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Décisions

CA Poitiers, ch. corr., 12 septembre 1996, n° 95-00799

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Biofranc, Nature et Progrès, FNAB, Gabso, UFC Niort, UNITRAB

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baudon

Substitut :

général: Mme Granger

Conseillers :

MM. Hovaere, Daniau

Avocats :

Mes Liberman, Branche, de Beaumont, Dabin.

TGI Bressuire, ch. corr., du 3 oct. 1995

3 octobre 1995

Décision dont appel

Le tribunal a:

Sur l'action publique

- relaxé Dominique V du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur et l'a déclaré coupable du délit de tromperie sur la nature et l'origine de marchandises,

- condamné Dominique V à la peine de 1 an d'emprisonnement, Dit qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine d'emprisonnement à concurrence de 8 mois,

- l'a condamné en outre à une peine d'amende de 25 000 F,

- déclaré Jean-Pierre B coupable du délit de complicité de tromperie sur la nature et l'origine de marchandise,

- condamné Jean-Pierre B à la peine d'amende de 10 000 F,

- déclaré Marie-Claude M épouse B coupable du délit de complicité de tromperie sur la nature et l'origine de marchandises,

- condamné Marie-Claude M épouse B à la peine d'amende de 10 000 F,

Vu l'article L. 216-3 du Code de la consommation,

- ordonné la publication du présent jugement par extrait comprenant l'identité des condamnés, les faits dont ils ont été reconnus coupables et le dispositif dans les journaux suivants: "Le Courrier de l'Ouest", "La Nouvelle République" et "Du Sol à la Table",

- dit que la publicité ordonnée est aux frais des condamnés sans que le montant de ceux-ci puisse excéder le montant maximum de la peine encourue soit la somme de 250 000 F.

Sur l'action civile

- reçu la FNAB, la FRAB, l'association Biofranc, le Gabso, l'UFC et l'UNITRAB en leurs constitutions de parties civiles,

- déclaré les prévenus susnommés solidairement responsables du préjudice subi par ces parties civiles,

- condamné solidairement Monsieur V Dominique, Monsieur P Gildas, Monsieur B Jean-Pierre et Madame M Marie-Claude épouse B à payer:

- à l'Union Interprofessionnelle des Producteurs, Transformateurs et Distributeurs de l'Agriculture Biologique (UNITRAB), la somme de un franc à titre de dommages-intérêts,

- à la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB), la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- à la Fédération régionale de l'agriculture biologique Poitou-Charentes (FRAB), la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code procédure pénale,

- à l'association Biofranc, la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- au Groupement des agriculteurs biologistes du Sud-ouest (Gabso), la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- à l'Union fédérale des consommateurs de Niort et des Deux-Sèvres (UFC), la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- condamné solidairement les prévenus susnommés aux dépens de ces actions civiles,

- déclaré M. Guimbretière Henri, l'Association européenne d'agriculture et d'hygiène biologiques nature et progrès et la Confédération Paysanne des Deux-Sèvres irrecevables en leurs constitutions de parties civiles,

- laissé les dépens de l'action civile à leur charge.

Appel a été interjeté par:

- le prévenu, M. V Dominique, le 9 octobre 1995,

- M. le Procureur de la République, le 9 octobre 1995 contre Monsieur V Dominique,

- les parties civiles: la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB), l'association des producteurs en agriculture biologique Biofranc, la Fédération régionale de l'agriculture biologique Poitou-Charente (FRAB, l'Association européenne d'agriculture et d'hygiène biologiques "Nature et Progrès", le Groupement des agriculteurs biologistes du Sud-ouest (Gabso), l'Union fédérale des consommateurs de Niort et des Deux-Sèvres le 13 octobre 1995,

- le prévenu, Monsieur B Jean-Pierre, le 29 novembre 1995,

- la prévenue, Madame M Marie-Claude, le 29 novembre 1995,

- M. le Procureur de la République, le 29 novembre 1995 contre Monsieur B Jean-Pierre, Madame M Marie-Claude.

Décision:

La cour vidant son délibéré, Vu le jugement entrepris, dont le dispositif est rappelé ci-dessus, Vu les appels susvisés, réguliers en la forme,

Dominique V est prévenu:

- d'avoir sur le territoire national, courant 1993-1994, trompé les clients de la SARL X, contractant, sur la nature et l'origine des céréales (blé tendre, blé dur, tournesol, seigle) vendus sous le label "biologique" alors qu'ils n'en relevaient pas,

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation,

- d'avoir sur le territoire national, courant 1993-1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en apposant sur "des décomptes d'apport de céréales" sur des "factures de vente" et sur des "congés", la mention "Bio" ou de "culture biologique",

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation;

Jean-Pierre B est prévenu de s'être à La Roche L'Abeille (87) en 1993 et en 1994, au préjudice de ses clients, rendu complice du délit de tromperie commis par la SARL X en vendant des céréales sous le label "biologique" alors qu'ils n'en relevaient pas,

Infraction prévue et réprimée par les articles 121-7 et 121-6 du Code pénal, L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation;

Marie-Claude M épouse B est prévenue de s'être à La Roche l'Abeille (87) en 1993 et en 1994, au préjudice de ses clients, rendu complice du délit de tromperie commis par la SARL X en vendant des céréales sous le label "biologique" alors qu'ils n'en relevaient pas,

Infraction prévue et réprimée par les articles 121-7 et 121-6 du Code pénal, L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation;

Rappel des faits et de la procédure

Au cours de l'été 1994 la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DCCRF) a procédé à un contrôle des activités de la SARL X (X), implantée à Saint-Lin (79) et dont le gérant était Monsieur Dominique V.

