CCE, 21 décembre 2000, n° 2001-371
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Exonération prévue par les Pays-Bas de la taxe sur les matières minérales applicable au titre de la loi sur les engrais
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et en particulier son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations(1), conformément à la disposition précitée, et vu les observations transmises, considérant ce qui suit:
I. PROCEDURE
(1) Par lettre du 7 octobre 1999, enregistrée le 13 octobre 1999, les Pays-Bas ont notifié à la Commission certaines dérogations aux taxes sur les matières minérales introduites par la loi sur les engrais. Des informations complémentaires ont été communiquées par lettre du 10 janvier 2000, enregistrée le 12 janvier 2000.
(2) Par lettre du 20 mars 2000, la Commission a notifié aux Pays-Bas sa décision d'ouvrir la procédure prévue par l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'égard des exonérations envisagées.
(3) La décision prise par la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée dans le Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure d'aide envisagée.
(4) La Commission n'a pas reçu d'observations des intéressés.
(5) Par lettre du 17 mai 2000, les autorités néerlandaises ont fourni des données supplémentaires.
II. DESCRIPTION
(6) Les dispositions du chapitre IV de la loi sur les engrais imposent aux exploitations agricoles la tenue de livres concernant l'utilisation des matières minérales et les émissions maximales de phosphate et de nitrate dans l'environnement, par exploitation. Des taxes sont appliquées sur les émissions excédant les quantités maximales fixées. Des taxes prohibitives ne sont appliquées que si la quantité totale de phosphates et d'azote introduite sur une exploitation, diminuée de la quantité totale de matières minérales sorties, excède, pendant une année civile, les normes relatives au déversement admis de phosphates et d'azote dans l'environnement (ci-après dénommées "normes de perte"). Si une exploitation prend des mesures efficaces, telles que l'évacuation des engrais qui ne peuvent être épandus sur le sol, elle n'est pas assujettie au paiement de taxes.
(7) Dans le cadre de la mesure proposée, les petites exploitations (ci-après dénommées "exploitations hobby") et les jardineries sont totalement exonérées des taxes sur les matières minérales prévues par la loi sur les engrais. Les exploitations horticoles pratiquant des cultures en serre ou sur substrat sont exonérées partiellement.
A. Exonération accordée aux petites exploitations (exploitations hobby)
(8) L'article 38 de la loi sur les engrais prévoit déjà une exonération pour des exploitations d'élevage extensif notamment, la loi visant particulièrement les exploitations qui présentent le plus de risque pour l'environnement, dont les exploitations d'élevage extensif ne font pas partie en principe.
(9) La raison motivant l'introduction d'une exonération en faveur des petites exploitations d'élevage extensif (exploitations hobby) réside dans la circonstance que celles-ci ne se conforment peut-être pas toutes aux exigences formelles prévues par l'article 38 de la loi sur les engrais. On est en droit de supposer que, dans ce cas, la production de fumier animal est tellement limitée que des mesures d'évacuation peuvent être adoptées facilement. L'exonération s'applique aux entreprises qui, en moyenne, ne disposent pas plus de 3 unités de gros bétail (UGB) sur une superficie de 3 hectares de terrain agricole, par année civile(3) et qui n'introduisent pas de fertilisants animaux ou organiques. Ces exploitations hobby sont également exonérées de la taxe destinée à couvrir les frais qu'occasionne au gouvernement la mise en œuvre de la loi sur les engrais.
B. Exonération accordée aux exploitations horticoles
(10) Les exploitations horticoles pratiquant la culture en serre (ci-après dénommées "horticulture liée au sol") ou sur substrat (ci-après dénommées "horticulture non liée au sol") bénéficient d'une exonération partielle. La raison en est que le régime des taxes sur les matières minérales ne tient pas compte de la spécificité du mode cultural de l'horticulture liée au sol et de l'horticulture non liée au sol.
(11) Selon le régime en cause, 460 kilogrammes de phosphates et 800 kilogrammes d'azote au maximum peuvent être exonérés par hectare de substrat ou de bâtiment d'exploitation effectivement utilisé à des fins horticoles.
(12) L'article 54 de la loi sur les engrais prévoit une exonération temporaire pour les engrais artificiels, aux fins de la détermination de la quantité de phosphates. Une exonération similaire est donc également prévue pour l'horticulture.
