CA Poitiers, ch. corr., 25 septembre 1997, n° 96-00844
POITIERS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Besset
Substitut :
général: Mme Granger
Conseillers :
M. Delpech, Mme Lerner
Avocat :
Me Bonnin.
Décision
LA COUR rendant son délibéré,
Vu le jugement entrepris, dont le dispositif est rappelé ci-dessus,
Michel B est prévenu d'avoir à Arvert (17) et sur le territoire national, courant 1994 et 1995, trompé des acheteurs d'huîtres, contractants, sur l'espèce, l'origine et les qualités substantielles de ces coquillages en les vendant sous l'appellation "Marennes-Oléron"telle que définie par la norme Afnor NF 45056, alors que les conditions prévues par ladite norme n'étaient pas remplies.
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
Réguliers en la forme et interjetés dans le délai légal, les appels du Ministère public et de Michel B sont recevables en la forme.
Relevant que l'infraction est constituée alors que la norme Afnor NF 4506 existe, qui garantit la qualité Marennes-Oléron et qui doit être appliquée, relevant d'autre part que la surdensité d'huîtres relevée et reconnue par Monsieur B est importante, et relevant enfin qu'il s'agit d'un professionnel et que la grande majorité des ostréiculteurs respecte la norme, le Ministère public requiert la confirmation du jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et la condamnation de Monsieur B à une amende de 150 000 à 200 000 F ainsi que la publication de la décision dans le journal Sud-Ouest ainsi que dans les revues professionnelles.
Michel B fait plaider son renvoi des fins de la poursuite et subsidiairement la confirmation du jugement entrepris. Il fait valoir que la norme Afnor est arbitraire et imprécis car en particulier, elle ne donne aucune définition précise des claires, ne donne aucune indication sur le moment d'immersion et ne traite pas des problèmes du stockage, alors que les chiffres donnés ne reposent sur aucune considération technique ou scientifique. Il souligne qu'à la suite de différentes études qui ont été faites, notamment par le CREA, la profession est unanime pour dire que la norme doit être modifiée, mais uniquement en ce qui concerne les quantités, la quasi totalité des expéditeurs étant confrontée, compte tenu des contingences de fin d'année et des surfaces disponibles limitées, au problème du stockage.
Sur quoi,
Il résulte des éléments du dossier et des débats que les premiers juges ont exactement analysé et apprécié les faits reprochés à Michel B en des énonciations suffisantes et des motifs pertinents que la cour adopte et auxquels elle renvoie expressément.
Il suffit de rappeler que la marque collective "Huîtres de Marennes-Oléron", propriété de l'organisation professionnelle, Section Régionale Conchylicole de Marennes-Oléron, a été concédée à titre gratuit aux ostréiculteurs exerçant leur activité principale dans le bassin de Marennes-Oléron, à la condition que les huîtres vendues sous cette appellation aient été affinées et conditionnées dans le bassin de Marennes-Oléron, l'affinage devant être effectué conformément à la norme Afnor NF V 45.056 de septembre 1985prévoyant:
- en ce qui concerne les huîtres fines de claires qu'elles doivent être affinées en claires à raison d'une immersion pendant une durée minimale d'un mois avec une densité maximale de 20 huîtres par mètre carré,
- et en ce qui concerne les huîtres spéciales de claires qu'elles doivent être affinées en claires à raison d'une immersion pendant une durée minimale de 2 mois avec une densité maximale de 10 huîtres par mètre carré.
Le 14 avril 1995, deux agents de la DGCCRF se présentaient à l'établissement ostréicole exploité par Michel B à La Tremblade afin de vérifier le respect de la norme Afnor précitée concernant les huîtres creuses et plus spécialement la conformité de la densité et du délai requis pour obtenir des huîtres fines de claires ou spéciales de claires et procédaient à la vérification de la comptabilité relative aux ventes et aux achats d'huîtres ainsi qu'à celle du cahier de mise en claires de Monsieur B.