L'administration avait en effet été avisée de ce que la société X, dont l'objet était le négoce des céréales et des oléagineux, était susceptible de vendre des céréales issues de la culture conventionnelle (avec engrais et produits chimiques) sous l'appellation "Bio" ou "Biologique" et a un prix correspondant aux produits issus de l'agriculture biologique.

Ce contrôle a porté sur la période du 1er juillet 1993 au 30 juin 1994, et a été effectué par des agents habilités à partir des stocks de la société X, des factures d'achats et de ventes, ainsi que des certificats de conformité à l'agriculture biologique délivrés à la X par les organismes agréés. De même, des investigations ont été effectuées auprès des fournisseurs et des clients de cette société.

Les conclusions de la DCCRF ont été que, sur la période considérée, la société X avait vendu davantage de céréales "Bio" que ce que ses achats et ses stocks réels auraient pu lui permettre de proposer à ses clients.

Les excédents, attribués par les agents vérificateurs à une utilisation frauduleuse de l'appellation "Bio" affectée à des céréales de culture conventionnelle, étaient de 31.786 quintaux pour le blé tendre, 8.382 quintaux pour le blé dur, 2.485 quintaux pour le tournesol et 1.214 quintaux pour le seigle.

En outre, un contrôle effectué sur du blé vendu comme issu de l'agriculture biologique par la société X à la société Agrarius a mis en évidence la présence d'un insecticide de stockage, à des doses vingt fois supérieures aux doses tolérées par les règlements applicables.

Les enquêteurs de la DCCRF ont évalué à au moins 2 800 000 F le gain illicite généré par ces pratiques frauduleuses, compte tenu de la différence de prix de vente sur le marché entre les céréales issues de la culture conventionnelle et celles issues de la culture biologique.

Certains fournisseurs de la société X ont été entendus et ont reconnu que des céréales, comptabilisées et revendues par cette entreprise sous l'appellation "Bio", avaient subi des traitements, ou avaient été récoltés sur des sols qui ne permettaient pas l'appellation "biologique".

Ainsi les époux B ont reconnu avoir vendu à la société X du seigle acquis comme seigle biologique alors qu'il avait été produit sur des sols en reconversion, c'est-à-dire durant les deux années transitoires exigées pour passer d'une exploitation conventionnelle à une culture biologique.

Monsieur V, poursuivi en sa qualité de gérant de la X, a contesté sa responsabilité pénale en invoquant, d'une part l'absence de fiabilité du contrôle opéré par la DCCRF et d'autre part un flou juridique ne permettant pas, selon lui, de déterminer à l'époque des faits, ce qui relevait ou non de la culture biologique.

Cités à comparaître pour ces faits devant le Tribunal correctionnel de Bressuire, Dominique V, Jean-Pierre B et Marie-Claude M épouse B ont été condamnés par jugement du 3 octobre 1995 dont le dispositif est reproduit en tête du présent arrêt.

Monsieur V a, le 9 octobre 1995, interjeté appel des dispositions pénales et civiles de ce jugement et le Ministère public a formé appel incident des dispositions pénales du jugement le concernant.

Le 13 octobre 1995 les parties civiles suivantes ont interjeté appel : la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France, l'association Biofranc, la Fédération régionale de l'agriculture biologique Poitou-Charentes, l'Association européenne d'agriculture et d'hygiène biologiques "Nature et Progrès", le Groupement des agriculteurs biologistes du Sud-Ouest et l'Union fédérale des consommateurs de Niort et des Deux-Sèvres.

Enfin, le jugement a été signifié aux époux B le 22 novembre 1995, ils en ont interjeté appel dans le délai légal et le Ministère public a formé un appel incident des dispositions pénales concernant ces deux prévenus.

Au soutien de son appel, Monsieur V allègue que la SARL X a été contrôlée par la DCCRF alors que la réglementation de la culture biologique venait d'être bouleversée par l'entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 1993, du règlement CEE du 24 juin 1991, et que cette réglementation nouvelle était tellement complexe que l'administration elle-même n'avait pu organiser de façon satisfaisante le nouveau système de contrôle et de certification des produits.

Sur le fond, Monsieur V conclut à la confirmation de sa relaxe du chef de publicité mensongère et à la réformation du jugement pour le surplus, en se fondant sur les moyens et arguments reproduits ci-après:

1. Sur la réglementation communautaire applicable dont une note explicative a été publiée en octobre 1995, bien après les faits

Il n'est effectivement pas possible de reprendre l'intégralité des 31 dispositions légales applicables à la production biologique, mais de reprendre principalement les dispositions du règlement CEE n° 2092-91 du 24 juin 1991 (qui a été modifié 18 fois depuis 1991 par 18 règlements modificatifs publiés au Journal officiel des Communautés européennes).

En effet, il est rappelé que l'article 2 dudit règlement précise que : 'aux fins du présent règlement, un produit est considéré comme portant des indications se référant au mode de production biologique, lorsque dans l'étiquetage, la publicité ou les documents commerciaux, le produit ou ses ingrédients sont caractérisés par les indications en usage dans chaque Etat membre, suggérant à l'acheteur que le produit ou ses ingrédients ont été obtenus selon les règles de production énoncées à l'article 6 et, en particulier, par les termes suivants, à moins que ces termes ne s'appliquent pas aux produits agricoles contenus dans les denrées alimentaires ou ne présentent de toute évidence aucun rapport avec le mode de production : .../..., en français : biologique. .../...

En raison des difficultés rencontrées par l'ensemble des intervenants (agriculteurs et administrations) de la filière biologique en France, le ministère de l'Agriculture publie une note d'information intitulée "Produits Bio- Mode d'emploi', qui sera publiée seulement en octobre 1995 bien après les faits et dans laquelle il est précisé à la rubrique "Comment identifier les produits Bio ?" les informations suivantes:

".../...

L'étiquetage et la publicité des produits issus de l'agriculture biologique sont soumis à des règles spécifiques très précises selon leur pourcentage d'ingrédients biologiques. La réglementation est répartie en cinq groupes:

- BIO A PLUS DE 95 %

Les produits végétaux biologiques non transformés et les produits végétaux transformés, dont la teneur en ingrédients d'origine agricole biologique est supérieure à 95 %.

Ces produits peuvent dans leur dénomination de vente se référer au mode de production biologique en tant que mode de production agricole et utiliser les termes en usage dans chaque Etat membre.

De plus, les produits végétaux biologiques contrôlés, dont les matières premières ont été récoltées et transformées sur le territoire de l'Union européenne, peuvent comporter l'indication de conformité suivante : "Agriculture biologique - Système de contrôle CEE" et/ou le futur logo européen. Cette mention est facultative mais elle doit être indiquée impérativement suivant la rédaction suivante

"Agriculture biologique -

Système de contrôle CEE" Nom de l'organisme certificateur

Nom et/ou raison sociale du producteur, du préparateur ou du vendeur

Il est précisé qu'à partir du 1er janvier 1997, le nom de l'organisme certificateur sera obligatoire sur tous les produits issus de l'agriculture biologique.

- BIO A PLUS DE 70 %

Les produits végétaux transformés, dont la teneur en ingrédients d'origine agricole biologique est au moins égale à 70 %.

Ces produits ne peuvent utiliser la mention "Agriculture biologique" dans leur dénomination de vente.

Cependant, ils doivent utiliser, dans le même champ visuel que la dénomination de vente mais dans une partie séparée, la mention suivante: "X % des ingrédients d'origine agricole ont été obtenus selon les règles de la production biologique".

- BIO A PLUS DE 50 %

Cette catégorie n'existera plus au 31 décembre 1997.

Les produits végétaux transformés comprenant au moins 50 % d'ingrédients biologiques, peuvent faire référence au mode de production agricole biologique suivant des règles d'étiquetage précises.

- BIO A MOINS DE 50 %

Les produits végétaux transformés dont la teneur en ingrédients d'origine agricole biologique est inférieure à 50 %.

Aucune indication se référant au mode de production biologique n'est autorisée.

Ce pourcentage sera porté à 70 % au 1er janvier 1998.

- BIO EN CONVERSION

Les produits contrôlés dont les matières premières proviennent d'exploitations en conversion vers l'agriculture biologique depuis au moins un an avant la récolte;

./.

Il convient de constater à la lecture même dé ces différents documents administratifs, qu'à aucun moment, l'indication "Bio" ou "Produits Bio Vrac" entre dans le champ d'interdiction de la réglementation applicable et que seule l'appellation "Produits issus de culture biologique" est susceptible d'entrer dans le respect des dispositions légales évoquées ci-dessus.

2. Sur la question préjudicielle éventuelle relative à l'application de l'article 177 du traité de Rome

L'article 177 du traité de Rome permet d'obtenir l'interprétation de la Cour de Justice de l'Union européenne pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation qu'il y aurait lieu de faire du règlement CEE du 24 juin 1991.

En effet, Monsieur Dominique V est accusé d'avoir vendu sous la mention "Bio" ou encore "Culture biologique", sans avoir respecté les dispositions réglementaires évoquées supra et en particulier, celles résultant de l'article 2 du règlement CEE du 24 juin 1991.

Il convient de noter que l'administration française a fait une interprétation particulière du règlement CEE du 24 juin 1991, et qu'il résulte de cette situation un "flou juridique" particulièrement regrettable et qui ne pourrait en aucune mesure être préjudiciable à Monsieur Dominique V, ledit "flou juridique" ayant voulu être effacé en octobre 1995 par la brochure de la Direction Générale de l'Alimentation "Produits Bio -Mode d'emploi" , mais qu'en tout état de cause, le problème juridique posé est bien celui de l'identification des produits "Bio" et l'association d'un pourcentage du mot "Bio' semble être la nouvelle règle qui sera applicable dans quelques années, et il est probable qu'un nouveau règlement communautaire, pris en concertation avec les Etats Membres, arrêtera certainement une terminologie précise sur les produits biologiques afin de mettre un terme au "flou juridique' actuel.

La Cour d'appel de Poitiers appréciera la nécessité d'un recours éventuel à l'application de l'article 177 du traité de Rome, ou pourra constater qu'en tout état de cause, aucune terminologie précise n'a hélas été arrêtée tant par l'administration française que par la réglementation communautaire au moment des faits reprochés à Monsieur Dominique V.

3. Sur l'origine des poursuites pénales à l'encontre de Monsieur Dominique V:

La base des poursuites pénales repose sur la base de l'article L. 213-1 de la loi du 26 juillet 1993 dont le texte est le suivant:

"Sera puni d'un emprisonnement de trois mois au moins, deux ans au plus et d'une amende de 1 000 F au moins ou 230 000 F au plus, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers:

1 - soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toute marchandise,

2 - soit sur la quantité des choses livrées, ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat,

3 - soit sur l'attitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre"

4 - Sur la non-réunion des éléments constitutifs de l'infraction concernant Monsieur Dominique V

Il apparaît que la DGCCRF a fait un lien juridique pour le moins étrange entre l'interprétation du règlement CEE du 24 juin 1991 et l'article L. 213-1 du Code de la consommation qui a pour but de protéger le consommateur final des mentions figurant sur les produits destinés au grand public.

Il convient donc de considérer dans un premier temps que Monsieur V n'a pas violé les dispositions de l'article 2 du règlement CEE du 24 juin 1991 (4-1) et que, d'autre part les éléments constitutifs d'une infraction conformément aux dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la consommation ne sont pas réunis (4-2).

4-1: Monsieur V, ès qualité de gérant de la SARL X aujourd'hui en liquidation judiciaire, n'a pas violé les dispositions de l'article 2 du règlement CEE du 24 juin 1991.

4-1-1 : Sur l'application de l'article 2 du règlement CEE du 24 juin 1991

La DGCCRF opère une savante confusion sur les termes "Bio", "Biologique" et "Issu de l'agriculture biologique" alors que les contrôles effectués sur les produits "Bio" ou portant toute autre dénomination que "Produits issus de l'agriculture biologique" ne seraient être retenus à charge contre Monsieur Dominique V.

En effet, la DGCCRF ne mentionne dans son procès-verbal de délit que les:

- décomptes d'apport de céréales,

- congés,

- factures.

Sur les décomptes d'apport en céréales, il convient de préciser que ceux-ci correspondent à des factures établies pour le compte du producteur selon un usage constant dans le négoce des céréales.

Sur les congés, il convient de préciser que ceux-ci sont des documents de nature juridique qui n'engagent en rien leur auteur quant à la nature de la marchandise vendue.

Sur les factures, il convient de rappeler que les mentions utilisées par la SARL X en 1993, date de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation, étaient les suivantes:

- "Bio Vrac"

- "Bio France Verte" (respectant le cahier des charges "France Verte")

- "Bio Mention ABF" (respectant le cahier des charges "ABF")...

La raison pour laquelle différentes terminologies ont été utilisées par la SARL X, s'explique par le fait qu'en 1993, aucune mention officielle n'était imposée concernant l'agriculture biologique, puisque l'administration française, à savoir le ministère de l'Agriculture, n'avait pris aucune décision concernant la mise en œuvre de l'article 2 du règlement Communautaire du 24 juin 1991 relatif à la dénomination: "Produits issus de l'agriculture biologique", et que l'ensemble des agriculteurs utilisaient différentes terminologies pour des productions ayant le caractère biologique, ce qui était le cas pour la SARL X, puisqu'il convient de souligner que l'ensemble des produits biologiques commercialisés par celle-ci, remplissait le cahier des charges de l'Association "ABF" au de l'association "France Verte" et que les contrôles réguliers étaient effectués concernant la non-utilisation de pesticides comme en atteste l'attestation d'analyses du Laboratoire Lacapa en date du 5 février 1993 qui concernait, dans le présent exemple, le blé dur, tuais qui a été également réalisé pour d'autres céréales commercialisées par la SARL X.

Enfin, il convient également d'attirer l'attention de la Cour sur le fait qu'un grand nombre de produits destinés à la vente publique, utilisent des appellations génériques, sans que le ministère de l'Agriculture, des associations de consommateurs ou des associations professionnelles agricoles aient engagé de poursuites, et il sera cité à titre d'exemple non limitatif:

- Bio de la marque Danone

- Biofidus

- Skip aux agents biologiques

- Biorgue huile extra Bio...

sans parler du grand nombre de sociétés utilisant dans leur dénomination sociale ou enseigne la terminologie "Bio", et dont la preuve est simplement rapportée par la copie de l'annuaire du téléphone.

En conclusion, en 1993, date des faits reprochés aujourd'hui à Monsieur Dominique V et date de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, il apparaissait qu'aucune obligation légale ne s'imposait aux agriculteurs de la filière biologique lorsque ceux-ci vendaient des produits qui mettaient en œuvre une production naturelle, ce qui était le cas pour la SARL X puisque celle-ci vendait en tout état de cause des céréales exemptes de tout pesticide.

De ce fait, Monsieur Dominique V ne pouvait violer les dispositions légales qui ne seront officialisées en octobre 1995, après une période de "flou juridique" correspondant exactement à l'année 1993, et que le ministère de l'Agriculture a parfaitement conscience de la situation comme en atteste la Circulaire commune du ministère de l'Agriculture et au ministère de l'Economie et des Finances du 24 février 1994 déjà évoquée supra.

4-1-2 : Sur les contrôles effectués par la DDCCRF en 1994

Il convient de se référer à un tableau récapitulatif relatif à l'état des stocks de la SARL X au moment du contrôle de la DDCCRF.

Ce tableau récapitulatif permet de matérialiser la confusion faite par la DDCCRF concernant les stocks, puisque:

- les stocks de Boureisse (86) n'ont pas été contrôlés par la DDCCRF,

- les stocks de Saint-Lin (79) concernant la récolte de 1992, ont été contrôlés par la DDCCRF,

- que le tonnage global sur l'année est d'environ 4 500 tonnes (pour 82 000 tonnes de céréales produites en France).

Il ressort donc de ce tableau qu'au niveau des entrées et des sorties, une confusion a été opérée par la DDCCRF puisqu'il ne tient pas compte de documents importants que sont les factures "France Verte" (Agrarius) et que celles-ci représentent un volume important qui ne rentre pas dans le cadre des produits "issus de l'agriculture biologique" niais qui respectait cependant une charte de qualité relative à l'environnement puisque sans pesticide.

Il n'a pas été tenu compte également par la DDCCRF des reports de céréales stockées dans l'ancien silo de la SARL X à Boureisse (86), ni de la facture de la société Edhou Breizh représentant 110 tonnes de tournesols qu'il convient d'ajouter aux entrées de 1993/1994.

Que le stock agréé récolte 1992, situé sur le site de Boureisse (86) n'a jamais été comptabilisé par la DDCCRF (voir tableau) ainsi que les apports de blé "France Verte" (voir cahier des charges) vendus à Agrarius.

En conclusions, si l'on comptabilise les tonnages dont il est fait mention dans le tableau récapitulatif, on constatera que la SARL X a bien les pièces justificatives d'entrées et de sorties des céréales biologiques.

4-2: Sur la non-réunion des éléments constitutifs de l'infraction au regard de l'article L. 213-1 du Code de la consommation

Les éléments constitutifs de la prétendue infraction ne peuvent être retenus à l'encontre de Monsieur Dominique V puisque celui-ci n'a pas violé les dispositions du Code de la consommation dont l'objectif est de protéger le consommateur final.

Qu'il convient de considérer que tant l'élément matériel (4-2-1) que l'élément moral (4-2-2) ne sont réunis concernant les faits reprochés à Monsieur Dominique V.

4-2-1: Sur la non-existence de l'élément matériel

La SARL X aujourd'hui en liquidation judiciaire, Monsieur Dominique V, ès qualité de gérant au moment des faits, n'ont en aucune manière trompé ou tenté de tromper un quelconque co-contractant, puisque cet autre professionnel pouvait à tout moment exiger les preuves nécessaires à la qualification des céréales.

Qu'en ce qui concerne les agriculteurs en amont de la SARL X, ceux-ci ont vendu ou prétendu avoir vendu des céréales répondant à un minimum de qualités rentrant dans le cadre de la production de céréales biologiques (Monsieur Paitreault et les époux Bruguet)

Qu'en ce qui concerne les agriculteurs en aval de la SARL X, ceux-ci en leur qualité de professionnels, avaient toute liberté pour accepter ou refuser les céréales commercialisées par la SARL X ou exiger tous documents administratifs utiles.

En tout état de cause, il convient de rappeler une nouvelle fois qu'aucune céréale n'a été vendue au consommateur final sous une fausse appellation qui aurait pu tromper celui-ci.

4-2-2 : Sur la non-existence de l'élément moral

Le droit pénal veut qu'il n'y ait pas d'infraction sans élément intentionnel. Aucun fait ou document ne permet de conclure que Monsieur Dominique V ait voulu tromper l'un quelconque de ses co-contractants, ou tenter de le faire, co-contractant, faut-il le rappeler une dernière fois, lui-même professionnel de la filière biologique qui se mettait en place en 1993.

Il faut rappeler (a) le "flou juridique" en France sur les appellations "biologiques" en 1993, (b) le fait que Monsieur V a demandé l'intervention dés mars 1993 d'organismes certificateurs, (c) que celui-ci n'est intervenu qu'en novembre-décembre 1993 - sans aboutissement, (d), que des producteurs ont vendu eux-mêmes à la SARL X des produits "biologiques" et que suite à un contrôle de ces produits, il s'est avéré qu'ils ne pouvaient bénéficier de cette appellation et qu'en conséquence la SARL X a elle-même été induite en erreur, (e), le fait que la SARL X avait respecté les cahiers des charges des associations "France Verte et "ABF" et (f) qu'en tout état de cause, les produits commercialisés par la SARL X faisaient l'objet de contrôles réguliers garantissant une production sans pesticides. Dans ces conditions, la relaxe s'impose donc.

En conséquence, les éléments nécessaires à la constitution de l'infraction évoquée aux termes de l'article L. 213-1 du Code de la consommation, ne sont pas réunis, étant enfin précisé si besoin était, que contrairement aux affirmations de la DDCCRF, la SARL X n'avait aucun intérêt financier pouvant justifier une quelconque intention frauduleuse puisque, faut-il le rappeler:

- la SARL X a fait l'objet d'un contrôle fiscal dont le résultat s'est avéré totalement négatif et n'a donc fait l'objet d'aucun redressement,

- la SARL X a été mise en liquidation judiciaire quelques mois après le contrôle de la DGCCRF et que le prétendu bénéfice de près de 3 millions de francs allégué par la DGCCRF, s'avère donc particulièrement fantaisiste au regard des faits évoqués supra.

En conclusion et pour mémoire, il convient de rappeler une dernière fois que la filière de l'agriculture biologique a réalisé un chiffre d'affaires de 3 milliards de francs et que l'on compte environ 3 000 producteurs dans cette filière et 4 150 entreprises de transformation et de distribution et que le modeste chiffre d'affaires de la SARL X s'est élevé dans l'année la plus profitable à 30 millions de francs, ceci sur l'ensemble des produits vendus.

Il conviendra donc de relaxer purement et simplement Monsieur Dominique V du fait que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis et que celui-ci n'a en particulier jamais violé en 1993 les dispositions de l'article 2 du règlement CEE du 24 juin 1991.

Que la SARL X et son gérant, Monsieur V, ont fait l'objet d'une véritable cabale comme le montrent les nombreux articles de presse publiés à l'occasion du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bressuire et que l'on assiste à une mauvaise représentation de la comédie de William Shakespeare "Beaucoup de bruit pour rien".

Par ces motifs:

Il est demandé à la Cour d'appel de Poitiers:

1. Sur l'action publique:

de confirmer la relaxe prononcée par le Tribunal de grande instance de Bressuire en date du 3 octobre 1995, au motif que les éléments constitutifs de l'infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, ne sont pas réunis à l'encontre de Monsieur Dominique V;

d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bressuire en date du 3 octobre 1995 en relaxant Monsieur Dominique V du chef de tromperie sur la nature et l'origine de marchandises, au motif que les éléments constitutifs de l'infraction prévue par l'article L. 213-1 de la loi du 26 juillet 1993, ne sont pas réunis et qu'aucune preuve n'a été apportée par la DGCCRF que la SARL X, aujourd'hui en liquidation judiciaire, et que son gérant au moment des faits, Monsieur Dominique V, n'ont violé les dispositions de l'article 2 du règlement CEE du 24 juin 1991, puisque aucune appellation particulière n'avait été arrêtée dans le cadre de la production de céréales biologiques applicable à compter du 1er janvier 1993, puisqu'en fait le règlement CEE renvoyait aux administrations nationales le soin de reprendre des appellations précises dans ce domaine qui, à ce jour, n'ont toujours pas été définitivement arrêtées;

2. Sur l'action civile:

de débouter purement et simplement l'ensemble des associations s'étant portées parties civiles dans le cadre de la présente procédure, au motif qu'elles ne peuvent justifier d'aucun préjudice matériel ou moral puisque aujourd'hui, la SARL X n'a plus d'existence judiciaire et que Monsieur Dominique V agissait à l'époque des faits ès qualité de gérant de ladite SARL;

de condamner chacune des parties civiles à payer à Monsieur Dominique V la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et matériel occasionné à l'occasion d'une procédure relevant de l'abus de droit, et qui n'avait manifestement pour objectif que de faire disparaître un concurrent, à savoir la SARL X, ce qui a hélas été fait;

3. Sur les dépens:

de laisser les dépens de l'action publique à la charge du Trésor public et condamner les parties civiles au paiement des dépens de l'action civile;

Le Ministère public, appelant incident, requiert la confirmation du jugement attaqué;

l'Union fédérale des consommateurs de Niort et des Deux-Sèvres conclut à la confirmation pure et simple du jugement et à la condamnation de Monsieur V et des époux B à lui verser 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel;

Les autres parties civiles appelantes concluent à la confirmation du jugement sur l'action publique, à la condamnation de Monsieur V à payer à chacune d'elles une somme de 12 600 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ainsi qu'au versement, à titre de dommages-intérêts, des sommes suivantes:

500 000 F à Biofranc;

500 000 F à Nature et Progrès qui demande à être reçue en sa constitution de partie civile;

500 000 F à la FNAB;

250 000 F à la FRAB;

250 000 F au Gabso.

Discussion

Sur l'action publique:

Attendu que Monsieur V allègue, aux termes de ses conclusions reproduites ci-dessus, la difficulté qu'il y aurait à interpréter le règlement CEE du 24 juin 1991 et évoque l'opportunité d'une éventuelle question préjudicielle à ce sujet;

Attendu qu'il est exact que ce règlement a été maintes fois modifié pour être adapté aux particularités de la production agricole biologique;

Attendu cependant que le préambule dudit règlement expose clairement l'esprit du texte et affirme de manière non équivoque que les règlements communautaires doivent permettre de protéger l'agriculture biologique, d'assurer la transparence à chaque étape de la production et de la préparation des produits et de conduire à une plus grande crédibilité de ces produits aux yeux des consommateurs;

Attendu que ces principes directeurs imposent aux producteurs et aux négociants au-delà du respect formel de certaines appellations ou de certains pourcentages, une obligation de transparence et de loyauté sur l'origine réelle des produits;

Attendu, au demeurant, que l'article 2 du règlement communautaire incriminé n'évoque nullement une liste limitative de termes indicatifs d'une origine biologique d'un produit mais édicte qu"aux fins du présent règlement, un produit est considéré comme portant des indications se référant au mode de production biologique lorsque, dans l'étiquetage, la publicité ou les documents commerciaux, le produit ou ses ingrédients sont caractérisés par les indications en usage dans chaque Etat membre, suggérant à l'acheteur que le produit ou ses ingrédients ont été obtenus selon les règles de production énoncées à l'article 6 et, en particulier par les termes suivants:... en français : biologique";

Attendu qu'il n'est nullement besoin d'avoir recours à la procédure de la question préjudicielle pour interpréter ce texte;

Attendu que, dès le 1er janvier 1993, Monsieur V était en mesure, à la lecture de ce règlement non équivoque, de déterminer s'il pouvait mentionner sur ses documents commerciaux que des céréales avaient la qualité "Bio" ou "Biologique" lorsque celles-ci n'étaient pas, en réalité, issues d'un mode de culture biologique, et si une telle pratique n'aboutissait pas fatalement à tromper les différents intermédiaires et, in fine, le consommateur;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que Monsieur V faisait figurer sur ses factures des mentions telles que "Blé Tendre" "Bio Vrac" ou "Blé Tendre Biologique Vrac", en ajoutant même sur certaines factures la mention "Marchandise issue de l'agriculture biologique" ou "Produit issu de culture biologique", qu'il en est notamment ainsi sur des dizaines de factures établies par la société X pour la société Agrarius; qu'il en est de même pour les autres types de céréales négociées par la société X;

Attendu que si Monsieur V a pu justifier qu'une partie des céréales ainsi vendues avait été certifiées par les organismes habilités, il n'en reste pas moins que les vérifications minutieuses effectuées par les agents de la DCCRF démontrent formellement que la société X n'a jamais possédé en stock et n'a même jamais acquis les quantités de céréales qu'elle a revendues sous les appellations "Bio" et autres rappelées ci-dessus; que même en prenant en compte les pièces produites par Monsieur V devant la Cour il est prouvé, par les balances réalisées par les agents vérificateurs, que plusieurs milliers de quintaux de blé tendre, de blé dur, de tournesol et de seigle ont été vendus par la société X sous l'appellation "Bio" ou "Biologique" alors qu'ils provenaient de l'agriculture conventionnelle;

Attendu au surplus que les factures de ces ventes démontrent que le prix payé par l'acquéreur était bien le prix du marché des céréales issues de la culture biologique, sensiblement plus élevé que celui des céréales non biologiques;

Attendu qu'indépendamment des vérifications comptables, les autres investigations ont confirmé ces pratiques frauduleuses de la société X;

Attendu en effet qu'un contrôle de blé vendu par la société X à la société Agrarius comme du blé issu de l'agriculture biologique a révélé la présence d'insecticide à des doses vingt fois supérieures à celles admises par le règlement communautaire;

Attendu, de même, que les époux B ont reconnu qu'ils avaient vendu du seigle provenant d'un sol en reconversion à la société X qui l'avait acquis, en connaissance de cause, sous l'appellation et au tarif du "seigle Bio"; que ce seigle a été revendu à un nommé Boiron par la société X sous l'appellation "seigle biologique";

Attendu que ces seuls exemples sont révélateurs de l'existence et de la persistance des pratiques frauduleuses de Monsieur V;

Attendu que ce dernier est un spécialiste du négoce des céréales; qu'il se réfugie derrière ce qu'il appelle le "flou juridique" de la réglementation pour affirmer que l'élément intentionnel du délit de tromperie ferait défaut en l'espèce;

Attendu en réalité que Monsieur V ne pouvait ignorer qu'en mettant sur le marché des céréales issues de la culture conventionnelle sous l'appellation "Bio", ou "Biologique", ce qui est équivalent dans l'esprit du client, et en vendant ces produits au prix des céréales réellement issues de la culture biologique, il trompait ses cocontractants sur les qualités substantielles des céréales, et provoquait nécessairement un étiquetage ultérieur fallacieux de la part de tous les intermédiaires, aboutissant à tromper le consommateur en bout de chaîne;

Attendu que dans ces conditions, c'est par des motifs pertinents que les premiers Juges ont déclaré Dominique V coupable du délit de tromperie et les époux B coupables de complicité de ce délit;

