CA Paris, 13e ch. A, 25 mars 1996, n° 96-00055
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Avocat général :
M. Blanc
Conseillers :
MM. Guilbaud, Paris
Avocat :
Me Regensberg.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a:
- déclaré B Edouard coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, en l'espèce en vendant des luminaires qui ne répondaient pas aux normes de sécurité NF 60 598,
faits commis le 19 octobre 1993, à Saint-Brieuc,
infraction prévue par les articles L. 213-2 1, L. 213-1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1 Code de la consommation,
et, en application de ces articles, l'a condamné à une amende de 50 000 F, dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
Monsieur B Edouard, le 7 novembre 1995, au pénal,
M. le Procureur de la République, le 7 novembre 1995 contre Monsieur B Edouard,
Décision:
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;
Par voie de conclusions Edouard B soulève - in limine litis - la nullité de la citation introductive et demande, en conséquence, son renvoi des fins de la poursuite
Subsidiairement il sollicite l'indulgence de la cour:
Il fait valoir que le libellé de la citation initiale laisse présumer que son destinataire serait la société X, prise en la personne de son Président, mais que cette précision fait défaut;
Il soutient qu'en toute logique, seule la société devrait être impliquée et lui-même mis purement et simplement hors de cause;
Il affirme par ailleurs que des imprécisions grèvent le mémoire de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes qui ont pesé à tort lors de la fixation de l'amende par les premiers juges;
Il expose à cet égard que contrairement à l'image déformée de la société X, reflétée par le mémoire de l'administration, il n'y a eu ni recherche de profits excessifs, ni privilège des dits profits au détriment de la sécurité mais, à l'inverse, fonctionnement attentif d'une société bien gérée dont la vigilance a cependant "laissé échapper un article";
II souligne d'autre part que dès qu'elle en a été informée la société X a réclamé à ses clients le retour immédiat de toutes les pièces en stock et qu'il s'agit du premier procès-verbal d'infraction en 28 ans d'activité;
Monsieur l'Avocat général requiert la cour de joindre l'incident au fond, de rejeter l'exception de nullité soulevée, d'aggraver la peine d'amende infligée et d'ordonner en outre la confiscation des objets saisis;
Considérant qu'après en avoir délibéré la cour a joint l'incident au fond;
Qu'il convient de statuer par un seul et même arrêt sur l'incident et sur le fond;
Sur l'exception de nullité:
Considérant que la cour observe que si la citation à comparaître a été délivrée à "X M. B Edouard" ce dernier n'a pu avoir cependant aucun doute sur l'objet et la portée réels de l'acte par lequel il a été traduit devant le tribunal;
Que d'ailleurs dans un courrier adressé le 2 février 1995 au parquet de Meaux X écrivait: "Nous accusons réception de votre avertissement à prévenu daté du 23 janvier, destiné au responsable de notre entreprise, M. Edouard B, qui est actuellement absent";
Qu'au demeurant, la responsabilité pénale des personnes morales - non prévue en matière de tromperie - n'exclut aucunement, dans les cas où elle peut être recherchée, celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits;
Considérant qu'il convient de rejeter l'exception de nullité soulevée et d'examiner l'affaire au fond;
Sur le fond:
Considérant que la SA X, dont le prévenu est le PDG, importait le 17.9.1992 de Taiwan 1800 luminaires pour enfants dont une partie était par la suite commercialisée sur le territoire national;
Que le 19.10.1993 un contrôle était effectué par la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Côtes d'Armor au rayon luminaire du Magasin "Maréchal et Brilleaud" de Saint-Brieuc;
Que lors de ce contrôle un prélèvement était effectué sur l'un des articles provenant de l'importation précitée;
Qu'un rapport d'examen technique n° 11106-93 du laboratoire interrégional de la Répression des Fraudes de Paris Massy, régulièrement notifié le 26.12.1993, concluait à la non-conformité du produit qui se révélait par ailleurs dangereux car susceptible de faire courir à l'utilisateur un risque de choc électrique;
Que le 20 janvier 1994, 864 lampes enfants Olivier Saint Honoré Maxi 60 W -type A - référence 86 - 6262 B - origine Chine étaient saisies au siège de la société X par la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Seine-et-Marne en application de l'article L. 215-5 du Code de la consommation (P-V de saisie n° 0025-94);
Qu'entendu le 26.10.1994 par les services de Police, Edouard B ne contestait pas la matérialité des faits et ne sollicitait aucune contre expertise;
Qu'il faisait toutefois valoir que la société X avait immédiatement demandé le retour de tous les luminaires litigieux dont la non-conformité incombait "exclusivement au fabricant";
Considérant que sans remettre en cause, d'une façon générale, la réalité des précautions prises par X pour s'assurer de la conformité des produits par elle mis sur le marché il n'en demeure pas moins que, dans le cas précis soumis à l'appréciation de la cour, cette entreprise s'est limitée à se fier aveuglément aux simples affirmations de son fournisseur étranger sans procéder elle-même au moindre auto-contrôle;
Que lors des vérifications entreprises par l'Administration les responsables de X se sont ainsi avérés tout à fait incapables de fournir des documents justifiant de la conformité du matériel concerné aux régies de sécurité électrique;
Considérant qu'il appartenait à Edouard B, en sa qualité de PDG de la société X, responsable de la première mise sur le marché, de veiller personnellement à la conformité des produits critiqués aux prescriptions en vigueur;
Qu'en s'en abstenant le prévenu s'est manifestement rendu auteur d'une négligence coupable entraînant sa responsabilité pénale;
Considérant qu'il convient de confirmer la décision attaquée sur la déclaration de culpabilité et sur l'amende infligée qui constitue une juste application de la loi pénale, tenant compte de la relative gravité des agissements commis mais aussi de la personnalité du prévenu délinquant primaire;
Qu'y ajoutant la cour ordonnera la confiscation des 864 lampes saisies étant rappelé que ce matériel a été reconnu non conforme et dangereux;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre du prévenu, Joint l'incident au fond; Rejette l'exception de nullité soulevée; Rejette les conclusions de relaxe du prévenu; Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende, Y ajoutant, Ordonne la confiscation des 864 lampes saisies (P-V de saisie n° 0025-94 de la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Seine-et-Marne); Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.