C. Exonération en faveur des jardineries
(13) Les jardineries disposent de fertilisants destinés à la vente à des particuliers. Elles sont exonérées de la taxe sur les matières minérales. En outre, les jardineries, en tant que vendeur, et les particuliers, en tant qu'acheteur, sont dispensées de l'obligation administrative de préparer un récépissé pour les livraisons d'engrais.
(14) Les jardineries qui exercent également des activités horticoles bénéficient également de l'exonération partielle applicable aux exploitations horticoles évoquée plus haut.
D. Motifs sur lesquels la commission fonde sa décision d'ouvrir la procédure
(15) Bien que les autorités néerlandaises soient d'avis que l'exonération des taxes en cause se justifie par "la nature ou l'économie du système", au sens de la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises(4), ci-après dénommée "communication sur la fiscalité directe", et qu'elle ne constitue donc pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, elles ont soumis cette mesure à l'examen de la Commission.
(16) Le point 23 de la communication sur la fiscalité directe indique que la nature différentielle de certaines mesures ne doit pas nécessairement les faire considérer comme des aides d'État. Tel est le cas de celles dont la rationalité économique les rend nécessaires ou fonctionnelles par rapport à l'efficacité du système fiscal. Il appartient cependant à l'État membre d'en fournir la justification.
(17) Les autorités néerlandaises ont invoqué les motifs exposés ci-dessous.
(18) En ce qui concerne les exploitations hobby: le régime de taxes de régulation sur les matières minérales prévu par la loi sur les engrais (régime de déclaration des matières minérales, ci-après dénommé "Minas") vise à réguler, à l'échelon de l'exploitation, les émissions de phosphates et d'azote dans l'environnement. Minas n'a pas pour but de faire tomber les particuliers qui élèvent quelques animaux sous le coup de la loi, parce que ces particuliers ne peuvent être considérés comme une exploitation agricole et qu'il ne peut être question, dans leur cas, de risque environnemental. Il se peut que celui qui élève quelques animaux et ne possède que peu de terrain ne respecte pas la limite de 2,5 unités de gros bétail par hectare prévue à l'article 38 de la loi sur les engrais et ne puisse pas bénéficier de l'exonération de taxes sur la matière minérale. Pour éviter que des particuliers ne pratiquant pas l'élevage de façon professionnelle soient amenés à payer des taxes, la mesure envisagée prévoit une exonération en faveur des exploitations hobby. La limite fixée pour ce qui est de l'élevage non professionnel d'animaux est de 3 unités de gros bétail, quelle que soit la superficie de terres agricoles disponible.
(19) En ce qui concerne les exploitations horticoles et les jardineries se livrant à des activités horticoles: les forfaits de 460 kilogrammes de phosphates et 800 kilogrammes d'azote prévus pour les entreprises horticoles et les jardineries exerçant des activités horticoles ont été calculés sur la base des données résultant d'une enquête de la station de recherche sur la floriculture et les légumes de serre concernant les prises de phosphates et d'azote par les végétaux cultivés sous verre. Ces données ont fait apparaître que les prises de phosphates et d'azote par les végétaux cultivés sous verre sont, en moyenne, de 460 kilogrammes de phosphates et de 800 kilogrammes d'azote par an. Elles sont donc nettement plus élevées qu'en ce qui concerne les végétaux cultivés en plein air. Étant donné que la production des cultures sous verre est huit fois plus élevée que celle des cultures à l'air libre, cela est logique. Adapter les forfaits applicables aux phosphates et à l'azote à la prise de phosphates et d'azote permet d'éviter que les entreprises en question soit tenues de payer des taxes indues. C'est la raison pour laquelle ces forfaits sont plus élevés que ceux qui sont appliqués aux entreprises agricoles et que les normes prévues par la directive 91-676-CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par le nitrate à partir de sources agricoles (5), ci-après dénommée "directive nitrates".
(20) Pour ce qui est des jardineries disposant d'engrais destinés à être vendus à des particuliers, la quantité d'engrais qu'elles prennent est en fin de compte égale à la quantité vendue.
(21) La Commission a considéré que cette explication n'était pas suffisante pour conclure que les exonérations en question se justifiaient par la nature et l'économie du système.
