Ministre de l’Économie, 29 décembre 2003, n° ECOC0400166Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Ferrari
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 28 novembre 2003, vous avez notifié l'acquisition de la société Charles Pozzi SA (ci-après " Pozzi ") par la société Ferrari Spa (ci-après " Ferrari ") et ceci par l'intermédiaire de la Société française de participations Ferrari-SFPF en cours de création.
Cette acquisition a été formalisée par un contrat de cession d'actions signé le 27 novembre 2003.
I. - Les parties et l'opération
La société Ferrari Spa, holding du groupe Ferrari-Maserati, est elle-même contrôlée par le groupe Fiat, qui a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total de 55 milliards d'euros dont 5 milliards en France. Ce dernier est principalement (1) actif dans le domaine de la fabrication et de la distribution de véhicules automobiles de tourisme et notamment, par l'intermédiaire du groupe Ferrari-Maserati, de véhicules automobiles de marques Ferrari et Maserati.
La société Charles Pozzi SA, entité cible, est importateur exclusif des véhicules de marques Ferrari et Maserati en France, à Monaco et en Andorre et les distribue à titre non exclusif à Paris et en Ile-de-France ainsi qu'à Lyon et en région lyonnaise. Pozzi, qui a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total de 50 millions d'euros dont 46 millions en Europe et 42 millions en France, exerce également, sur les véhicules de même marque, les activités d'entretien et de réparation, de location de véhicules de courtoisie, de ventes de pièces de rechange et accessoires, et de vente de véhicules d'occasion.
Ferrari souhaite acquérir Pozzi afin que les marques qui lui appartiennent soient davantage présentes sur le marché français. Il souhaite ainsi en assurer directement l'importation et la distribution.
La présente opération, en ce qu'elle emporte le passage au contrôle exclusif (2) de la société Pozzi par le groupe Fiat, via Ferrari, constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, elle ne revêt pas une dimension communautaire au sens du règlement (CE) n° 4064-89 du 21 décembre 1989 modifié et relève des dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
II. - La définition des marchés concernés et l'analyse concurrentielle
Il convient d'apprécier l'impact de la présente opération sur la concurrence à la lumière des analyses menées lors d'opérations similaires récemment autorisées dans les mêmes secteurs d'activités (3). A l'occasion de l'examen de ces opérations de concentration, les principaux éléments de définition des marchés concernés ont été précisés. Ces éléments demeurent applicables à la présente opération.
Compte tenu de l'activité des parties, la concentration concerne :
- la distribution de véhicules automobiles particuliers neufs " sport coupés " correspondant à la classe S adoptée par la Commission européenne (4) ;
- la réparation et la fourniture de pièces de rechange et accessoires automobiles.
La vente de véhicules d'occasion et la location ne sont pas concernées. La location ne concerne en effet que des véhicules de courtoisie mis à disposition des clients qui ont déposé leur propre véhicule chez Pozzi pour réparation ou entretien. Cette activité n'est destinée qu'à ces seuls clients et ne représente que 0,3 % du chiffre d'affaires de Pozzi. Quant à l'activité de vente de véhicules d'occasion, elle ne correspond qu'à l'offre de reprise de l'ancien véhicule des clients de Pozzi et concerne donc des véhicules de toutes marques. Cette activité a représenté, en 2002, 69 véhicules toutes marques sur toute la France.
Le ministre a indiqué, dans le cadre des opérations précitées, que la vente de véhicules automobiles à des particuliers revêt une dimension régionale voire locale. Il convient cependant, en l'espèce, de s'interroger sur une délimitation géographique plus large. En effet, le faible nombre de demandeurs et d'offreurs ainsi que les spécificités de véhicules de classe S (prix élevés, nombre réduit de modèles) permettent d'envisager une dimension nationale. Cette question peut néanmoins être laissée en suspens, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées.
En ce qui concerne la réparation et la fourniture de pièces de rechange et accessoires automobiles, les parties estiment, à l'instar du ministre de l'Economie dans le cadre d'opérations similaires (5), qu'une dimension locale doit être adoptée.
III. - L'analyse concurrentielle
En ce qui concerne le marché de la vente de véhicules de classe S, le groupe Fiat vend des véhicules de marque Fiat et Alfa Roméo et Pozzi des véhicules de marque Ferrari et Maserati.
Si l'on étudie la concurrence intermarque sur le marché français, il convient de remarquer que la nouvelle entité, dont les parts de marché atteindront [0-10] % du total des ventes de véhicules de classe S en France, restera soumise à la pression concurrentielle des distributeurs de véhicules de classe S des marques suivantes : BMW ([30-40] % des parts de marché), Mercedes ([30-40] % des parts de marché), Porsche ([0-10] % des parts de marché) et Jaguar ([0-10] % des parts de marché).
En ce qui concerne la concurrence intramarque, l'opération permet à Ferrari d'internaliser l'importation et la distribution de ses véhicules, activité antérieurement traitée de façon contractuelle par son importateur exclusif Charles Pozzi. La nouvelle entité sera par ailleurs confrontée à la concurrence de plusieurs concessionnaires de marque Ferrari à travers toute la France.
En ce qui concerne la réparation et la fourniture de pièces de rechange et accessoires automobiles, il convient de remarquer que Pozzi est l'importateur exclusif de ces pièces de marques Ferrari et Maserati qu'il revend ensuite à différents concessionnaires et réparateurs agréés ainsi que directement au consommateur final. Ferrari n'exerce directement aucune activité sur ce marché. De plus, à l'instar du constat observé en ce qui concerne la vente de véhicules, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence de plusieurs réparateurs concessionnaires ou agréés.
Compte tenu de ces éléments, tout risque d'atteinte à la concurrence sur les secteurs de la vente de véhicules automobiles de classe S et de la réparation et fourniture de pièces détachées et accessoires peut être exclu.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que la concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie, Maître, d'agréer l'expression de ma considération distinguée.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché remplacée par une fourchette.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Le groupe Fiat est également actif dans la fabrication de véhicules poids lourds et d'équipements agricoles, la métallurgie, l'aviation, l'assurance et l'édition.
(2) Il convient de remarquer que l'activité d'exploitation d'une concession Jaguar à Lyon par Pozzi, activité qui est hors périmètre de cession, est transférée, avant l'opération, à une société créée pour l'occasion : " Newco ", qui sera contrôlée par les actionnaires actuels de Pozzi.
(3) Les opérations Gueudet/Degand autorisée par lettre du ministre le 17 octobre 2002 et publiée au BOCCRF du 11 août 2003, GGBA/SNAT autorisée par lettre du 25 octobre 2002 et publiée au BOCCRF du 31 décembre 2002, RFA Nord/Vrale autorisée par lettre du 8 novembre 2002 et publiée au BOCCRF n° 4 du 31 mars 2003, PSA/Ortelli autorisée par lettre du 12 décembre 2002 et publiée au BOCCRF n° 4 du 31 mars 2003.
(4) Cf. notamment la décision M.1452 Ford/Volvo du 26/03/1999 dans laquelle la Commission délimite 9 marchés de véhicules particuliers neufs (classes A, B, C, D, E, F, S, M et J).
(5) Cf. note de bas de page n° 3.