CA Paris, 13e ch. A, 17 décembre 1996, n° 96-01211
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mathieu
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Avocat général :
M. Blanc
Conseillers :
MM. Guilbaud, Paris
Avocats :
Mes Lemaire, Vignet.
Rappel de la procédure:
La prévention
G Jean-François, S Philippe:
sont poursuivis pour avoir à Auxerre courant novembre 1993 trompé Christian Mathieu, acheteur d'une automobile Renault Super 5 sur les qualités substantielles du véhicule alors que son état le rendait dangereux;
G Jean-François:
d'avoir à Auxerre, courant 1993, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la vente d'un véhicule Renault Super Cinq d'un bien ou d'un service;
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré:
G Jean-François:
coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant novembre 1993, à Auxerre, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation,
coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis courant novembre 1993, à Auxerre, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,
S Philippe:
coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant novembre 1993, à Auxerre, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation,
Et par application de ces articles,
a condamné:
G Jean-François à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 F d'amende,
a déclaré Maître Verplaetse, mandataire liquidateur de la société X dont le siège social est <adresse>, civilement responsable de Monsieur G Jean-François,
S Philippe à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 F d'amende,
a prononcé la résolution de la vente intervenue et a condamné solidairement G Jean-François, S Philippe et Maître Verplaetse, mandataire liquidateur de la société X à verser à Monsieur Christian Mathieu la somme de 28 000 F en remboursement du véhicule ainsi que la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues,
les a condamnés tous trois solidairement à verser à M. Mathieu la somme de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP,
a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
- Monsieur S Philippe, le 19 septembre 1995 contre Monsieur Mathieu Christian
- M. le Procureur de la République, le 20 septembre 1995 contre Monsieur S Philippe
- Monsieur Mathieu Christian, le 28 septembre 1995 contre Monsieur S Philippe, Monsieur G Jean-François
Décision:
Rendue contradictoirement à l'égard de X et de la partie civile, contradictoirement en application de l'article 410 du CPP à l'égard des prévenus et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu, Philippe S et la partie civile, Christian Mathieu, à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention,
Le Ministère public a également interjeté appel de cette décision à l'encontre de Philippe S;
Monsieur l'Avocat général requiert de la cour la confirmation du jugement déféré;
Par voie de conclusions, Christian Mathieu demande à la cour de:
- condamner in solidum MM. S et G à lui payer la somme de 28 000 F à titre de dommages-intérêts à compter du 27 novembre 1993,
- lui donner acte de ce qu'il a restitué depuis longue date le véhicule litigieux auprès du garage automobile de M. S (ancienne concession Y Auxerre),
- condamner en outre MM. S et G in solidum à lui payer les sommes suivantes:
- en remboursement de l'expertise Prieur: 1 200 F
- en remboursement de la carte grise: 586 F
- en remboursement de la vignette: 259 F
- en réparation de son préjudice moral et matériel: 20 000 F
outre une somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP
- en tout état de cause, fixer le droit à paiement par Maître Verplaetse, ès qualité de mandataire liquidateur de la société X au profit de M. Mathieu de l'ensemble des sommes ci-dessus visées;
- dire que les sommes allouées produiront intérêts à compter du 14 septembre 1995 (date du prononcé du jugement correctionnel);
- condamner enfin les mêmes dans la même solidarité en tous les dépens;
Représenté par son conseil, Maître Verplaetse, mandataire liquidateur de la société X s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur la fixation de la créance;
Bien que régulièrement cités à personne, G Jean-François et S Philippe ne comparaissent pas. Il sera statué à leur encontre contradictoirement par application de l'article 410 du CPP.