(22) L'article 38 de la loi sur les engrais prévoit une exonération pour les entreprises d'élevage extensif. Malgré leur volume limité, certaines exploitations hobby peuvent constituer des acteurs économiques. On notera que, dans le secteur de l'agriculture, il n'existe pas de norme de minimis (6). Une exonération particulière pour les exploitations hobby ne répondant pas aux conditions formelles de l'exonération ne semble pas se justifier par la nature ou l'économie du système. Il ne semble en outre pas justifié de se référer au critère des trois unités de gros bétail (quelle que soit la superficie de terre agricole mais, en tout cas, moins de trois hectares) alors que l'exonération générale prévue par l'article 38 se fonde sur un critère de 2,5 unités de gros bétail (par hectare).
(23) En ce qui concerne l'exonération prévue en faveur de l'horticulture, il conviendrait, eu égard à "la nature ou l'économie du système" d'assimiler le terrain ou substrat utilisé aux terres agricoles et d'appliquer les mêmes normes en matière d'apport de matières minérales. Dans le cadre d'une application normale du régime d'entrées et de sorties, l'égalité de traitement serait alors garantie et il ne serait pas question d'aide d'État. En l'espèce, l'apport possible semble beaucoup plus élevé (460 kilogrammes de phosphates par hectare et 800 kilogrammes d'azote par hectare). Il ne semble donc pas y avoir de raison inhérente au système d'accorder l'exonération proposée à l'horticulture.
(24) L'exonération prévue pour les jardineries qui se procurent des engrais pour les vendre à des particuliers peut être considérée comme conforme à "la nature ou l'économie du système", parce que les quantités d'engrais acquises correspondent en principe aux quantités vendues - la jardinerie elle-même ne rejette rien dans l'environnement. De ce point de vue, il ne semble pas être question d'aide. Pour ce qui est de l'exonération en faveur des jardineries qui exercent elles-mêmes des activités horticoles, il ne semble cependant pas y avoir de raison d'octroyer l'exonération prévue, dans la mesure où la même réglementation s'applique également à l'horticulture liée au sol et à l'horticulture non liée au sol.
(25) Enfin, la Commission a des doutes quant à la compatibilité de la loi néerlandaise sur les engrais et le régime d'exonération des taxes sur les matières minérales avec la directive sur les nitrates. Elle a fait parvenir aux autorités néerlandaises une lettre de mise en demeure et a reçu une réponse qu'elle étudie actuellement. Le régime des taxes sur les matières minérales, au titre duquel des entreprises peuvent transgresser les normes de cette directive sur les nitrates pour autant qu'elles paient des taxes, pourrait être incompatible avec cette directive. Le fait que les agriculteurs puissent transgresser des normes pour autant qu'ils paient une taxe n'offre sans doute pas des garanties suffisantes quant au respect des normes. Les normes dites "de perte" sont en outre plus élevées que les valeurs prescrites par la directive sur les nitrates, sans que des taxes soient prévues pour autant. L'article 38 de la loi sur les engrais prévoit déjà une exonération pour les exploitations d'élevage extensif, une quantité maximale d'engrais étant fixée par année civile, quantité exprimée en kilogrammes de phosphates et non pas, comme le prévoit la directive sur les nitrates, en kilogrammes d'azote, et elle dépasse le maximum fixé par la directive. Accorder des exonérations supplémentaires pourrait détériorer encore la situation.
(26) Pour le cas où l'exonération serait accordée aux exploitations hobby, il ne semble pas y avoir en outre de règle garantissant le respect de la norme de la directive sur les nitrates (170 kilogrammes d'azote par hectare par an). Cette directive ne prévoit pas d'exception de minimis pour les petites entreprises. Les autorités néerlandaises n'ont pas montré que lesdites exploitations hobby respectent nécessairement les normes de la directive sur les nitrates.
(27) De plus, il est à noter que la quantité d'azote autorisée pour ce qui est des jardineries et de l'horticulture est nettement plus élevée que les normes de la directive sur les nitrates (170 kilogrammes d'azote par hectare - pour une période de quatre ans, une quantité maximale de 210 kilogrammes est autorisée à titre exceptionnel). En l'absence de données concernant le rejet de nitrates dans l'eau et compte tenu du fait que la quantité d'azote admissible est de loin supérieure aux normes de la directive sur les nitrates, la Commission a des doutes quant aux conséquences que les exonérations prévues pourraient avoir sur l'environnement.
