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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 10 février 1988, n° 86-13271

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dammarie distribution (Sté), Champidis (Sté), Disanto (Sté), Sody (Sté), Vitry distribution (Sté), Association des centres distributeurs Leclerc

Défendeur :

Fédération française des syndicats des libraires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

MM. Drai, Gelineau-Larrive

Avocat général :

M. Boulley-Duparc

Conseiller :

M. Pierre

Avoués :

Me Lecharny, SCP Fanet, SCP Gauzere, Lagourgue

Avocats :

Mes Jousset, Parleani, Bardeche, Spitzer.

TGI Paris, du 7 juill. 1986

7 juillet 1986

Statuant sur l'appel interjeté pas l'Association des centres distributeurs Leclerc (ACD Leclerc), les sociétés Dammarie distribution (Dammary les Lys), Disanto (Antony), Vitry distribution (Vitry-sur-Seine), Champidis (Champigny-sur-Marne) et Sody (Dimay) à l'encontre d'une ordonnance de référé en date du 7 juillet 1986 par laquelle le Président du Tribunal de grande instance de Paris a:

- fait défense, sous astreinte provisoire de 1 000 F par infraction constatée, aux exploitants des 5 centres Leclerc ci-dessus dénommés de vendre ou d'exposer à la vente des livres édités en France et non importés ou réimportés, à un prix non conforme à la loi du 10 août 1981.

- fait défense à l'Association ACD Leclerc, sous astreinte de même montant, de laisser vendre ou exposer à la vente des livres dans des conditions qui viennent d'être définies.

- autorisé la fédération française des syndicats des libraires à faire constater par huissier les infractions éventuelles.

- condamné in solidum l'Association et les 5 centres Leclerc à payer à la fédération la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile (NCPC).

Il est fait référence à la décision déférée pour un exposé détaillé des faits de la cause, de la procédure suivie, de la motivation du premier juge, le présent arrêt se bornant à rappeler, en les précisant au besoin, les points suivants:

Les 5 centres Leclerc proposent à la vente, notamment à la suite d'un encart publicitaire paru dans le numéro de "France soir" daté du 19 juin 1986, des livres à des prix inférieurs de 20 à 40 % aux prix publics fixés en vertu de la loi du 10 août 1981 modifiée par la loi du 13 mai 1985.

Aux termes de la loi du 10 août 1981, l'éditeur ou importateur de livres est tenu de fixer leur prix de vente au public, le détaillant devant ensuite pratiquer un tarif compris entre 95 et 100 % de ce prix - sauf exceptions prévues aux articles 3 et 5 de la loi en ce qui concerne notamment les livres scolaires, les bibliothèques publiques ou les livres édités ou importés depuis plus de 2 ans. Ce régime s'applique aussi, selon les modalités fixées à l'article 1er, dernier alinéa, aux livres édités en France, exportés puis réimportés.

La loi du 13 mai 1985 déclare la réglementation fixée par ce dernier texte applicable, sauf fraude, aux livres importés en provenance d'un Etat membre de la Communauté.

I - Les appelantes exposent que l'ensemble de cette réglementation est incompatible avec les règles communautaires et les principes du traité de Rome d'égalité, non-discrimination et libre concurrence, en ce qu'elle a pour effet, d'une part, de créer une "discrimination à rebours" faussant le jeu de la concurrence au profit des opérateurs économiques qui s'approvisionnent auprès d'autres Etats membres que la France, et, d'autre part, de favoriser les ententes et pratiques concertées entre importateurs de livres et détaillants, ainsi que les abus de position dominante, du fait de la délégation donnée par les pouvoirs publics aux éditeurs de fixer librement les prix de vente sans avoir égard aux règles ordinaires du marché.

Elles font valoir en outre que les éditeurs et libraires ne respectent pas eux-mêmes cette réglementation, et notamment les dispositions du décret du 3 décembre 1981, puisqu'ils recourent au procédé du "codage" des livres de collection non conforme aux augmentations successives de prix.

Elles soutiennent en conséquence que la vente d'ouvrage à des prix inférieurs à ceux découlant de l'application des normes fixées par la loi du 10 août 1981 ne saurait, en toute hypothèse, constituer un trouble "manifestement illicite" puisqu'il existe en l'espèce une contestation sérieuse sur la licéité de la réglementation française au regard des règles communautaires, et notamment des articles 30, 85 et 86 du traité de Rome et que le juge des référés est ainsi incompétent pour connaître du litige.

