CA Paris, ch. corr., 5 novembre 1997, n° 96-07128
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Fonbonnat, Gresnot, Savoyen
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Petit
Avocat général :
M. Blanc
Conseillers :
MM. Guilbaud, Paris
Avocat :
Me Jaudel.
Rappel de la procédure :
Sur les intérêts civils seuls en cause d'appel
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire, après avoir relaxé D Paul des fins de la poursuite a débouté les parties civiles de leurs demandes.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur Fonbonnat Jean-Jacques le 4 avril 1996 contre Monsieur D Paul,
Monsieur Gresnot Gilles, le 4 avril 1996 contre Monsieur D Paul,
Monsieur Savoyen Claude, le 4 avril 1996 contre Monsieur D Paul,
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels régulièrement interjetés par les parties civiles Jean-Jacques Fonbonnat, Gilles Gresnot et Claude Savoyen, des seules dispositions civiles du jugement précité auquel il est convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention ;
Jean-Jacques Fonbonnat, Gilles Gresnot et Claude Savoyen sollicitent, par infirmation, la condamnation de D Paul à leur verser, chacun, la somme de 80 000 F à titre de dommages-intérêts, outre, pour Fonbonnat et Gresnot seulement, la somme de 2 000 F chacun sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; ils font valoir essentiellement qu'ils ont été trompés lors de la conclusions du contrat de création de boutique, leur consentement et la remise de fonds, à savoir 80 000 F chacun, ayant été déterminés par la présentation de documents incomplets voire mensongers sur le coût réel de la création de commerce ; ils précisent notamment qu'ils n'auraient jamais contracté, s'ils avaient su que les banques leur demanderaient des garanties hypothécaires ;
Par voie de conclusions, D Paul sollicite la confirmation du jugement dont appel qui a débouté les parties civiles de leurs prétentions ; il demande à la cour de constater que les faits qui lui sont déférés ne peuvent être pénalement qualifiés, et ne présentent aucun caractère infractionnel.
Que c'est à tort, en effet, que les parties civiles lui reprochent en tant que gérant et animateur de la société X avec laquelle ils avaient signé des conventions de formation et d'assistance à l'ouverture de commerces de cordonnerie, de ne pas les avoir assistés dans la recherche d'un financement destiné à l'acquisition desdits commerces, et de ne pas leur avoir restitué l'acompte de 80 000 F versés par leurs soins à la signature lorsque les crédits qu'ils avaient sollicités leur ont été refusés.
Qu'ainsi les premiers juges ont relevé à juste titre que les documents contractuels ne présentaient l'aide de X à la recherche d'un financement que "éventuellement".
Qu'aucune pièce ne précisait que les concours bancaires pourraient être versés sans garantie supplémentaire à l'acompte versé.
Que les bilans prévisionnels fournis étaient libellés "Hors Taxes et avant charges financières."
Que la formation annoncée a été effectuée, qu'il n'a pas été formulé de critique sur son contenu et qu'il ne peut être soutenu qu'elle serait étrangère à l'objet du contrat.
Que le concluant a versé aux débats plusieurs attestations de clients satisfaits.
Que la preuve n'est pas rapportée de manquements d'imprécisions délibérées ou d'allégations fallacieuses ou erronées susceptibles de caractériser les délits.
Que le tribunal relève enfin que si le mode de calcul des frais mis à la charge des prévenus peut apparaître excessif dans son montant et critiquable au regard du droit des contrats "il n'apparaît cependant pas contrevenir aux prescriptions dont le législateur a confié la sanction au juge pénal".
Que cependant, en ce qui concerne ce dernier point, il indique que les parties civiles avaient été informées début janvier 1990, avant de commencer leur formation, du détail de l'affectation des sommes qu'ils allaient devoir verser, soit au total 335 000 F hors taxes.
Que la facture qui leur a été adressée à cette date mentionnait que le coût de la formation était de 72 000 F hors taxes.
Que les parties civiles sont dès lors mal fondées à prétendre qu'elles n'auraient pas été informées du coût de cette formation.
Que celle-ci ayant été intégralement accomplie par leurs soins, elles sont malvenues à venir aujourd'hui réclamer restitution des sommes correspondant aux prestations qu'elles ont effectivement reçues.
Considérant qu'en l'absence d'appel du Ministère public, la décision de relaxe est devenue définitive.
Considérant qu'en raison de l'indépendance de l'action civile et de l'action publique, l'appel de la partie civile, s'il est sans incidence sur la force de la chose jugée qui s'attache, comme en l'espèce, à la décision de relaxe sur l'action publique, saisit le juge des seuls intérêts civils.
Qu'en conséquence, malgré la décision de relaxe, il appartient à la cour d'apprécier les faits dans le cadre de la prévention, pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles qui lui sont présentées qu'ainsi donc, dans la limite de l'appel déféré, elle se doit de rechercher si les faits reprochés à D Paul contiennent des éléments des infractions imputées, et constituent de sa part une faute ouvrant droit à réparation civile.
