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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. C, 11 mai 2004, n° 01-11883

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Odone, Pezzino (ès qual.)

Défendeur :

Groupe Volkswagen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bergez

Conseillers :

Mme Chizat, M. Acquaviva

Avoués :

SCP Bottai-Gereux, SCP de Saint Ferreol-Touboul

Avocats :

Mes Berthier, Bomel, Henry, SCP Vogel, Vogel.

T. com. Marseille, du 10 mai 2001

10 mai 2001

Faits, procédures et prétentions des parties

Monsieur Jean-Claude Odone jusque là chef des ventes de la SA société de Diffusion Automobile Sodia, concessionnaire automobile de la marque Seat, après s'être porté candidat à la reprise de cette concession, a, en accord avec cette dernière formalisé dans une lettre d'intention du 7 juillet 1994, pris la direction de la SA Sodia ensuite du rachat pour le franc symbolique les actions détenues par la SARL Mikek Automobiles, actionnaire majoritaire, détentrice de 91,92 % du capital.

Aux termes d'un protocole de coopération commerciale annexé à la lettre d'intention du 7 juillet 1994, la SA Seat France a consenti un abandon de créance pour un montant de 2 500 000 F et consenti pour le surplus des sommes dues par la SA Sodia soit 1 800 000 F un moratoire sans intérêts sur une durée de dix ans et a accordé par ailleurs, à titre exceptionnel, des conditions particulières de règlement jusqu'à mise en place d'un nouveau système de règlement ainsi que divers concours financiers destinés à financer des frais de réfection de locaux et de publicité.

Le 1er octobre 1996 un nouveau contrat de concession est conclu entre la SA Groupe Volkswagen France qui a absorbé, dans l'intervalle, la SA Seat France et la SA Sodia.

La SA Sodia dont les difficultés financières se sont aggravées et dont le contrat de concession a été résilié est déclarée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 19 mars 1997, Maître Pierre-Yves Pezzino étant désigné en qualité de représentant des créanciers.

Par jugement en date du 10 juillet 1997 un plan de redressement par voie de cession est arrêté.

Considérant que le Groupe Volkswagen France qui n'ignorait pas l'insuffisance chronique de rentabilité de la SA Sodia dont l'activité était irrémédiablement compromise "depuis les années 1990", avait par ses concours conféré à celle-ci une trésorerie "totalement fictive" destinée à lui permettre de poursuivre son exploitation et engagé sa responsabilité en contribuant par-là à l'aggravation du passif et qu'il avait également commis une faute à l'égard de Monsieur Odone en le plaçant dans ces conditions à la tête de la SA Sodia, Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités de représentant des créanciers et Monsieur Jean-Claude Odone, ont par acte d'huissier du 20 décembre 1999, assigné la SA Groupe Volkswagen France devant le Tribunal de commerce de Marseille aux fins d'obtenir paiement s'agissant de Maître Pierre-Yves Pezzino d'une somme de 5 843 926 F correspondant à l'insuffisance d'actif et s'agissant de Monsieur Odone d'une somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts.

En cours d'instance, Maître Pierre-Yves Pezzino est intervenu volontairement en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA Sodia.

Par jugement en date du 10 mai 2001, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- déclaré irrecevables l'action intentée par Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités de représentant des créanciers ainsi que celle reprise par Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA Sodia,

- débouté Monsieur Jean-Claude Odone de ses demandes,

- condamné Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités et Monsieur Odone au paiement d'une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration de leur avoué en date du 7 juin 2001, Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et Monsieur Jean-Claude Odone, ont relevé appel de cette décision demandant à la cour aux termes d'écritures récapitulatives signifiées le 12 février 2004 de :

- réformer le jugement déféré,

- dire que le Groupe Volkswagen a commis une faute en soutenant abusivement l'activité irrémédiablement compromise de la SA Sodia ce qui a eu pour conséquence directe la création du passif de cette dernière,

- condamner en conséquence le groupe Volkswagen à payer à titre de dommages-intérêts le montant de l'insuffisance d'actif de la procédure collective de la SA Sodia soit la somme de 890 900,78 euros,

- dire que le groupe Volkswagen a commis une faute à l'égard de Monsieur Odone et le condamner en conséquence à payer à ce dernier une somme de 45 734,71 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner le groupe Volkswagen à payer une somme de 7 622,45 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour sa part, la SA Groupe Volkswagen France a conclu le 18 juillet 2003 à la confirmation de la décision déférée sauf en ce qu'elle a omis de condamner de manière solidaire Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités et Monsieur Odone aux dépens et au paiement d'une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et subsidiairement au rejet des demandes, sollicitant dans tous les cas l'allocation d'une somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour s'il était fait droit à la demande de Maître Pierre-Yves Pezzino d'ordonner la compensation de la condamnation mise à sa charge avec la créance déclarée au passif de la SA Sodia pour un montant de 621 581,90 euros et de condamner Monsieur Odone à la garantir ou à prendre en charge une partie des condamnations en cas de partage de responsabilité.

Motifs de la décision

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée et que rien dans le dossier des parties ne conduit la cour à la décliner d'office.

- Sur l'action engagée par Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités de commissaire à l'exécution du plan.