Il apparaissait au vu des factures de vente que, en décembre 1994, Michel B avait commercialisé en décembre 1994, sous l'appellation "Marennes"Oléron" et la dénomination "Fines de Claires" ou "Spéciales de Claires", 239,6 tonnes d'huîtres de claires dont 16,2 tonnes de spéciales de claires alors que, ayant acheté 26,95 tonnes d'huîtres de claires en décembre, seules 65,4 tonnes d'huîtres étaient sorties de ses claires en décembre 1994 selon les mentions portées sur son cahier de mise en claires.
Michel B reconnaissait alors qu'il avait rédigé son cahier de mise en claires à 10 ou 20 huîtres au m², conformément à la norme, mais qu'il avait affiné ses huîtres à des densités supérieures.
Il apparaissait, vérification faite, que Michel B exploitait 6 hectares 16 ares de claires permettant d'affiner, en prenant pour référence une huître de 65 g (moyenne de la catégorie M) et les critères de la norme Afnor 80,080 tonnes de fines de claires par mois ou 40,040 tonnes de spéciales de claires tous les deux mois, ces quantités étant bien inférieures à celles vendues (achats déduits) par Michel B en décembre 1994, ce tonnage nécessitant un potentiel d'affinage de 19,40 hectares de claires au lieu des 6,16 hectares exploités.
La cour relèvera, en ce qui concerne la norme, Afnor NF V 45.056, que par décision, n° 59 du 31 octobre 1993 de la Section Régionale Conchylicole de Marennes-Oléron, visant expressément cette norme et l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 sur la publicité mensongère, il a été "fait obligation à tout ostréiculteur du bassin de Marennes-Oléron qui utilise les dénominations "Fines de Claires" et/ou "spéciales de claires" pour ses huîtres, d'être en mesure de les justifier par la présentation à tout contrôle d'un cahier de mise en claires faisant ressortir sans ambiguïté les lieux, dates d'immersion et de pêche des produits et leur spécification"et que c'est à la demande de la SRC de Marennes-Oléron que la tenue du cahier de mise en claires a été rendue obligatoire par arrêté du Préfet de la Région Poitou-Charente en date du 17 janvier 1994. Ces décisions laissent apparaître l'importance donnée par les professionnels au respect de la norme par les ostréiculteurs utilisant la dénomination et l'appellation Marennes-Oléron.
Par ailleurs, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il n'apparaît pas que cette norme puisse être considérée comme arbitraire ou obsolète,et les propositions de modification de celle-ci faites par certains professionnels ne remettent en particulier pas en cause la durée de l'affinage et sa spécificité.
Il apparaît qu'en réalité la plupart des professionnels respectent cette norme qui définit les critères permettant de donner aux huîtres de claires Marennes-Oléron leur spécificité et leurs caractéristiques et dont le respect est une garantie de cette spécificité et de ces caractéristiques pour l'acheteur.
Il résulte dès lors suffisamment de ces éléments que Michel B a commis le délit qui lui est reprochéet le jugement entrepris sera confirmé sur la déclaration de culpabilité.
Sur le prononcé de la peine, les quantités d'huîtres commercialisées sous l'appellation Marennes-Oléron et la dénomination "Fines de Claires" et "Spéciales de Claires", au mépris des critères permettant l'utilisation de ces appellations et dénominations restent importantes. Surtout ces faits s'accompagnent de manœuvres au niveau des renseignements portés sur le cahier de mises en claires, ce qui démontre que c'est délibérément que Michel B n'a pas respecté les critères définis par la norme dans le seul but d'accroître ses ventes. La cour le condamnera donc à 50 000 F d'amende.
Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement sur appel en matière correctionnelle et en dernier ressort, Déclare les appels réguliers et recevables en la forme; Confirme, sur la décision de culpabilité, le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Rochefort-sur-Mer le 1er octobre 1996; Le réforme sur l'application de la peine, Condamne Michel B à la peine de 50 000 F d'amende. Le tout en application des articles susvisés.