(28) C'est pourquoi la Commission a ouvert la procédure prévue par l'article 88, paragraphe 2, du traité.
III. OBSERVATIONS DES AUTORITES NEERLENDAISES
(29) Par lettre adressée en date du 17 mai 2000 à M. Fischler, membre de la Commission, le ministre néerlandais de l'Agriculture, de la Protection du patrimoine naturel et de la Pêche a exposé à la Commission différents arguments visant à faire réviser l'avis de celle-ci concernant l'ouverture de la procédure. Par lettre du 3 juillet 2000, les autorités néerlandaises ont confirmé que la lettre précédente devait être considérée comme la présentation officielle des observations par les Pays-Bas en réponse à l'ouverture de la procédure, au sens de l'article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil(7).
(30) On trouvera ci-dessous le résumé des données fournies par les autorités néerlandaises.
(31) Les autorités néerlandaises font valoir que c'est à tort que la Commission assimile les mesures envisagées à une exonération d'impôt et, partant, à une perte de recettes fiscales, ce qui constituerait une aide d'État. La Commission ne tient pas compte du caractère prohibitif de la taxe. Minas ne vise pas à générer des recettes en faveur de l'État, il vise à la régulation de l'utilisation d'engrais. Le règlement pourrait donc être comparé à des amendes appliquées en cas d'infraction d'ordre pénal à certaines dispositions. Eu égard au contenu et à l'objectif de la mesure, celle-ci ne saurait être considérée comme une mesure fiscale dont l'exonération constituerait une aide d'État au sens de l'article 87 du traité.
(32) Les autorités néerlandaises indiquent également qu'elles ne contestent pas le droit de la Commission de formuler des objections, au titre de la directive sur les nitrates, à l'encontre des normes fixées dans le cadre de la politique néerlandaise des engrais. Les objections de la Commission doivent toutefois être traitées dans le cadre de la directive sur les nitrates et non dans le contexte d'une procédure relative aux aides d'État.
(33) Les autorités néerlandaises affirment enfin, sans avancer d'autre argument, que les exonérations envisagées se justifient totalement par la nature et l'objectif de Minas.
IV. APPRECIATION
(34) En l'absence de toute autre donnée, les doutes qui ont amené la Commission à ouvrir la procédure à l'encontre des exonérations envisagées persistent.
(35) L'article 87, paragraphe 1, du traité dispose que, "sauf dérogation prévue par le présent traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."
(36) En l'espèce, un État membre accorde une aide à certaines entreprises, puisque celles-ci sont exonérées de taxes déterminées. Le fait que le règlement envisagé est comparable à des amendes infligées en cas d'infraction à certaines dispositions passible de poursuites pénales ne modifie en rien le fait que Minas soit conçu comme un règlement fiscal. Les dérogations à ce règlement peuvent constituer des aides d'État, susceptibles de fausser les relations commerciales entre les États membres. Les animaux sur pied et les produits horticoles font l'objet d'un commerce international considérable. On peut constater en outre que, même si un État membre prévoit une réglementation impliquant des amendes, les exonérations à cette réglementation générale peuvent néanmoins constituer des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.La Cour de justice des Communautés européennes a déclaré en effet que la notion d'aide a une portée plus générale que la notion de subvention puisqu'elle comporte non seulement des prestations positives, comme les subventions elles-mêmes, mais également des mesures qui, sous différentes formes, allègent les charges pesant normalement sur le budget d'une entreprise et, partant, - sans constituer de subventions au sens strict - sont de même nature que des subventions et ont des conséquences identiques(8). Vu que d'autres entreprises sont soumises aux taxes ("amendes"), la position concurrentielle des entreprises exonérées est meilleure. Par rapport à ce qu'indiquent les autorités néerlandaises, on ne saurait exclure, eu égard à la nature et à l'objectif de la réglementation, qu'il puisse s'agir d'une aide d'État. La cour et le tribunal de première instance ont dit plusieurs fois que l'article 87, paragraphe 1, du traité n'établit pas de distinction entre les motifs ou les objectifs des mesures prises par l'État, qu'il s'en tient à leurs conséquences(9). Les conséquences de la mesure en cause, en l'espèce, consistent dans un avantage accordé à certaines entreprises exonérées de taxes déterminées.
