CA Pau, 1re ch. corr., 30 janvier 2002, n° 01-00200
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Institut national des appellations d'origine, Union nationale de l'apiculture française, Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges, Fédération départementale des syndicats apicoles des Vosges, Syndicat de l'AOC, Syndicat des producteurs de miel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pouyssegur (faisant fonction)
Conseillers :
M. Courtaigne, Mme Rossignol
Avocats :
Mes Peghaire, Sallenave, Mazza, Denis, Cavallie, Kerninon, Barbaut, Knittel,
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le Tribunal correctionnel de Pau, par jugement contradictoire, en date du 12 décembre 2000
a relaxé
M Vincent
du chef de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, courant 96 et 97, à Jurançon et sur le territoire national, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
du chef de vente de produit naturel ou fabrique portant une appellation d'origine inexacte, courant 96 et 97 , à Jurançon et sur le territoire national, infraction prévue par les articles L. 115-16 al. 3, L. 115-1, L. 115-5 du Code de la consommation, l'article L. 721-1 du Code propriété intellectuelle, les articles L. 641-1, L. 641-2, L. 671-5 du Code rural et réprimée par les articles L. 115-16 al. 3, al. 1, al. 2, L. 213-1 du Code de la consommation, l'article L. 671-5 du Code rural
- a reçu les constitutions de parties civiles du Syndicat de l'AOC Miel de sapin des Vosges, de la Fédération départementale des syndicats apicoles des Vosges APIVOSGES, de l'Institut national des appellations d'origine, de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges, de l'Union nationale de l'apiculture française UNAF
- les a débouté de leurs demandes
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Le Syndicat de l'AOC " Miel de sapin des Vosges" pris en la personne de son représentant, le 19 décembre 2000, son appel étant limité aux dispositions civiles
La Fédération départementale des syndicats apicoles des Vosges, "Syndicat API, le 19 décembre 2000, son appel étant limité aux dispositions civiles
La Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges, le 19 décembre 2000, son appel étant limité aux dispositions civiles
Monsieur le Procureur de la République, le 19 décembre 2000 contre Monsieur M Vincent
L'Institut national des appellations d'origine " INAO", le 20 décembre 2000, son appel étant limité aux dispositions civiles
L'Union nationale de l'apiculture française" UNAF "prise en la personne de son président, le 21 décembre 2000, son appel étant limité aux dispositions civiles
Le Syndicat des producteurs de miel pris en la personne de son président, le 22 décembre 2000, son appel étant limité aux dispositions civiles
M Vincent, prévenu, fut assigné à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 25 juillet 2001 à sa personne, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 10 octobre 2001
Le Syndicat des producteurs de miel, partie civile, fut assignée à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 18 septembre 2001 à personne morale dont l'accusé de réception a été signé le 20 septembre 2001, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 10 octobre 2001
La Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges, partie civile, fut assignée à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 1er août 2001 à personne morale, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 10 octobre 2001
La Fédération départementale des syndicats apicoles des Vosges partie civile, fut assignée à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 30 juillet 2001 à personne morale, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 10 octobre 2001
Le Syndicat de l'AOC Miel de sapin des Vosges, partie civile, fut assignée à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 30 juillet 2001 à personne morale, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 10 octobre 2001
L'Union nationale de l'apiculture française UNAF, partie civile, fut assignée à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 6 août 2001 à domicile dont l'accusé de réception a été signé le 10 août 2001, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 10 octobre 2001
L'Institut national des appellations d'origine INAO, partie civile, fut assignée à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du à personne morale, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 10 octobre 2001
Décision :
Vu les appels réguliers interjetés par Le Syndicat de l'AOC" Miel de sapin des Vosges", la Fédération départementale des syndicats apicoles des Vosges, "Syndicat API, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges, Monsieur le Procureur de la République, le 19 décembre 2000, l'Institut national des appellations d'origine " INAO", le 20 décembre 2000, l'Union nationale de l'apiculture française" UNAF "prise en la personne, le 21 décembre 2000 et le Syndicat des producteurs de miel le 22 décembre 2000 à l'encontre du jugement rendu contradictoirement le 12 décembre 2000 par le Tribunal correctionnel de Pau
Il est fait grief au prévenu M Vincent
- d'avoir à Jurançon, en tous cas sur le territoire national, courant 96, 97 et plus précisément le 05/11/96, les 13 et 18/03/97, trompé ou tenté de tromper les consommateurs, sur la nature, l'origine et les qualités substantielles d'une marchandise vendue, en l'espèce un miel commercialisé sous la dénomination "fleurs récoltées dans les Vosges ;
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code du consommateurs
- d'avoir à Jurançon et en tous cas sur le territoire national courant 96, 97, plus précisément le 05/11/96, les 13 et 18/03/97 apposé sur des produits mis en vente, une appellation d'une origine inexacte.
