Livv
Décisions

Cass. crim., 17 décembre 1997, n° 96-86.164

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Aldebert (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Cotte

Avocats :

SCP Ryziger, Bouzidi, Me Parmentier

Agen, ch. corr., du 4 nov. 1996

4 novembre 1996

LA COUR : - Rejet des pourvois formés par D Marc, C Joachim, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, du 4 novembre 1996, qui, pour falsification de vin, détention de vin falsifié et tentative de tromperie, les a condamnés chacun à 1 mois d'emprisonnement avec sursis outre une amende, le premier de 100 000 francs, le second de 40 000 francs, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils. Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires ampliatif et additionnel produits, communs aux demandeurs, ainsi que le mémoire en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 2, 446, 485, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce qu'il résulte de la décision attaquée que l'administration de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a été considérée comme partie jointe et que M. Cechetto représentant cette administration, a été entendu ;

" alors, d'une part, que les agents des administrations intéressées aux poursuites ne peuvent être entendus qu'en qualité de témoins ; qu'aucun texte ne permet à l'administration de la Concurrence d'être entendue comme partie jointe ou intervenante ; qu'en l'espèce actuelle, c'est donc par une violation des textes visés au moyen que M. Cechetto, représentant l'administration de la Concurrence, a été entendu en tant que partie à l'instance ;

" alors, d'autre part, que, selon l'article 446 du Code de procédure pénale, dont les dispositions s'appliquent aux agents des administrations intéressées aux poursuites, les témoins entendus à l'audience doivent, avant de commencer leur déposition, prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ; que les juges du fond qui ont condamné Marc D et Joachim C, pour falsification de denrées alimentaires, détention de denrées, boissons ou produits falsifiés ou corrompus et nuisibles à la santé et tentative de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la qualité d'une marchandise ne pouvaient, s'ils souhaitaient entendre un représentant de l'administration, l'entendre qu'en qualité de témoin après que celui-ci eut prêté le serment prévu par l'article 446 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que, selon les mentions de l'arrêt attaqué, le représentant de la Direction Départementale, de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a été entendu comme partie intervenante dans les poursuites exercées contre les prévenus pour délit de fraude ; que, toutefois, si l'agent de l'administration ne pouvait être entendu qu'en qualité de témoin, il n'est pas établi que l'omission de la formalité du serment ait eu pour effet de porter atteinte aux intérêts des prévenus, les juges ne s'étant pas fondés sur les déclarations fournies par ce fonctionnaire pour asseoir en tout ou partie leur conviction sur la culpabilité ; d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 213-1, de l'article L. 213-2, de l'article L. 213-3 du Code de la consommation, de l'article 8 du règlement n° 8223-87 CEE du Conseil des Communautés européennes en date du 16 mars 1987, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la décision attaquée a déclaré les demandeurs coupables des délits qui leur étaient reprochés ;

" aux motifs que les experts désignés par le juge d'instruction ont déposé un rapport dont les conclusions sont libellées comme suit : "les échantillons SA 07 et SA 08, sont les seuls qui présentent des valeurs pouvant être la conséquence d'un taux d'enrichissement supérieur à 2 degrés et compris entre 2 et 3 degrés pour les autres vins, le taux d'enrichissement est inférieur à la limite légale" ; que, c'est au vu de ce rapport, que le tribunal a estimé que le contenu des cuves 13 et 15 dont sont issus les prélèvements SA 07 et SA 08, soit 600 hl, représentant le tiers de la récolte, ne présentait pas le degré naturel minimum de 10,5 degrés et avait été surchaptalisé au-dessus des 2 degrés autorisés ; que les critiques faites aux experts par les deux prévenus ne sont pas fondées ; que les experts, après les analyses par résonance magnétique nucléaire de deutérium se sont, quant à eux, livrés à un calcul complémentaire en prenant comme valeur de référence non plus les valeurs des banques de données mais la valeur obtenue, l'échantillon présentant le rapport isotopique le plus faible, c'est-à-dire l'échantillon SA 09 ; qu'il leur est alors apparu que les échantillons SA 07 et SA 08 avaient reçu un enrichissement supérieur de respectivement 2,15° et 1,8° par rapport à cet échantillon SA 09 ; qu'il doit en être déduit, que si ce dernier échantillon a lui-même été enrichi de plus 0,2°, ce qui, en l'état des investigations qui ont été faites, n'est pas douteux, les deux échantillons litigieux et pas seulement le numéro SA 07 ont reçu un enrichissement supérieur à 2 degrés ; que toutes les analyses auxquelles il a été procédé par les experts ou sous leur contrôle permettent, par conséquent, de conclure avec certitude à une surchaptalisation ;

" alors, d'une part, que la décision attaquée n'indique pas de quelles investigations résulteraient que l'échantillon SA 09 ait subi une surchaptalisation ; que les juges du fond devaient d'autant plus motiver leur décision sur ce point que les experts n'avaient pas conclu que le vin SA 09 avait été enrichi, mais avaient raisonné en retenant deux hypothèses, celle où le vin SA 09 n'avait pas été enrichi et celle où le vin SA 09 avait été enrichi ; que, ce n'est que dans le deuxième cas que le vin SA 08 aurait reçu un enrichissement supérieur à 2° ;