Sur l'action publique:
Considérant qu'ayant eu son attention attirée par une annonce parue dans la presse locale, Christian Mathieu achetait, le 27 novembre 1993, un véhicule Renault Super Cinq d'occasion, année 1990, présenté comme en "excellent état" auprès de la concession Y d'Auxerre;
Que toutefois, le bon de commande et la facture étaient établis au nom du Garage X;
Qu'après avoir rencontré des problèmes liés à l'utilisation de la boite de vitesse, Christian Mathieu décidait de faire expertiser le véhicule à Sens;
Que le rapport d'expertise précisait que compte-tenu des anomalies constatées, le véhicule pouvait être considéré comme dangereux (support moteur et suspension avant droite déformés);
Considérant que l'enquête a établi que la voiture Renault Super Cinq revendue à Christian Mathieu par le garage X d'Auxerre avait été acquise en mai 1992 pour le prix de 4 500 F car fortement accidentée;
Qu'à cette époque, un véhicule similaire - non accidenté - coûtait 29 400 F;
Qu'il a cependant été revendu fin novembre 1993 au prix de 28 000 F à Christian Mathieu alors que sa cote Argus s'établissait à environ 23 400 F et qu'en outre, les réparations nécessitées par l'accident n'avaient pas été faites dans les règles de l'art;
Considérant que Jean-François G était employé en qualité de vendeur de véhicules d'occasion à la société X;
Qu'il a passé l'annonce présentant, faussement, le véhicule litigieux comme étant en excellent état;
Qu'il était, lors de la transaction, le dirigeant de fait du garage X;
Considérant cependant que les dispositions pénales du jugement sont devenues définitives en ce qui concerne Jean-François G, faute d'appel du Ministère public à l'encontre de ce prévenu;
Considérant que Philippe S, gérant de la SARL "PHS", concession Y Auxerre, a, sans conteste, participé à la revente du véhicule;
Que sa signature apparaît en effet clairement à la rubrique "vendeur" sur le bon de commande versé aux débats;
Considérant que la cour est convaincue que Philippe S, professionnel de l'automobile, ne pouvait ignorer que le véhicule mis en vente avait été fortement accidenté et restait dangereux en l'état;
Qu'il a, à tout le moins, omis de vérifier l'état réel d'un véhicule présenté à tort à acquéreur comme étant en excellent état et ainsi engagé sa responsabilité pénale;
Considérant que la cour confirmera le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité ainsi que sur les peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende prononcées à l'encontre de Philippe S, qui constituent une juste application de la loi pénale;
Sur l'action civile:
Considérant que la cour constate que le tribunal a prononcé la résolution de la vente, excédant ainsi les pouvoirs impartis au juge pénal;
Qu'il convient dès lors d'annuler le jugement attaqué dans ses dispositions civiles, d'évoquer et de statuer sur le fond;
Considérant qu'il échet de recevoir Christian Mathieu en sa constitution de partie civile;
Considérant que la cour qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par la partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, condamnera solidairement Jean-François G et Philippe S à verser à Christian Mathieu la somme de 38 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, et ce avec intérêts de droit à compter du jour où l'arrêt à intervenir sera devenu définitif;
Considérant que la cour déclarera la société X civilement responsable de son préposé Jean-François G et rejettera la demande formulée par Christian Mathieu tendant à voir fixer à son profit le droit à paiement par Maître Verplaetse ès qualité de mandataire liquidateur de la société X;
Que la cour enfin condamnera solidairement Jean-François G et Philippe S à verser à la partie civile la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de la partie civile et de la société X représentée par son mandataire liquidateur Maître Verplaetse, contradictoirement par application de l'article 410 du CPP à l'encontre des prévenus; Constate que les dispositions pénales du jugement dont appel sont devenues définitives à l'égard de Jean-François G; Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et les peines prononcées à l'encontre de Philippe S; Annule le jugement entrepris dans ses dispositions civiles; Evoque sur les intérêts civils; Reçoit Christian Mathieu en sa constitution de partie civile; Condamne solidairement Jean-François G et Philippe S à verser à la partie civile la somme de 38 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 5 000 F pour frais irrépétibles; Dit que les sommes allouées produiront intérêts de droit à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif; Déclare la société X civilement responsable de Jean-François G; Rejette la demande de la partie civile tendant à voir fixer à son profit le droit à paiement par Maître Verplaetse; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable S Philippe.