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Décisions

Ministre de l’Économie, 27 décembre 2002, n° ECOC0400158Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Cémoi SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0400158Y

27 décembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 17 décembre 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition de l'ensemble des actifs de la Société européenne des assortiments de chocolat (ci-après " SEAC "), filiale de Cadbury France SA, par le groupe Cémoi. Cette acquisition a été formalisée par une offre d'achat de Cémoi SA à Cadbury Schweppes plc en date du 8 novembre 2002, levée ensuite par Cadbury France SA le 10 décembre 2002.

I. - Les parties et l'opération

Le groupe Cémoi, détenu majoritairement par le groupe [...], est constitué de la société Cémoi SA et de ses filiales, notamment les sociétés Cantalou, Chocolaterie Aiguebelle, Chocolaterie de l'Abbaye, Chocolaterie d'Aquitaine, Chocolats Real, Chocolaterie Moulin d'Or, actives dans le secteur du chocolat. Le groupe a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires consolidé de près de 360 millions d'euros, dont 264 millions d'euros en France.

Cadbury France SA résulte de la fusion début 2002 de trois filiales du groupe britannique Cadbury Schweppes plc opérant en France dans le secteur de la confiserie : Cadbury France, active dans le domaine du chocolat et de la confiserie de chocolat, Hollywood et La Pie Qui Chante, actives dans celui de la confiserie de sucre.

La cible SEAC a été créée en février 2002 par apport par Cadbury France de son activité de fabrication et de vente de produits de confiserie de chocolat saisonnière ; le chiffre d'affaires total de cette activité s'est élevé à 62 millions d'euros en 2001, dont 59,5 millions d'euros réalisés en France.

L'opération consiste en l'acquisition par Cémoi SA de la totalité des actions composant le capital de SEAC et en l'acquisition par Foullon SAS, filiale de Cémoi SA, du fonds de commerce attaché à la vente des produits fabriqués à l'usine de SEAC située à Villeneuve-d'Ascq dans le département du Nord. L'opération constitue ainsi une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce, en ce qu'elle entraîne le changement de contrôle de SEAC au profit exclusif de Cémoi.

Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.

II. - La définition des marchés

Marchés de produits

Les parties considèrent que le marché concerné par l'opération est celui de la confiserie de chocolat saisonnière, liée aux fêtes de Pâques et de Noël. La confiserie de chocolat saisonnière comprend les bonbons de chocolat, les oeufs, les produits en forme d'animal, d'objet, de personnage (lapin, cloche, poisson, Père Noël, saint Nicolas...). Ces produits sont fabriqués de façon industrielle ou artisanale et commercialisés sous forme de boîtes, ballotins, cornets ou à l'unité. Ils peuvent le cas échéant contenir des accessoires tels que de petits jouets.

La confiserie de chocolat saisonnière est l'activité commune à l'acquéreur Cémoi et à la cible SEAC. Le groupe Cémoi fabrique de façon industrielle et commercialise, essentiellement en GMS, des produits industriels (chocolat liquide et solide), des produits permanents en chocolat (tablettes et poudres de chocolat) et des produits saisonniers (confiserie de chocolat, pâtes de fruits et dragées). SEAC fabrique de façon industrielle et commercialise, essentiellement en GMS aussi, des produits permanents en chocolat (rochers et guimauves chocolatées) et des produits saisonniers (boîtes de chocolat et oeufs).

Les organismes d'études économiques distinguent au sein du secteur du chocolat plusieurs familles de produits. L'institut d'études Xerfi considère plusieurs catégories de produits finis de chocolaterie : la confiserie de chocolat (produits saisonniers et produits permanents confondus) qui représentait en 2000 43,9 % de la production française en volume, les tablettes de chocolat, le cacao en poudre sucré, la pâte à tartiner et les produits d'imitation du chocolat. La société de fournitures de services en ligne d'information économique Profound, dans une étude datée de septembre 2002 relative au marché français de la confiserie de chocolat, distingue sept segments de marché, les trois principaux étant : les tablettes, les chocolats saisonniers et les boites d'assortiment. La société Nielsen quant à elle relève les ventes en GMS par fabricant de chocolats saisonniers.

Le Conseil de la concurrence a précédemment retenu dans le secteur du chocolat, dans l'affaire Nestlé/Rowntree Mackintosh (1), quatre marchés distincts de produits finis en chocolat : le marché des tablettes, le marché des rochers, le marché des barres, et le marché des confiseries de chocolat en boîte, sans faire de distinction pour ces confiseries entre les produits permanents et les produits saisonniers. La Commission, dans la décision Nestlé/Italgel (2), a considéré que les produits de confiserie pouvaient être subdivisés en confiserie de sucre et en confiserie de chocolat, les produits en chocolat pouvant à leur tour être divisés en plusieurs segments, tels que les tablettes, les chocolats en boîte, les articles saisonniers ; elle a cependant laissé ouverte la délimitation du marché pertinent.

