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Décisions

Conseil Conc., 13 mai 2004, n° 04-D-18

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Exécution de la décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentées par la société 9 Télécom Réseau

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Lavergne, par M. Nasse, vice-président, Mme Perrot ainsi que MM. Bidaud, Lasserre, Piot, membres.

Conseil Conc. n° 04-D-18

13 mai 2004

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre enregistrée le 15 février 2001 sous le numéro R 31, par laquelle la société 9 Télécom Réseau a saisi le Conseil de la concurrence du non-respect de l'injonction prononcée par la décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 ; Vu le titre IV du Code de commerce et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ; Vu la décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société 9 Télécom Réseau ; Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 mars 2000 ; Vu la décision n° 01-D-44 du 16 juillet 2001 concernant l'exécution de la décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société 9 Télécom Réseau ; Vu les décisions de secret des affaires n° 02-DSA-24, n° 02-DSA-25 et n° 02-DSA-26 du 18 décembre 2002 ; Vu l'avis n° 01-327 de l'Autorité de régulation des télécommunications du 28 mars 2001, ainsi que les éléments complémentaires communiqués le 12 novembre 2001 ; Vu les observations présentées par les sociétés France Télécom, 9 Télécom Réseau et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, les sociétés 9 Télécom Réseau et France Télécom entendues au cours de la séance du 11 février 2004 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. Constatations

1. Le contexte de l'affaire : le lancement de l'ADSL

1. L'offre d'accès d'un abonné à Internet s'appuie sur des prestations techniques distinctes : l'accès qui concerne l'acheminement de la communication sur le réseau local entre l'utilisateur final et le premier niveau de commutation du réseau téléphonique, le transport de cette communication jusqu'au serveur du fournisseur de service Internet par un opérateur de transport de données et, enfin, le raccordement au service Internet par le fournisseur d'accès à Internet (FAI) qui assure la gestion de l'abonné.

2. La technologie ADSL (Asymetric Digital Suscriber Line) est une technique d'accès à Internet à 'bande passante large', obtenue par numérisation des lignes téléphoniques de cuivre, au moyen de 'filtres électroniques' placés, d'une part, chez l'abonné et, d'autre part, au niveau de multiplexeurs d'accès (DSLAM). Cette technique permet d'offrir un accès à haut débit, multimédia, tout en laissant disponible la ligne téléphonique pour recevoir et donner des appels. Elle permet, en outre, d'offrir à l'abonné une connexion permanente et illimitée en durée.

3. Lorsque le transport des données vers le FAI est effectué par France Télécom, le trafic ainsi recueilli est orienté vers des serveurs d'accès (BAS) qui gèrent le trafic issu d'une dizaine de multiplexeurs. Les zones ainsi couvertes sont appelées 'plaques'. L'ensemble du réseau était, à l'époque des faits, découpé en 45 plaques régionales, composées chacune d'un à quatre départements, hormis Paris qui regroupe 3 plaques. A ce niveau, celui du transport de données, l'utilisation de liens en mode ATM (Asynchronous Transfer Mode), permettant une transmission très rapide des informations et une utilisation optimale de la capacité des lignes, s'avère particulièrement adaptée au transfert de données à haut débit et offre une qualité de service garantie sur ce segment.

4. L'accès à Internet se fait, entre l'abonné et le FAI, en mode Internet Protocole (IP). Les flux de données IP issus des ordinateurs connectés sont acheminés par les circuits ATM établis entre les modems ADSL des clients et les BAS. Ces serveurs d'accès permettent d'établir un lien en mode IP avec les routeurs de France Télécom qui dialoguent avec les routeurs des FAI.

EMPLACEMENT TABLEAU

2. Les offres de France Télécom destinées aux utilisateurs et aux FAI

5. La société France Télécom (ci-dessous France Télécom) a débuté, en 1998, l'expérimentation de la technologie ADSL sur des zones géographiques limitées, avec sa filiale spécialisée dans la fourniture d'accès à Internet dénommée à l'époque France Télécom Interactive, ci-après FTI, puis Wanadoo à compter du 24 septembre 2001. Une seconde phase a été engagée à la mi-1999 avec la commercialisation par France Télécom, auprès des utilisateurs, d'un service d'accès à Internet à haut débit permanent et illimité en durée, décliné en Netissimo 1 (débit de 500 kbits/s) et Netissimo 2 (débit de 1 Mbit/s).

6. France Télécom a commercialisé, parallèlement, une offre destinée aux fournisseurs d'accès dénommée Turbo IP, afin de collecter le trafic Netissimo, issu d'une plaque ADSL, jusqu'au site d'un fournisseur de services IP situé à l'intérieur de la plaque. Ce service était indispensable pour que l'abonné qui souhaitait bénéficier de la technologie ADSL puisse rester abonné chez un FAI concurrent de FTI, tout en devenant client de France Télécom pour le service Netissimo.

7. Ces offres ont été soumises à l'homologation ministérielle, conformément aux dispositions de l'article 17 du cahier des charges de France Télécom. L'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) a rendu, le 7 juillet 1999, un avis sur ces offres (n° 99-582) estimant indispensable, au regard des règles du droit des télécommunications et du droit de la concurrence et afin de répondre aux besoins des utilisateurs, que les opérateurs tiers bénéficient d'une offre leur permettant de proposer des services "de même nature que Netissimo et Turbo IP, en étant maîtres des éléments techniques et commerciaux essentiels de ces services ". Par une décision en date du 12 juillet 1999, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et le secrétaire d'Etat à l'industrie ont cependant homologué la décision tarifaire de France Télécom portant sur les offres Netissimo et Turbo IP.

3. Les offres de France Télécom destinées aux opérateurs de réseaux

8. La capacité des opérateurs de réseaux, concurrents de France Télécom, à offrir aux FAI des prestations de transport de données ADSL comparables à celles de France Télécom dépend étroitement des conditions auxquelles ces opérateurs accèdent à la boucle locale. L'ART a engagé, en avril 1999, une consultation publique afin de recueillir l'avis des acteurs sur différentes options envisageables pour la mise en œuvre du dégroupage de la boucle locale. La synthèse des contributions publiées en décembre 1999 a permis de faire ressortir deux options privilégiées par les acteurs :

- l'accès à la paire de cuivre (option 1 de la consultation) qui consiste en la mise à disposition de l'opérateur entrant, par France Télécom, des paires de cuivre nues. L'opérateur entrant installe ses propres équipements sur ces paires et peut ainsi fournir l'ensemble des services à haut débit ;

- l'accès au circuit virtuel permanent (option 3 de la consultation de l'ART) qui consiste en la fourniture de transport de données à haut débit entre l'abonné et un point de présence de l'opérateur, un circuit virtuel étant dédié à chaque raccordement à haut débit. La mise en œuvre de cette option permet à l'abonné d'être le client du nouvel opérateur, pour un service de transport de données à haut débit, tout en restant client de France Télécom pour le service téléphonique.

9. Ce sont les conditions selon lesquelles les opérateurs concurrents de France Télécom peuvent utiliser cette option 3 d'accès au circuit virtuel permanent pour fournir aux FAI le service de transporter les données haut débit des clients finals de ces FAI qui constituent le cour de la présente saisine. Ces conditions sont d'abord techniques : le circuit virtuel peut offrir aux opérateurs concurrents de France Télécom la possibilité de configurer les caractéristiques du transport offert, et donc sa qualité, de façon différente de la configuration retenue par France Télécom. Mais elles sont aussi économiques : d'une part, ces opérateurs achètent à France Télécom la prestation d'accès au circuit virtuel et, d'autre part, leur prix de revente aux FAI est contraint par le tarif pratiqué par France Télécom sur son service Turbo IP. L'écart entre ces deux tarifs de France Télécom détermine l'espace économique ouvert à ces opérateurs.

10. L'opérateur de réseau de télécommunication 9 Télécom Réseau, ci-après 9 Télécom, a demandé à France Télécom, par lettre du 14 septembre 1999, puis par d'autres courriers et au cours de diverses réunions, à avoir accès au circuit virtuel permanent (option 3 de la consultation de l'ART) de manière à être en mesure de proposer une offre concurrente de Netissimo/Turbo IP en janvier 2000. France Télécom l'a informé, par courrier du 2 novembre 1999, de l'élaboration "d'une offre de vente en gros de ses services Netissimo, destinée aux opérateurs tiers pour leur permettre d'offrir des services équivalents à ceux de France Télécom " mais elle n'a pas répondu à la demande précise faite par 9 Télécom et n'a apporté, par la suite, aucune information en termes techniques ou financiers justifiant de cette position. France Télécom a confirmé le 10 novembre, après le lancement commercial de son offre ADSL, son offre de revente de Netissimo-Turbo IP, dénommée 'IP/ADSL'. C'est à la suite de ces démarches que 9 Télécom a saisi le Conseil, le 29 novembre 1999, et que ce dernier, par une décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000, a prononcé l'injonction dont 9 Télécom dénonce le non-respect. Le Conseil a, dans cette décision, considéré que l'offre IP/ADSL ne permettait aux opérateurs tiers d'accéder au marché qu'en tant que distributeurs du service de France Télécom, et non comme fournisseurs de leurs propres services, et ne leur permettait de maîtriser ni leurs coûts, ni leurs marges.

4. Le déploiement de France Télécom et Wanadoo

11. A la fin de l'année 2000, 11 millions de lignes étaient éligibles à l'ADSL et une estimation portait ce nombre à 16 millions fin de l'année 2001, ce qui représentait un tiers du nombre total des lignes téléphoniques en 2000 et la moitié en 2001. Les clients ADSL de France Télécom (directement via Netissimo ou indirectement via la revente par un FAI) étaient 67 000 fin 2000, 408 000 fin 2001 et 1 400 000 fin 2002 (source France Télécom).

12. En ce qui concerne les offres d'accès à Internet à destination du grand public, les offres initialement découplées, abonnement à Netissimo, d'une part, et au service Internet, d'autre part, ont été suivies, à partir de janvier 2001, de "packs ADSL", couplant les deux prestations et intégrant un modem, format qui constitue aujourd'hui l'essentiel des offres commercialisées. Le nombre d'abonnés ADSL de Wanadoo est passé de 52 973 fin 2000 à 270 325 en octobre 2001, les deux tiers ayant acquis un pack eXtense (cote 2636). A cette date, les abonnés ADSL de Wanadoo représentaient environ les deux tiers de l'ensemble des abonnés ADSL.

5. L'injonction adressée à la société France Télécom dans la décision n° 00-MC-01

13. Saisi par 9 Télécom, le 29 novembre 1999, de pratiques imputées à France Télécom, le Conseil a estimé, dans sa décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000, que, si l'offre de France Télécom d'un service d'accès haut débit à Internet constituait pour les clients finals et pour les fournisseurs de services une innovation porteuse d'un progrès incontestable, en termes de capacité de réseau et de rapidité d'accès, comme en témoignait d'ailleurs l'attente qu'elle suscitait chez les usagers résidentiels et professionnels d'Internet, la mise en œuvre de cette innovation, impliquant l'accès à des infrastructures détenues en quasi monopole, ne devait pas se faire dans des conditions de nature à interdire de fait aux autres opérateurs de télécommunications concurrents de l'opérateur historique, de commercialiser leurs propres services d'accès à haut débit à Internet. Le Conseil a considéré que la restriction de concurrence intervenant au moment du lancement de l'innovation revêtait un caractère de gravité et d'immédiateté nécessitant l'adoption de mesures d'urgences.

14. Le Conseil a, en conséquence, "enjoint à la société France Télécom de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines à compter de la notification de la présente décision, une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL ou toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes".

15. L'appel formé par la société France Télécom contre cette décision a été rejeté par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 30 mars 2000 qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation.

6. Les mesures prises par la société France Télécom à la suite de l'injonction du Conseil

16. A la suite de l'injonction du Conseil de la concurrence, France Télécom a, dans un premier temps, le 18 avril 2000, présenté aux opérateurs tiers une offre dénommée ADSL Connect IP, disponible à partir du 2 mai 2000 pour une durée d'un an. L'opérateur a, parallèlement, annoncé la mise en place d'une offre dénommée ADSL Connect ATM, destinée à se substituer à la première, et qui ne devait être disponible qu'en octobre 2000, une phase expérimentale devant toutefois être lancée à compter du 1er juillet 2000.

17. L'offre ADSL Connect IP de France Télécom consistait, en premier lieu, à collecter les flux de trafic des abonnés jusqu'au point de présence de l'opérateur situé sur la même plaque ADSL. Cette offre se composait d'un raccordement à 155 Mbits/s, du site de l'opérateur jusqu'au réseau de France Télécom, faisant l'objet de frais d'accès au service de 80 000 francs HT et d'un abonnement mensuel, fonction de la longueur du raccordement (35 000 francs HT mensuels si la distance entre le point de collecte de France Télécom et le point de présence de l'opérateur est inférieure à 10 kms, plus 3 000 francs HT mensuels par km au-delà de cette distance).

18. Cette offre était couplée, en second lieu, à une offre de revente du service Netissimo de France Télécom, dont le prix était fixé par rapport au prix public, avec une remise de 10 % (pour 3 000 abonnements nets) ou 20 % (pour 20 000 abonnements nets). Cette offre faisait, par ailleurs, l'objet de frais d'accès au service, facturés au prix public, variables selon que France Télécom réalisait ou non l'installation chez le client final pour le compte de l'opérateur.

19. L'offre ADSL Connect ATM consiste en une prestation de transport de données en mode ATM entre un point de présence de l'opérateur tiers et des abonnés situés sur une même plaque ADSL. Dans le cadre de ce service, France Télécom fournit à l'opérateur tiers, d'une part, un raccordement à 155 Mbits/s, du site de l'opérateur au réseau de France Télécom sur chaque plaque ADSL, d'autre part, la mise à disposition de conduits de collecte locaux (CCL), équipement situé dans le répartiteur de France Télécom et concentrant les lignes ADSL de la zone de couverture de ce répartiteur et, enfin, la mise à disposition d'accès ADSL. Ces prestations créent un circuit ATM supportant le flux de données depuis le modem ADSL de l'abonné jusqu'au point de présence de l'opérateur tiers.

20. Après sa présentation aux opérateurs le 18 avril 2000, l'offre ADSL Connect ATM a fait l'objet de négociations au cours de l'année 2000. La société 9 Télécom a fourni un courrier, qu'elle a adressé le 24 mai 2000 à France Télécom, lui demandant de rendre cette offre conforme à l'injonction du Conseil. Elle affirme qu'à la fin du mois de juin 2000, l'offre était "enfin recevable sur le plan technique sous réserve des adaptations propres à chaque opérateur". Les sociétés Cegetel, Iliad et Free Télécom ont, quant à elles, contesté les limitations de capacité de débit imposées par France Télécom.