(37) Les arguments avancés par les autorités néerlandaises, avant l'ouverture de la procédure, concernant le caractère non commercial de certaines entreprises et la circonstance que les exploitations hobby ne constituent pas des entreprises agricoles(10) (voir considérant 18) doivent également être rejetés. Le caractère non commercial ne constitue qu'une simple hypothèse. Ainsi, comme l'indique la note 3 de bas de page, trois unités de gros bétail correspondent à environ 250 poules pondeuses. Les critères envisagés indiquent uniquement que le bénéficiaire dispose d'une superficie limitée par rapport au nombre d'animaux élevés et ne peut pas bénéficier de l'exonération générale prévue par l'article 38 de la loi sur les engrais (pas plus de 2,5 unités de gros bétail par hectare). La mesure envisagée peut donc profiter à certaines entreprises spécifiques commercialisant des produits de l'annexe I du traité et faisant l'objet ou pouvant faire l'objet d'échanges commerciaux internationaux. C'est pourquoi la mesure en cause ne se justifie pas par la nature ou l'économie du système.
(38) Les autorités néerlandaises n'ont pas avancé d'argument nouveau concernant les jardineries et les exploitations horticoles.
(39) C'est pourquoi la Commission maintient les objections qu'elle a soulevées à l'encontre de l'exonération partielle des exploitations horticoles et des jardineries se livrant à des activités horticoles. En ce qui concerne l'exonération en faveur de l'horticulture, il est normal, eu égard à la nature et à l'objectif général du système, d'assimiler le sol ou substrat utilisé aux terres agricoles et d'appliquer les normes applicables à ces terres agricoles. En l'espèce, les quantités autorisées sont toutefois nettement supérieures [460 kilogrammes de phosphates par hectare et 800 kilogrammes d'azote par hectare (11)]. La taxe n'est due que dès que ces quantités sont dépassées. C'est pourquoi il n'y a pas de raison inhérente au système d'accorder l'exonération prévue à l'horticulture, et les autorités néerlandaises n'ont d'ailleurs avancé aucune raison de ce type. Pour ce qui est de l'exonération partielle des jardineries exerçant des activités agricoles, il n'y a pas de raison inhérente au système d'octroyer l'exonération envisagée, dans la mesure où la même réglementation s'applique à l'horticulture liée au sol et à l'horticulture non liée au sol (les normes fixées pour les phosphates et l'azote étant plus élevées et la taxe n'étant due qu'en cas de dépassement de ces normes). C'est pourquoi la mesure en cause ne se justifie pas par la nature ni l'économie du système.
(40) Les exonérations remplissent en revanche toutes les conditions en question aux points 9 et 10 de la communication sur la fiscalité directe (applicable par analogie): a) la mesure en cause offre au bénéficiaire un avantage réduisant les charges qu'il doit normalement supporter; b) cet avantage est accordé par l'État (perte de revenus); c) la mesure en cause peut avoir une incidence défavorable sur les échanges commerciaux entre États membres, ce qui est le cas lorsque le bénéficiaire exerce une activité économique faisant l'objet de tels échanges et enfin, d) la mesure en cause revêt un caractère spécifique ou sélectif.
(41) Ce type d'aide doit être considéré comme une subvention d'exploitation. Cette aide, qui revient exclusivement à diminuer les coûts normaux d'exploitation de l'opérateur, n'offre au bénéficiaire qu'un avantage économique limité dans le temps, qui cesse d'exister dès que cessent les paiements, et qui peut notamment fausser la concurrence. Une telle aide ne saurait donc être considérée comme une aide au développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas [article 87, paragraphe 3, point a)], ni comme une aide destinée à faciliter le développement de certaines formes d'activités ou de certaines régions économiques [article 87, paragraphe 3, point c)].
(42) Normalement, les subventions d'exploitation ne sont pas autorisées [voir point 5.5.1 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole (12)]. De telles aides ne peuvent être octroyées que si elles sont temporaires et dégressives, ce qui n'est pas le cas de l'aide en cause ici.