" alors, d'autre part, que l'enrichissement doit s'apprécier par rapport au vin fini ; que ceci résulte des textes communautaires visés ci-dessus ; que Marc D avait fait valoir qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que le vin fini contenu dans la cuve 34 sous scellés, ne répond pas aux critères des textes, soit une augmentation maximale du titre alcoométrique de 2° ; que la décision attaquée devait préciser autrement que par une affirmation générale d'où résulterait que l'échantillon de comparaison SA 09 aurait été lui-même chaptalisé, afin de rechercher ensuite le degré de chaptalisation moyen des échantillons SA 07 et SA 08 et en conséquence du vin contenu dans la cuve 34 considéré comme du vin fini ;

" alors enfin, qu'au cas où la Cour de cassation aurait un doute sur le point de savoir si les critères définis par l'article 8 du règlement communautaire 823-87 s'applique aux vins finis ou à chaque lot en cours de fermentation, il y aurait lieu d'interroger la Cour de justice des Communautés afin d'obtenir une interprétation de ce texte avant de statuer sur la deuxième branche du moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle effectué en 1993 par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sur le vin AOC Cahors 1991 détenu dans le chai de la société civile agricole X, Marc D, gérant de la société, et Joachim C, chef de culture du domaine, sont poursuivis pour falsification du vin, détention de vin falsifié et tentative de tromperie ; que, pour caractériser l'élément matériel de ces infractions, les juges d'appel relèvent que du sucre avait été ajouté au vin en violation de la réglementation applicable aux vins de Cahors pour la récolte 1991 ; que celle-ci permettait une augmentation du titre alcoométrique de deux degrés au maximum, le titre volumique naturel avant tout enrichissement étant fixé à 10,5 degrés au minimum ; qu'ils énoncent que le contenu de deux cuves, représentant le tiers de la récolte, n'atteignait pas le seuil de 10,5 degrés ce qui interdisait l'enrichissement pour augmenter artificiellement la teneur en sucre afin d'accroître la richesse alcoolique du vin et qu'il avait en outre été chaptalisé au-dessus des 2 degrés autorisés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs procédant de son appréciation souveraine de la valeur des preuves contradictoirement débattues, les juges d'appel ont justifié leur décision ; d'où il suit que le moyen, qui, en ses deux dernières branches est nouveau et mélangé de fait, et comme tel irrecevable, ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 du Code de procédure pénale, de l'article 1er du décret n° 91-368 du 15 avril 1991, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que la décision attaquée a reçu l'INAO en sa constitution de partie civile et lui a alloué une somme de 40 000 francs :

" aux motifs que, il ne peut pas être sérieusement contesté que les agissements de Marc D ont causé à l'INAO un préjudice que les premiers juges ont justement évalué à la somme de 40 000 francs ;

" alors, d'une part, que l'Institut national des appellations d'origine est un établissement public qui a pour mission de proposer la reconnaissance des appellations d'origine contrôlée, laquelle comporte la délimitation des aires géographiques de production et l'agrément de chacune de ces appellations d'origine contrôlée ; que l'INAO est encore appelé à donner son avis sur les dispositions nationales relatives à l'étiquetage et à la présentation de chacun des produits relevant de sa compétence et dispose en outre d'un pouvoir consultatif sur toute question relative aux appellations d'origine ; que la décision attaquée ne pouvait se contenter, pour allouer des dommages intérêts à l'INAO, d'affirmer qu'il ne peut être sérieusement contesté que les agissements de Marc D ont causé à celui-ci un préjudice sans expliquer quelle est la nature du préjudice personnellement subi par l'INAO et prenant sa source dans l'infraction et indépendant du préjudice subi par le service public que l'INAO est chargé de gérer et qui se trouve sanctionné, le cas échéant, par des condamnations pénales prononcées ;

" alors, d'autre part, que les juges du fond ayant affirmé qu'il ne peut pas être sérieusement confirmé que les agissements de Marc D ont causé à l'INAO un préjudice, ne pouvaient condamner solidairement Marc D et Joachim C à des dommages-intérêts envers l'INAO, sans constater l'existence d'actes effectués par Joachim C et qui auraient causé un préjudice à l'INAO" ;

Attendu que, pour allouer des dommages et intérêts à l'Institut national des appellations d'origine, constitué partie civile, la juridiction du second degré énonce, par motifs propres et adoptés, que les faits de fraude et de falsification du vin de Cahors imputés aux deux prévenus ont directement porté atteinte aux intérêts qu'il a pour mission de défendre ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ; qu'en effet il résulte de l'article 23 du décret du 30 juillet 1935 que l'Institut national des appellations d'origine peut, dans les mêmes conditions que les syndicats professionnels, contribuer à la défense des appellations d'origine et se constituer partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts qu'il représente ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.