Cass. soc., 10 mars 2004, n° 03-42.744
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sargos.
LA COUR: - Attendu que par contrat de travail du 15 janvier 1972 Mme X (devenue par la suite épouse Y) a été engagée en qualité de VRP par la société Lumoplan; que sa rémunération était composée d'une indemnité mensuelle et de commissions sur vente; que par contrat de travail du 5 février 1996 Mme Y a été reprise par la société Guilbert France, qui avait absorbé la première société, en qualité de VRP avec l'ancienneté courant à compter de son embauche chez Lumoplan; que le résumé des accords en date du 14 février 1996 précisait à la rubrique minimum garanti: "pendant toute l'année 1996, Mme Y percevra un fixe normal de: 25 000 francs pour la part de commissions + 10 000 francs pour le mobilier + 3 000 francs de frais professionnels, 38 000 francs brut mensuel + congés payés"; que le 27 septembre 1999 le médecin du travail l'a déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise; qu'elle a été licenciée le 20 octobre 1999 pour "inaptitude physique définitive à tous postes de votre entreprise, constatée par la médecine du travail"; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes;
Sur les troisième et quatrième moyens: - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;
Mais sur le premier moyen: - Vu l'article L. 751-9 du Code du travail; - Attendu que pour rejeter la demande de la salariée tendant au paiement d'une indemnité de clientèle la cour d'appel énonce que si Mme Ydécrit de façon détaillée les circonstances et conditions au cours desquelles elle a été appelée à créer ou développer une importante clientèle dans l'intérêt du groupe Guilbert en qualité d'unique VRP exclusif de l'activité de papeterie qu'elle a fait débuter au sein de la société Lumoplan, elle ne répond pas au moyen soulevé par l'employeur tenant à la novation de la partie commissionnée de son salarié en rémunération fixe à compter du 14 février 1996 tel que précisé ci-dessus;Qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait créé et développé la clientèle qu'elle avait continué à visiter pour le compte de la société Guilbert, qu'elle restait rémunérée pour partie à la commission, celle-ci ayant seulement été forfaitisée, en sorte que la perte de cette clientèle lui causait un préjudice, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche: - Vu l'article L. 122-24-4 du Code du travail; - Attendu que pour rejeter la demande de la salariée tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la cour d'appel énonce que le reclassement de Mme Y était impossible dès lors qu'il résulte de ses propres déclarations consécutives à l'avis médical d'inaptitude définitive "qu'elle ne pourra plus jamais travailler"; que sa position combinée à celle du médecin du travail est confortée par le propre comportement procédural de l'intéressée qui discute pour la première fois devant la cour la légitimité de la mesure; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'inobservation par l'employeur de son obligation à ce titre ne peut être accueilli, peu important l'appartenance de l'entreprise à un groupe dès lors que l'impossibilité dont s'agit était absolue et générale, étant observé au surplus que le conseil de prud'hommes a relevé que Mme Y ne remettait pas en cause le motif de son licenciement lié à son inaptitude médicale; Qu'en statuant ainsi alors que l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise délivré par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise alors par la salariée, de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en œuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail au sein de l'entreprise et le cas échéant du groupe auquel elle appartient, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la deuxième branche du deuxième moyen: casse et annule, mais seulement en ses dispositions déboutant Mme Y de ses demandes en paiement d'une indemnité de clientèle et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 3 mars 2003, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon.