Ministre de l’Économie, 7 mars 2003, n° ECOC0400171Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société Syral
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 31 janvier 2003, vous avez notifié le projet d'acquisition de la société Staral par la société Syral.
Syral est une société anonyme de droit français dont le capital est détenu à 64 % par le groupe coopératif sucrier français Union sucreries et distilleries agricoles (ci-après " Union SDA ") et à 36 % par le groupe sucrier allemand Nordzücker. Syral a pour activité la production et la commercialisation d'édulcorants et de coproduits de l'amidonnerie de blé comme le gluten de blé. Syral regroupe l'intégralité des activités d'Union SDA et Nordzücker dans le domaine des édulcorants. Lors de l'exercice 2000/2001, Union SDA a réalisé un chiffre d'affaires de 802 millions d'euros, dont 454 en France.
Staral est une société anonyme de droit français, contrôlée conjointement par Syral et le groupe allemand Jungbunzlauer, l'un des premiers producteurs mondiaux d'acide citrique, d'acide gluconique et de gomme xanthane. Syral et Jungbunzlauer détiennent chacun actuellement 50 % du capital de Staral, qui produit et commercialise des sirops de glucose et du lait d'amidon auprès de ses entreprises mères et des coproduits de l'amidonnerie de maïs comme le gluten de maïs, qu'elle vend sur le marché par l'intermédiaire de filiales de commercialisation d'Union SDA. Staral a réalisé lors de l'exercice 2000/2001 un chiffre d'affaires de 118 millions d'euros, dont 69 en France.
L'opération consiste en l'acquisition par Syral auprès de Jungbunzlauer de la totalité de la participation de ce dernier dans Staral. A cet effet, les parties à l'opération et Jungbunzlauer ont conclu le 20 décembre 2002 un accord-cadre. Elle s'analyse comme le passage d'un contrôle en commun à un contrôle exclusif sur Staral et constitue donc une concentration au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce (1). Les seuils exprimés en chiffres d'affaires mentionnés à l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis, et l'opération n'est pas de dimension communautaire. Cette concentration relève ainsi du contrôle national des concentrations. Elle a été également notifiée en Allemagne.
I. - La définition des marchés
Syral produit et commercialise différents types d'édulcorants (sirops de glucose, maltodextrines, polyols), ainsi que des coproduits de l'amidonnerie de blé destinés à l'alimentation animale. Staral produit et commercialise des sirops de glucose à haute teneur en dextrose, qu'elle vend à des industriels de la fermentation (dont Jungbunzlauer), du lait d'amidon (2) vendu à Syral, ainsi que des coproduits de l'amidonnerie de maïs destinés à l'alimentation animale. Les secteurs concernés par l'opération sont donc ceux des édulcorants et de l'alimentation animale.
Les édulcorants sont des produits sucrants obtenus par hydrolyse de lait d'amidon. Le terme " édulcorants " couvre une large gamme de produits (sirop de glucose et mélanges, dextrose, fructose, maltodextrines, polyols) qui diffèrent par leur aspect (liquide ou poudre), leur pouvoir sucrant (3) et leurs débouchés (industrie agro-alimentaire, pharmacie, chimie).
En ce qui concerne les édulcorants, les parties distinguent trois marchés : les sirops de glucose et les mélanges (avec du dextrose ou du fructose), principalement utilisés dans l'industrie agroalimentaire pour leur pouvoir sucrant, ainsi que dans la fermentation ; les maltodextrines, utilisées également dans l'industrie agroalimentaire mais sous forme de poudre et avec un plus faible pouvoir sucrant ; les sorbitols, obtenus par hydrogénation des sirops de glucose et utilisés à plus de 60 % dans l'industrie non alimentaire (résines, esters et polyuréthanes).
Dans sa décision Cargill/Cerestar (4), la Commission européenne a estimé que l'ensemble des sirops de glucose et des mélanges forme un spectre, au regard de leur pouvoir sucrant, et qu'il était possible d'ajuster la production à des coûts négligeables pour produire tous types de sirops de glucose et de mélanges. En conséquence, elle considère que tous les sirops de glucose et les mélanges font partie du même marché de produits. Elle ne s'est pas en revanche prononcée sur les maltodextrines et les sorbitols. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de définir plus précisément les marchés des édulcorants, dans la mesure où, quelles que soient les définitions retenues, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En ce qui concerne l'alimentation animale, Union SDA, Syral et Staral sont présentes dans ce secteur en France car elles commercialisent des pulpes de betteraves, des drèches (coproduits de l'éthanol de blé) et du gluten de blé et de maïs, destinés à l'alimentation animale. Si elle ne s'est jamais formellement prononcée sur la délimitation d'un tel marché, la Commission européenne a indiqué dans sa décision Cargill/Agribrands (5) que les investigations auxquelles elle s'était livrée avaient confirmé la substituabilité des différents produits destinés à l'alimentation animale. Il convient de noter toutefois que dans sa décision Archer Daniels Midland/Alfred C. Toepfer International/Intrade (6), la Commission a envisagé de distinguer pour l'alimentation animale entre un marché des céréales et de leurs sous-produits, un marché des farines oléagineuses, un marché des farines animales et un marché des pulpes. La Commission justifiait cette éventuelle distinction par une substituabilité limitée de ces divers produits entre eux, pour des raisons techniques, d'apport nutritionnel et de toxicité, mais avait laissé la question ouverte. Il n'est pas nécessaire de définir plus précisément ces marchés de produits, l'analyse concurrentielle aboutissant aux mêmes conclusions quelles que soient les définitions retenues.
