CA Paris, 16e ch. A, 3 avril 2002, n° 2000-06480
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
GSD Grill Saint-Denis (SARL), Dahan
Défendeur :
Lorema (SARL), Berdugo, Ritz, Fournier Le Ray, Giffard (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Duclaud
Conseillers :
Mmes Cobert, Imbaud-Content
Avoués :
Mes Huyghe, Blin, SCP Varin-Petit
Avocats :
Mes Benizri, Frichot, Gradus, SCP Hyest.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Grill Saint-Denis dite GSD d'un jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 21 janvier 2000 qui a :
Reçu le demandeur en sa demande principale le dit non fondé,
Reçu Melle Berdugo et Mr Fournier Le Ray en leur demande,
Dit recevable et bien fondée la fin de non-recevoir soulevée par Melle Berdugo et Mr Fournier Le Ray à l'encontre de la société GSD pour défaut d'intérêt à agir.
Condamné GSD à payer à Melle Berdugo, Monsieur Le Ray la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Débouté les parties de toutes leurs prétentions incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue ou le présent dispositif,
Condamné la société GSD aux dépens.
Liquidé les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 549,46 F TTC.
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :
La société GSD est propriétaire d'un fonds de commerce de restauration situé à Saint-Denis, boulevard de Strasbourg, n° 59.
Par acte sous seing privé en date à Livry-Gargan du 23 septembre 1997 la société GSD a donné en location-gérance à la SARL Lorema, en cours de formation ainsi qu'à Mlles Emmanuelle Berdugo, Martine Ritz et M. Luc Fournier Le Ray, son fonds de commerce de restauration pour lequel elle est immatriculée au RCS de Bobigny.
Cette location-gérance fut consentie et acceptée pour une durée de 23 mois à compter du 24 septembre 1997 pour se terminer le 23 août 1999.
Outre leur qualité de co-locataires, Mlles Emmanuelle Berdugo et Martine Ritz ainsi que M. Luc Fournier Le Ray se sont constitués caution solidaire de la bonne fin des engagements contractés par chacun des autres co-locataires.
Par ailleurs, cette convention de location-gérance a été consentie et acceptée aux principales conditions suivantes:
- paiement direct du loyer entre les mains du bailleur;
- absence de redevance durant les 12 premiers mois d'activité;
- à compter du 13e mois, paiement d'une redevance fixée à 3 % du chiffre d'affaires;
- cautionnement versé :
* au titre du matériel : 150 000 F,
* au titre du dépôt de garantie sur le fondement du bail : 45 000 F (impayé).
Les locataires gérants se sont abstenus d'acquitter directement au bailleur le montant du loyer convenu.
C'est dans ces conditions que, par mise en demeure en date du 7 mai 1998, la société GSD a sollicité le règlement d'une somme de 126 686,51 F arrêtée à l'échéance du 2e trimestre 1998 constituée exclusivement des loyers dus au bailleur, la redevance de location-gérance n'étant due qu'après une période de franchise d'une année, expirant le 23 septembre 1998.
Après avoir saisi le Tribunal de commerce de Bobigny en paiement de cette créance, la société GSD eut connaissance d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de commerce de Bobigny le 2 novembre 1998 à l'encontre de la société Lorema.
Le tribunal, par jugement avant dire droit en date du 5 février 1999, enjoignait à la société GSD d'attraire en l'instance le mandataire liquidateur de la société Lorema.
Maître Giffard, ès qualité de mandataire liquidateur de la société Lorema, fut appelé en la cause par exploit délivré le 12 mars 1999.
La société GSD a régulièrement déclaré sa créance le 15 décembre 1998 pour un montant de 224 800,51 F selon extrait de compte certifié conforme au 10 décembre 1998, sauf mémoire.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré.
La société GSD, appelante, et, Monsieur Isaac Dahan, intervenant volontaire, demandent à la cour de :
Déclarer recevable et bien fondée la société GSD en son appel.
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 21 janvier 2000 par le Tribunal de commerce de Bobigny.
Statuant à nouveau,
Vu l'article 554 du nouveau Code de procédure civile,
Déclarer recevable Monsieur Isaac Dahan en son intervention volontaire.
En conséquence,
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 3 mai 2000,
Vu l'article 11 de la loi du 20 mars 1956,
Condamner Mesdemoiselles Martine Ritz, Emmanuelle Berdugo et Monsieur Luc Fournier Le Ray au paiement des sommes suivantes, au profit de Monsieur Isaac Dahan:
- 63 441,81 euros (soit 416 151 F) au titre des loyers dus pour la période du 23 septembre 1997 au 22 septembre 1999 à majorer d'un intérêt au taux de 15 % l'an en application des dispositions de l'article 7 du bail et 1155 du Code civil à compter de chaque échéance locative impayée ;
- 6 344,17 euros (soit 41 615 F) à titre de clause pénale contractuelle ;
- 7 409,30 euros (48 601,80 F) au titre de la remise en état des lieux.
Vu les articles 1382 et 1384 du Code civil,
A titre subsidiaire, condamner in solidum Mesdemoiselles Martine Ritz, Emmanuelle Berdugo et Monsieur Luc Fournier Le Ray au paiement de la somme de 63 441,81 euros (soit 416 151 F) à titre d'indemnité d'occupation des lieux appartenant à Monsieur Dahan pour la période du 23 septembre 1997 au 22 septembre 1999 outre celle de 7 409,30 euros (soit 48 601,80 F) au titre de la remise en état des lieux au profit de Monsieur Isaac Dahan ou de la société GSD.
Condamner Mesdemoiselles Martine Ritz, Emmanuelle Berdugo et Monsieur Luc Fournier Le Ray à payer à la société GSD la somme de 37 606,32 euros (soit 246 681,27 F) au titre du matériel confié lors de la conclusion du contrat de location-gérance non restitué.
