Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 28 octobre 1996, n° 96-03062

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

M. Blanc.

Conseillers :

MM. Paris, Ballouhey

TGI Créteil, 11e ch., du 8 févr. 1996

8 février 1996

Rappel de la procédure:

La prévention:

B Jean-Claude est poursuivi du chef de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, en l'espèce en sa qualité de chef secteur épicerie du magasin X:

- avoir trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise en plaçant sous 20 bouteilles de marque Gold River et 60 bouteilles de marque Hopking, un balisage linéaire mentionnant notamment "Whisky Gold River" et "Hopking Whisky" pour des produits ne pouvant correspondre à la définition du whisky,

Faits commis de mai 1994 au 1er juin 1994, à Charenton-le-Pont,

Infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation;

- avoir effectué une publicité mensongère en plaçant sous 20 bouteilles de marque Gold River et 60 bouteilles de marque Hopking, un balisage linéaire mentionnant notamment "Whisky Gold River" et "Hopking Whisky" pour des produits ne pouvant correspondre à la définition du whisky,

Faits commis de mai 1994 au 1er juin 1994, à Charenton-le-Pont,

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation;

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

déclaré B Jean-Claude non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. le procureur de la République, le 9 février 1996 contre Monsieur B Jean-Claude

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur le seul appel du Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Bien que régulièrement cité B Jean-Claude ne comparait pas. Il n'est pas établi par la citation délivrée à sa personne qu'il a eu connaissance de l'audience. Il sera statué à son encontre par application des dispositions de l'article 410 du Code de procédure pénale;

Monsieur l'Avocat général reprenant à son compte les motivations telles qu'énoncées par Monsieur le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil dans son rapport d'appel requiert de la cour l'infirmation du jugement dont appel et la condamnation de B Jean-Claude dont il estime la culpabilité établie;

Il indique plus précisément que c'est à tort que le tribunal a pu retenir l'absence d'intention frauduleuse pour prononcer la relaxe de M. B, chef de rayon au magasin X de Bercy;

Qu'en effet le procès-verbal des agents de la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes fait justement ressortir que le 1er juin 1994, le rayon whisky était annoncé par deux pancartes indiquant "whisky" et "whisky, champagne, mousseux". Qu'aucune pancarte ne portait l'indication "Spiritueux de Whisky". Que cette mention ne figurait que sur l'étiquetage apposé sur les bouteilles. Que le balisage linéaire, de même faisait apparaître les mentions "whisky 59,90 F Gold River "70 cl" et "1er prix Hopking whisky 70 cl 44 F", et ce sans indication de la nature exacte du produit offert à la vente, à savoir "spiritueux de whisky";

Que l'intention frauduleuse apparaît dès lors suffisamment démontrée puisque l'on présente comme un "1er prix whisky" un produit qui n'a pas droit à cette appellation;

Que le tribunal ne pouvait en l'espèce relaxer le prévenu;

Que les boissons alcoolisées comme le whisky sont pour les distributeurs des produits d'appel et qu'il paraît plus que légitime que ceux-ci portent la plus grande attention à la manière dont est effectuée la publicité de ces produits sur les lieux de vente;

Il demande à la cour d'infliger à B Jean-Claude 6 000 F d'amende;

Considérant qu'il convient de rappeler que par procès-verbal en date du 28 septembre 1994 l'enquêteur de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes exposait que le 1er juin 1994 il s'était rendu à l'hypermarché X sis Centre Commercial Bercy 2 Place de l'Europe à Charenton 94227 et exploité par la SNC Super Ouest et Cie (Brest 29) et avait été reçu par le prévenu B chef du secteur épicerie;

Considérant que l'enquêteur précise que dans le secteur des boissons alcoolisées, le rayon whisky est annoncé par deux pancartes indiquant: "whisky" et "whisky, champagne, mousseux";

Que dans ce rayon se trouvent notamment deux produits répertoriés par un balisage linéaire mentionnant:

"whisky 59,90 F Gold River 70 cl" et "1er prix Hopking whisky 70 cl 44 F",

Que l'étiquetage apposé sur ces bouteilles mentionne notamment:

- pour le Gold River: "Blended whisky spirit

spiritueux au whisky

30 % vol."

- pour le Hopking: "Spirit with whisky

spiritueux au whisky

30 % vol."