Attendu que Maître Pierre-Yves Pezzino n'a relevé appel de la décision déférée qu'en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Qu'aucune critique n'est élevée en ce qui concerne les dispositions du jugement qui ont déclaré irrecevable Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités de représentant des créanciers étant observé que les pouvoirs du représentant des créanciers qui ne demeure plus en fonction après l'adoption d'un plan de cession que pour achever la vérification des créances ne l'habilitent plus à exercer une action en justice, même au profit des créanciers de la procédure, celle-ci eut-elle été engagée antérieurement à l'adoption du plan.

Attendu que s'il est de fait que Maître Pierre-Yves Pezzino est intervenu à l'instance aux fins de reprise en sa nouvelle qualité de commissaire à l'exécution du plan de l'action qu'il avait précédemment engagée en qualité de représentant des créanciers et s'il relève des pouvoirs du commissaire à l'exécution du plan d'agir en responsabilité à l'encontre d'un tiers dont la faute a contribué à l'aggravation du passif, une telle action n'est toutefois recevable qu'autant que le commissaire à l'exécution du plan demeure toujours en fonction;

Qu'en l'espèce, il est constant que la durée du plan a été fixée à un an, sa durée étant fixée à six mois pour la signature des actes de cession et le prix de cession de 400 000 F étant payable comptant;

Que par suite, le prix de cession ayant été intégralement payé et les fonctions du commissaire à l'exécution du plan n'ayant pas été confirmées ou prorogées par une autre décision du Tribunal de commerce de Marseille, Maître Pierre-Yves Pezzino dont les pouvoirs qu'il tient de l'article 67 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-68 du Code de commerce sont limités à la durée de son mandat, n'est pas recevable à agir;

Qu'il ne saurait, en effet, trouver dans la mission générale d'assurer les formalités nécessaires à la clôture des opérations, à l'encaissement du prix de vente et à sa répartition entre les créanciers suivant leur rang ou dans la mission spécifique et ponctuelle de réalisation des éléments d'actif (stock de pièces détachées et véhicules d'occasion) échappant au plan de cession, compétence pour exercer une action en responsabilité.

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges dont la décision doit être confirmée ont déclaré Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités de commissaire à l'exécution du plan irrecevable en son action.

- Sur l'action engagée par Monsieur Jean-Claude Odone.

Attendu que Monsieur Jean-Claude Odone fait grief à la SA Groupe Volkswagen France de l'avoir placé à la tête d'une activité irrémédiablement compromise, soutenant ne pas avoir connu la situation économique de la société Sodia mais seulement sa potentialité commerciale ;

Qu'à cet égard, s'il résulte de la lettre d'intention du 7 juillet 1994 et du protocole de coopération commerciale qui y est annexé que la SA Seat France ultérieurement absorbée par la SA Groupe Volkswagen France a subordonné l'octroi de la concession à la SA Sodia à un changement de dirigeant et spécialement à la nomination de Monsieur Jean-Claude Odone en qualité de PDG et qu'à cette date, la SA Sodia connaissait des difficultés financières dont témoignent l'abandon partiel de créance consenti par le concédant et l'aménagement des conditions de paiement du surplus de cette créance, Monsieur Jean-Claude Odone ne démontre pas que sa volonté a été viciée par suite d'une attitude dolosive de la SA Seat France;

Qu'en effet, celui-ci qui s'est librement engagé, ne pouvait sérieusement ignorer lors de l'acquisition de la majorité du capital de la SA Sodia, réalisée au demeurant, de manière révélatrice, pour le franc symbolique, la situation économique réelle de cette dernière et spécialement ses dettes importantes à l'égard de la SA Seat et ses besoins de trésorerieétant observé à cet égard que le concédant a exigé notamment, aux termes mêmes de la lettre d'intention du 7 juillet 1994 que la SA Sodia dispose d'un fonds de roulement de 1 200 000 F et qu'à cet effet les nouveaux associés procèdent à une augmentation de capital d'au moins 500 000 F;

Qu'enfin, Monsieur Jean-Claude Odone qui n'établit ni d'ailleurs ne soutient qu'il n'a pu avoir accès aux documents comptables de la SA Sodia, ne prétend pas davantage que la SA Seat aurait détenu sur la situation de cette dernière des informations que lui-même aurait ignorées;

Que par suite, aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de la SA Seataux droits de laquelle se trouve la SA Volkswagen France, c'est à bon droit que le tribunal a décidé que Monsieur Jean-Claude Odone n'était pas fondé à rechercher la responsabilité de cette dernière et l'a débouté de sa demande ;

Que le jugement déféré doit, en conséquence, être confirmé de ce chef.

- Sur les dépens.

Attendu que Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités et Monsieur Jean-Claude Odone qui succombent dans leurs prétentions respectives doivent être condamnés in solidum tant aux dépens de première instance, le jugement déféré devant être réformé sur ce point qu'aux dépens d'appel.

- Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Attendu que pour n'en point supporter la charge inéquitable, la SA Volkswagen France recevra de Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités et de Monsieur Jean-Claude Odone, en compensation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, étant précisé qu'ils seront tenus in solidum de même que pour les frais irrépétibles de première instance justement évalués par les premiers juges.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement ; Déclare l'appel recevable. Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt. Le réformant pour le surplus, Statuant à nouveau et, Y ajoutant, Condamne in solidum Maître Pierre-Yves Pezzino ès qualités et Monsieur Jean-Claude Odone, aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au paiement d'une somme de 762,25 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Dit qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués de Saint Ferreol-Touboul des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.