21. Liberty Surf a signé, quant à elle, le 8 juin 2000, une convention expérimentale dont l'échéance était prévue au 14 novembre 2000. Elle a cependant, par lettre du 3 novembre 2000, demandé à France Télécom de modifier les conditions de cette offre sur la base des principes suivants :

- Décorrélation du tarif afférent à l'accès et de celui afférent à l'utilisation des conduits de collecte locaux (CCL) avec, pour l'accès, un tarif de 100 francs par mois, outre un palier de réservation de 10 accès au lieu de 50 proposés par France Télécom, et, pour le débit, un tarif par Mbit/s de 1000 francs par mois, avec une granularité de 0,5 Mbit/s, ce prix incluant les éventuels prolongements de CCL jusqu'à un autre coEur de plaque situé dans la même région ADSL ;

- Fixation d'une structure et d'un niveau du tarif tels qu'ils lui permettent d'obtenir un niveau de marge brute unitaire de l'ordre de 50 %.

22. Au 1er décembre 2000, France Télécom a transmis aux opérateurs demandeurs la proposition tarifaire suivante : pour le raccordement à haut débit, d'une part, des frais forfaitaires d'accès au service de 20 000 ou 40 000 francs HT et, d'autre part, un abonnement mensuel, correspondant sans les distinguer, à la mise à disposition de conduits de collecte locale intraplaque et à la mise à disposition des accès ADSL, en fonction du nombre d'accès (minimum 50) et du débit (jusqu'à 15 Mbits/s), ce qui représente de 24 600 à 208 000 francs HT mensuels. France Télécom proposait aussi des prestations complémentaires, facturées à l'opérateur tiers, comme la modification du débit du CCL au sein d'un niveau de service (1 000 francs HT), ou du niveau de service lui-même (2 000 francs HT). France Télécom proposait également des remises, en cas d'engagement de longue durée : 17 % sur les abonnements mensuels pour un engagement de deux ans et 25 % pour trois ans.

II. La saisine

23. La société 9 Télécom a saisi le Conseil, le 15 février 2001, du non-respect par France Télécom de l'injonction prononcée à son encontre dans la décision n° 00-MC-01. Elle expose que France Télécom a transmis, le 18 avril 2000, une offre aux opérateurs tiers contenant de nombreuses restrictions techniques et tarifaires, qu'elle estime non conforme à l'injonction donnée par le Conseil. Elle fait état de nombreux échanges et rencontres, au cours desquels la société France Télécom aurait "fait traîner délibérément les négociations", qui ont conduit à une offre de France Télécom, "enfin recevable sur le plan technique" à la fin du mois de juin 2000, sous réserve des adaptations propres à chacun des opérateurs tiers, sans que, néanmoins, les conditions économiques de cette offre satisfassent ces opérateurs, alors que France Télécom aurait déclaré ne vouloir revenir en aucun cas sur ces conditions. Les conditions tarifaires fixées par France Télécom ne seraient ni proportionnées ni orientées vers les coûts. La société 9 Télécom dénonce le fait que, parallèlement à cette pratique, France Télécom aurait, depuis le 1er février 2000, date de la séance du Conseil, poursuivi de façon soutenue le déploiement de ses propres offres, passant de 1 700 abonnés au 15 décembre 1999 à près de 70 000 abonnés un an après, pour une couverture géographique portant sur plus de 200 villes, parmi lesquelles les agglomérations les plus importantes du territoire.

24. Dans sa saisine, la société 9 Télécom a évalué les coûts supportés par un opérateur tiers nouvel entrant, en distinguant les coûts propres, de 21 francs HT mensuels par abonné (équipements d'interface, raccordement au point de présence, maintenance et système d'information), les coûts d'interconnexion ATM, de 833 francs HT mensuels, représentant les frais d'accès au service sur la plaque, et de 30 000 francs HT mensuels, en sus, de redevance pour la plaque. Cette analyse, qui porte sur les deux années 2001 et 2002, développe deux scenarii, le premier fondé sur un nombre d'abonnés au fournisseur d'accès à Internet de 20 000 en 2001 et de 60 000 en 2002, le second sur un nombre d'abonnés de 35 200 en 2001 et de 108 000 en 2002. La société 9 Télécom a, par ailleurs, estimé que le coût total pour un fournisseur d'accès à Internet s'élève à 243 francs HT par abonné (soit 187 francs HT pour l'accès et 56 francs HT pour la collecte). Selon elle, aucun opérateur alternatif ne peut donc proposer à un fournisseur de service Internet, un service de qualité équivalente à un tarif inférieur ou égal à 243 francs HT, qu'elle rapproche de l'abonnement au service ADSL proposé à l'utilisateur final par France Télécom et sa filiale Wanadoo pour un montant mensuel de 298 francs TTC (plus le paiement de 990 francs au titre des frais d'accès et de l'achat du modem).

A. Les décisions et avis de l'ART

1. La décision de l'ART portant sur un règlement de différend 01-253 entre Liberty Surf et France Télécom, en date du 2 mars 2001

25. La société Liberty Surf Télécom a, en date du 17 novembre 2000, saisi l'ART d'une demande de règlement de différend, portant sur les conditions tarifaires de l'offre ADSL Connect ATM. Cette demande a fait l'objet de la décision n° 01-253 du 2 mars 2001, dans laquelle l'ART a estimé qu'en tant qu'offre d'accès et non pas d'interconnexion, ADSL Connect ATM n'était pas soumis à l'obligation d'orientation vers les coûts au sens de la réglementation des télécommunications mais que les conditions tarifaires de cette offre devaient néanmoins permettre à un opérateur tiers de proposer aux FAI des offres concurrentes à celles de France Télécom, dans des conditions équitables et non discriminatoires par rapport à celles que France Télécom accorde à ses propres services ou filiales, en application des dispositions de l'article L. 34-8 du Code des postes et télécommunications en vigueur à l'époque : "Les mêmes exploitants doivent dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public...". L'Autorité a également estimé que les dispositions de l'article L. 32-1 du Code des postes et télécommunications, selon lesquelles elle veille "à la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de concurrence", l'habilitaient à vérifier si les conditions financières de la prestation en cause permettaient à un opérateur efficace de faire des offres concurrentes à celles proposées aux FAI par France Télécom, et donc de s'assurer que ces conditions ne créaient pas d'effet de ciseau tarifaire.

26. L'ART a donc considéré que les tarifs de l'offre ADSL Connect ATM devaient être établis à un niveau tel qu'ils permettent à Liberty Surf, compte tenu des coûts propres qu'elle supporte par ailleurs, de proposer aux FAI des offres de collecte qui leur laissent la possibilité de concurrencer les offres de détail présentes sur le marché et, notamment, celles du groupe France Télécom. Pour que l'offre de Liberty Surf aux FAI soit compétitive, elle ne devait donc pas excéder le tarif des offres de détail d'accès à Internet à haut débit, tel que celui du pack ADSL de Wanadoo, diminué d'un montant correspondant à la rémunération du FAI.

27. De plus, l'ART a constaté que le tarif ADSL Connect ATM était, notamment, fonction du nombre d'accès desservis par le DSLAM, définissant la capacité de la bande passante réservée pour chaque CCL. Or, France Télécom avait proposé 12 niveaux de réservation du CCL de 50 à 600 accès, avec des paliers de 50 accès. France Télécom justifiait la taille de ce palier en soutenant que les répartiteurs sont divisés en modules et que le seuil de 50 accès correspondait à 5 modules de 10 accès, le coût de la gestion de modules inférieurs à 10 accès étant, selon lui prohibitif. L'ART a, cependant, souligné que ce seuil était très pénalisant pour la montée en charge des opérateurs entrants et que les cas de répartiteurs avec plusieurs modules étaient rares et semblaient limités aux grandes villes. En conséquence, il lui a semblé préférable de définir le seuil d'accès des différents niveaux de répartition des CCL par répartiteur et de le fixer à 5 accès par module, avec un minimum de 10 accès par répartiteur, soit, par exemple, 25 accès pour un répartiteur de 5 modules et 10 accès pour un répartiteur d'un seul module.

28. S'agissant de la structure du tarif correspondant à la collecte du trafic, l'ART a estimé que le fait qu'il soit fixé sur des paliers prédéfinis groupant le nombre d'accès au débit réservé revenait à corréler le tarif afférent à l'accès par abonné, dont l'unité d'œuvre est l'accès, et celui afférent au débit réservé au niveau de chaque CCL, dont l'unité d'œuvre est le Mégabit, ce qui ne se justifiait pas. Elle a également estimé que rien ne justifiait que le nombre d'accès par DSLAM soit limité à 600.

29. Enfin, l'ART a relevé que l'offre initiale prévoyait un tarif, pour un engagement d'un an, supérieur de 33 % au tarif pour un engagement de trois ans, justifié, selon France Télécom, par la couverture du risque de non-réutilisation de ses matériels en cas d'arrêt du service au bout d'un an. Elle a estimé qu'un surcoût limité à 29 % permettrait un partage équitable des risques entre les opérateurs.

30. L'ART a également considéré que le tarif d'ADSL Connect ATM devait permettre une juste rémunération de France Télécom compte tenu des coûts supportés pour la fourniture de ce service. Outre les coûts techniques liés à l'utilisation du réseau, aux prestations et aux équipements spécifiques, l'Autorité a considéré que le coût supporté par France Télécom comprenait, outre une rémunération du capital estimée à 15 %, des charges d'exploitation et une contribution équitable aux coûts communs.

31. Sur la base de cette étude, l'ART a fixé des tarifs significativement inférieurs à ceux proposés initialement par France Télécom le 18 avril 2000. Cette baisse, variable selon le nombre d'accès demandés, est d'autant plus forte que le nombre d'accès est faible (par exemple : baisse de 82 % pour 10 accès, de 52 % pour 50 accès, de 45 % pour 150 accès et de 36 % pour 600 accès). L'ART mentionne, enfin, que ces tarifs ont été fixés en cohérence avec les autres tarifs valables pour 2001 ; de la sorte, toute baisse des tarifs de détail pratiqués par France Télécom aurait pour conséquence immédiate de générer un effet de ciseau tarifaire à l'encontre des opérateurs concurrents.

32. Une offre ADSL Connect ATM, conforme aux décisions prises par l'ART dans ce règlement de différend, datée du 1er juin 2001, a été transmise à l'Autorité le 6 juin 2001.

2. L'avis de l'ART n° 01-327 du 28 mars 2001 rendu à la demande du Conseil sur les offres ADSL Connect Ip et ADSL Connect ATM

33. Dans cet avis, l'ART a constaté que l'offre ADSL Connect IP constituait l'agrégation de deux offres existantes, dénommées Turbo/IP et IP/ADSL, proposées par France Télécom depuis fin 1999 et a noté une évolution tarifaire par rapport à ces offres initiales, le tarif mensuel de raccordement étant de 35 000 francs contre 80 000 francs dans le cadre de l'offre Turbo IP pour un raccordement à 155 Mbits/s. Selon elle, cependant, cette offre ne remédiait pas aux inconvénients majeurs, pour les opérateurs, liés à la revente d'un service fourni par France Télécom, et ne constituait pas une offre équivalente à l'offre de circuit virtuel permanent en mode ATM visée par l'injonction du Conseil, les niveaux de débits et de qualité de service étant fixés et ne pouvant faire l'objet d'offres diversifiées de la part des opérateurs concurrents. Elle appelait encore l'attention du Conseil sur le fait que la société Mangoosta avait souscrit cette offre dans l'optique d'entrer rapidement sur le marché de l'ADSL mais avait déposé devant l'Autorité une demande de règlement de différend, le 23 février 2001, relative aux conditions de fourniture de cette offre.

34. S'agissant de l'offre ADSL Connect ATM, l'ART confirmait que cette offre correspondait bien à l'"option 3" du dégroupage, identifiée par les opérateurs lors de la consultation qu'elle avait menée en 1999 comme l'un des deux modes d'accès privilégiés à la boucle locale et qu'elle présentait bien, dans sa forme technique, les principales caractéristiques de l'offre demandée par 9 Télécom dans sa saisine du Conseil du 29 novembre 1999. L'ART reprenait toutefois l'analyse à laquelle elle avait procédé dans sa décision de règlement de différend n° 02-253, exposée aux paragraphes 25 à 32 ci-dessus, et en concluait que "l'offre présentée par France Télécom ne répondait ni aux demandes des opérateurs ni aux conditions posées par le Conseil dans sa décision du 18 février 2000". Elle précisait que cette offre n'avait été souscrite par aucun opérateur.

a) Sur les éléments de contexte

35. L'ART observait également que l'évolution de la situation du marché de l'ADSL, depuis la décision du Conseil, se caractérisait par la poursuite du déploiement des offres ADSL de France Télécom. A la fin de l'année 2000, l'ADSL couvrait potentiellement 11 millions de lignes pour 500 répartiteurs et devait en couvrir 16 millions à la fin de l'année 2001. Le nombre de clients du service ADSL de France Télécom était de 67 000 fin 2000, avec un objectif de 600 000 fin 2001. L'ART précisait que les offres alternatives des FAI demeuraient, en général, limitées à la revente des services de France Télécom, à partir de l'offre ADSL Connect IP pour le marché grand public, et l'offre Turbo DSL pour le marché des entreprises. Elle attirait enfin l'attention du Conseil sur la forte baisse des prix qu'avait entraînée la commercialisation de "packs ADSL", à partir de janvier 2001, par Wanadoo, puis par Club Internet. Ces offres ont couplé un abonnement au service Netissimo 1 et l'abonnement au service de Wanadoo, à un tarif de 298 francs par mois, contre 390 francs au total pour les offres découplées, moyennant le paiement de 990 francs au titre des frais d'accès au service et de l'achat du modem, contre 1 740 francs précédemment, et ne nécessitent pas d'intervention d'un agent France Télécom au domicile de l'abonné.

b) Le complément d'avis du 12 novembre 2001

36. L'ART a transmis, le 12 novembre 2001, en complément de l'avis du 28 mars, des éléments méthodologiques et économiques sur le test de ciseau tarifaire appliqué à l'offre ADSL Connect ATM. Elle rappelle à ce propos que la condition posée par l'injonction du Conseil, à savoir la fourniture d'une offre permettant l'exercice d'une concurrence effective, implique de s'assurer que les conditions économiques de cette offre sont telles qu'elles permettent à des opérateurs tiers efficaces y recourant, de fournir des prestations équivalentes à celles proposées par France Télécom dans des conditions de concurrence effective. Les offres à concurrencer sont l'offre Turbo IP combinée à l'offre IP/ADSL, Turbo IP assurant la collecte des flux de trafic depuis les abonnés jusqu'au point de présence des FAI, et l'offre IP/ADSL consistant en la revente des abonnements Netissimo sous la marque des FAI.