Considérant que la cour ne saurait suivre les parties civiles dans leurs explications, et considère, qu'à juste titre, les délits de tromperie et de publicité mensongère ne sont pas caractérisés ;
Considérant qu'il convient de rappeler, en effet, que D Paul était le directeur commercial et le dirigeant de fait de la SARL X que, par petites annonces diffusées notamment dans la revue Acturial courant 1989, il a proposé aux candidats éventuels la création de commerces de cordonnerie et de fabrication de clés et de plaques d'immatriculation ; que c'est dans ce cadre juridique que Gresnot Gilles, Fonbonnat Jean-Jacques et Savoyen Claude ont conclu, respectivement les 13/11, 4 et 13/12/1989, un contrat intitulé "compromis de création de boutiques" qui prévoyait notamment "le versement d'un acompte de 80 000 F ; qu'après avoir suivi un cycle de formation de quatre semaines, les trois candidats ont renoncé à leur projet, faute de n'avoir pu obtenir les concours financiers des banques, qui estimaient leurs garanties insuffisantes" ; qu'ayant demandé à D Paul de leur rembourser l'acompte versé à la signature, les intéressés se voyaient répondre que la somme resterait acquise à la société X, par compensation avec la dépense réalisée pour la prise en charge de la formation dispensée ;
Considérant que la cour constate que le contrat intitulé "compromis de création de boutiques" imposait trois obligations au postulant, lequel bénéficiait d'un délai de 8 jours pour se rétracter ; qu'il devait, en premier lieu, verser un acompte de 80 000 F à la société X "sur la formation et la fourniture de matériel et marchandises" pour la création d'une boutique de services cordonnerie, clés, plaques d'immatriculation, pour un montant hors taxes de 335 000 F ; qu'en second lieu, le candidat s'engageait à effectuer le stage de formation au siège de la société ; qu'enfin, et surtout, il devait effectuer les démarches nécessaires à la constitution et à la présentation du dossier de financement" ;
Que la société X, pour sa part, s'engageait à réserver un emplacement commercial pour l'installation de la boutique, et à "assurer le stage de formation et d'initiation à la cordonnerie et aux clés".
Considérant qu'il était également remis aux postulants une fiche "Concept X" détaillant les prestations offertes par la société, une plaquette intitulée "les 7 flèches du succès" aux termes de laquelle la société X promettait l'apprentissage d'un métier offrant une forte rentabilité par l'exploitation d'un commerce en toute indépendance et sans redevance, l'apport d'un local, la réalisation d'une installation fonctionnelle, l'installation de machines, et, à la demande, le bénéfice de la marque "Cordo Flèche" qu'il était remis, enfin, un compte de résultat d'exploitation prévisionnel de la première année d'activité.
Considérant que la cour estime que les candidats, qui devaient fournir un financement complémentaire jusqu'à hauteur de 335 000 F (HT) ne pouvaient ignorer, compte tenu de leur âge et de leurs activités professionnelles antérieures, que les banques, en règle générale n'accordent de prêt que sous réserve de garanties sérieuses, essentiellement hypothécaires ;
Qu'elle constate, en l'espèce, ainsi que le reconnaît D Paul, dans ses conclusions, que les documents contractuels remis aux candidats présentaient comme "éventuelle" et non obligatoire, la participation de la société X à la recherche de financement des projets ; qu'en aucun cas, celle-ci ne prenait l'engagement formel de leur faire obtenir le prêt nécessaire à la réalisation de l'opération ;
Considérant par ailleurs que la cour constate qu'aucune pièce du dossier n'indique que les concours bancaires pourraient être obtenus sans apport d'un montant supérieur à l'acompte versé, et surtout sans aucune garantie immobilière.
Considérant que la cour relève que la formation annoncée a été assurée pendant la recherche de financement, et qu'aucune critique n'a été émise sur son sérieux
Qu'à cet égard, D Paul a versé aux débats des attestations émanant de candidats satisfaits, qui ont pu ouvrir boutique ; qu'il appert, dès lors, que si le projet des parties civiles n'a pu se développer jusqu'à son terme, l'initiative en revient aux seuls plaignants, qui, pour des motifs patrimoniaux qui leurs étaient propres, ont renoncé au projet en cours de formation;
Que, dès lors, les engagements pris par la société X quant à la fourniture d'emplacements commerciaux et à l'installation des machines, devenaient caduques ;
Que la cour estime enfin, concernant le remboursement de l'acompte de 80 000F, que si cette somme a été retenue par la société après désistement des candidats, le mode de calcul des frais mis à leur charge ne contrevient pas, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, aux prescriptions dont le législateur a confié la sanction au juge pénal ;
Considérant, dès lors, que la cour considère que D Paul n'a pas, dans le cadre de la prévention, commis une faute entraînant une réparation civile qu'en conséquence, elle confirmera, statuant sur les intérêts civils seuls en cause d'appel, le jugement déféré qui a débouté Fonbonnat Jean-Jacques, Gresnot Gilles et Savoyen Claude de leurs demandes.
Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, sur les intérêts civils seuls en cause d'appel, Dit que dans le cadre de la prévention reprochés, D Paul n'a pas commis de faute entraînant une réparation civile, Confirme le jugement dont appel sur les intérêts civils en ce qu'il a débouté Fonbonnat Jean-Jacques, Gresnot GilIes et Savoyen Claude de leurs demandes.