La Fédération intimée, cependant, s'oppose à cette argumentation au motif, notamment, que le problème de la compatibilité entre le droit, la matière et le droit communautaire a été définitivement et clairement tranché dans le sens de l'affirmative par la Cour de justice des Communautés européennes notamment dans son arrêt Cognet du 23 octobre 1986; que la licéité de la réglementation française ne peut donc à présent soulever aucun doute et qu'il n'y a pas lieu non plus à poser de question préjudicielle à la Cour de justice.

Elle fait valoir en outre que les éditeurs et les libraires se conforment eux-mêmes strictement aux dispositions des lois de 1981 et 1985 et du décret du 3 décembre 1981, sans abuser d'une quelconque "position dominante" puisque les éditeurs négocient chaque année des "engagements de modération" avec les pouvoirs publics.

Elle soutient en effet que les infractions commises par les Centres Leclerc à l'encontre de la "loi Lang" provoquent un trouble manifestement illicite sur le marché du livre et justifient ainsi l'intervention du juge des référés, et qu'il en serait ainsi - compte tenu des dispositions du décret du 17 juin 1987 modifiant l'article 809 du NCPC - même si le problème juridique soulevé par les Centres Leclerc pouvait, par pure hypothèse, donner encore lieu à contestation sérieuse.

II - S'agissant, spécialement, de l'action dirigée contre l'Association des centres distributeurs Edouard Leclerc, à qui le juge des référés a fait défense de "laisser" vendre ou exposer à la vente des livres à des conditions de prix irrégulières. L'appelante soutient qu'elle ne peut, en toute hypothèse, qu'être mise hors de cause.

Elle expose à cet effet qu'elle ne vend pas elle-même de livres ni ne participe, directement ou non, aux campagnes publicitaires organisées par certains centres distributeurs, pour la promotion de ces ventes; que sa raison d'être étant de constituer le "relais philosophique" de la pensée de M. Edouard Leclerc, elle ne regroupe que des personnes physiques à l'exclusion de toute société commerciale; qu'il s'ensuit que les 5 sociétés attraites dans la procédure concevaient et animaient leur propre politique commerciale, et notamment leurs campagnes publicitaires, en toute indépendance par rapport à elle, et qu'elle ne pouvait ainsi ni intervenir dans leur gestion, ni les contraindre, ni les sanctionner à défaut d'un "motif grave" qui n'existait pas en l'espèce, les rabais consentis par les 5 centres distributeurs ne pouvant être assimilés à des faits de malversations ou de fraudes empreints d'illicéité manifeste.

L'intimée, cependant, soutient que l'association a pris elle-même la direction de la campagne publicitaire litigieuse, comme le relève notamment l'affiche apposée à cet effet; que, par ailleurs, les centres distributeurs ne sont nullement indépendants de l'ACD puisque leurs dirigeants doivent faire partie de cette association qui constitue en réalité l'organisme responsable de leurs grandes orientations économiques et, en particulier, de leurs campagnes publicitaires; qu'enfin, l'association disposait d'une sanction efficace à l'encontre de ceux des dirigeants des Centres Leclerc qui violaient les dispositions de la loi du 10 août 1981, puisqu'elle tirait de ses statuts le droit de les exclure de l'association et de leur retirer son agrément.

III - Enfin, les sociétés appelantes estiment que les litiges qui ont donné lieu à l'ordonnance déférée du président du Tribunal de grande instance de Paris concernaient des actes de commerce et relevaient ainsi de la juridiction consulaire en application de l'article 631 du Code de commerce; qu'en outre, l'article 42 du NCPC ne pouvait recevoir application en l'espèce, puisque chaque société mise en cause exerçait son activité de manière totalement indépendante tant à l'égard de l'association ACD Leclerc que des autres sociétés également assignées; qu'ainsi l'action engagée par la Fédération aurait dû être portée, en ce qui concerne les 5 centres, devant les présidents des Tribunaux de commerce de Melun, Nanterre, Créteil et Versailles, compétents en raison des sièges respectifs de ces sociétés - la cour devant renvoyer l'examen du litige, en application de l'article 79 du NCPC, à la Cour d'appel de Versailles pour ce qui concerne les sociétés Disanto et Sody.