Considérant qu'il indique que B lui a présenté les factures de fournisseurs de ces deux produits: le Gold River est facturé "Spiritueux Gol Riv. 30.70 C", le Hopking est facturé "B. Spirit. WH Hopking";

Qu'il a donc constaté qu'aussi bien l'étiquetage que la facturation présentent ces produits comme des spiritueux et non comme des whiskies. Qu'en conséquence ces deux produits ne pouvaient donc pas être qualifiés "whisky";

Qu'en effet la réglementation donne une définition précise de la dénomination whisky: en effet le règlement CEE n° 1576-89 du Conseil du 29 mai 1989 (JO CE du 12.6.1989) établissant les règles générales relatives à la définition, à la désignation et à la présentation des boissons spiritueuses, définit, dans ces articles 1er paragraphe 4 point b et article 3 point 1, le whisky comme:

La boisson spiritueuse obtenue par distillation d'un moût de céréales:

- saccharifié par la diastase du malt qu'il contient, avec ou sans autres enzymes naturelles,

- fermenté sous l'action de la levure,

- distillé à moins de 94,8 % Vol. de telle sorte que le produit de la distillation ait un arôme et un goût provenant des matières premières utilisées,

- vieilli pendant au moins trois ans dans des fûts en bois d'une capacité inférieure ou égale à 700 litres, et présentant un titre alcoométrique minimal de 40 % Vol. pour être livré à la consommation;

Considérant qu'il indique que les boissons Gold River et Hopking ne correspondent pas à cette définition mais à la définition générale des spiritueux (article 1er point 2 du règlement CEE susvisé) à savoir:

Une boisson alcoolique ayant un titre alcoométrique minimal de 15 % Vol. obtenu par mélange d'une boisson spiritueuse avec une ou plusieurs autres boissons spiritueuses et du distillat d'origine agricole. Comportant un certain pourcentage de whisky ces boissons sont alors des spiritueux au whisky;

Qu'aucune durée de vieillissement n'est exigée pour ces produits et que dans le cas présent on remarque que ces produits ne font que 30 % vol.

Qu'interrogé sur ces anomalies M. B a fait remarquer que les spiritueux au whisky sont présentés à la fin du rayon whisky;

Considérant que M. B a donc fait la différence entre un spiritueux au whisky à 30 % Vol. et un whisky à 40 % Vol. et ne pourra invoquer une erreur de balisage car d'une part les mentions portées sur les étiquetages et les factures portent bien la dénomination réelle des produits, d'autre part le fait d'indiquer "1er prix Hopking Whisky 70 cl 44 F" indique que ce produit est bien proposé pour du whisky car on trouve des spiritueux au whisky à moins de 44 F marque Backgammon à 25,95 F et marque Baron Ronald à 36,30 F;

Considérant en conséquence que la cour estime, bien que devant le tribunal le prévenu ait fait plaider l'absence de toute intention frauduleuse ainsi, que l'absence de possibilité d'induire le consommateur éventuel en erreur, qu'en réalité en plaçant sous 20 bouteilles de marque Gold River et 60 bouteilles de marque Hopking, un balisage linéaire mentionnant notamment "whisky Gold River" et "Hopking whisky" pour des produits ne pouvant correspondre à la définition du whisky le prévenu a effectué une publicité comportant des indications fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur sur la nature et les qualités substantielles du produit proposé à la vente au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation (art. 44 de la loi 73-1193 du 27.12.1973);

Que par ailleurs en procédant de la sorte le prévenu a trompé ou tenté de tromper l'acheteur sur la nature, les qualités substantielles et la composition des marchandises au sens de l'article L. 213-1 du Code de la consommation, loi n° 93-949 du 26.7.1993 (art. 1er loi du 1er août 1905 modifié);

Considérant qu'il convient en conséquence, l'intention frauduleuse ressortant de la constatation même des délits reprochés, d'infirmer le jugement dont appel et de condamner B Jean-Claude eu égard à la relative gravité des faits à une amende de 10 000 F;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, par application de l'article 410 du Code de procédure pénale, sur le seul appel du Ministère public; Infirme le jugement déféré; Déclare B Jean-Claude coupable d'avoir trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise en plaçant sous 20 bouteilles de marque Gold River et 60 bouteilles de marque Hopking, un balisage linéaire mentionnant notamment "Whisky Gold River" et "Hopking Whisky" pour des produits ne pouvant correspondre à la définition du whisky; faits commis de mai 1994 au 1er juin 1994, à Charenton-le-Pont; infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation; avoir effectué une publicité mensongère en plaçant sous 20 bouteilles de marque Gold River et 60 bouteilles de marque Hopking, un balisage linéaire mentionnant notamment "Whisky Gold River" et "Hopking Whisky" pour des produits ne pouvant correspondre à la définition du whisky; faits commis de mai 1994 au 1er juin 1994, à Charenton-le-Pont; infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation; Condamne le prévenu à 10 000 F d'amende; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.