37. S'agissant des caractéristiques du marché de référence à prendre en compte, l'ART estime que la dimension géographique de ce marché est nationale, car France Télécom propose des offres sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, du point de vue de la clientèle ciblée, elle considère que le marché doit présenter les mêmes caractéristiques que celui sur lequel France Télécom opère et donc, comprendre à la fois des clients grand public (environ 80 %) et des clients professionnels (environ 20 %).

38. L'ART note encore que le tarif de l'offre ADSL Connect ATM dépend du nombre de répartiteurs concernés et du nombre d'accès par répartiteur, selon un effet dégressif. Le nombre de clients visés par l'opérateur souscrivant à cette offre est donc un paramètre qui détermine de façon importante le coût moyen par abonné. De plus, la répartition géographique de ce nombre de clients est également déterminante puisque, du fait de sa structure, le tarif par répartiteur dépend fortement du nombre d'accès sur ce répartiteur : de 984 francs par mois par abonné dans le cas d'un point de présence faiblement équipé (25 accès) à 384 francs par mois par abonné pour un point de présence important (300 accès). De fait, pour un même nombre d'abonnés, plus ce nombre est concentré sur un faible nombre de répartiteurs et plus le coût moyen par abonné est faible. L'ART prend en compte un déploiement des opérateurs sur 600 répartiteurs fin 2000, 1 500 fin 2001 et 2 400 fin 2002, correspondant aux réalisations et prévisions de France Télécom, et calcule, en croisant ces valeurs et des hypothèses sur le nombre total d'abonnés, des nombres moyens d'abonnés par répartiteur (tableau 1 ci-dessous). Le coût moyen par abonné de l'offre ADSL Connect ATM est ensuite calculé sur la base d'une approximation linéaire ne prenant en compte que la relation entre le nombre d'abonnés par points de présence et le coût de l'offre ADSL Connect ATM. En outre, le tarif de l'offre ADSL Connect ATM étant réduit de 25 % dans l'hypothèse où l'opérateur tiers s'est engagé à y recourir pendant au moins trois ans, ce calcul de coût moyen est réalisé par l'ART pour l'hypothèse sans engagement (tableau 2 ci-dessous) et pour celle avec engagement de trois ans (tableau 3 ci-dessous).

EMPLACEMENT TABLEAU

39. Ces coûts moyens par abonné, supportés par un opérateur concurrent de France Télécom, sont ensuite mis en regard du prix de vente aux FAI pratiqué par France Télécom. Il s'agit des recettes par abonné perçues par France Télécom auprès des FAI souscrivant les offres Turbo IP et IP/ADSL (option 5), compte tenu d'une hypothèse faite par l'ART sur le débit moyen par abonné ADSL supposé de 20 kbits/s, soit 380 francs par abonné et par mois. Compte tenu des coûts propres encourus par les opérateurs tiers pour la fourniture aux FAI de services de ce type, qu'elle estime à 80 francs par abonné et par mois, l'ART en conclut que les versements des opérateurs à France Télécom au titre de l'offre ADSL Connect ATM ne peuvent dépasser 300 francs par abonnés et par mois sans conduire à une marge négative. Or, elle constate (cf. tableaux 2 et 3 ci-dessous) que, compte tenu des tarifs de l'offre ADSL Connect ATM, les versements d'un opérateur à France Télécom dépassent cette somme dans toutes les hypothèses, hormis dans celles où l'opérateur réussit à avoir au moins 210 000 abonnés au total, sur 600 répartiteurs, ou au moins 600 000 sur 1 500 répartiteurs, en ayant souscrit un engagement de 3 ans (zone grisée du tableau 3 ci-dessus).

40. L'ART attire l'attention du Conseil sur le fait que le déploiement prévu par France Télécom était au total de 1 500 répartiteurs et 600 000 lignes à l'horizon de la fin de l'année 2001, dont la moitié pour Wanadoo. Les valeurs correspondant au nombre des abonnés et des points de présence de Wanadoo apparaissent en gras sur les tableaux ci-dessus : elles permettent de constater que les cas dans lesquels un opérateur verserait à France Télécom, au titre de l'offre ADSL Connect ATM, moins de 300 francs par abonné et par mois correspondent à des cas où l'opérateur alternatif, soit fournirait ses services à des FAI ayant un nombre d'abonnés supérieur à celui de Wanadoo, pour un déploiement sur un nombre identique de répartiteurs, soit n'offrirait ses services aux FAI que sur un petit nombre de répartiteurs, renonçant donc à une offre nationale.

41. L'ART précise qu'il s'agit d'une analyse statique, qui consiste à analyser la situation de l'opérateur sur une année cible (à échéance d'un an ou trois ans) pour laquelle l'opérateur peut escompter une taille suffisante et une part de marché réaliste, et que ne sont donc pas prises en compte les pertes accumulées pendant les années de montée en charge : leur recouvrement n'est pas envisagé.

42. L'ART souligne enfin dans ce complément à son avis du 28 mars 2001 le caractère complexe de la structure tarifaire de l'offre ADSL Connect ATM, notamment en ce qui concerne la dégressivité au volume des tarifs et la présence d'une réduction tarifaire de 25 % liée à la durée de l'engagement des opérateurs (trois ans au lieu d'un an). Elle invite le Conseil à analyser l'effet éventuel de barrière à l'entrée que pourrait constituer la structure de ce tarif.

3. Les autres avis et décisions de l'ART concernant l'offre ADSL Connect Atm, intervenus postérieurement à mars 2001

43. Postérieurement à l'avis rendu par l'ART le 28 mars 2001, les tarifs des offres IP/ADSL (option 5) et ADSL Connect ATM (option 3) ont évolué à la baisse à plusieurs reprises. France Télécom a, en avril 2001, soumis pour la première fois à l'homologation une modification tarifaire de l'offre IP/ADSL, commercialisée depuis 1999, et l'Autorité a estimé, dans son avis n° 01-548, que s'agissant d'une offre d'accès fournie par France Télécom sans concurrent sur le marché, cette procédure pouvait effectivement lui être appliquée. En revanche, l'offre ADSL Connect ATM n'a jamais été soumise pour homologation. Dans les avis rendus sur les tarifs de détail de l'ADSL et sur l'offre IP/ADSL (option 5), l'ART a, cependant, toujours analysé les effets des baisses tarifaires qui lui étaient soumises au regard du niveau du tarif en vigueur pour l'offre ADSL Connect ATM (option 3).

44. Tout d'abord, parallèlement à la définition d'une nouvelle version de l'offre ADSL Connect ATM datée du 1er juin 2001, issue de la décision de l'ART n° 01-253 du 2 mars 2001 (cf paragraphe 31 ci-dessus), France Télécom a soumis à l'homologation des propositions de baisse de tarifs concernant d'une part, les services de détail Netissimo 1 et Netissimo 2 et, d'autre part, les offres destinées aux FAI : collecte IP/ADSL (nouveau nom de l'offre Turbo IP) et IP/ADSL (option 5). Dans l'avis n° 01-548, en date du 19 juin 2001, rendu sur ces propositions, l'ART notait que l'évolution des conditions des offres destinées aux FAI, tant en termes de couverture du territoire que tarifaires, était de nature à permettre aux FAI de lancer leurs offres en concurrence avec Wanadoo dans des conditions techniques et économiques paraissant plus satisfaisantes. En revanche, l'ART a constaté que, compte tenu des ces baisses de tarifs, un opérateur tiers ne serait pas en mesure, sur le marché résidentiel, de proposer aux FAI des offres de collecte de niveaux comparables à celles de France Télécom s'il avait recours à l'offre ADSL Connect ATM aux conditions en vigueur depuis le 6 juin 2001. L'ART n'a cependant pas estimé pertinent d'imposer à France Télécom une réévaluation du niveau de ses offres aux FAI ou de ses offres de détail, cette réévaluation étant de nature à freiner à court terme le développement espéré de l'ADSL. Mais elle a considéré qu'un engagement de France Télécom sur une révision sensible des tarifs de l'offre ADSL Connect ATM, au plus tard le 1er janvier 2002, constituait un préalable à l'homologation des nouveaux tarifs.

45. Puis l'ART a rendu, le 30 avril 2002, l'avis n° 02-346 sur la décision tarifaire n° 2002033 relative à l'évolution de l'offre de collecte IP/ADSL et sur les propositions tarifaires relatives aux offres IP/ADSL annoncées par France Télécom. Elle s'est prononcée défavorablement sur ces évolutions, estimant que les nouvelles conditions tarifaires des offres IP/ADSL entravaient l'entrée sur le marché résidentiel des opérateurs concurrents de France Télécom, utilisant le dégroupage de la boucle locale (option1) ou l'option 3, alors que de la possibilité de mettre en œuvre ces deux options, à des conditions économiques viables dépendait la réalité de la concurrence sur les offres aux FAI et, in fine, aux utilisateurs finals. Certes, la baisse proposée des tarifs Collecte IP/ADSL aurait conduit à une baisse de l'ordre de 25 % des charges des fournisseurs d'accès à Internet utilisant l'option 5 et était de nature à leur permettre de se développer dans des conditions économiques viables. Toutefois, et compte tenu du tarif de l'offre ADSL Connect ATM, l'ART a considéré qu'un opérateur concurrent de France Télécom, utilisant l'option 3 n'aurait pas été en mesure de s'aligner sur ces nouveaux tarifs de collecte IP/ADSL. En conséquence, elle invitait France Télécom à modifier ses offres Collecte IP/ADSL et IP/ADSL avant le 28 mai 2002 et à les soumettre à nouveau pour avis.

46. France Télécom ayant présenté de nouvelles offres modifiées, l'ART a rendu un avis favorable, le 18 juillet 2002. S'agissant de l'option 5, il en est résulté une baisse de 25 % en moyenne, assortie du bénéfice d'une gamme élargie de débits. Sur l'option 3 destinée aux opérateurs, la baisse a été en moyenne de 40 %. En outre, les opérateurs ont pu proposer aux fournisseurs d'accès une gamme de débits différenciés, comparable à celle des offres IP/ADSL de France Télécom, ce qui leur a permis de concurrencer chacune des nouvelles offres IP/ADSL de l'opérateur historique. Enfin, pour éviter les effets de décalage temporel qui auraient rendu ces évolutions incohérentes, l'ART a exigé que les conditions techniques et financières des offres aux opérateurs soient prêtes au plus tard le 15 septembre 2002, pour permettre à celles destinées aux fournisseurs d'accès de s'appliquer le 15 octobre 2002.

B. Les éléments recueillis au cours des enquêtes administratives

47. Dans le cadre de l'enquête administrative diligentée à la demande du Conseil et du complément d'enquête réalisé à la suite du sursis à statuer prononcé par le Conseil le 16 juillet 2001, les principaux opérateurs ont présenté des modèles, basés sur des hypothèses diverses, permettant de mesurer un éventuel effet de ciseau tarifaire entre, d'une part, le tarif des prestations offertes par France Télécom aux FAI (Turbo IP et IP/ADSL) et, d'autre part, le tarif auquel un opérateur concurrent, souscrivant auprès de France Télécom l'offre ADSL Connect ATM, aux conditions offertes le 1er décembre 2000, pourrait proposer aux FAI une offre équivalente. Les services d'enquête ont élaboré un modèle commun permettant de procéder à une analyse comparative de ces différentes hypothèses.

48. Dans ces simulations, les tarifs pris en compte pour l'offre Turbo IP sont les suivants :

Pour le raccordement

Si le client se situe dans le cour de plaque, d=0 Si le client se situe dans la plaque mais à l'extérieur du coeur de plaque : d=distance "à vol d'oiseau" exprimée en km indivisible calculée par rapport à la limite extérieure du coeur de plaque.

Pour la collecte du trafic (bande passante IP) Le trafic facturé correspond au débit total des Circuits Virtuels configurés sur le raccordement client. Ce débit est un multiple de 500 kbits/s. Le prix pour 500 kbits/s est dégressif par tranche, comme suit :

EMPLACEMENT TABLEAU

49. Les tarifs du service IP/ADSL pris en compte diffèrent, d'une part, pour IP/ADSL1, d'un débit de 500 kbits/s en voie descendante et de 128 kbits/s en voie montante, et destiné aux clients résidentiels, 192,3 francs par abonné et par mois, et, d'autre part, pour IP/ADSL2, d'un débit de 1000 kbits/s en voie descendante et de 256 kbits/s en voie montante, et destiné aux clients professionnels :

EMPLACEMENT TABLEAU

50. Le tarif ADSL Connect ATM pris en compte est celui proposé aux opérateurs par France Télécom le 1er décembre 2000. Pour le raccordement, ce tarif comprend, d'une part, des frais forfaitaires d'accès au service de 20 000 (site raccordé en fibre optique) ou 40 000 francs HT (site non raccordé en fibre optique) et, d'autre part, un abonnement mensuel de 30 000 francs, correspondant, sans les distinguer, à la mise à disposition de conduits de collecte locale intra-plaque et à la mise à disposition des accès ADSL. Le débit est facturé en fonction du nombre d'accès (50 au minimum) et du débit (maximum 15 kbits/s), selon les tranches suivantes :

EMPLACEMENT TABLEAU

Le contrat 2 correspond à un engagement de deux ans, contre une réduction de 16,7 % et le contrat 3, à un engagement de trois ans contre une réduction de 25 %.

51. La structure du modèle commun élaboré par les services d'enquête permet d'évaluer la marge nette d'un opérateur qui revend aux FAI, au tarif de l'option 5, le trafic qu'il a collecté au tarif de l'option 3. Cette marge dépend de l'écart entre le prix de vente, par France Télécom, de l'accès ADSL (tarifs Turbo IP et IP ADSL) et le coût d'acquisition de cette ressource (tarif ADSL Connect ATM) majoré des coûts propres aux opérateurs. Les calculs sont effectués aux prix du 1er décembre 2000. En partant du nombre total d'abonnés prévus en fin de période, on définit le nombre de plaques raccordées et le nombre de zones locales par plaque, d'où l'on tire le nombre total, et par plaque, de CCL ("conduits de collecte locale") des accès à commander. On définit par ailleurs le débit moyen par abonné de base par CCL (en fonction des niveaux de débit définis dans le tarif ADSL Connect ATM) et le débit moyen supplémentaire nécessaire par CCL. A partir du débit total nécessaire, on détermine également le nombre de raccordements de l'opérateur tiers à 155 Mbit/s, nécessaire, par plaque et au total, compte tenu de la règle du taux de chargement fixée par France Télécom selon laquelle ces raccordements ne doivent pas être utilisés à plus de 70 % de leur capacité. L'hypothèse a été posée d'un engagement de placement de 10 000 contrats IP/ADSL par an. De même, à partir du tarif ADSL Connect ATM et une fois la durée de contrat choisie (taux de remise), on calcule les coûts d'accès au réseau local composés des frais de mise en service des raccordements, de l'abonnement mensuel de raccordement, du coût des CCL (qui dépend du nombre d'accès réservés et du débit associé). La comparaison du chiffre d'affaires total et des coûts d'accès totaux permet d'obtenir la marge sur coûts d'accès annuelle (marge brute) et la marge moyenne mensuelle par abonné. La prise en compte d'une estimation des coûts propres de l'opérateur permet d'obtenir, finalement, la marge nette moyenne par abonné. Le modèle est fondé sur une montée en charge sur une période de quatre années, de 2000 à 2003.

52. Le coût du transport national ATM n'a pas été pris en compte car, d'une part, l'offre ADSL Connect ATM de France Télécom ne concerne que la collecte de trafic local au niveau des plaques ADSL, d'autres opérateurs alternatifs offrant, en plus de la société Transpac filiale de France Télécom, un service de collecte nationale de trafic ATM indépendant de la collecte locale, et d'autre part, les recettes et les coûts liés à la collecte nationale ne devraient pas influer sur les conclusions finales. En effet, soit le prix de vente du service de collecte nationale offert par l'opérateur tiers est supérieur à celui du contrat de référence, Global ATM de Transpac, générant une marge positive pouvant compenser les pertes attachées au service de collecte locale (dans ce cas, l'offre globale, collecte locale et nationale, ne sera pas compétitive), soit le prix de vente de ce même service est inférieur à celui de l'offre Global ATM de Transpac, entraînant nécessairement une accentuation de la marge déficitaire du service global. Aussi, pour simplifier, on considère que le coût de la collecte nationale pour l'opérateur est refacturé tel quel au FAI.

53. Lors de l'enquête initiale, différents modèles ont été fournis par les opérateurs : il s'agit des modèles d'AOL (cotes 2379 à 2380, cotes 2481 à 2483), de l'AOST et de l'AFOPT (cotes 857 à 861), de France Télécom (cote 841, cote 854), de Liberty Surf (cotes 1683 à 1687, cotes 1848 à 1849), de Free (cotes 2490 à 2493), de 9 Télécom (cotes 274 à 275, cotes 394 à 397) et de Cegetel (cotes 1478 à 1503). Ils aboutissaient tous à l'existence d'un effet de ciseau tarifaire, sauf celui de France Télécom. Le complément d'enquête a amené certains opérateurs à préciser leurs hypothèses.

54. Par rapport au modèle commun élaboré par les services d'enquête, la structure des modèles présentés par les opérateurs peut différer essentiellement sur deux points :

- Les coûts propres de l'opérateur ne sont pas pris en compte dans certains modèles ;

- L'horizon temporel : certains des modèles supposent que l'opérateur n'a pris d'engagement que sur un an : ils sont qualifiés de "statiques" ; d'autres, au contraire, intègrent la réduction de tarif correspondant à un engagement de trois ans : ils sont qualifiés de "dynamiques".

55. En outre, le détail des calculs suivis par les opérateurs dans l'élaboration de leur modèle n'a pas toujours été précisé par eux, rendant le modèle invérifiable. C'est pourquoi la présente décision se fonde sur les résultats découlant des divers jeux d'hypothèses proposées par chacun des opérateurs, tels qu'ils apparaissent lorsque ces hypothèses sont insérées dans la structure unique du modèle commun, en veillant à ce que ces calculs intègrent la même nature de coût et le même horizon temporel.

1. Le modèle France Télécom/AFOPT

56. France Télécom avait, lors de l'instruction initiale, présenté une évaluation des coûts et recettes d'un opérateur à partir de la structure d'un modèle élaboré par l'AFOPT et l'AOST en mai 2000, sur la base des tarifs ADSL Connect ATM du 1er décembre 2000. La rentabilité de l'offre n'est étudiée que sur une seule année. Le déploiement de l'opérateur est prévu sur 33 plaques, avec 18 zones locales par plaques, et 130 176 abonnés en 2003, dont 80 % de résidentiels et 20 % de professionnels. Le débit moyen par abonné est estimé à 20 kbits/s. La remise de 25 % pour un engagement de trois ans est prise en compte.

57. Ce modèle faisait apparaître une marge sur coûts d'accès, avant prise en compte des coûts propres de l'opérateur, 12,7 %. Intégrées dans le modèle commun élaboré par les services d'enquête et décrit au paragraphe 51 ci-dessus, les mêmes hypothèses conduisent à une marge sur coûts d'accès (marge brute) de 10 francs par abonné et par mois, soit 2 % du chiffre d'affaires. Après prise en compte de coûts propres, estimés à 58 francs par abonnés et par mois comme dans les hypothèses présentées ci-dessous par France Télécom, la marge nette est négative (-48 francs/abonné/mois).

58. Lors de l'instruction complémentaire, France Télécom a fourni une évaluation des coûts supportés par un opérateur type pour la fourniture d'un service ADSL à partir d'ADSL Connect ATM. Le déploiement envisagé est toujours de 33 plaques avec 18 zones locales ou DSLAM par plaque. S'agissant du nombre d'abonnés, il est retenu un objectif de 130 000 abonnés au bout de quatre ans, soit en 2003. La répartition entre professionnels et résidentiels est de 20 % et 80 %. Le débit moyen installé suit une progression régulière pour atteindre 36 kbits/s en 2003. Au niveau des coûts, le modèle prend pour hypothèse un engagement de trois ans entraînant une remise de 25 % et intègre une évaluation des coûts propres de l'opérateur.

59. Introduites dans le modèle commun, ces hypothèses font apparaître des résultats déficitaires pour chacune des quatre années sous revue : la marge nette, en francs, par abonnés et par mois, est de -272 en 2000, -295 en 2001, -157 en 2002 et -169 en 2003.

60. Les hypothèses suivantes, reflétant les perspectives d'activité de France Télécom pour la période, ont également été testées par les services d'enquête :

- Couverture de 98 % des plaques locales ;

- Nombre total d'abonnés de 67 532 en 2000 et 2 452 520 à la fin de l'année 2003 ;

- Progression régulière du débit moyen installé par abonné permettant d'atteindre un niveau élevé fin 2003 (40 kbits/s) ;

- Taux de remplissage des CCL dépassant 90 % ;

- Répartition résidentiels/professionnels autour de 80/20.

Ces hypothèses d'activité, introduites dans le modèle commun, débouchent sur une marge sur coût d'accès (marge brute) positive, mais décroissante sur la période et une marge sur coûts totaux, intégrant les coûts propres (marge nette), déficitaire (-47 francs en 2000, -58 en 2001, -98 en 2002 et -279 en 2003).

2. Le modèle d'AOL

61. Le modèle élaboré par AOL n'intègre pas les coûts propres de l'opérateur. Il prend en compte une seule année de référence mais plusieurs hypothèses sur le nombre d'abonnés par plaque (1 000, 2 000, 5 000 et 12 000), ce qui équivaut à une montée en charge progressive du nombre total d'abonnés, de 41 000 au début d'une période de quatre ans, à 492 000 en fin de période.

62. Le déploiement est pris en compte sur 41 plaques, avec 20 zones locales par plaques. Le débit moyen retenu avait, dans un premier temps, été fixé à 4,5 kbits/s mais lors de l'instruction complémentaire, AOL a déclaré que ce débit était trop faible et a retenu 10 kbits/s.

63. Sur la base de ces hypothèses et d'une estimation des coûts propres des opérateurs équivalentes à celles retenue par les services d'enquête, soit 73 francs par mois et par abonné en 2003, le modèle commun permet d'estimer les pertes sur coûts totaux à -209 francs par abonné et par mois pour 1000 abonnés par plaque, -125 pour 2000, -110 pour 5000 et -78 pour 12 000 abonnés par plaque.

3. Le modèle de Liberty Surf

64. Liberty Surf a présenté un modèle simplifié sur une année de référence et un plan d'affaires décrivant une montée en charge sur 3 ans, de 2001 à 2003. Les coûts propres de l'opérateur ne sont pas intégrés dans le modèle simplifié mais le sont dans le plan d'affaires.

65. Le modèle simplifié repose sur les hypothèses suivantes : déploiement sur 41 plaques et 18 zones locales par plaques ; 50 020 abonnés au total ; débit moyen de 10 kbits/s ; 40 % de professionnels ; remise sur recettes de 12,5 % correspondant à un engagement de 10 000 abonnements par an dans le contrat IP/ADSL.

66. Ces hypothèses, sur la base du modèle commun, aboutissent à une marge sur coûts d'accès positive (4 %), qui devient négative lorsque les coûts propres de l'opérateur sont intégrés (-11 %).

67. Le plan d'affaires prend en compte le tarif ADSL Connect ATM issu de la décision de règlement de différend de l'ART du 2 mars 2001, un déploiement sur 41 plaques avec 15 zones locales par plaques, un débit moyen de 25 kbits/s et une clientèle à 100 % résidentielle. Le nombre total d'abonnés servis est en moyenne de 20 000 en 2001, 64 000 en 2002 et de 88 000 en 2003.

68. Sur la base de ces hypothèses, la marge sur coûts d'accès est positive dès septembre 2001. La marge sur coûts totaux est positive à compter du second semestre 2002. En revanche, sur la base du tarif ADSL Connect ATM de décembre 2000 et des autres hypothèses introduites dans le modèle commun, il apparaît une marge nette fortement négative la première année (-1 836 francs par abonné et par mois), ramenée à -218 en 2002 et à -115 en 2003.

4. Le modèle de 9 Télécom

69. Il s'agit du modèle initialement présenté dans la saisine mais dont l'opérateur a modifié certaines des hypothèses lors de l'instruction complémentaire. Ce plan d'affaires sur 3 ans prend en compte les coûts propres de l'opérateur.

70. Sur la base d'une évaluation du marché global de 176 000 abonnés ADSL en 2001, 576 000 en 2002 et 800 000 en 2003, 9 Télécom prend pour hypothèse que sa part de marché se stabilisera autour de 11 % et ne comprendra que des clients résidentiels. Le déploiement est prévu sur 20 plaques, avec 15 zones locales par plaques et un débit moyen 8,25 kbits/s. Le résultat donné, sur la base de ces hypothèses, par le modèle commun, est très déficitaire, même au bout de trois ans, que ce soit sur coût d'accès ou sur coûts totaux (-217 francs par abonné et par mois en 2001, -103 en 2002 et -64 en 2003).

71. 9 Télécom a, par ailleurs, insisté sur deux points qu'elle considère comme fondamentaux :

- Le choix des paliers d'activation imposés par France Télécom : la première version de l'offre ADSL Connect ATM imposait des paliers de 50 lignes, ce qui nous conduirait aujourd'hui sur les sept plaques et avec les nouveaux tarifs à une perte nette de 42 MF. La décision de l'ART lors du règlement de différend entre Liberty Surf et France Télécom a permis de réduire cette valeur à 10 paliers d'activations, limitant notre perte à 31 MF. Une disparition de ce palier réduirait notre perte à 28 MF ;

- Le seuil d'anticipation d'upgrade de CCL : La structure de l'offre ADSL Connect ATM impose à l'opérateur de mettre en place une procédure d'anticipation d'upgrade de CCL afin de ne pas courir le risque de rejeter d'éventuelles demandes et/ou de rallonger les délais d'activation (...) L'influence de ce facteur est majeure : Ainsi si 9 Télécom déclenche la commande d'upgrade lorsque :

- le CCL est rempli à 50 % la perte est de 133 MF ;

- le CCL est rempli à 60 % la perte est de 87 MF ;

- le CCL est rempli à 80 % la perte est de 31 MF ;

- le CCL est rempli à 90 % la perte est de 13 MF ;

- le CCL est rempli à 95 % la perte est de 4 MF ".

5. Les hypothèses des services d'enquête

72. Les services d'enquête ont testé leur propre jeu d'hypothèses sur quatre ans de 2000 à 2003, en prenant pour cible une part de marché de 20% pour un opérateur tiers à l'issue de la période. Les autres hypothèses sont celles de France Télécom, soit un déploiement envisagé sur 33 plaques avec 18 zones locales ou DSLAM par plaque, une répartition entre professionnels et résidentiels et de 20% et 80%, un débit moyen installé qui suit une progression régulière pour atteindre 61 kbits/s en 2003. Au niveau des coûts, le modèle prend pour hypothèse un engagement de trois ans entraînant une remise de 25% sur l'abonnement des CCL.

La marge brute sur coûts d'accès est déficitaire sur les quatre années, comme la marge nette incluant les coûts propres des opérateurs : -1321 francs par abonné et par mois en 2000, -216 en 2001, -149 en 2002 et -135 en 2003.

6. Le modèle de l'ART

73. Le modèle de l'ART, exposé aux paragraphes 38 et 39, est très simplifié puisqu'il ne fonde l'évaluation des coûts d'accès par abonné que sur la seule variable relative au nombre d'abonnés moyen par points de présence. Ce coût est estimé à 20 520 francs par point de présence auxquels s'ajoutent 333 francs par abonné. Une réduction de 25 % est appliquée dans l'hypothèse d'un engagement de 3 ans. De même, les recettes escomptées au titre des services équivalents à ceux de Turbo IP et de IP/ADSL ne dépendent que du nombre d'abonnés. L'ART retient un débit moyen par abonné de 20 kbits/s et le facture en retenant un tarif simplifié pour le débit de l'offre Turbo IP de 5 000 francs par Mbit et 5 francs par kbit (soit approximativement la moyenne entre le tarif le plus élevé, soit 3 000 francs pour 0,5 Mbit en-dessous de 2 Mbits et le tarif le moins élevé, soit 2 200 francs par 0,5 Mbit audessus de 34 Mbit). Les recettes au titre d'une offre du type Turbo IP sont donc évaluées à 100 francs par abonné et par mois (20 k fois 5 francs). Celles au titre d'un service de type Collecte IP/ADSL sont évaluées à 280 francs par abonné et par mois (soit la somme pondérée de 192 francs par abonné résidentiel et 580 francs par abonné professionnel pour une répartition de 80 % de résidentiels et 20 % de professionnels). Au total, les recettes sont donc estimées à 380 francs par abonné et par mois. Les coûts opérateurs sont évalués à 80 francs par abonné et par mois. Ces simplifications permettent de calculer la marge nette par une formule qui ne dépend que du nombre d'abonnés par point de présence : La marge nette (en francs) est égale à 50 francs moins 15 390 francs que divise le nombre d'abonnés par point de présence. Cette formule permet de vérifier que la marge nette ne devient positive que pour un nombre d'abonnés par point de présence supérieur à 308 et que sa valeur tend vers 50 Francs pour des nombres très élevés d'abonnés par point de présence.