Attendu que c'est également par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a relaxé Monsieur V du chef de publicité mensongère;

Attendu que les peines prononcées à l'égard des prévenus sont adaptées à la gravité des faits, aux circonstances de l'espèce et à la personnalité de chaque prévenu et seront confirmées; qu'il en est de même des mesures de publication dont il convient cependant de réduire le coût;

Sur l'action civile

Attendu que l'Association européenne d'agriculture et d'hygiène biologiques "Nature et Progrès" verse aux débats ses statuts d'où il résulte qu'elle a notamment pour objet d'assurer la défense des intérêts économiques, matériels, juridiques et moraux de la profession d'agrobiologiste;

Attendu que, par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a dit que les faits commis par les prévenus avaient causé un préjudice matériel et moral direct aux associations ayant un tel objet; que l'association "Nature et Progrès" sera donc déclarée recevable en sa constitution de partie civile, le jugement étant pour le surplus confirmé en ce qui concerne la recevabilité de l'action civile des autres associations et fédérations;

Attendu, en ce qui concerne les dommages-intérêts alloués, que le tribunal a fait une exacte appréciation des sommes devant être mises à la charge de Monsieur B et de son épouse pour réparer le préjudice subi par chaque partie civile qu'au demeurant les parties civiles appelantes ne sollicitent l'augmentation des dommages-intérêts qu'à l'égard du seul Monsieur V; que les dispositions civiles du jugement concernant les époux B seront confirmées;

Attendu en revanche que l'importance de la fraude commise par Monsieur V a causé un préjudice considérable aux différentes parties civiles; que la cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer ainsi qu'il suit l'indemnité devant être mise à la charge de ce prévenu pour réparer intégralement le préjudice de chaque victime:

- pour la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB) : 50 000 F,

- pour l'Association européenne d'agriculture et d'hygiène biologiques "Nature et Progrès": 50 000 F,

- pour l'association des producteurs en agriculture biologique (Biofranc) : 50 000 F,

- pour la Fédération Régionale d'Agriculture Biologique Poitou-Charentes : 30 000 F,

- pour le Groupement des agriculteurs biologistes du Sud-Ouest (Gabso): 30 000 F,

Attendu que les dispositions du jugement concernant l'UFC de Niort et des Deux-Sèvres et l'UNITRAB seront confirmées;

Attendu enfin qu'il apparaît inéquitable de laisser les parties civiles supporter l'intégralité des frais qui ne seront pas pris en charge par l'Etat;

Que Monsieur V sera condamné à verser à chaque partie civile une somme de 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges: LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel en matière correctionnelle et en dernier ressort; Reçoit l'appel principal de Dominique V et les appels incidents du Ministère public, de Jean-Pierre B, de Marie-Claude M épouse B, de la FNAB, de Biofranc, de la FRAB Poitou-Charentes, de Nature et Progrès, du Gabso et de l'UFC de Niort et des Deux-Sèvres; Sur l'action publique: Confirme les dispositions du jugement concernant Dominique V, Jean-Pierre B et Marie-Claude M épouse B tant en ce qui concerne la culpabilité que les peines prononcées; Ordonne la publication do présent arrêt, aux frais de ces trois condamnés, dans le Courrier de l'Ouest, la Nouvelle République du Centre Ouest et la revue "Du sol à la table", par extrait, en fixant à 5 000 F maximum le coût de chaque insertion; Le tout en application des articles susvisés; Sur l'action civile: Confirme le jugement attaqué en ce qui concerne la recevabilité des constitutions de parties civiles, à l'exception de l'Association européenne d'agriculture et d'hygiène biologiques "Nature et Progrès"; Réformant le jugement sur ce point, Déclare recevable la constitution de partie civile de "Nature et Progrès"; Confirme les dispositions civiles du jugement concernant les époux B et l'UFC partie civile appelante; Réforme le jugement en ce qui concerne les dommages-intérêts alloués aux autres parties civiles appelantes; Condamne Dominique V à verser, à titre de dommages-intérêts, les sommes suivantes: 50 000 F à la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France; 50 000 F à l'Association européenne d'agriculture et d'hygiène biologiques "Nature et Progrès"; 50 000 F à l'association des producteurs en agriculture biologique (Biofranc); 30 000 F à la Fédération Régionale d'Agriculture Biologique du Poitou-Charentes; 30 000 F au Groupement des agriculteurs biologistes du Sud-Ouest; Confirme en tant que de besoin les autres dispositions civiles du jugement ainsi que les dispositions relatives à l'application des dispositions de l'article 475-1 do Code de procédure pénale en première instance; Y ajoutant, Condamne Dominique V à verser, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure pénale, en cause d'appel, 2 500 F à chacune des parties civiles suivantes: l'UNITRAB, la FNAB, la FRAB, Nature et Progrès, le Gabso, Biofranc et l'UFC de Niort et des Deux-Sèvres; L'arrêt, conformément à l'article 486 du Code de procédure pénale, a été signé par Monsieur Hovaere, Conseiller, ayant participé au délibéré, en l'absence du Président légitimement empêché.