L'intimée s'oppose à cette prétention, au motif que les agissements imputés aux 5 centres Leclerc constituent une activité indivisible, au sens de l'article 562 du NCPC, à la fois parce qu'elle leur est en tous points commune et qu'elle se rattache en outre directement à celle de l'ACD Leclerc.

Elle en déduit qu'elle pouvait, en vertu de l'article 42 du NCPC, saisir à son choix l'une des juridictions compétentes en raison du domicile ou du siège social de l'une des parties défenderesses, soit en l'espèce le Tribunal de grande instance de Paris, juge de droit commun des litiges de droit privé, l'association étant domiciliée dans le ressort de ce tribunal.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'association ACD Leclerc conclut à ce que la cour, infirmant l'ordonnance de référé, déboute la Fédération de ses demandes, dise n'y avoir lieu à référé, mette la concluante hors de cause et renvoie au surplus l'intimée à saisir de son action dirigée contre les centres distributeurs les juridictions compétentes de la Cour d'appel de Versailles.

A titre subsidiaire, elle conclut à ce que la cour décide le renvoi préjudiciel du litige devant le Conseil d'Etat pour y être statué sur la légalité de l'article 1er alinéa 3 du décret du 3 décembre 1981 et, par ailleurs, pose à la Cour de justice des Communautés européennes, en application de l'article 177 du traité de Rome, deux questions préjudicielles portant sur la conformité de la législation française de prix de vente des livres par rapport aux articles 3 f, 5, 7, 30, 85 et 86 du traité.

Elle sollicite, enfin, la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Les sociétés appelantes demandent, pour leur part, à la cour de leur donner acte de ce qu'elles font leurs les conclusions ci-dessus visées, de dire le Tribunal de grande instance de Paris incompétent à leur égard, de renvoyer la Fédération FFSL à se pourvoir devant la Cour d'appel de Versailles en ce qui concerne l'action intentée contre les sociétés Disanto et Sody, et, statuant sur l'action dirigée contre les 3 autres sociétés, de dire, n'y avoir lieu à référé à leur égard, et de débouter dans les les cas l'intimée de ses demandes.

La fédération française des syndicats de libraires, intimée, conclut à ce que la cour dise n'y avoir lieu en l'espèce à question préjudicielle, confirme l'ordonnance déférée, et, y ajoutant,

- l'autorise à faire constater par un huissier de son choix assisté de la force publique les infractions commises par les centres distributeurs Leclerc sur tout le territoire national.

- fasse défense à l'association ACD Leclerc de faire des campagnes publicitaires en infraction avec la loi du 10 août 1981 et ce sous astreinte de 50 000 F par affiche apposée et constatée par tout huissier au choix de la demanderesse, sur l'ensemble du territoire national.

- condamne l'association et les sociétés appelantes à une amende civile ainsi que, conjointement et solidairement, à lui verser la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Cela étant exposé,

Sur la compétence:

Considérant que l'affiche publicitaire choisie pour la campagne de promotion de livres à prix réduits qui se trouve être à l'origine du litige est parue dans un quotidien grâce à la diffusion nationale; qu'elle montre, en très gros plan, la photographie de M. Edouard Leclerc et de son fils et reproduit en caractères particulièrement apparents les slogans choisis:

"la concurrence dans l'audiovisuel, c'est bien y compris le livre, c'est mieux E. Leclerc, pour une concurrence sans restriction", la désignation des 5 centres distributeurs (Vitry-sur-Seine) n'occupant au total qu'une proportion extrêmement réduite (de l'ordre du 1/20e) de la surface de l'affiche;

Considérant que cette présentation confirme que la campagne publicitaire a été décidée et organisée essentiellement par l'association ACD Leclerc, et non pas les sociétés elles-mêmes.

Considérant en outre qu'il entre dans l'objet de l'association, tel que défini par l'article 1er de ses statuts, d'"assurer la cohésion de ses adhérents ainsi que le respect des principes qui les unissent", et de "contrôler, soit pour elle-même soit pour le compte de toute société commerciale groupant les centres distributeurs Leclerc, les conditions de la gestion desdits centres et de sa régularité au regard des principes de la vraie distribution et des lois et usages du commerce";

Considérant que l'association ne regroupe, en application de l'article 6 de ses statuts, et sauf exceptions, que des propriétaires ou gérants libres des centres distributeurs Leclerc, leur entourage familial ou leurs mandataires sociaux;