Infraction prévue et réprimée par les articles L. 115-16 al. 1, L. 115-1, L. 115-5, L. 721-1, L. 213-1 du Code de la consommation L. 721-1 du Code de la propriété intellectuelle, L. 641-1, L. 641-2, L. 671-5 du Code rural.
Faits et procédure :
Monsieur M est poursuivi pour les faits suivants, tels que repris dans le réquisitoire définitif aux fins de renvoi devant le tribunal correctionnel :
"A la suite de courriers provenant du Syndicat AOC "Miel de Sapins des Vosges" et du Syndicat des Apiculteurs Professionnels de Lorraine (SAPLA) à Dago (37850), la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Vosges diligentait une enquête.
Le contentieux soulevé par les syndicats d'apiculteurs concernait la commercialisation de pots de miel dans les centres commerciaux "X" installés dans le grand Est de la France, suite à une offre promotionnelle valable du 23 octobre 1996 au 2 novembre 1996 sous la dénomination "Fleurs des Vosges". Ce miel était vendu et conditionné sous la marque de l'apiculteur Vincent M à Jurançon (64110).
L'appellation d'origine (AO) "Miel des Vosges Montagne ou Plaine" était obtenue par voie judiciaire dès 1952. L'extrait du jugement du Tribunal civil de Nancy du 25 avril 1952 précisait que les AO devaient être utilisées conformément à l'origine du produit, en fonction des usages locaux et constants consacrés dans le temps, que seul avait droit à une AO les miels naturels récoltés dans la région délimitée (Meurthe et Moselle, Meuse, Moselle et Vosges) et que les conditions techniques se devaient d'être respectées.
Cette appellation d'origine simple obtenue par voie judiciaire était devenue caduque à la suite de la promulgation de deux décrets et un arrêté interministériel datés du 31 juillet 1996 reconnaissant l'AOC "Miel de Sapins des Vosges".
Afin de pouvoir bénéficier de cette appellation, le miel commercialisé par Yves M se devait de contenir des pollens caractéristiques du département des Vosges.
A contrario, un pollen non représentatif d'une zone géographique délimitant une appellation d'origine, de plus s'il était introduit en grande quantité, empêchait le miel de recevoir l'appellation comportant le nom de la zone géographique en question.
La DDCCRF des Vosges procédait à des prélèvements de ces miels au sein des grandes surfaces où ils avaient été commercialisés par la SA Bernard M.
Les résultats des analyses des prélèvements produits par le laboratoire inter-régional Paris-Massy concluaient à la présence de divers pollens dont :
- le pollen de châtaignier, pollen dominant, ainsi que la présence de manière secondaire des pollens d'eucalyptus - lavande et thym d'origine méridionale, pollen de ciste Ladaniferus d'origine espagnole, pollen de Lorentus européen d'origine hongroise ;
Les pollens de châtaignier, d'eucalyptus, de lavande, de thym, de ciste Ladaniferus, de Lorentus européen retrouvés sur les échantillons de miel de fleurs des Vosges conditionnés par la SA Bernard M n'étaient pas retrouvés dans les 97 copies des bulletins d'analyse concernant les miels récoltés entre 1986 et 1994 sur l'aire délimitée par jugement du Tribunal civil de Nancy du 25 avril 1952.
Par ailleurs, 3 courriers émanant du Conservatoire et Jardins Botaniques de Nancy (Meurthe et Moselle), de la Direction Départementale d'Agriculture et de la Forêt D'Epinal (Vosges) et l'Office National des Forêts D'Epinal (Vosges) confirmaient que le châtaignier n'était que très exceptionnellement présent dans les Vosges et uniquement sous la forme d'individus isolés contrairement à ce que déclarait Vincent M.
Ce dernier, mis en examen pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et apposition sur des produits mis en vente d'une appellation d'origine inexacte, sollicitait une contre-expertise après avoir garanti au juge d'instruction que quand la SA Bernard M commercialisait l'appellation "Miel de Fleurs des Vosges", cela provenait exclusivement de la région des Vosges (D. 13).