En ce qui concerne la délimitation géographique des marchés des édulcorants, la Commission a estimé dans sa décision Cargill/Cerestar précitée que la France, l'Allemagne, le Benelux et à un degré moindre l'Autriche et le Danemark formaient un seul et même marché, compte tenu des flux significatifs d'édulcorants entre ces pays. En revanche, le marché pertinent retenu pour l'analyse de l'opération au Royaume-Uni était le marché national britannique (7). Il n'est pas nécessaire de conclure sur ce point puisque les conclusions de l'analyse demeurent inchangées quelle que soit la délimitation géographique retenue.
Pour l'alimentation animale, la Commission a estimé dans sa décision Cargill/Agribrands précitée que le marché était probablement national (8). Pour les mêmes raisons que pour les édulcorants, la question de la dimension géographique du ou des marchés de l'alimentation animale peut rester ouverte.
II. - Analyse concurrentielle
Il convient d'observer au préalable que Syral exerçait avant l'opération un contrôle sur Staral, conjointement avec Jungbunzlauer. L'opération, qui a pour résultat de placer Staral sous le contrôle exclusif de Syral, ne change pas la situation de la concurrence sur le plan vertical puisque Syral continuera à se fournir en lait d'amidon auprès de sa filiale Staral. L'accord-cadre prévoyant que Jungbunzlauer continuera d'être approvisionné par Staral en sirops de glucose, la situation de la concurrence sur le marché des sirops de glucose ne sera pas modifiée.
Par ailleurs, Syral est un acteur relativement mineur sur les différents marchés concernés. C'est ainsi que, pour les édulcorants, sa part de marché (avec Staral) en France en volume est de [10-20] % pour les sirops de glucose et les mélanges, de [0-10] % pour les maltodextrines et de [0-10] % pour les sorbitols. Ses principaux concurrents sont des groupes de taille significative : le producteur français d'amidon et d'édulcorants Roquette détient des parts de marché en France respectivement de [20-30] %, [30-40] % et [40-50] % et l'entreprise américaine Cargill détient en France des parts de marché de respectivement [20-30] %, [20-30] % et [30-40] %.
En ce qui concerne les produits pour l'alimentation animale et dans sa dimension la plus étroite (marché national des produits pour l'alimentation animale à base de céréales), la part de marché des parties (Union SDA, Staral et Syral) est de [0-10] %.
En outre, l'opération n'aura pas d'effets sur la position des actionnaires de Syral (Union SDA et Nordzücker) sur les autres marchés où ils sont présents (sucre et alcools agricoles), compte tenu de l'absence de lien entre ces activités et la production d'édulcorants.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du "secret des affaires", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Cf. communication de la Commission européenne concernant la notion de concentration au sens du règlement CEE n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, point 16 (JOCE C 66 du 2 mars 1998).
(2) Le lait d'amidon est un produit intermédiaire à base de maïs, blé ou pomme de terre, et qui est transformé sur le site de production en amidon ou en édulcorants (il ne se conserve pas). Syral ne produit que des édulcorants à partir du lait d'amidon que lui fournit Staral.
(3) Le pouvoir sucrant est exprimé en DE, qui représente la teneur en dextrose. Ainsi les sirops de glucose et les mélanges ont un DE compris entre 20 et 99 (99 pour le dextrose) et les maltodextrines ont un DE compris entre 1 et 20. Le sucre a un DE de 42.
(4) Décision M 2502 Cargill/Cerestar du 18 janvier 2002.
(5) Décision M 2271 Cargill/Agribrands du 19 février 2001, point 8.
(6) Décisions M 1348 Archer Daniels Midland/Alfred C. Toepfer International/Intrade du 9 novembre 1999, notamment le point 17.
(7) L'opération a été renvoyée aux autorités britanniques de la concurrence, conformément aux dispositions de l'article 9 du 4064-89 précité. Cf. rapport de la Competition Commission du 30 mai 2002.
(8) Cf. également la décision M 2029 Tate & Lyle/Amylum du 11 août 2000, point 14.