Que le conseil d'administration de l'association attribue à ses adhérents le panonceau "centres distributeurs Leclerc" conformément aux articles 6 et 6 bis de ses statuts et qu'il peut, aux termes de l'article 7, prononcer leur radiation pour motif grave, les privant ainsi du droit d'utiliser le "logo" Edouard Leclerc;

Considérant que la violation délibérée de la loi du 10 août 1981 par les dirigeants des 5 centres mis en cause eût permis au conseil d'administration de l'association - à condition qu'il eût estimé lui-même que ces pratiques étaient manifestement illicites - de prononcer leur exclusion pour motif grave;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les agissements litigieux des 5 sociétés appelantes ont été décidés et coordonnés par l'association; que celle-ci tenait de ses statuts le pouvoir de contrôler et de sanctionner l'activité de ses adhérents - fussent-ils, comme en l'espèce, dirigeants de sociétés juridiquement indépendantes - en leur ôtant le droit de conférer à leur entreprise l'appellation "Centres Leclerc";

Que l'association doit donc être maintenue dans la cause;

Considérant en outre que l'action de l'association et des 5 centres distributeurs Leclerc de la région parisienne ne pouvant être dissociée dans l'organisation et la mise en œuvre d'une campagne publicitaire appelée à leur profiter de manière commune, cette indivisibilité permettait à la Fédération intimée, conformément à l'article 42 du NCPC, d'attraire ces sociétés devant le Tribunal de grande instance de Paris, jugé compétent en raison du siège de l'association, situé rue Saint-Honoré à Paris - cette association ayant un caractère civil;

Que la cour est donc, pour la même raison, compétente pour connaître de l'appel interjeté par chacune des sociétés en cause.

Sur le caractère prétendument illicite des ventes de livres à prix réduits:

Considérant que l'association et les sociétés appelantes soutiennent, pour l'essentiel, à cet égard:

- que la loi française crée une discrimination à rebours au détriment des opérateurs économiques se fournissant en France et que cette pratique, même si elle n'est pas justiciable de la Cour de justice des Communautés européennes, n'en interdit pas moins au juge français de statuer en référé, le trouble éventuellement causé par une pratique des Centres Leclerc contraire à une loi d'interprétation incertaine, ne pouvant, de toutes manières, être qualifiée de "manifestement illicite",

- que la "délégation de pouvoir" donnée par la loi française aux éditeurs pour fixer arbitrairement les prix de vente des livres au détail leur confère une position dominante affectant le commerce entre Etats membres.

- que la modification législative intervenue en 1985 crée une diversité de systèmes de fixation des prix des livres en fonction de l'Etat de la Communauté dans lequel ils sont édités, affectant ainsi la concurrence au niveau communautaire et favorisant des réseaux captifs ou sous influence,

- qu'il y a donc lieu de poser à la Cour de justice deux questions préjudicielles, sollicitées dans le dispositif des conclusions de l'association du 22 septembre 1987, au sujet de la compatibilité de la loi française avec, notamment, les articles 30, 85 et 86 du traité de Rome;

Considérant que la Cour de justice a, dans un arrêt Leclerc du 10 janvier 1985 (point 20) jugé "qu'il n'existait pas, jusqu'à présent, une politique communautaire de concurrence concernant des systèmes ou pratiques purement nationaux dans le secteur des livres que les Etats membres seraient tenus de respecter" et qu'ainsi "en l'état de droit communautaire" les obligations des Etats membres découlant des articles 5, 3 f et 85 du traité "n'étaient pas suffisamment déterminées" pour leur interdire d'édicter une législation telle que celle applicable en France - sous cette réserve que certaines de ses dispositions constituaient des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation, interdites par l'article 30 du traité;

Que la cour a, par la suite, dans son arrêt Cognet du 23 octobre 1986, décidé que ni l'article 7 du traité de Rome "ni aucune autre disposition ou principe du traité CEE" ne s'appliquait à une différence de traitement entre le système de fixation des prix afférents aux livres réimportés après avoir été préalablement exportés dans un Etat membre et celui qui concerne les livres n'ayant pas franchi une frontière intercommunautaire au cours de leur commercialisation;

Qu'elle a repris cette solution dans un arrêt Rousseau du 25 février 1987 en se référant expressément à la motivation de sa précédente décision;

Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes a dit ainsi pour droit que la législation française en matière de prix de vente des livres - telle que modifiée par la loi du 13 mai 1985 - n'était pas contraire à une disposition quelconque du droit communautaire en la matière, en ce qu'elle crée une diversité de système de prix selon qu'il s'agit de livres édités et demeurés en France, ou exportés puis réimportés d'un autre Etat de la Communauté;