7. Les conclusions du rapport complémentaire

74. Le rapport complémentaire, établi à la suite du sursis à statuer prononcé par le Conseil le 16 juillet 2001, conclut au non-respect par France Télécom de l'injonction prononcée dans la décision n° 00-MC-01, les conditions tarifaires de l'offre ADSL Connect ATM ne permettant pas aux utilisateurs tiers d'exercer une concurrence effective, tant par les prix que par les prestations offertes.

III. Sur la base des constatations qui précèdent le Conseil,

A. Sur la procédure

1. En ce qui concerne le respect du principe du contradictoire

75. La société France Télécom soutient que si les dispositions de l'article L. 464-3 du Code de commerce et du décret du 29 décembre 1986 ne prévoient aucune règle particulière, s'agissant de la procédure de contrôle du respect de ses injonctions par le Conseil, ce dernier est cependant tenu de fixer des délais permettant le plein et entier respect du principe du contradictoire et des garanties de la défense. France Télécom soutient également qu'il ressortirait de la pratique décisionnelle du Conseil et de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris que ce principe du contradictoire est considéré comme ayant été pleinement respecté dès lors que les entreprises en cause ont disposé au moins d'un délai de deux mois pour présenter des observations à la suite du rapport qui leur a été notifié. En l'espèce, France Télécom considère qu'ayant bénéficié d'un premier délai de trois semaines pour prendre connaissance du rapport qui lui a été notifié le 17 mai 2001 et préparer ses observations, puis d'un second délai de trois semaines, pour prendre connaissance du rapport complémentaire qui lui a été notifié le 1er juin 2001 et déposer ses observations, le principe du contradictoire n'a pas été respecté.

76. Cependant, comme l'indique la société France Télécom, ni les dispositions de l'article L. 464-3 du Code de commerce, ni celles du décret du 29 décembre 1986 ne prévoient de règle de procédure relative au respect des injonctions prononcées par le Conseil. En tout état de cause, le délai de deux mois invoqué ne s'applique qu'aux procédures contentieuses sur le fond et, en l'absence de dispositions expresses, il appartient au Conseil d'estimer concrètement si le délai fixé à l'entreprise mise en cause permet de garantir le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense. Ce délai doit s'apprécier au regard de l'urgence qui s'attache au respect d'une injonction prononcée par le Conseil à titre de mesure conservatoire. En l'espèce, en accordant à la société France Télécom un premier délai de trois semaines à la suite du rapport, qui lui a été notifié le 17 mai 2001 et qu'elle a reçu le 18 mai 2001, puis un second délai porté au 22 juin 2001 à 18 heures, à la suite du rapport complémentaire qui lui a été notifié et qu'elle a reçu le 1er juin 2001, cette entreprise a bénéficié de cinq semaines pour prendre connaissance des rapports et rapport complémentaire notifiés et présenter ses observations. Au surplus, après une instruction complémentaire, il a été notifié à la société France Télécom le 17 juin 2003 un second rapport complémentaire, lui accordant un délai de trois mois, puis le 1er octobre 2003, une pièce complémentaire à annexer à ce rapport, lui accordant un nouveau délai de deux mois pour produire des observations. En conséquence, le moyen tiré d'une violation du principe du contradictoire doit être rejeté.

2. En ce qui concerne les pièces annexées au rapport

77. La société France Télécom fait également valoir que ni la demande faite par le ministre de l'Economie à la direction nationale des enquêtes de concurrence aux fins de procéder à une enquête sur le respect de la décision du Conseil du 18 février 2000, évoquée par le rapport d'enquête dans son introduction (cote 6 du rapport complémentaire), ni la demande de renseignements sur le fondement de l'article L. 450-7 du Code de commerce, adressée le 6 mars 2001 par le rapporteur au ministre de l'Economie, ni encore la demande d'enquête adressée par lettre du 6 août 2001 au directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à la suite de la décision n° 01-D-44 du 16 juillet 2001, ni enfin la lettre du DGCCRF du 6 février 2002 communiquant au Conseil le rapport administratif d'enquête complémentaire, ne figureraient dans les pièces annexées au rapport et au rapport complémentaire, ce qui priverait France Télécom et le Conseil de la possibilité de vérifier l'existence et la régularité de ces demandes.

78. Cependant, les documents annexés au rapport et au rapport complémentaire sont ceux sur lesquels se fonde le rapporteur, ainsi que, le cas échéant, les observations faites par les intéressés, dans le cadre de l'instruction de l'affaire. La demande d'enquête du ministre de l'Economie à la direction nationale des enquêtes de concurrence a été réalisée dans le cadre du suivi systématique de l'exécution des décisions du Conseil, qui fait l'objet d'un rapport du ministre annexé au rapport d'activité du Conseil. De ce fait, cette demande ne figure pas au dossier. En revanche, la demande de renseignements adressée le 6 mars 2001 au DGCCRF, la demande d'enquête adressée par lettre du 6 août 2001 au DGCCRF à la suite de la décision n° 01-D-44 du 16 juillet 2001 et enfin la lettre de la DGCCRF du 6 février 2002 figurent au dossier, mais n'ont pas été annexées aux rapports. Ces pièces, ne constituant pas des documents sur lesquels s'est fondé le rapporteur dans le cadre de son instruction, n'avaient pas à y figurer. Au surplus, la société France Télécom n'établit pas en quoi l'absence de ces pièces au dossier aurait pu lui causer un quelconque grief. Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.

3. Sur le non-respect du principe de stricte interprétation des injonctions

79. La société France Télécom fait encore valoir que le second rapport complémentaire comporte des considérations sur les "Conditions de tarification de France Télécom à Wanadoo ", qui seraient irrecevables en ce qu'elles violeraient le principe d'interprétation stricte des injonctions, car Wanadoo, en tant que fournisseur d'accès à Internet, n'était pas concernée par l'offre de collecte ADSL réservée aux opérateurs.

80. Cependant, l'ART, dans son avis n° 01-327 du 28 mars 2001 renvoyait essentiellement à sa décision de règlement de différend n° 01-253 du 2 mars 2001, laquelle avait jugé que les conditions tarifaires de l'offre ADSL Connect ATM devaient permettre à un opérateur tiers de proposer aux FAI des offres concurrentes à celles de France Télécom, dans des conditions équitables et non discriminatoires par rapport à celles que France Télécom accorde à ses propres services ou filiales, en application des dispositions de l'article L. 34-8 du Code des postes et télécommunications : "Les mêmes exploitants doivent dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public... ", en vigueur à l'époque. Dans ces conditions, l'analyse des conditions de fourniture du service ADSL par France Télécom à sa filiale Wanadoo relevait bien du contrôle du respect de l'injonction prononcée par le Conseil dans sa décision n° 00-MC-01. Seule cette analyse pouvait, en effet, permettre de constater que Wanadoo n'a pas souscrit à l'offre ADSL Connect ATM.

4. Sur la communication, en date du 1er octobre 2003, d'éléments complémentaires à l'avis n° 01-327 de l'ART, datés du 12 novembre 2001

81. La société France Télécom fait enfin valoir qu'il lui a été communiqué, en complément du second rapport complémentaire, un courrier l'invitant à produire ses observations sur un avis de l'Autorité de régulation des télécommunications daté du 12 novembre 2001, complémentaire à son avis n° 01-327 du 28 mars 2001, rendu à la demande du Conseil, éléments complémentaires qui ne figuraient pas en annexe au second rapport complémentaire du rapporteur. France Télécom estime, en premier lieu, que ces éléments proposent une analyse approfondie de la méthodologie et du test de ciseau tarifaire, ce que le premier avis ne ferait pas, et aboutiraient à une conclusion plus nuancée que celle retenue dans ce premier avis et, en second lieu, que ces éléments n'auraient pas été pris en compte par l'instruction complémentaire, pour ce qui concerne ses diverses analyses, appréciations et conclusions, le rapport d'instruction ne contenant aucune référence à l'existence et au contenu de cet avis complémentaire.

82. Toutefois, France Télécom ne précise pas dans ses observations dans quelle mesure la communication de cette pièce et le délai de deux mois qui lui a été laissé pour en prendre connaissance et compléter, au besoin, ses observations, aurait pu porter atteinte au respect du principe du contradictoire et l'empêcher d'assurer sa défense. De fait, France Télécom a reconnu en séance que, contrairement à l'interprétation qui pouvait être faite de ses écritures du 2 décembre 2003, elle estimait que le principe du contradictoire avait été pleinement respecté en l'espèce.

B. Sur le respect de l'injonction

1. Sur l'offre ADSL Connect IP

83. L'injonction prononcée par le Conseil dans sa décision n° 00-MC-01 comportait une alternative, France Télécom devant soit "proposer aux opérateurs tiers une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL", soit proposer "toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes". L'offre ADSL Connect IP, présentée aux opérateurs le 18 avril 2000, ne constitue pas "un accès au circuit virtuel permanent". Elle doit donc être examinée au regard de la seconde branche de l'alternative mentionnée par l'injonction. Or, cette offre s'analyse comme une offre de vente en gros des services d'accès ADSL de France Télécom, dénommés Turbo/IP et IP/ADSL, proposés par France Télécom aux FAI depuis fin 1999. Elle ne comporte donc pas les possibilités techniques équivalentes à celles du mode ATM, notamment celles permettant aux opérateurs alternatifs de faire jouer la concurrence par les mérites en proposant à leurs clients une offre optimisant leurs prestations de réseaux.

84. La société France Télécom soutient que la saisine de la société 9 Télécom Réseau ne vise pas l'offre IP, mais concerne essentiellement la mise en œuvre opérationnelle de l'offre ATM. Elle soutient également que l'offre ADSL Connect IP a constitué une offre nouvelle et non une variante, principalement tarifaire, de deux offres préexistantes correspondant aux besoins effectifs des fournisseurs de services Internet. Elle fait valoir que l'offre ADSL Connect IP facilite aux opérateurs la maîtrise de leurs coûts et de leurs charges et que cette offre ADSL Connect IP, conçue avec une capacité de débit maximale, permet à ses souscripteurs de différencier la configuration et la qualité de leurs services. France Télécom soutient enfin, qu'aucune autre solution équivalente à l'offre ATM n'existait et n'aurait pu être mise en œuvre par elle avant le lancement de son offre ATM.

85. En premier lieu, le Conseil a été saisi par la société 9 Télécom Réseau, le 15 février 2001, du "non-respect par France Télécom de la décision n° 00-MC-01 du Conseil de la concurrence du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société 9 Télécom Réseau, confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris". Il appartient ainsi au Conseil d'apprécier si l'injonction, telle qu'elle a été prononcée, a été respectée, et il n'y a pas lieu, dans la présente procédure, de contester le libellé de cette injonction, confirmée en appel et devenue définitive.

86. L'injonction adressée à France Télécom comportait l'alternative qui a été rappelée au paragraphe 83 ci-dessus. L'instruction a donc porté à la fois sur l'offre ADSL Connect IP présentée par France Télécom comme un substitut transitoire à un accès au circuit virtuel permanent et sur l'offre ADSL Connect ATM, offre d'accès au circuit virtuel permanent.

87. En second lieu, l'offre ADSL Connect IP présentait des caractéristiques similaires à celles des offres préexistantes (Turbo IP et IP/ADSL) de France Télécom, comme l'a précisé le responsable de la ligne de produits ADSL de la branche Entreprise de France Télécom dans ses déclarations du 18 avril 2001 (cote 398 du rapport complémentaire) : "il existe peu de différences techniques entre IP/ADSL + Turbo IP et ADSL Connect IP (il s'agit essentiellement de différences contractuelles, notamment au plan tarifaire et de la plage de débit autorisé) ". Cette offre ne permettait donc pas aux opérateurs alternatifs de faire jouer la concurrence par "la nature des prestations offertes" à l'instar de ce qu'autorise le mode ATM et ne constituait donc pas un équivalent permettant de différencier la configuration et la qualité du service offert. Cette analyse est confirmée par celle de l'ART dans son avis rendu à la demande du Conseil le 28 mars 2001.

88. Enfin, il appartenait à France Télécom de fournir à la Cour d'appel de Paris les éléments techniques et financiers de nature à démontrer qu'il n'existait aucune autre offre équivalente à l'offre ATM. Il ressort donc de ce qui précède que France Télécom n'a pas satisfait à l'obligation que lui imposait l'injonction en cause, en présentant, le 18 avril 2002, l'offre ADSL Connect IP aux opérateurs.

2. Sur les délais de présentation de l'offre ADSL Connect ATM

89. France Télécom soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir rendu l'offre ADSL Connect ATM disponible pour les opérateurs dans le délai de huit semaines imparti par l'injonction du Conseil. Elle relève que les opérateurs eux-mêmes n'auraient pas mis en cause le délai dans lequel l'offre a été rendue disponible, 9 Télécom ayant reconnu que "France Télécom a respecté en partie l'injonction qui a été prononcée en présentant dans le délai de huit semaines qui lui a été prescrit, le 18 avril 2000, une offre technique et tarifaire d'interconnexion en mode ATM dénommée ADSL Connect ATM" et l'AFOPT et l'AOST ayant accepté, dans un courrier du 4 avril 2000 que l'offre soit rendue disponible au plus tard le 1er septembre 2000 et estimé que ce délai était raisonnable. France Télécom insiste, en tout état de cause, sur le fait que l'offre ADSL Connect ATM ne pouvait être mise en service valablement dans le court délai imparti.

90. Toutefois, dans la mesure où il est reproché à France Télécom de ne pas avoir respecté l'injonction parce que l'offre qu'elle a communiquée aux opérateurs, le 1er décembre 2000, et présentée comme définitive, était soumise à des conditions tarifaires ne permettant pas aux opérateurs tiers d'exercer une concurrence effective, il est sans objet de se prononcer sur le respect du délai imparti, en s'attachant au projet présenté le 18 avril 2000.

3. Sur le contenu de l'offre ADSL Connect ATM

a) Sur l'utilité de la décision de l'ART 01-253

91. S'agissant de la conformité à l'injonction des conditions de l'offre ADSL Connect ATM, la société France Télécom soutient, à titre liminaire, que la décision de l'ART n° 01-253 du 2 mars 2001 se prononçant sur un règlement de différend entre Liberty Surf Télécom et France Télécom relatif aux conditions tarifaires de l'offre ADSL Connect ATM, ne peut être retenue à charge dans la présente affaire, le Conseil ayant, dans sa décision de sursis à statuer n° 01-D-44 du 16 juillet 2001, implicitement mais nécessairement regardé cette décision de l'ART comme ne permettant pas d'estimer la conformité à l'injonction des conditions tarifaires de l'offre ATM proposée. Elle relève que l'ART elle-même a noté dans cette décision que la décision du Conseil n° 00-MC-01 n'avait "ni le même objet ni les mêmes effets". Elle en déduit qu'aucune conclusion ne peut être tirée par le Conseil du fait que l'ART a, dans cette décision de règlement, décidé que le tarif de l'offre ADSL Connect ATM devait être abaissé, et ce, d'autant plus, selon elle, que la baisse résulte principalement, et de façon mécanique, de celle du palier de réservation des accès commandés, que le rapporteur n'aurait, pour sa part, pas remis en cause.

