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Décisions

Cass. crim., 24 novembre 1999, n° 99-80.595

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Pibouleau

Avocat général :

M. Cotte

Avocats :

SCP Boré, Xavier, Boré.

Paris, 12e ch., du 11 déc. 1998

11 décembre 1998

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par G Laurent, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 11 décembre 1998, qui, après relaxe du chef de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, l'a condamné à des réparations civiles; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 515 et 593 du Code de procédure pénale, L. 213-1 et suivants du Code de la consommation, du principe de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, défaut de base légale, violation de la loi;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que Laurent G a, en sa qualité de vendeur spécialisé en véhicules automobiles, méconnu son obligation de renseigner complètement l'acquéreur sur les qualités et sur l'usage que celui-ci pouvait attendre du bien mobilier proposé à la vente et l'a condamné à payer à la partie civile les sommes de 46 180 francs en remboursement du prix du véhicule, 30 000 francs à titre de dommages-intérêts et 10 000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, in solidum avec Bernard C dans la limite de 50 000 francs;

"aux motifs que si le véhicule acquis dans ces conditions par Simon Moutoussamy-Paliata s'est révélé impropre à son usage, le prix versé soit 46 180 francs ne peut lui être restitué par Bernard C en l'absence d'appel de la partie civile; qu'il est établi par les pièces de la procédure et par les débats à l'audience de la cour que Laurent G, employé de la SA X en qualité de vendeur de véhicules neufs et non de véhicules d'occasion, s'était limité pour la vente de ce véhicule aux renseignements succincts mentionnés sur la fiche apposée sur cette voiture à l'usage des acquéreurs potentiels, et qu'étant vendeur spécialisé, il a omis de se renseigner sur l'historique et sur l'état réel de ce véhicule, se plaçant dans l'impossibilité de donner une information complète et objective sur les qualités, les défauts de cette voiture ainsi que sur l'usage que son acquéreur pouvait en attendre, alors que Simon Moutoussamy Paliata lui avait fait connaître qu'il se proposait de l'acquérir pour l'exercice de son activité professionnelle; qu'il doit donc être jugé responsable du préjudice subi par la partie civile par l'effet de cette vente et condamné à le réparer; qu'il sera donc tenu à reverser le prix du véhicule soit 46 180 francs et condamné à payer à la partie civile la somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts, ces condamnations étant prononcées dans la limite de 50 000 francs in solidum avec Bernard C;

"1 ) alors que la chose jugée au criminel a autorité sur le civil; que, par une décision devenue définitive, le Tribunal correctionnel de Bobigny a relaxé Laurent G tant des poursuites pour escroquerie que de celles pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise; qu'une telle décision s'opposait à ce que les faits mêmes, que le tribunal correctionnel avait estimé non avérés, soient considérés comme établis par la cour d'appel et fondent une condamnation civile pour manquement à l'obligation de renseignement; qu'en décidant que Laurent G avait volontairement omis de renseigner sur l'état du véhicule vendu et n'avait pas ainsi été en mesure de fournir à l'acquéreur une information complète sur le véhicule, la cour d'appel n'a fait que se fonder sur une faute civile identique à la faute pénale constitutive du délit de tromperie et exclue par la décision de relaxe devenue définitive; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe susvisé;

"2 ) alors que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent point au tiers; que Laurent G, préposé de la société X, a conclut la vente du véhicule litigieux au nom et pour le compte de cette société et n'a jamais été partie au contrat liant le vendeur à l'acquéreur; qu'il n'a, à ce titre, jamais perçu le prix du véhicule et ne saurait donc être condamné à le rembourser sur le fondement du manquement à une obligation contractuelle de renseignement; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen;

"3 ) alors que seuls les commettants sont responsables envers leurs cocontractants des dommages causés par leurs préposés; que Laurent G, vendeur préposé de la société X et de son dirigeant, Bernard C, ne saurait être tenu contractuellement ou délictuellement envers Simon Moutoussamy; que ce dernier ne pouvait donc rechercher que la seule responsabilité de Bernard C sauf le recours de ce dernier envers Laurent G en cas de faute, détachable de ses fonctions et inexistante en l'espèce, de celui-ci; qu'en décidant de condamner Laurent G à verser des dommages-intérêts à Simon Moutoussamy, in solidum avec Bernard C et sans constater que Laurent G avait agi hors de ses fonctions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen";

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, renvoyé devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, Laurent G a été relaxé de ces chefs par un jugement du 26 juin 1998; que, sur l'appel interjeté par la seule partie civile, les juges du second degré constatant, par les motifs repris au moyen, que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise était caractérisé à son encontre, l'ont condamné à des dommages-intérêts;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que, d'une part, si une cour d'appel ne peut, sur le seul appel de la partie civile et en l'absence de recours du Ministère public, prononcer aucune peine contre le prévenu relaxé elle n'en est pas moins tenue de rechercher si le fait qui lui est déféré constitue une infraction pénale pouvant justifier l'allocation de dommages-intérêts et que, d'autre part, selon l'article L. 213-1 du Code de la consommation, quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, peut être poursuivi pour le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise; d'où il suit que le moyen ne peut être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.