Qu'il n'y a donc pas lieu à questions préjudicielles, la Cour de justice ayant déjà apporté une réponse claire aux questions posées et les autres problèmes soulevés par les éditeurs relevant ainsi de la seule compétence des juridictions nationales;

Considérant en conséquence qu'en l'état de la loi, le juge des référés, s'en rapportant à l'évidence, ne peut, comme l'a fait avec raison le premier juge, que constater l'applicabilité aux faits de la cause de la loi du 10 août 1981 modifiée et, par voie de conséquence, constater le caractère manifestement illicite du trouble causé par les agissements de l'association et des sociétés appelantes en ce qu'ils contreviennent aux dispositions de cette loi - peu important, eu égard aux dispositions de l'article 809 du NCPC, que le problème ainsi soulevé puisse donner lieu à contestation sérieuse (notamment quant à l'éventualité d'une discrimination à rebours ou d'un abus de position dominante), celle-ci relevant de l'appréciation du juge du fond appelé, le cas échéant, à en connaître;

Qu'il y a donc lieu de rejeter la prétention des appelantes tirée d'une prétendue "incompétence" du juge des référés;

Qu'il convient à cet égard, pour prévenir tout renouvellement éventuel des agissements litigieux:

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait défense, sous astreinte, aux 5 centres Leclerc et à l'association ACD de vendre ou d'exposer à la vente - ou laisser vendre ou exposer - des livres à un prix non conforme à la loi du 10 août 1981,

- d'y ajouter - selon les modalités fixées, dans le dispositif du présent arrêt - en faisant défense à cette association de mettre en œuvre des campagnes publicitaires illégales, et, par ailleurs, en précisant les conditions dans lesquelles la Fédération pourra faire constater toute infraction éventuelle à la loi du 10 août 1981, de la part de l'association ou des sociétés appelantes.

Considérant que l'argument tiré par les appelantes d'une prétendue non-conformité du décret du 3 décembre 1981 par rapport à la loi, en ce que l'article 1er, alinéa 3 de ce décret ajouterait de manière illégale aux obligations des détaillants, ne saurait justifier un sursis à statuer, sur le problème de l'illégalité du décret, l'obligation faite aux détaillants par l'alinéa précité de porter les prix de vente sur les livres n'ayant de toutes manières aucune incidence sur l'issue du présent litige - observation étant faite au surplus qu'en toute hypothèse cette obligation s'impose à tout détaillant, ne crée donc aucune distorsion entre les points de vente et profite aux consommateurs.

Considérant que les appelantes ayant pu se méprendre de bonne foi sur l'étendue de leurs droits, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par l'intimée ne peut être accueillie;

Qu'il n'y a pas lieu non plus, pour le même motif, au prononcé d'une amende civile;

Considérant qu'il paraît équitable d'allouer à la Fédération intimée une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, cette indemnité devant s'ajouter à celle fixée par le premier juge;

Par ces motifs, Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait défense à l'Association des centres distributeurs Edouard Leclerc et aux 5 sociétés appelantes de vendre ou d'exposer à la vente - ou de laisser vendre ou exposer - des livres édités en France, et non importés ou réimportés, à un prix non conforme à la loi du 10 août 1981, sous astreinte provisoire de 1 000 F par infraction constatée. Y ajoutant, Autorise la Fédération française des syndicats de libraires à faire constater toutes les infractions à la loi du 10 août 1981 éventuellement commises par les sociétés relevant de l'Association des Centres Leclerc, sur l'ensemble du territoire national, par tels huissiers du choix de la Fédération, dûment autorisés à se faire accompagner par un commissaire de police. Fait défense à l'Association des centres Leclerc de mettre en œuvre des campagnes publicitaires en infraction avec la loi du 10 août 1981 et ce, sous astreinte de 50 000 F par affiche apposée et constatée par tout huissier au choix de la Fédération, sur l'ensemble du territoire français. Condamne les appelants à payer à la Fédération FFSL la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Rejette, comme inutiles ou mal fondées, toutes autres conclusions des parties. Condamne in solidum l'Association des centre distributeurs Edouard Leclerc et les 5 sociétés appelantes aux dépens. Admet la SCP J et JJ Fanet au bénéfice de l'article 699 NCPC.