CA Paris, 13e ch. A, 2 décembre 1996, n° 96-00937
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Avocat général :
M. Blanc
Conseillers :
MM. Guilbaud, Paris
Avocat :
Me Morin.
Rappel de procédure
Le jugement
Le tribunal, par jugement contradictoire, a:
Déclaré S Henri coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,
Faits commis courant 1994, à Arcueil et sur le territoire national,
Infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la Consommation
Et, en application de cet article,
Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,
L'a condamné à 10 000 F d'amende avec sursis,
Ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation du matériel saisis,
Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné.
Les appels
Appel a été interjeté par:
M. le Procureur de la République, le 13 décembre 1995 contre Monsieur S Henri
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur l'appel relevé par le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;
Monsieur l'Avocat général, s'en rapportant aux termes de la requête d'appel établie le 26 janvier 1996 par Monsieur Le Procureur de la République de Créteil, requiert de la cour, par infirmation, l'aggravation de la peine;
Par voie de conclusions Henri S demande à la cour de:
- constater que la norme française N F 60 331-1 n'est pas applicable aux destructeurs d'insectes industriels;
- statuer, conformément 5 l'article 515 du Code de procédure pénale, en sa faveur;
- dire qu'en particulier la confiscation ne saurait être maintenue s'agissant de matériels destinés à l'industrie;
Il fait essentiellement valoir que la norme française E N 60 336-1 ne s'applique pas aux appareils prévus exclusivement pour les usages industriels et que d'autre part, aucune norme française ni même internationale n'existe en ce qui concerne les matériels électriques à usage industriel;
Il soutient que dans ces conditions seules les prescriptions générales du décret de 1975, prévues aux termes de son article 3, sont applicables pour apprécier la conformité de ce type de matériels alors que les seuls examens effectués par la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes l'ont été au regard de la Norme Française E N 60 335-1 qui n'était pas applicable;
Considérant que le 9 juin 1994 deux agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes opéraient un contrôle à la société anonyme "X", sise <adresse>Arcueil et dont le PDG est le prévenu;
Que cette intervention de l'Administration avait pour objet de vérifier la conformité aux normes en vigueur de l'appareil tue insectes "Y" fabriqué par les établissements X et faisait Suite à une demande de la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Lozère
Que le procès-verbal de déclaration du 9 juin 1994, Henri S indiquait ne pas réaliser d'essais de conformité sur ces appareils avant leur mise sur le marché;
Qu'il était effectué le même jour un prélèvement en trois échantillons d'un appareil "Y" parmi 38 appareils;
Que des essais étaient réalisés selon les dispositions de la Norme Française E N 60 335-1 et du protocole d'essai P E 103-7;
Que le 25 juillet 1994 le Laboratoire Interrégional de la Répression des Fraudes de Paris Massy, s'appuyant sur les analyses effectuées par le Laboratoire Central des Industries Electriques, concluait au caractère "non conforme et dangereux" de l'appareil "faisant courir à l'utilisateur un risque de choc électrique";
Que 19 destructeurs d'insectes référencés Y étaient saisis le 6 septembre 1994 dans les locaux de la Société "X" conformément à l'article L. 215-5 du Code de la consommation;
Qu'entendu le 24.5.1995 par les Services de la Gendarmerie Henri S, après avoir pris connaissance du résultat des analyses effectuées, renonçait à solliciter l'expertise contradictoire prévue à l'article L. 215-9 du Code de la consommation;
Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en son argumentation;
Que la cour observe en effet que Henri S ne démontre aucunement que les appareils "X" mis sur le marché par la société sont prévus exclusivement pour des usages industriels;
Considérant que les appareils qui ne sont pas destinés aux usages domestiques courants mais qui peuvent constituer néanmoins une source de danger pour les personnes, tels que les appareils destinés à être utilisés par des usagers non avertis dans les magasins, chez les artisans et dans les fermes, sont compris dans le domaine d'application de la norme E N 60 335-1;
Qu'en l'espèce la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Lozère a constaté la présence d[e l'appareil] "Y" dans plusieurs commerces de détail spécialisés;
Qu'il résulte par ailleurs d'un courrier adressé le 9.9.1994 par les établissements X au Laboratoire Interrégional de la Répression des Fraudes de Paris Massy que les appareils concernés étaient vendus non seulement dans le secteur industriel mais aussi dans des magasins d'alimentation tels des boucheries ou des pâtisseries;
Considérant que la Norme Française N F 60 335-1 est donc parfaitement applicable aux appareils litigieux;
Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 75-848 du 26 août 1975 "les matériels visés doivent être construits conformément aux règles de l'art, en sorte que, en cas d'installation et d'entretien non défectueux et d'utilisation conforme à leur destination, ils ne compromettent pas la sécurité des personnes et des animaux domestiques ni celle des biens;
Qu'en l'espèce les examens effectués par le laboratoire interrégional de la répression des fraudes de Paris Massy ont clairement établi le caractère dangereux des appareils "Y" qui font courir à l'utilisateur un risque de choc électrique;
Considérant qu'il appartenait à Henri S, responsable de la société X, de s'assurer que les appareils mis sur le marché par l'entreprise étaient exempts de tout danger pour les utilisateurs;
Qu'en s'en abstenant Henri S s'est, sans conteste, rendu auteur des faits de tromperie visés à la prévention;
Considérant que la cour confirmera le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et la mesure de confiscation du matériel saisi, ordonnée à juste titre par les premiers juges;
Que la cour en revanche majorera la peine d'amende prononcée, ainsi que précisé au dispositif, pour mieux tenir compte de la gravité certaine de l'infraction poursuivie, s'agissant de la mise en vente de produits dangereux pour l'utilisateur;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité et la mesure de confiscation du matériel saisi; L'infirme sur la peine d'amende. Condamne S Henri à 30 000 F d'amende, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.