92. L'article L. 36-10 du Code des postes et télécommunication prévoit que : "Le Conseil de la concurrence communique à l'Autorité de régulation des télécommunications toute saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci et recueille son avis sur les pratiques dont il est saisi dans le secteur des télécommunications ". L'ART a, en application de cet article, adressé au Conseil un avis n° 01-327, adopté le 28 mars 2001, en réponse à la communication de la saisine de 9 Télécom en date du 15 février 2001, dans lequel elle attire l'attention du Conseil sur le fait qu'elle s'est prononcée, dans une décision du 2 mars 2001, sur un règlement de différend portant sur l'offre mise en cause dans la saisine qui lui a été communiquée. Elle expose les grandes lignes de cette décision et ajoute : "En conclusion, l'autorité est conduite à constater, s'agissant de l'offre proposée par France Télécom aux opérateurs le 18 avril 2000 : (...) que, d'autre part, la seconde composante, dénommée ADSL Connect ATM, a fait l'objet, à la suite de négociations conduites entre France Télécom et les opérateurs au cours de l'année 2000, d'une demande de règlement de différend déposée par Liberty Surf Télécom sur laquelle l'Autorité s'est prononcée le 2 mars 2001 ; cette décision a conduit à une baisse très significative des tarifs de l'offre, rendue nécessaire pour garantir à cet opérateur des conditions d'entrée satisfaisantes sur le marché ; qu'ainsi, il apparaît que l'offre présentée par France Télécom ne répondait ni aux demandes des opérateurs ni aux conditions posées par le Conseil dans sa décision du 18 février 2000 ". Il en ressort que les analyses auxquelles l'ART procède dans sa décision du 2 mars 2001, même si elles se placent dans le contexte particulier d'un règlement de différend, constituent pour le Conseil des éléments d'éclairage sur la conformité de l'offre ADSL Connect ATM à l'injonction en cause qu'il n'y a pas lieu d'écarter.

b) Sur le principe de non-discrimination

93. La société France Télécom fait valoir, en deuxième lieu, que la conformité de l'offre ADSL Connect ATM à l'injonction prononcée dans la décision n° 00-MC-01 doit être appréciée sur la base du principe de non-discrimination, cette décision s'étant expressément référée à l'avis n° 00-28 de l'ART selon lequel : "la mise à disposition immédiate d'une solution qui permette aux opérateurs entrants d'offrir aux fournisseurs d'accès à Internet des services de collectes ADSL, dans des conditions équivalentes à celles dans lesquelles France Télécom a été autorisée à fournir ses propres services, est nécessaire afin de permettre aux opérateurs de limiter leur retard par rapport à France Télécom dans le lancement de leur offre ADSL ". Elle rappelle que la cour d'appel, dans son arrêt du 30 mars 2000, s'est elle-même référée à ce critère de " conditions équivalentes ". Elle précise également que, dans son rapport annuel pour l'année 2002, le Conseil a reconnu que l'offre ADSL Connect ATM devait être examinée au regard du principe de non-discrimination, qu'il aurait, d'ailleurs, qualifié de non-opératoire, en l'espèce. France Télécom prétend que ce caractère non-opératoire d'un test de non-discrimination ne justifie pas qu'une autre méthode d'analyse telle que la vérification d'un effet de ciseau tarifaire, soit employée, et qu'une telle substitution contreviendrait au principe de stricte interprétation des injonctions. Selon elle, il en ressort, que la décision n° 00-MC-01 est manifestement frappée d'indétermination s'agissant des éléments qui auraient été nécessaires pour en garantir une exécution claire, précise et exemptée d'incertitude.

94. Toutefois, l'obligation faite à France Télécom de proposer une offre qui soit non discriminatoire, par rapport aux conditions faites à ses propres filiales, n'est pas exclusive de l'obligation de pratiquer pour cette offre des conditions tarifaires non génératrices d'effet de ciseau tarifaire entre, d'une part les reversements des opérateurs à France Télécom au titre de cette offre elle-même, et, d'autre part, les prix des offres de France Télécom aux FAI sur le marché aval, que les opérateurs tiers doivent pouvoir concurrencer. L'injonction prononcée par le Conseil, de fournir une offre " permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes ", pour être respectée, implique bien que les opérateurs tiers ne soient pas victimes d'un tel effet de ciseau tarifaire. Il était donc fondé de procéder durant l'instruction à des tests de ciseau afin de vérifier, concrètement, si les obligations de l'injonction étaient satisfaites. Les termes " conditions équivalentes " de l'avis n° 00-28 de l'ART, repris dans la décision du Conseil n° 00-MC-01, s'appliquent également aux conditions auxquelles les opérateurs tiers doivent être en mesure de proposer des offres équivalentes à celles offertes par France Télécom aux FAI, conditions dont l'absence de tout effet de ciseau fait partie. De plus, l'ART a, dans sa décision du 2 mars 2001 précitée, alors que Liberty Surf soutenait que, s'agissant d'offre d'interconnexion, les tarifs de l'offre ADSL Connect ATM devaient être orientés vers les coûts, considéré, qu'en l'absence de réciprocité des flux, il s'agissait d'une offre d'accès, qui en tant que telle, n'était pas à l'époque soumise à l'obligation d'orientation vers les coûts, mais devait être fournie " dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires " conformément aux dispositions de l'article L. 34-8 du Code des postes et télécommunications. S'agissant d'une prestation que France Télécom ne se fournissait pas à elle-même ou à une de ses filiales, la vérification de son caractère non discriminatoire ne pouvait, à l'évidence, se baser sur la comparaison de tarifs, aucun tarif n'existant pour une prestation non fournie, et a, pour cette raison, été qualifiée de " particulièrement délicate " dans le rapport annuel du Conseil pour 2002. C'est pourquoi l'ART a, d'une part, évalué les coûts supportés pour la fourniture de cette prestation aux opérateurs tiers, afin de fixer un prix plancher en dessous duquel cette offre ne pouvait être commercialisée, puis a, d'autre part, estimé le niveau de prix que cette offre ne pouvait dépasser pour permettre aux opérateurs tiers, en y ajoutant leurs coûts propres, de proposer aux FAI des offres ADSL compétitives par rapport à celles de France Télécom.

95. Il résulte de ce qui précède que l'injonction prononcée par le Conseil dans sa décision n° 00-MC-01 n'est en rien frappée d'indétermination. Le moyen doit donc être écarté.

c) Sur l'utilisation des simulations

96. En troisième lieu, la société France Télécom soutient que l'analyse du non-respect de l'injonction ne peut être fondée sur un constat d'ensemble des seuls résultats de marge issus d'une série de simulations indifféremment envisagées, sans qu'il soit proposé une simulation de référence ou qu'il soit indiqué quelle simulation doit être regardée comme la plus probante, ou encore pourquoi les simulations présentées par France Télécom ou Liberty Surf devraient être écartées. Elle dénonce le fait que le Conseil avait, en renvoyant l'affaire à l'instruction dans sa décision n° 01-D-44, implicitement mais nécessairement constaté que la simple juxtaposition de modèles ne pouvait permettre d'établir le non-respect de l'injonction mais que, à la suite du complément d'instruction, ce sont maintenant 17 simulations dont les résultats sont indifféremment présentés au Conseil. France Télécom conteste que certains de ces modèles puissent être retenus à charge, alors qu'ils sont basés sur des hypothèses manifestement irréalistes selon elle : déploiement sur 41 plaques, débit moyen par abonné inférieur à 10 kbits/s, non-prise en compte de la remise de 25 % pour engagement de trois ans, clientèle composée à 100 % de clients résidentiels, montée en charge sur un ou deux ans au lieu de quatre ans. Elle souligne la fragilité des résultats et leur sensibilité aux hypothèses retenues et regrette que leur pertinence n'ait pas été discutée au stade du rapport. Elle soutient, de plus, qu'un effet de ciseau tarifaire ne peut être regardé comme une pratique ayant eu un effet restrictif de concurrence sensible s'il n'a pas été mesuré, ce qui implique de choisir une simulation de référence, et que l'absence de mesure précise laisse indéterminé le niveau de prix auquel elle aurait dû offrir cette prestation pour respecter l'injonction.

97. S'agissant de la pertinence des hypothèses à retenir, et dont dépendent les résultats des simulations, France Télécom avance que l'appréciation des conditions de l'offre ADSL Connect ATM doit être effectuée sur la seule base des circonstances de fait de l'époque et qu'en conséquence, toutes les simulations basées sur des hypothèses modifiées lors de l'instruction complémentaire doivent être écartées car ayant été révisées au vu d'éléments qui n'étaient pas disponibles à l'époque où elle a elle-même établi son offre. Elle défend les hypothèses retenues dans le modèle qu'elle a présenté (cf. paragraphes 56 à 57 ci-dessus), s'agissant, notamment, du caractère dynamique sur quatre ans de l'analyse qui, selon elle, permet seule de prendre en compte la période nécessaire de montée en charge des opérateurs, tout investissement pour le déploiement d'un réseau impliquant des coûts fixes importants au démarrage, qui doivent être amortis sur plusieurs années. En ce qui concerne les hypothèses faites sur le déploiement (sur 33 plaques) et sur le nombre d'abonnés en fin de période (130 000), elle rappelle que ces hypothèses avaient, à l'époque, été avancées par l'AFOPT elle-même. De même, l'AFOPT n'aurait pas pris en compte la remise de 10 à 15 % pratiquée dans l'offre IP/ADSL, ni tenu compte des coûts propres des opérateurs. France Télécom cite une note interne de Cegetel du 8 juin 2000, dans laquelle il est indiqué que la simulation "ne comporte pas d'erreur à priori mais est très optimiste sur le taux de remplissage des DSLAM de l'opérateur entrant (90 %) (...). Cela dit, il n'est pas simple de simuler de manière incontestable le taux de remplissage (...) Le modèle France Télécom montre qu'avec les tarifs actuels et le marché estimé de 2003, le squeeze est limite. Il me semble plaidable, mais France Télécom aura quelques billes pour défendre sa position, et en tout état de cause il ne faudra pas une grande modification tarifaire à France Télécom pour rendre son offre compatible avec les tarifs Netissimo + Turbo IP ".

98. Dans les observations complémentaires du 2 décembre 2003, qu'elle a formulées en réponse à la communication du complément d'avis de l'ART du 12 novembre 2001, France Télécom conteste le caractère qu'elle estime irréaliste des hypothèses relatives au déploiement d'un opérateur tiers. Elle soutient que le déploiement d'un opérateur visant une couverture nationale ne s'est pas fait et ne pouvait pas se faire autrement que de manière progressive avec un objectif initial de couverture rapide et complète dans les zones de forte densité urbaine. Elle en déduit que les hypothèses impliquant l'ouverture d'un grand nombre de lignes sur un petit nombre de répartiteurs, telle que 150 000 abonnés sur 300 répartiteurs, ne peuvent être écartées.

99. Enfin, France Télécom dénonce une erreur de calcul des recettes Turbo IP dans le modèle dynamique établi par les services d'enquête (cf. paragraphe 72 ci-dessus), qui, selon elle, fausse complètement le résultat de la simulation.

100. Vérifier que l'offre ADSL Connect ATM du 1er décembre 2000 respecte la nature, à défaut du délai, de l'injonction prononcée par le Conseil nécessite d'évaluer l'espace économique ouvert à un opérateur souhaitant développer une "concurrence effective" aux autres opérateurs ou à France Télécom "tant par les prix que par la nature des prestations offertes", sachant que les prix auxquels cet opérateur vend ses prestations aux FAI sont contraints par les tarifs de France Télécom IP/ADSL de revente d'accès ADSL et de collecte de trafic, et que les prix auxquels il achète ses fournitures d'accès à France Télécom le sont par le tarif ADSL Connect ATM. En effet, pour que les opérateurs tiers puissent concurrencer effectivement les offres de France Télécom aux FAI, les reversements à France Télécom au titre de ce service, augmentés de leurs coûts propres, doivent rester en deçà des recettes qu'ils percevraient auprès des FAI pour la fourniture de services ADSL équivalents à ceux des services Turbo IP et IP/ADSL proposés par France Télécom. Les reversements au titre du service ADSL Connect ATM, comme les recettes des services Turbo IP et IP/ADSL, sont fonction des tarifs fixés par France Télécom pour ces offres. Mais l'écart entre ces deux tarifs ne peut se réduire à une valeur unique. Les deux tarifs comportent un grand nombre de composantes qui traduisent la multiplicité des choix techniques au travers desquels les opérateurs tiers mettent en œuvre la "concurrence effective" qu'ils entendent opposer à France Télécom ou exercer entre eux mêmes. A chacun de ces choix techniques correspond un écart spécifique entre les tarifs ; un grand nombre de choix techniques différents peuvent refléter un engagement raisonné dans la construction d'une "concurrence effective". Ces remarques relativisent l'intérêt qu'il y aurait à écarter, comme le demande France Télécom, les simulations reposant sur des hypothèses révisées en fonction d'éléments qui n'étaient pas disponibles au moment où l'offre a été établie.

101. C'est pourquoi France Télécom n'est pas fondé à demander au Conseil d'écarter telle ou telle des simulations présentées dans les rapports d'instruction, ou de n'en sélectionner qu'une seule. Toutes sont utiles à l'appréciation de l'espace économique ouvert aux opérateurs tiers, dès lors que, comme cela a été fait par l'utilisation du modèle commun présenté au paragraphe 51, toutes ces simulations ont été rendues homogènes et comparables et ne différent plus entre elles que du fait des choix techniques sur lesquels elles reposent. C'est, notamment, par la prise en compte de l'ensemble de ces simulations qu'il est possible de déterminer quelles variables techniques sont les plus importantes et définissent l'essentiel de l'espace économique ouvert aux opérateurs tiers, ce qui permet de comprendre l'origine de certaines différences apparaissant entre les simulations et d'analyser la structure des tarifs des offres de France Télécom et les éventuelles barrières à l'entrée que cette structure pourrait comporter. Mais chacune de ces simulations n'est pas également représentative du champ de la concurrence effective. A ce titre, les simulations traduisant des choix techniques proches de ceux de France Télécom présentent un particulier intérêt. En effet, il serait nécessaire qu'un ou plusieurs opérateurs tiers adoptent ces choix pour que les FAI puissent éventuellement choisir entre France Télécom et ces opérateurs, chacun offrant des prestations comparables. A l'inverse, et sans négliger les stratégies concurrentielles "de niche" dès lors qu'elles seraient techniquement possibles, un opérateur qui ne serait en mesure de proposer des offres compétitives par rapport à celles de France Télécom qu'à un segment de la clientèle de France Télécom, ou sur une zone géographique limitée par rapport à celle couverte par les offres de France Télécom, devrait être regardé comme étant en mesure d'exercer une concurrence effective moindre.