Réalisée par le laboratoire CNEVA à Sophia-Antipolis, la contre-expertise concluait également à une présence importante de pollen de châtaignier (une teneur très élevée car elle était de l'ordre de 72 à 88 % - exprimée en pourcentage relatif des pollens identifiés et quantifiés). Les miels présentaient également des caractères organoleptiques identiques (couleur - odeur et saveur) fortement marqués par la miellée de châtaignier.
Cette conclusion avait déjà été faite par la DDCCRF des Vosges.
Par contre, la contre-expertise donnait raison à Vincent M quant à la présence du châtaignier dans les collines du versant est des Vosges. Cependant les miels produits dans cette zone montraient souvent 10 à 15 % de pollens de châtaignier selon les experts, rarement plus.
Aussi, des miels contenant 72 à 88 % de ce pollen ne caractérisaient absolument pas le miel produit dans les Vosges.
Par ailleurs, la dénomination "Fleurs des Vosges" pouvait laisser supposer des miels toutes fleurs où aucune miellée dominante ne devait être perceptible. Cette dernière remarque du laboratoire CNEVA démontrait encore une fois la dénomination choisie par la SA M non dénuée d'ambiguïté et pouvant tromper le consommateur moyen.
Enfin, la conclusion des experts était pour le moins explicite : "Les miels que nous avons analysés ne paraissent pas caractéristiques de la zone de la production annoncée".
Vincent M tentait de se justifier en faisant appel au circuit de production. La SA Bernard M se fournissait, selon le mis en examen, en miel soit directement auprès d'apiculteurs des Vosges, qui le vendaient comme miel des Vosges, soit auprès de sociétés intermédiaires de négoce et de courtage en miel.
"Lorsque nous achetons du miel, c'est de l'appellation "Vosges" déclarait V. M. Selon lui, la traçabilité du miel pouvait être vérifiée en fonction de l'honnêteté de leurs fournisseurs, car il n'était pas possible d'après M de contrôler si le miel vendu par un producteur de "Miel des Vosges" était exclusivement recueilli dans les Vosges.
Or, les enquêtes menées en amont auprès de fournisseurs démontraient que le miel incriminé n'avait pas été récolté en totalité dans l'aire délimitée de l'AO "Miel des Vosges Montagne ou Plaine". La personne mise en examen ne pouvait pas être leurrée par une simple référence à la provenance géographique "Vosges" sur les documents commerciaux de ses fournisseurs sachant qu'elle disposait d'un système d'auto-contrôle performant (5 contrôles effectués) et qu'elle était un professionnel averti. Ainsi, elle se devait, compte-tenu de la longueur du circuit de production, de vérifier la provenance de ce miel afin de pouvoir en revendiquer l'origine Vosgienne (D.63).
Ainsi, les enquêtes menées en amont de la filière démontraient l'absence de pollen de châtaignier dans les lots de miel qui étaient livrés sous le couvert de documents commerciaux laissant toute référence à la provenance géographique "Vosges".
Ainsi le Ministère public a donc estimé que Monsieur Alain M avait commercialisé sous la dénomination "Fleurs des Vosges" des pots de miel de 500 g et 750 g ne répondant pas à la composition du miel de fleurs récoltées dans les Vosges et qu'en utilisant le nom géographique "Vosges" qui constitue pour partie l'appellation d'origine contrôlée "Miel de Sapin des Vosges" depuis le 31 juillet 1996, Monsieur Vincent M a ainsi tenté de détourner et d'affaiblir la notoriété de l'appellation d'origine contrôlée, ce qui est préjudiciable à tous les apiculteurs récoltant et mettant en marché de l'AOC "Miel de Sapin des Vosges".
Le jugement entrepris a relaxé Monsieur M des fins de la poursuite pour les motifs suivants :
"- que les miels soumis à examen proviennent bien de la région des Vosges; qu'en effet l'enquête menée auprès des fournisseurs le démontre;
- que s'il convient d'admettre une présence importante dans le miel commercialisé par le prévenu de pollen de châtaignier, aucun élément de l'information ne permet de constater que ce pollen ne provient pas de la région des Vosges, région dans laquelle il a été constaté par les contre-experts qu'il existe bien des châtaigniers qui produisent une fleur et donc du pollen;
- qu'il n'existe pas tant légalement que réglementairement un pourcentage à exiger de présence dans le miel de telle ou telle fleur pour que l'appellation "Fleur des Vosges" puisse être admise;
- que le prévenu n'est pas au demeurant poursuivi pour une infraction concernant l'étiquetage.