Certains éléments semblent toutefois caractériser l'existence d'un marché des chocolats saisonniers distinct de celui des chocolats permanents : les produits de chocolats saisonniers ont une durée de vie limitée dans les linéaires, leur consommation, associée à un événement calendaire, est concentrée sur une période précise, ils font l'objet dans les deux groupes concernés par l'opération d'une négociation commerciale avec la grande distribution distincte de la négociation menée pour les produits permanents ; certains fabricants en France sont même spécialisés dans cette activité, comme la société Jacquot qui a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires de plus de 114 millions d'euros essentiellement avec la vente de chocolats saisonniers.

La question de la délimitation exacte du marché peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Marché géographique

Les parties considèrent que le marché concerné est de dimension nationale au motif que les sociétés Cémoi et SEAC exportent très peu de produits saisonniers.

Bien que l'on relève la présence sur le marché concerné de plusieurs entreprises multinationales telles que Nestlé, Ferrero et Lindt commercialisant leurs produits sous des marques identiques dans différents pays de l'Union européenne (Rochers, Mon Chéri, oeufs Kinder de Ferrero, Pyrénéens de Lindt), on constate cependant que les recettes de fabrication, les standards de qualité, la présentation et parfois la marque des boîtes de chocolats assortis diffèrent selon le pays de destination.

La question de la délimitation géographique du marché peut toutefois être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la dimension du marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III. - Analyse concurrentielle

Les parties réalisent l'essentiel de leurs ventes auprès de la grande distribution (supermarchés et hypermarchés).

Les ventes totales en GMS de confiserie de chocolat saisonnière (Noël 2001 et Pâques 2002) sont évaluées dans les panels Nielsen à plus de 683 millions d'euros. Le groupe Cémoi, avec un chiffre d'affaires de 44,4 millions d'euros, réalise 6,5 % du total de ces ventes et SEAC, avec un chiffre d'affaires de 42,6 millions d'euros, 6,2 %. L'opération envisagée porterait donc la part de Cémoi de 6,5 % à 12,7 % des ventes réalisées en GMS ; les produits du groupe Cémoi seraient alors les plus vendus en GMS après les produits du groupe italien Ferrero (23,7 % des ventes) et avant ceux de l'entreprise française Jacquot (11,5 % des ventes), ceux du groupe suisse Lindt (11,4 %) et ceux du groupe Nestlé (8 %).

Les ventes en GMS ne représentent cependant qu'une partie des ventes de confiserie de chocolat saisonnière ; l'autre partie est assurée par les artisans boulangers approvisionnés en produits semi-finis par les grossistes et par les boutiques de réseaux de franchise telles que Léonidas ou Jeff de Bruges. La part des ventes des produits Cémoi et SEAC dans l'ensemble des ventes de chocolats saisonniers est donc bien inférieure à 12,7 %, les parties commercialisant essentiellement leurs produits en GMS.

Si l'on considère l'ensemble des ventes de produits de confiserie de chocolat (produits permanents et saisonniers réunis), le poids des ventes des produits Cémoi et SEAC est encore plus faible, SEAC ne commercialisant pas de produits permanents et Cémoi en vendant à hauteur de 1,8 million d'euros seulement.

Il ressort de cette analyse que, quelle que soit la segmentation de marché retenue, l'opération ne permet pas au nouveau groupe d'atteindre une part élevée sur un seul des marchés concernés.

Le groupe Cémoi cherche avec l'acquisition de SEAC à élargir sa gamme de produits ainsi que son portefeuille de marques, ce qui pourrait conduire à un effet de gamme ou de portefeuille susceptible de porter atteinte à la concurrence. Les produits du groupe Cémoi sont vendus sous MDD, sous la marque Cantalou en premier prix, ainsi que sous la marque Cémoi de milieu de gamme. SEAC vend ses chocolats saisonniers sous les marques Bouquet d'or, Poulain et 1848 qui sont davantage haut de gamme. Toutefois, il convient de souligner que les concurrents des parties ont eux aussi plusieurs gammes de produits (ainsi, la société Jacquot commercialise des produits de premier prix sous la marque Fanny et des produits haut de gamme sous la marque Jacquot) ou des marques à très forte notoriété (Nestlé, Lindt, Suchard, Mon Chéri de Ferrero) auxquelles ils consacrent d'importantes dépenses publicitaires. De plus, à l'exception de la société Jacquot, les principaux concurrents de la future entité sont des groupes multinationaux dont les moyens financiers sont très supérieurs (le groupe Ferrero a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires global de 3,9 milliards d'euros, la société Nestlé France un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros, le groupe Lindt et Sprungli un chiffre d'affaires consolidé de 984 millions d'euros).

Enfin, le fait pour le groupe Cémoi d'être intégré en amont avec son usine de trituration de fèves de cacao située en Côte d'Ivoire lui procure une certaine indépendance vis-à-vis des groupes fournisseurs de produits de cacao que sont les sociétés Barry Callebaut, ADM Cocoa, Herschey et Cargill, mais ne lui donne pas pour autant un avantage déterminant sur ses concurrents.

En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

(1) Avis n° 89-A-02 Nestlé SA/Rowntree Macintosh du 31 janvier 1989.

(2) Décision M. 362 du 15 septembre 1993 Nestlé/Italgel.