(43) La Commission rejette expressément l'argument selon lequel la procédure relative aux aides d'État serait utilisée ou détournée aux fins de l'application de la directive sur les nitrates. L'examen prévu par les articles 87 à 89 du traité porte, entre autres, sur la compatibilité avec d'autres textes de loi communautaires. Il est clair qu'une procédure relative aux aides d'État ne doit jamais aboutir à un résultat contraire aux dispositions spécifiques du traité (13), en l'espèce l'article 174 (ex 130 R) du traité, ni à la réglementation communautaire prise sur la base de ces dispositions (voir article 87, paragraphe 1, du traité). On notera en outre qu'une procédure spécifique d'infraction a été ouverte à l'encontre des Pays-Bas pour non-respect de la directive sur les nitrates(14), dans le contexte de laquelle la Commission a estimé que la législation néerlandaise n'était pas conforme aux dispositions de la directive sur les nitrates. En tout cas, comme nous l'avons vu plus haut, la Commission a confirmé ses objections à l'encontre de l'avantage fiscal envisagé, quelle que puisse être la compatibilité de la réglementation avec la directive sur les nitrates, l'avantage en question devant être considéré comme une simple subvention d'exploitation.
V. CONCLUSION
(44) Pour les motifs exposés ci-dessus, la Commission conclut que les exonérations fiscales envisagées en faveur des petites entreprises (exploitations hobby), des exploitations horticoles et des jardineries se livrant à des activités horticoles ne sauraient être considérées comme servant l'intérêt communautaire et qu'elles ne relèvent donc pas des exceptions prévues par l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.
C'est pourquoi la Commission estime que la mesure d'aide en cause est incompatible avec le Marché commun,
A arrêté la présente décision:
Article premier
Les exonérations fiscales prévues dans le cadre du régime Minas que les Pays-Bas envisagent d'octroyer aux petites entreprises (exploitations hobby), aux exploitations horticoles et aux jardineries se livrant à des activités horticoles ne sont pas compatibles avec le Marché commun. Le régime d'aide ne doit donc pas être appliqué.
Article 2
Les Pays-Bas communiquent à la Commission, dans les deux mois suivant la communication de la présente décision, les mesures qu'ils auront prises pour s'y conformer.
Article 3
Le Royaume des Pays-Bas est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 190 du 8.7.2000, p. 4.
(2) Voir note 1 de bas de page.
(3) Par exemple, une truie destinée à l'abattage correspond à 0,288 unité de gros bétail, de sorte que dix truies de ce type peuvent être élevées; une poule pondeuse de plus de dix-huit semaines correspond à 0,012 unité de gros bétail, de sorte que 250 poules pondeuses peuvent être élevées.
(4) JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.
(5) JO L 375 du 31.12.1991, p. 1.
(6) Communication de la Commission relative aux aides de minimis (JO C 68 du 6.3.1996, p. 9).
(7) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.
(8) Arrêt rendu le 17 juin 1999 dans l'affaire C-295-97, Piaggio contre Ilfitalia et autres, Recueil 1999, p. I-3735.
(9) Arrêt rendu le 17 juin 1999 dans l'affaire C-75-97, Belgique contre Commission ("Maribel bis/ter"), Recueil 1999, p. I-3671; arrêt rendu le 28 janvier 1999 dans l'affaire T-14-96, BAI contre Commission, Recueil 1999, p. II-139.
(10) On notera que, dans le projet de loi et dans l'exposé des motifs, il est question tout simplement de "petites entreprises", de sorte que les entreprises commerciales ne semblent en aucun cas être exclues de l'exonération envisagée.
(11) On notera, par exemple, à titre de comparaison, que la loi sur les engrais dispose que les rejets autorisés par hectare de terres agricoles sont de 35 kilogrammes de phosphates pour 2000 et 2001 et que cette quantité maximale sera ramenée à 25 kilogrammes à partir de 2005, et que la quantité maximale de rejets d'azote dans les pâturages est de 275 kilogrammes pour 2000 et 2001 et que cette quantité sera ramenée à 200 kilogrammes à partir de 2005.
(12) JO C 28 du 1.2.2000, p. 2.
(13) Voir l'arrêt rendu par la cour le 15 juin 1993 dans l'affaire C-225-91, Matra contre Commission, Recueil 1993, p. I-3203.
(14) Voir communiqué de presse IP/00-204 de la Commission du 1er mars 2000.