Dans ces conditions la preuve n'est pas rapportée tant dans le dossier d'information qu'au cours des débats que le prévenu ait intentionnellement trompé ou tenté de tromper les consommateurs sur la nature, l'origine ou les qualités substantielles du miel qu'il a commercialisés sous la dénomination "Fleurs des Vosges".
Il ne peut également lui être fait reproche d'avoir apposé sur les produits mis en vente une appellation d'une origine inexacte.
Monsieur M sera renvoyé des fins de la poursuite".
Le Syndicat de l'AOC "Miel de Sapin des Vosges", la Fédération départementale des syndicats agricoles des Vosges, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges, l'Institut national d'apiculture française, les Syndicats des producteurs de miel de France ainsi que le Ministère public ont relevé appel de cette décision. Par conclusions, le Syndicat de l'AOC "Miel de Sapin des Vosges" et la "Fédération départementale des syndicats agricoles des Vosges" sollicitent que la décision entreprise soit infirmée, que Monsieur M soit déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés, qu'il soit statué ce que de droit sur les réquisitions du Ministère public, que leur constitution de partie civile soit déclarée recevable, que Monsieur M soit condamné à leur payer la somme de 398 220 F à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice ainsi que celle de 15 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et que soit ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux locaux.
Après avoir relaté les faits, il est exposé notamment
1) sur l'infraction de tentative de tromperie ou de tromperie sur la nature, l'origine et les qualités substantielles de produits mis en vente et vendus, visée à l'article 213-1 du Code de la consommation :
Que, notamment le miel commercialisé par la SA M sous la dénomination "Fleur des Vosges" était donc bien un miel résultant d'une fabrication ou d'un assemblage relevant de son seul fait, à partir de pollens de châtaignier, dont la teneur dominante excluait qu'il soit d'origine vosgienne;
Que, derrière cet assemblage aboutissant à la fabrication d'un miel mono floral alors que la dénomination du produit "Fleur des Vosges" permettait de s' attendre à des miels de fleurs" où aucune miellée dominante ne devait être perceptible et que Monsieur M, en tant que professionnel averti de l'apiculture, ne pouvait pas ignorer que le miel étiqueté et commercialisé par sa société sous l'appellation d'origine "Fleurs des Vosges" ne correspondait pas au miel de fleurs récolté traditionnellement dans cette zone.
2) sur l'usage d'une appellation d'origine inexacte :
Que la référence à l'appellation "Vosges" pour la vente de produits agricoles et notamment du miel impose de respecter l'appellation d'origine obtenue judiciairement par le Tribunal de première instance de Nancy du 25 avril 1952 pour la période antérieure à juillet 1996, puis les textes réglementaires (deux décrets et un arrêté interministériel en date du 31 juillet 1996, publiés au JO du 2 août 1996) pour la période suivante, ces deux appellations d'origine étant protégées par la loi du 6 mai 1919 concernant les appellations d'origine et qu'en l'espèce Monsieur M a sciemment fait utilisation du nom géographique "Vosges" qui constitue pour partie l'appellation d'origine contrôlée "Miel de Sapin des Vosges" pour la commercialisation d'un produit ne provenant pas de cette zone de production.
Par conclusions, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges "FDSEA des Vosges" sollicite que Monsieur M soit condamné à lui payer la somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Elle précise que le tribunal a fait une mauvaise interprétation des éléments du dossier et que les faits reprochés à Monsieur M sont totalement établis.
Par conclusions, le Syndicat des producteurs de miel de France sollicite que la SA M soit déclarée entièrement responsable des infractions reprochées, qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts outre celle de 7 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et que soit ordonnée aux frais de la prévenue la publication de la décision à intervenir dans la revue suivante "l'Abeille et le Miel", bulletin syndical du SPMF.
Il est exposé
1) Sur l'usurpation de l'appellation d'origine :
Que la cour ne peut retenir la SA M dans les liens de la prévention sur ce chef de poursuites ;
Que la société M peut commercialiser sous la dénomination "Fleur des Vosges" du miel produit dans les Vosges, que le fait d'étiqueter "Fleur des Vosges", si le produit vient bien des Vosges, alors qu'il existe une AOC "Sapin des Vosges" n est pas répréhensible, que l'AOC reconnue par décret ne réserve l'appellation "Vosges" que pour les miels de sapin récoltés dans les Vosges, que les autres miels, monofloraux ou polyfloraux récoltés dans les Vosges ne sont pas concernés.
2) Sur la tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise :
Qu'il est constant que l'essentiel du miel commercialisé par la SA M sous la dénomination "Fleurs des Vosges" ne venait pas des Vosges, ainsi que cela ressort très clairement du dossier d'instruction.