Les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 4 573,47 euros (soit 30 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les condamner aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être directement poursuivi par Maître Huyghe, avoué à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Luc Fournier Le Ray et Mademoiselle Emmanuelle Berdugo, intimés, prient la cour de:
Vu l'arrêt de cette cour en date du 3 mai 2000 et l'article 11 de la loi du 20 mars 1956, Dire irrecevable l'intervention volontaire de M. Isaac Dahan.
Confirmer le jugement déféré et débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
Condamner Monsieur Isaac Dahan à verser à chacun des concluants la somme de 3 811,23 euros soit 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le condamner aux dépens d'instance et d'appel et allouer à Me Michel Blin le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Maître Giffard ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Lorema demande sa mise hors de cause.
Madame Martine Ritz qui a été assignée en application de l'article 908 du nouveau Code de procédure civile, n'a pas comparu, - l'acte d'assignation ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du nouveau Code de procédure civile).
Ceci étant exposé, LA COUR :
Considérant que le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 19 juin 2000 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Lorema pour insuffisance d'actif, il s'ensuit qu'il a été mis fin aux fonctions de liquidateur de Maître Giffard ; que celui-ci doit être déclaré hors de cause.
Considérant qu'il faut observer que par arrêt du 3 mai 2000, la Cour d'appel de Paris a rétracté l'ordonnance présidentielle du 11 mai 1994 autorisant la mise en location-gérance du fonds de la société GSD par dérogation aux dispositions de l'article 5 de la loi du 20 mars 1956 au terme duquel les délais visés à l'article 4 peuvent être supprimés ou réduits par ordonnance du Président du tribunal de grande instance rendue sur simple requête notamment lorsque l'intéressé justifie être dans l'impossibilité d'exploiter son fonds ; qu'il est constant qu'en application de l'article 11 de la même loi, le contrat de location-gérance est nul;
Considérant, ceci étant, que Monsieur Dahan, rappelant qu'il est intervenant volontaire sur le fondement de l'article 554 du Code Civil, soutient qu'il est recevable et bien fondé à solliciter directement des intéressés le paiement des loyers qui lui étaient dus et pour lesquels ceux-ci s'étaient porté caution; qu'il prétend en effet que la nullité de la convention de location-gérance lui est inopposable en application de l'article 11 précité qui prévoit que les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l'encontre des tiers ; que Monsieur Dahan dit être un tiers à la location-gérance puisqu'il était bailleur, en tant que propriétaire des murs, de la société GSD ; qu'il précise que son intervention tant à l'acte de location-gérance qu'au bail se justifiait en raison du fait qu'il était à la fois bailleur et époux de la gérante GSD, Madame Stella Dahan ;
Mais considérant que les engagements de caution dont se prévaut Monsieur Dahan sont intitulés "Acte de cautionnement - contrat de location-gérance" ;que la caution s'engageait uniquement à garantir la société GSD des obligations découlant du contrat de location-gérance "je me porte caution solidaire et conjointe du paiement des droits d'occupation des lieux ainsi que des droits d'occupation révisés, de la redevance de location-gérance telle qu'établie dans ce contrat, des charges et éventuelles indemnités d'occupation, ainsi que des réparations locatives, et des pertes et dégradations du matériel, des pénalités, des intérêts et de la clause pénale, et éventuels frais de procédure ayant reçu un exemplaire du contrat de location-gérance au profit de GSD et ayant parfaitement connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée par les preneurs";
Qu'il ne ressort nullement de cette mention manuscrite apposée par chacune des cautions que celles-ci se soient engagées envers le propriétaire des murs ;
Que dès lors, si Monsieur Dahan qui en tant que tiers au contrat de location-gérance, ne peut se voir opposer la nullité de celui-ci; il n'en reste pas moins qu'il a aucun droit d'action directe à l'encontre de la société Lorema ;que le fait qu'il soit stipulé dans le contrat de location-gérance que le locataire gérant devait "payer directement au propriétaire des locaux, au nom du bailleur, les loyers et charges" n'était qu'une modalité de paiement de partie de la redevance de location-gérance qui ne pouvait créer de droit au profit du bailleur à l'égard des cautions de la société Lorema;
Considérant qu'il s'ensuit de tout ce qui précède que si Monsieur Dahan est recevable en son intervention volontaire, en revanche, il ne peut qu'être débouté des fins de celle-ci;
Considérant que les intimés ne peuvent donc être condamnés ni à raison des indemnités d'occupation ni au paiement de travaux de remise en état pas plus qu'à celui du remboursement du matériel ;
Considérant que l'équité commande de condamner Monsieur Dahan à verser Monsieur Luc Fournier Le Ray et à Mademoiselle Berdugo, la somme de 610 euros à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que les appelants, qui succombent, ne sauraient se voir allouer une indemnité sur ce fondement ;
Par ces motifs, Met hors de cause Maître Giffard ayant agi en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Lorema, Déclare recevable l'intervention volontaire de Monsieur Isaac Dahan, Déboute la société GSD et Monsieur Isaac Dahan de leurs demandes, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a décidé quant à l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Y ajoutant, Condamne la société GSD et Monsieur Isaac Dahan à verser à Monsieur Fournier Le Ray et à Mademoiselle Berdugo la somme de 650 euros à chacun d'eux sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute la société GSD et Monsieur Dahan de leur demande fondée sur ce texte, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a décidé quant au sort des dépens, Condamne la société GSD et Monsieur Dahan aux dépens d'appel autorise la SCP Varin-Petit, avoué de Maître Giffard ès qualité, et, Maître Blin, avoué de Mademoiselle Berdugo et de Monsieur Fournier Le Ray, à les recouvrer chacun en ce qui le concerne, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.