titre, en janvier 2002, d'une aide commerciale exceptionnelle de la part de Renault d'un montant de 9 116,45 euros, liée au maintien du panneau de cette marque pendant 5 ans;
Attendu qu'eu égard à l'existence de relations contractuelles de 20 ans, dans un contexte général d'investissements immobiliers à moyen ou long terme réalisés dans un cadre tripartite défini par la société Renault, des concessionnaires et des Agents Renault, la rupture du contrat de M. Mauricou décidée par la société Limoges Diffusion Automobiles quelques semaines après la signature d'un avenant annuel fixant un objectifs de 85 371 pièces de rechange et de mise en œuvre des moyens de vente de 45 véhicules neufs, avec un préavis de seulement 6 mois, doit être considérée comme brutale et abusive;
Attendu que le caractère abusif de la rupture est exclusivement représenté par la brièveté du délai de préavis qui a fait subir trop brutalement à M. MAURIICOU un changement considérable de sa situation professionnelle dans des circonstances imprévisibles, alors qu'il était en droit de bénéficier d'un délai supplémentaire que la cour évalue à une année de préavis afin de lui permettre de disposer des moyens de s'organiser pour faire face à sa nouvelle situation;
Sur le préjudice:
Attendu que le préjudice subi par M. Mauricou est représenté par la perte des gains financiers que son activité liée à son statut d'Agent Service Renault lui aurait procurés durant cette période d'une année postérieurement à l'expiration du délai de préavis de 6 mois;
Attendu qu'en revanche M. Mauricou n'établit aucun lien de causalité entre la rupture de son contrat, dont le principe correspondait à l'exercice d'un droit par son cocontractant, et la diminution éventuelle de la valeur de son fonds de commerce, de son immeuble ou de ses investissements, étant précisé que M. Mauricou est en mesure de poursuivre son activité de réparations et de ventes de véhicules automobiles malgré la perte de son statut d'Agent Service Renault;
Attendu qu'au vu des pièces comptables produites, du montant des commissions perçues par M. Mauricou au cours des précédentes années et des avantages financiers et commerciaux qu'il retirait de son statut d'Agent Service, et plus généralement des éléments de la cause, la cour évalue à la somme de 13 000 euros le montant de l'indemnisation de son préjudice;
Sur les demandes annexes:
Attendu que M. Mauricou affirme, sans être démenti, qu'il a fini par enlever les panonceaux et signes distinctifs Renault, qu'il a donc exécuté la décision entreprise, qu'il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte et d'en fixer une nouvelle;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Mauricou les frais irrépétibles du procès qu'il a dû engager, aussi bien en première instance qu'en appel, qu'il y a lieu de lui allouer une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu à application des articles L. 134-1 du Code du commerce; L'infirme pour le surplus; Y Ajoutant; Dit que la société Limoges Diffusion Automobiles a commis une faute en limitant à 6 mois le délai de préavis accordé à Alain Mauricou dans le cadre de la résiliation de son contrat d'Agent Service Renault; Condamne la société Limoges Diffusion Automobiles à verser: à Alain Mauricou la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts; Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires demandes; Condamne la société Limoges Diffusion Automobiles à verser à M. Mauricou la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Limoges Diffusion Automobiles aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et accorde à la SCP Durand-Marquet le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.