Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 15 mai 1996, n° 96-00842

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

MM. Guilbaud, Paris

Avocat :

Me Alis.

TGI Créteil, 11e ch., du 26 oct. 1995

26 octobre 1995

Rappel de la procédure:

La prévention:

P Emiliana est poursuivie du chef de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, en vendant une motocyclette déclarée comme neuve ou quasiment (de l'année 1991) alors que l'engin est une "épave" reconstruite à partir de pièces provenant de divers véhicules,

faits commis courant 1992 et le 21 décembre 1992, à Chevilly Larue,

infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

reçu l'opposition formée par Emiliana P, au jugement rendu le 30 mars 1995 par la 11e chambre,

mis ce jugement à néant,

statuant à nouveau,

déclaré Emiliana P non coupable et l'a relaxée des fins de la poursuite,

statuant sur l'action civile,

déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de M. Alain Chantris,

débouté M. Alain Chantris, de sa constitution de partie civile à titre de dommages-intérêts,

laissé les dépens de l'action civile à la charge de la partie civile.

(conforme au jugement).

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur Chantris Alain, le 2 novembre 1995 contre Madame P Emiliana,

M. le Procureur de la République, le 10 novembre 1995 contre Madame P Emiliana,

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par la partie civile et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Assisté de son conseil, Alain Chantris, partie civile, sollicite l'infirmation du jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité, de la condamnation de la prévenue à lui verser, outre la somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles devant la cour, celle de 38 075,81 F en réparation de son préjudice matériel et de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral par lui subi;

Il fait valoir essentiellement que, le 21.12.1992, il a acheté en toute bonne foi une motocyclette de marque Suzuki à l'établissement exploité sous l'enseigne X et que cet engin, présenté comme un modèle 1991 n'était en fait qu'une épave reconstruite à partir de pièces provenant de divers véhicules;

Monsieur l'Avocat général requiert la cour d'annuler pour défaut de motifs le jugement dont appel, d'évoquer, de déclarer la prévenue coupable des faits tels que visés à la prévention et de prononcer à son encontre une peine de 4 mois d'emprisonnement, eu égard à la gravité du délit reproché. Il indique que la prévenue avait acheté le véhicule litigieux à Sylvain Morellec pour une somme de 23 000 F et l'avait revendu 30 000 F à la partie civile;

Qu'en conséquence Mme P était donc bien propriétaire de la motocyclette à la date du 21.12.1992 et, qu'en tant que professionnelle, il lui appartenait de vérifier le bon état de l'engin;

Bien que régulièrement citée, Emiliana P ne comparait pas; il n'est pas établi qu'elle ait eu connaissance de la citation. Il sera statué à son encontre par défaut;

Sur l'action publique:

Considérant qu'il convient de rappeler que, le 21.12.1992, Main Chantris achetait une motocyclette de marque Suzuki immatriculée 8329 VF 14 à l'Etablissement X dont l'exploitante était Emiliana P; que ce véhicule lui était vendu pour un modèle 1991; qu'en commandant ultérieurement des pièces de rechange, Alain Chantris s'apercevait qu'il s'agissait d'un modèle 1990; qu'une expertise pratiquée sur l'engin permettait de découvrir notamment que l'année "modèle" était 1990, que le moteur avait été changé et correspondait à celui d'un modèle 1991, que le cadre arrière avait été sectionné et ressoudé pour permettre la mise en place des flancs de carénage, et qu'il convenait d'émettre les plus grandes réserves sur la solidité du cadre à vitesse élevée;

Considérant qu'Emiliana P a déclaré à l'époque qu'elle avait acheté la motocyclette au garage Stand 144, 111 bis Route de Corboiz à Saint Germain les Arpajons, "aux environs" du 14.12.1992; que cette motocyclette avait été achetée, et revendue à Alain Chantris "en retour de val" et que son établissement ne faisait jamais de réparations sur les véhicules à revendre; qu'ainsi donc, le véhicule de marque Suzuki avait été revendu en l'état, sans aucune modification; qu'elle ignorait qu'il s'agissait d'un modèle 1990;

Considérant que la cour constate que la prévenue n'a pas contesté avoir été propriétaire de la motocyclette litigieuse entre le 14 et le 21.12.1992, date de sa revente à Alain Chantris; qu'elle n'a pas discuté davantage les conclusions du rapport d'expertise effectué à la demande de la partie civile;

Que la cour considère, dès lors, qu'en tant que professionnelle de la vente de motocyclette la prévenue se devait de procéder à toutes vérifications utiles avant de remettre sur le marché un véhicule douteux dont elle savait qu'il provenait d'un "retour de vol";

Considérant, en conséquence, que c'est à tort que les premiers juges ont renvoyé Emiliana P des fins de la poursuite; que par ailleurs leur décision, dépourvue de motifs en violation des dispositions de l'article 485 du Code de procédure pénale conduit la cour à annuler le jugement dont appel et, évoquant, de déclarer la prévenue coupable des faits qui lui sont reprochés;

Considérant que l'attitude d'Emiliana P revêt un caractère de gravité certain, eu égard à la dangerosité potentielle de la motocyclette litigieuse; qu'il convient en conséquence de prononcer à son encontre une peine d'emprisonnement avec sursis assortie d'une peine d'amende;

Sur l'action civile:

Considérant que la cour possède les éléments nécessaires et suffisants pour, recevant la constitution de partie civile de Chantris Alain, faire droit intégralement aux demandes de dommages et intérêts formulées par la partie civile en réparation des préjudices subis découlant directement des faits visés à la prévention;

Considérant qu'il convient en outre de condamner Mme P à verser à Alain Chantris la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, par défaut pour la prévenue et contradictoirement à l'égard de la partie civile, Vu l'article 520 du Code de procédure pénale, Annule, évoque, Statuant à nouveau, Déclare Emiliana P coupable d'avoir à Chevilly Larue, courant 1992 et le 21 décembre 1992, trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise en vendant une motocyclette déclaré comme neuve ou quasiment (de l'année 1991) alors que l'engin était une "épave" reconstruite à partir de pièces provenant de divers véhicules; Faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation, et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 dudit Code; Condamne Emiliana P à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 F d'amende; Reçoit Alain Chantris en sa constitution de partie civile; Condamne Emiliana P à verser à Alain Chantris à titre de dommages-intérêts les sommes de 38 075,81 F en réparation de son préjudice matériel; 30 000 F, en réparation de son préjudice moral, et celle de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.