102. S'agissant du modèle très simplifié de l'ART, ses résultats sont, à l'évidence, moins précis et fiables que ceux du modèle commun, du fait même qu'il procède à des simplifications drastiques. Ce modèle, notamment, en prenant en compte, pour les recettes au titre du débit du service Turbo IP, une moyenne de 5 000 francs par Mbit, et non le tarif réel dégressif, aboutit à une sous-évaluation des recettes lorsque le faible nombre d'abonnés par points de présence ne rend nécessaire qu'une faible capacité totale en débit par plaque. Dans cette circonstance, le débit est facturé à un tarif plus élevé que 5 000 francs par Mbit (6 000 francs par Mbit en dessous de 2 Mbit, 5 600 francs en dessous de 8 Mbit, ...). En revanche, lorsqu'un nombre élevé d'abonnés par points de présence rend nécessaire une capacité en débit par plaque très élevée, la majeure partie de celle-ci est, en réalité, facturée au tarif le plus bas, inférieur à 5 francs (4 400 francs par Mbit au-dessus de 34 Mbits), et la simplification de l'ART aboutit à une surestimation des recettes. Par exemple, pour la même hypothèse de 20 kbits/s, le modèle développé par les services d'enquête, qui prend en compte la facturation dégressive par tranche du tarif Turbo IP, donne une estimation de 219 francs, par mois et par abonné, pour 25 abonnés par points de présence, et de 86 francs pour 914 abonnés par points de présence, contre 100 francs pour le modèle ART dans les deux hypothèses. De ce fait, le modèle de l'ART tend à sous estimer les recettes quand il est appliqué au cas d'un faible nombre d'abonnés par point de présence et, en conséquence, à sous-estimer la marge ; il présente le défaut inverse quand il est appliqué à l'hypothèse d'un grand nombre d'abonnés par point de présence. Mais sa simplicité présente un grand avantage : il montre que la variable essentielle de toutes les simulations étudiées est ce nombre d'abonnés par point de présence. Dès lors et sans autres calculs que l'application de la formule du paragraphe 73 ci-dessus, en fonction seulement de la valeur prise par cette variable dans toutes les autres simulations, il permet d'estimer une valeur de la marge. Ainsi, comme le demande France Télécom, l'information apportée par le modèle de l'ART peut être complètement utilisée.

103. En ce qui concerne l'"erreur" de calcul dénoncée par France Télécom dans le modèle commun, elle s'explique par le fait que les enquêteurs ont limité le débit total de la bande passante par plaque à celle d'un raccordement avec le point de présence de l'opérateur, soit 155 Mbits. France Télécom estime que cette limitation n'est pas justifiée. Dans le souci de ne pas retenir une interprétation des clauses du tarif qui serait de nature à diminuer, dans certains cas, l'évaluation de la marge et, ce faisant, de nuire à la thèse soutenue par France Télécom, les résultats du modèle commun ont été corrigés comme suit. Cette erreur affecte les résultats des modèles lorsque des hypothèses très élevées sont retenues en ce qui concerne le nombre d'abonnés en fin de période et le débit moyen par abonné. Le débit total nécessaire par plaque projeté est alors largement supérieur à 155 Mbits. C'est le cas de la quatrième année dans le modèle commun basé sur les hypothèses des enquêteurs, comme relevé dans les observations de France Télécom, mais aussi celui des deux dernières années du modèle France Télécom / AFOPT présenté au paragraphe 60 ((837,7 Mbits en 2002 et 2177,1 Mbits en 2003).

104. Dans le cas du modèle France Télécom / AFOPT, la prise en compte de la différence entre le débit total considéré comme nécessaire (837,7 en 2002 et 2 177,1 en 2003) et 155 Mbts et sa facturation au tarif "débit" de l'offre Turbo IP, soit 2 200 francs par tranches de 0,5 Mbts, aboutit à une augmentation des recettes qu'un opérateur peut attendre d'une offre aux FAI comparable à celle de Turbo IP, soit :

- 2 Mbits à 6000 francs, plus 6 à 5600 francs, plus 8 à 5 200 francs, plus 18 à 4 800 francs, plus 804 (le débit est tarifé par tranches de 0,5 Mbit) à 4 400 francs, que multiplient le nombre de plaques à équiper, soit 44, sur 12 mois, soit 1 959 514 KF pour 2002 (au lieu de 372 768 KF dans le rapport d'enquête),

- 2 Mbits à 6000 francs, plus 6 à 5 600 francs, plus 8 à 5 200 francs, plus 18 à 4800 francs, plus 2 143,5 (le débit est tarifé par tranches de 0,5 Mbit) à 4 400 francs, que multiplient le nombre de plaques à équiper, soit 44, sur 12 mois, soit 5 071 440 KF pour 2003 (au lieu de 372 768 KF dans le rapport d'enquête).

105. Cette correction a une incidence sur les coûts propres, les coûts commerciaux ayant été évalués à 10 % du chiffre d'affaires. Les coûts propres ressortent donc, sur cette nouvelle base, à 50 francs par mois et par abonné en 2002 et 55 francs par mois et par abonné en 2003, contre, respectivement 38 et 37 francs initialement. La marge nette dégagée sur les coûts d'accès de l'offre ADSL Connect ATM et les coûts propres d'un opérateur est alors de -47 francs par abonné et par mois du chiffre d'affaires en 2000, - 58 en 2001, 0 en 2002 et - 137 en 2003.

106. S'agissant du modèle des enquêteurs, les recettes pour 316,4 Mbits s'élèvent, en fait, à 747 331 KF (soit, compte tenu du tarif dégressif du service, 2 Mbs à 6 000 francs/mois, 6 Mbs à 5400 francs/mois, 8 Mbs à 5 200 francs/mois, 18 Mbs à 4 800 francs/mois et 282,5 Mbs au tarif le moins cher, soit 4 400 francs/mois, soit au total 316,5 Mbs facturés, multipliés par 44 plaques et 12 mois). Les coûts commerciaux ayant été évalués à 10 % du chiffre d'affaires, le total des coûts propres ressort alors à 73 francs par mois et par abonné, au lieu de 64 francs comme initialement calculé. La marge sur coûts d'accès s'établit alors à -1 166 francs par abonné et par mois en 2000, -135 en 2001, -80 en 2002 et + 15 en 2003. La marge nette, en % du chiffre d'affaires, donnée par le modèle, ressort à -1 321 en 2000, -216 en 2001, -149 en 2002 et -58 en 2003.

107. Le tableau 1 suivant récapitule les principales hypothèses présentées par les opérateurs et rappelle la marge nette, après prise en compte des coûts propres des opérateurs, calculée en intégrant ces différentes hypothèses dans le modèle commun élaboré par les services d'enquête, comme il est exposé aux paragraphes 47 à 55. Pour les opérateurs ayant présenté des hypothèses sur plusieurs années, seule la dernière année est décrite. Enfin, l'erreur de calcul signalée par France Télécom est corrigée, s'agissant du modèle France Télécom / AFOPT et du modèle des enquêteurs.

108.

EMPLACEMENT TABLEAU

d) Sur les conclusions qui se dégagent des simulations

109. En ce qui concerne la compréhension des liens entre, d'une part, les hypothèses techniques et les différences apparaissant entre les simulations et, d'autre part, l'analyse de ces choix techniques au regard de l'objectif de développement d'une concurrence effective, il convient, en premier lieu, de préciser que les recettes que les opérateurs concurrents doivent pouvoir tirer de leurs offres aux FAI concurrentes de celles de France Télécom doivent pouvoir couvrir les coûts d'accès, au titre du service ADSL Connect ATM, et leurs coûts propres, c'est-à-dire les coûts commerciaux encourus pour la commercialisation de leur offre, les coûts techniques de raccordement de leurs équipements et une contribution à leurs coûts communs. Les simulations qui ne prennent pas en compte ces coûts propres ne permettent pas d'évaluer si les tarifs de l'offre ADSL Connect ATM rendaient possibles des offres effectivement concurrentes à celles de France Télécom. En revanche, les écarts entre le niveau des coûts propres retenus par les différents opérateurs et les services d'enquête ne sont pas déterminants pour les résultats. En particulier, même si le niveau de coûts propres avancé par France Télécom pour sa propre activité, soit 37 francs par mois et par abonné, était retenu pour l'ensemble des simulations exposées dans le tableau ci-dessus, les marges nettes resteraient largement négatives.

110. En deuxième lieu, il y a lieu de tenir compte de l'effet de la répartition des lignes d'abonnés desservies entre clientèle résidentielle et clientèle professionnelle. Il ressort des simulations effectuées que plus la part de la clientèle professionnelle desservie est grande, plus les recettes perçues par l'opérateur auprès du FAI sont élevées. L'ART précise, dans les éléments complémentaires du 12 novembre 2001, que le tarif de Turbo IP applicable en 2000 varie entre 6 000 francs et 4 400 francs par Mbit/s et que le débit moyen par abonné varie de 35 kbit/s pour un abonné résidentiel à 50 kbit/s pour un abonné professionnel. Elle ajoute que les tarifs d'IP/ADSL étaient en 2000 de 192 francs par mois par abonné résidentiel et 580 francs par mois par abonné professionnel. Il en résulte que plus la part d'abonnés professionnels est importante, plus la marge sur coûts totaux de l'opérateur est positive. Toutefois, un opérateur qui ne pourrait offrir des services équivalents à ceux de Turbo IP et IP/ADSL qu'à des FAI spécialisés dans la clientèle professionnelle ne serait pas en mesure de concurrencer les offres de France Télécom de façon effective. La répartition de 80 % de clients résidentiels et 20 % de clients professionnels, qui est celle des clients ADSL desservis par France Télécom, constitue donc une cible dont les opérateurs soucieux d'exercer une concurrence effective par rapport aux offres de France Télécom ne peuvent s'éloigner de façon importante.

111. En troisième lieu, même en prenant en compte le fait que l'offre ADSL Connect ATM devait constituer une solution d'attente avant la mise en œuvre du dégroupage de la boucle locale, il convient de considérer qu'un horizon d'au moins trois ans est nécessaire pour apprécier l'équilibre de cette offre au regard de la montée en charge du nombre de clients desservis par point de présence. A cet égard, France Télécom fait valoir dans ses observations que la décision n° 00-MC-01 du Conseil évoquait la prise en compte d'une "prime de risque" reflétant la participation des opérateurs. Cependant, comme il résulte de la décision n° 01-253, de l'ART, en date du 2 mars 2001, l'offre ADSL Connect ATM, en tant qu'offre d'accès, n'était pas soumise à l'obligation d'orientation vers les coûts. Néanmoins, l'ART, dans la même décision, en évaluant les coûts supportés par France Télécom pour la fourniture de cette prestation, a considéré qu'un surcoût de 29 % entre le tarif de base et celui correspondant à un engagement de trois ans de l'opérateur tiers, permettait un partage équitable des risques liés à la non-réutilisation des matériels installés par France Télécom pour la fourniture de ce service, et a, cependant, estimé qu'une baisse sensible du tarif proposé par France Télécom le 1er décembre 2000, était possible tout en garantissant le maintien de ce tarif au dessus des coûts ainsi calculés. Il y donc lieu de considérer que la rentabilité de l'offre doit être prise en compte sur un horizon de trois ans, en tenant compte de la réduction de 25 % pour un engagement de trois ans. Quant à la question de savoir si "la prime de risque" revendiquée par France Télécom confirme ou justifierait une modification des tarifs de l'ADSL pratiqués par France Télécom, elle ne relève pas de l'analyse présentement suivie qui s'applique seulement à rechercher si l'écart entre les tarifs de France Télécom ménage aux opérateurs tiers un espace économique suffisant.

112. En quatrième lieu, le débit moyen par abonné, élément dont France Télécom soutient qu'il est trop faible dans certaines des simulations présentées, est un paramètre auquel les résultats sont peu sensibles, sauf lorsqu'il prend des valeurs élevées, comme dans les hypothèses faites par France Télécom (cf. paragraphes 58 et 60 ci-dessus) ou par les services d'enquête (cf. paragraphe 72 ci-dessus). Les sommes facturées au titre des débits supplémentaires dans l'offre ADSL Connect ATM alourdissent alors fortement les coûts d'accès et aggravent les pertes. Ces hypothèses de débit moyen par abonné de l'ordre, pour l'année 2003, de 36 kbits/s (France Télécom pour les opérateurs tiers), 38 kbits/s (services d'enquête) ou 40 kbits/s (France Télécom pour sa propre activité), se révèlent a posteriori très élevées. L'augmentation des débits offerts par l'ADSL et le développement de contenus nécessitant de forts débits (musique, vidéos) n'ont pas entraîné une augmentation du débit moyen aussi forte que celle qui était escomptée à l'époque où ces prévisions ont été faites, en raison, notamment, de la présence parmi les nouveaux abonnés à l'ADSL d'utilisateurs faibles. Toutefois, France Télécom elle-même ayant, à l'époque où ces projections ont été faites, envisagé une croissance régulière du débit moyen, le tarif d'ADSL Connect ATM aurait dû permettre aux opérateurs d'offrir des débits élevés dans des conditions rentables. En revanche, pour de faibles valeurs, l'incidence sur la marge de la variation de ce paramètre est faible. Par exemple, le fait que AOL ait, lors de l'instruction complémentaire, relevé son hypothèse de 4,5 kbits/s à 10 kbits/s n'est en rien déterminant, la marge brute s'établissant à -14 francs par mois et par abonné en 2003, dans les deux cas.

113. En cinquième lieu, s'agissant du nombre total de plaques ADSL desservies par les offres des opérateurs concurrents, il ressort des simulations effectuées et du modèle présenté par l'ART dans son complément d'avis du 12 novembre 2001, que plus les opérateurs tiers concentrent leurs efforts d'investissement sur un nombre limité de plaques ADSL et donc, sur une zone géographique limitée, plus la marge sur les coûts d'accès de l'offre ADSL Connect ATM est élevée. Toutefois, un opérateur qui ne pourrait pas proposer aux FAI une couverture géographique aussi étendue que celle de France Télécom ne serait pas en mesure d'exercer une concurrence effective par rapport aux offres de France Télécom.

114. En sixième lieu, le nombre total de clients desservis par les offres des opérateurs concurrents conditionne fortement, comme le souligne le modèle présenté par l'ART dans son avis complémentaire du 12 novembre 2001, le nombre moyen d'abonnés par points de présence, c'est-à-dire par répartiteur, les tarifs de l'offre ADSL Connect ATM présentés, le 1er décembre 2000, par France Télécom aux opérateurs étant particulièrement sensibles au nombre d'accès desservis, en raison du palier d'accès fixé à 50, et de la contrainte d'actualisation liée au remplissage à 70 % des DSLAM. Ce nombre de points de présence dépend du nombre total de plaques et du nombre de répartiteurs par plaque. Au total, les reversements des opérateurs au titre de l'offre ADSL Connect ATM varient considérablement en fonction, d'une part, de la couverture géographique assurée, et d'autre part, du nombre total de clients desservis. Plus le nombre total de clients desservis est grand et moins le reversement par abonné et par mois des opérateurs tiers au titre de l'offre ADSL Connect ATM est élevé.

e) Résumé des résultats

115. Les tableaux n° 2 et 3 ci-dessous rappellent la marge nette en francs par mois et par abonné, résultant, de l'intégration des hypothèses des différents opérateurs et des enquêteurs dans le modèle commun élaboré par le service d'enquête, après correction de l'erreur signalée par France Télécom. Il est rappelé que ce modèle commun prend en compte la remise de 25 % sur le tarif ADSL Connect ATM pour un engagement de 3 ans et les coûts propres des opérateurs. Ces résultats sont mis en regard de ceux donnés par le modèle simplifié élaboré par l'ART dans le complément du 12 novembre 2001 à son avis n° 01-327 (cf. paragraphes 36 à 42 ci-dessus). L'ART, sur la base d'hypothèses compatibles avec le périmètre d'ores et déjà défini ci-dessus (répartition de la clientèle entre professionnels et résidentiels de 20/80 %, un débit moyen de 20 kbits, des coûts propres opérateurs de 80 francs par mois et par abonnés, et une remise de 25 % pour un engagement de trois ans) montre, avec ce modèle, que les versements d'un opérateur à France Télécom au titre de l'offre ADSL Connect ATM ne restent en-deçà des revenus qu'il peut escompter tirer des prestations qu'il commercialiserait sur la base de ce service, que dans l'hypothèse où l'opérateur réussit à desservir au moins 210 000 internautes au total, sur 600 répartiteurs, (soit 350 abonnés par points de présence) ou au moins 600 000, sur 1 500 répartiteurs (soit 400 abonnés par points de présence). Or, l'ART rappelle que Wanadoo, leader sur le marché de la fourniture d'accès à Internet avec environ deux tiers des accès ADSL à l'Internet en 2001 et filiale de France Télécom, est elle-même restée en-deçà de ce rythme de déploiement, puisque fin 2000, elle servait moins de 60 000 clients sur 600 répartiteurs et, fin 2001, moins de 300 000 sur 1 500 répartiteurs.

116. Dans le tableau 3, on a fait figurer les résultats de chacune des simulations listées dans le tableau 2 et une courbe retraçant les résultats donnés par le modèle simplifié de l'ART comme indiqué dans la formule du paragraphe 73. Chaque résultat des modèles est positionné sur le tableau en fonction du nombre d'abonnés par point de présence correspondant aux hypothèses choisies dans la simulation ; pour ce même nombre d'abonné par point de présence, la courbe permet de lire le résultat fourni par le modèle de l'ART.

117. Le tableau 3 montre que la marge évaluée par le modèle simplifié de l'ART s'améliore continûment avec la croissance de la seule variable de ce modèle, le nombre d'abonnés par point de présence, en ne devenant nettement positive que pour environ 500 abonnés. Il montre aussi que d'autres variables, quand elles sont prises en compte comme c'est justement le cas dans le modèle commun, entraînent d'importantes fluctuations de cette marge. Ainsi, la marge nette évaluée avec les hypothèses faites par France Télécom pour sa propre activité est largement négative, la quatrième année, en raison du débit moyen élevé pris pour hypothèse par France Télécom (40 kbits/s) qui alourdit les coûts d'accès (cf. paragraphe 112 ci-dessus). Il montre enfin la tendance du modèle de l'ART, comme expliqué au paragraphe 102, à sous-évaluer la marge pour les valeurs faibles du nombre d'abonnés par point d'accès et à la surévaluer dans le cas inverse. Le lien entre nombre d'abonnés par points de présence et résultats d'un opérateur tiers recourant à l'offre ADSL Connect ATM, mis en relief dans le complément d'avis de l'ART du 12 novembre 2001, ressort également des différentes simulations présentées par les opérateurs.

f) Conclusion tirée des résultats

118. Il en résulte que le niveau du tarif de l'offre ADSL Connect ATM au regard de celui des offres IP/ADSL, laissait un espace économique insuffisant aux opérateurs tiers pour développer une offre rentable de service ADSL en direction des FAI. En effet, l'ensemble des simulations calculées avec précision au moyen du modèle commun fait apparaître qu'aucune, quelque soit l'ensemble des hypothèses adoptées, ne permet de dégager une marge nette significativement positive, la plus optimiste de ces hypothèses, celle proposée par France Télécom, n'aboutissant qu'à une marge à peu près nulle. S'agissant des estimations approchées de l'ART, et même en négligeant la surestimation de la marge due aux simplifications opérées, une marge positive ne peut être obtenue que pour une répartition des abonnés par point de présence correspondant à un nombre d'abonnés irréaliste ou à une répartition territoriale ne traduisant pas une concurrence effective. En particulier, l'exercice d'une concurrence effective telle que visée dans l'injonction du Conseil ne peut se limiter à des offres géographiquement limitées à une partie du territoire national, telles les seules zones de grande densité urbaine, et ne peut impliquer un objectif de déploiement, sur ces seules zone urbaines, plus rapide que celui réalisé par Wanadoo, leader du marché, et dont la clientèle est acquise à France Télécom. Il y a lieu de rappeler que fin 2000, Wanadoo servait moins de 60 000 clients sur 600 répartiteurs, soit en moyenne 100 abonnés par répartiteur, fin 2001, moins de 300 000 sur 1 500 répartiteurs, soit 200 abonnés en moyenne, et fin 2002, moins de 600 000 sur 2 400 répartiteurs, soit 250 abonnés en moyenne.

119.

EMPLACEMENT TABLEAU

120.

EMPLACEMENT TABLEAU

121. Au cours de la séance, le directeur de la réglementation de France Télécom a soutenu que le tarif de l'offre ADSL Connect ATM de décembre 2000 était élevé parce que France Télécom avait, conformément à l'injonction donnée par le Conseil dans sa décision du 18 février 2000, mis à la disposition des opérateurs un service techniquement très évolué, permettant à ces derniers de bâtir à l'attention des FAI des offres différenciées, notamment en termes de débit moyen offert. Selon lui, le tarif de ce service était orienté vers les coûts encourus par France Télécom pour sa fourniture, mais il a, par ailleurs, déclaré qu'il était impossible à France Télécom d'évaluer ces coûts de fourniture du service. Il a ajouté que, depuis décembre 2000, les tarifs de l'offre ADSL Connect ATM avaient baissé, d'une part sous la pression de l'ART et, d'autre part, parce qu'il s'était avéré que les opérateurs n'avaient pas l'usage d'un service techniquement aussi performant que celui initialement mis à leur disposition.

122. Le Conseil relève, cependant, que le représentant de France Télécom n'a apporté aucun élément de preuve à ses affirmations, et ce, d'autant moins qu'il a déclaré ne pas être en mesure d'évaluer les coûts de France Télécom de façon suffisamment précise. Il relève en outre que dans sa décision n° 01-243 de règlement de différend entre France Télécom et Liberty Surf, l'ART, après avoir évalué les coûts encourus par France Télécom pour la fourniture du service ADSL Connect ATM, a, néanmoins, estimé que cette société était en mesure de baisser significativement le prix de son offre de décembre 2000, afin de permettre aux opérateurs concurrents d'exercer une concurrence effective.

123. Au total, les niveaux relatifs des tarifs de France Télécom concernant ses offres ADSL Connect ATM et IP/ADSL ont constitué, par effet de ciseau, une barrière à l'entrée des opérateurs concurrents désireux d'offrir une concurrence effective aux services de France Télécom, contrairement aux termes de l'injonction.

124. Concernant la structure du tarif de l'offre ADSL Connect ATM, il résulte de ce qui précède que l'importante dégressivité du prix d'accès par accès en fonction du nombre de clients par plaque, dû notamment à la taille excessive du pas de réservation fixé à des tranches de 50 accès, a conduit à une hausse artificielle des coûts d'accès pour des opérateurs entrants ne disposant que d'un faible nombre d'abonnés. Cet ''effet volume'' constitue une barrière à l'entrée en contradiction avec l'injonction. En revanche, la dégressivité du tarif en contrepartie d'un engagement de trois ans, bien qu'elle alourdisse les coûts des entrants, ne semble pas injustifiée au regard d'un partage équitable des risques entre le fournisseur du service et son acheteur.

125. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le tarif de l'offre ADSL Connect ATM proposé aux opérateurs le 1er décembre 2000, du fait de sa structure et de son niveau, ne permettait pas à ceux-ci de concurrencer de manière effective les offres de France Télécom destinées aux FAI. Une marge positive entre, d'une part, les reversements que les opérateurs auraient dû effectuer à France Télécom au titre de cette offre, augmentés de leurs coûts propres et, d'autre part, les recettes qu'ils auraient pu percevoir auprès des FAI en leur proposant des offres ADSL équivalentes à celles offertes par France Télécom, ne pouvait en effet être dégagée que dans des conditions d'activité ne correspondant pas à l'exercice d'une concurrence effective.Notamment, seul un opérateur ayant adressé son offre aux FAI spécialisés dans la clientèle professionnelle, ou ayant circonscrit son offre à une partie limitée du territoire national, ou ayant eu comme client un FAI ayant conquis plus d'abonnés ADSL que Wanadoo, aurait réalisé une marge positive sur le tarif ADSL Connect ATM, tel que proposé par France Télécom le 1er décembre 2000, augmenté de ses coûts propres. En conséquence, il y a lieu de constater que, à la date du 1er décembre 2000, la société France Télécom ne se conformait pas à l'injonction prononcée par le Conseil le 18 février 2000.

4. Sur les sanctions

126. La pratique en cause a été commise antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-4 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite, les dispositions introduites par cette loi dans l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles prévoient des sanctions plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.

127. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos (...). Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux et publications qu'il désigne, l'affichage dans les lieux qu'il indique et l'insertion de sa décision dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée" ; aux termes de l'article L. 464-3 du même Code : "Si les mesures et injonctions prévues aux articles L. 464-1 et L. 464-2 ne sont pas respectées, le Conseil peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article L. 464-2".

128. En ce qui concerne la gravité des faits, il y lieu de retenir que le non-respect d'une injonction prononcée par le Conseil constitue déjà en soi une pratique qui présente un caractère de gravité exceptionnelle. De plus, dans le contexte de l'espèce, où le dégroupage de la boucle locale ne pouvait démarrer réglementairement qu'à partir de septembre 2000 et n'a débuté effectivement qu'en 2003 (dégroupage effectif de 2 700 lignes en décembre 2002), le non-respect de l'injonction du Conseil a permis à France Télécom de fermer à ses concurrents le seul canal technique qui leur restait ouvert, l'option 3, et de rester sur le marché en situation proche du monopole. Ce comportement s'est, de surcroît, inscrit dans une stratégie voulue par les plus hauts dirigeants du groupe. Ainsi, le directeur de la communication de la société Wanadoo déclarait au Journal du Net le, 8 mars 2001 : "Nous voulons préempter le territoire dans le domaine du haut débit avec l'ADSL" (cote 276), et le président de France Télécom déclarait, de son côté, au journal Les Echos du 30-31 mars 2001 : "Pour l'ADSL, nous devons agir comme en 1996 et 1997 : couper l'herbe sous le pied de nos concurrents, en préemptant ce marché le plus possible"(cote 2802).

129. Il convient d'ajouter qu'à suite du règlement de différend avec Liberty Surf, qui a donné lieu à la décision de l'ART n° 01-253 en date du 2 mars 2001, France Télécom ne pouvait ignorer le niveau trop élevé de son offre mais n'a proposé aux opérateurs de nouveaux tarifs, conformes aux prescriptions de cette décision, que le 1er juin 2001, parallèlement à l'offre de nouveaux tarifs aux FAI pour les services IP/ADSL. L'ART, dans son avis n° 01-548, a constaté que ces baisses concomitantes laissaient subsister un effet de ciseau tarifaire pour les opérateurs tiers. Cet effet a persisté tout au long de l'année 2001 et jusqu'en septembre 2002, comme en atteste encore l'avis défavorable rendu par l'ART le 30 avril 2002 sur de nouvelles baisses des tarifs IP/ADSL proposées par France Télécom.

130. En ce qui concerne le dommage à l'économie, il y a lieu de prendre en considération le fait que la société France Télécom, par la persistance de son comportement anticoncurrentiel et malgré l'injonction du Conseil, a vidé de son contenu la mise en œuvre de l'option 3, pourtant définie à la suite de la consultation des opérateurs nationaux par le régulateur sectoriel et selon les orientations européennes. Le marché de l'option 3 est resté durablement fermé jusqu'à ce que l'ART obtienne, à compter d'octobre 2002, un ensemble de baisses de prix permettant de débloquer la situation. Les souscriptions à l'offre ADSL Connect ATM n'ont démarré qu'à partir de l'année 2003, passant de 2 400 au 15 mai 2003 à 135 513 au 31 décembre 2003 selon les chiffres communiqués par France Télécom en séance. Alors que l'accès à Internet à haut débit est susceptible de répondre à un besoin fort des utilisateurs finals, comme le montre l'évolution du parc ADSL (67 000 en 2000, 408 000 en 2001 et 1,4 millions en 2002) cette montée en régime s'est opérée essentiellement par l'option 5, totalement sous contrôle de France Télécom, dès lors que l'option 1 n'était que théoriquement ouverte et l'option 3 volontairement verrouillée par la pratique de ciseau tarifaire précédemment analysée. Au total, les opérateurs tiers ont été exclus du marché naissant de la fourniture en gros des accès ADSL et les FAI ont dû faire face à un fournisseur se maintenant artificiellement en situation de quasi monopole, pour des prestations qui constituent une part importante de leurs charges et conditionnent largement leur rentabilité ou les prix qu'ils sont en mesure de proposer aux consommateurs.

131. En ce qui concerne la situation particulière de la société France Télécom, celle-ci a réalisé en France, au cours de l'exercice 2002, un chiffre d'affaires hors taxes de 19 659 325 095 euros.

132. Compte tenu des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 20 millions d'euros.

Décision

Article 1er - Il est établi que la société France Télécom n'a pas exécuté l'injonction prononcée par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000.

Article 2. - Il est infligé à la société France Télécom une sanction pécuniaire de 20 millions d'euros.