Par conclusions, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Vosges "FDSEA des Vosges" sollicitent que Monsieur M soit condamné à lui payer 400 000 F à titre de dommages-intérêts outre 10 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Il est exposé que Monsieur M n'est nullement un petit producteur de miel qui aurait agi par mégarde mais le plus gros industriel national produisant du miel, qu'il a sciemment trompé les consommateurs faisant croire que le miel qu'il commercialisait sous l'appellation "Miel Fleur des Vosges" provenait de cette région alors que cela est rigoureusement impossible, que les factures fournies par Monsieur M ont trait à des quantités qui sont sans commune mesure avec la production de son entreprise, qu'il est impossible d'obtenir du miel composé de 72 % à 88 % de pollen de châtaignier dans la région des Vosges, que Monsieur M a frauduleusement apposé une fausse appellation d'origine, qu'il a trompé les consommateurs sur l'origine du miel, vendu en quantités industrielles.
L'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) sollicite que les infractions poursuivies soient retenues à l'encontre de Monsieur M, que celui-ci soit condamné à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier et moral subi par la profession des apiculteurs dont elle défend les intérêts ainsi que 25 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et que soit ordonnée la publication du jugement à intervenir dans un quotidien de la presse parisienne, deux quotidiens de la presse vosgienne et deux quotidiens de la presse paloise, aux frais du condamné, par application des dispositions de l'article L. 115-16 al. 2 du Code de la consommation.
Il est exposé que Monsieur M ne pouvait ignorer le caractère incertain de la traçabilité des miels achetés par lui, ni l'existence de la présence dominante, dans les miels incriminés, de pollens étrangers à la région des Vosges ;
Que Monsieur M est un négociant et non un producteur, ayant recours à un circuit d'approvisionnement marqué par d'innombrables producteurs qui peuvent être eux-mêmes des négociants ;
Que cette constellation se montre incapable de garantir l'origine de provenance des miels circulant d'un fournisseur à l'autre;
Que l'instruction a révélé que les fournisseurs intervenus en amont ne se sont jamais engagés sur une quelconque garantie d'origine ;
Qu'il ne suffit pas de s'approvisionner auprès d'un fournisseur implanté dans les Vosges, pour être assuré de l'origine géographique du produit, que les résultats des analyses des prélèvements effectués par le laboratoire interrégional Paris-Massy ont établi une présence dominante anormale de pollens de châtaignier, ainsi qu'une présence secondaire également suspecte de divers pollens exotiques;
Qu'il est manifeste que l'entreprise M a pratiqué un assemblage réduisant les miels de ses fournisseurs - dont l'origine est déjà incertaine - à une étroite marginalité ;
Qu'en l'espèce, la présence dominante de pollens de châtaigniers, rend le miel commercialisé par Monsieur M, non seulement inapte à être vendu sous une provenance "Vosges" mais encore impropre à être vendu sous le vocable "Miel toutes fleurs"(article 6-2-1 du décret du 22 juillet 1976) ;
Que, sur l'élément intentionnel, la qualité de professionnel de Monsieur M à la tête de la première entreprise européenne de négoce de miels et leader au niveau national, exclut toute erreur commise de bonne foi et que ses manœuvres sont parfaitement limpides.
Monsieur l'Avocat général a pris ses réquisitions, considérant Monsieur M coupable des faits qui lui sont reprochés. Par conclusions Monsieur M sollicite sa relaxe et le déboute des parties civiles.
Il est exposé que la cour ne pourra que constater l'adéquation parfaite entre les acquisitions du miel des Vosges et la vente sous l'appellation "Fleurs des Vosges", que ceci démontre à l'évidence l'absence de toute volonté de tromperie de la part de la société Bernard M ;
Que de plus, cette dernière n'avait aucun intérêt économique à effectuer une telle tromperie (le miel des Vosges étant l'un des plus chers).
Que la contre-expertise a démontré l'absence de pollens de fleurs méridionales ou étrangères, contrairement à l'expertise initiale non-contradictoire diligentée par la DGCCRF.
Que, par ailleurs, la présence abondante de châtaigniers sur le massif des Vosges est parfaitement reconnus, que la cour constatera que Madame Tisse des services de la concurrence, qui a elle-même participé à la contre-expertise, indique très nettement "on ne relie jamais le pourcentage de pollens présents avec un miellée majoritaire, on peut avoir une pollution par des pollens et cela arrive très souvent avec le châtaignier ; quand à une dénomination géographique votre mandant doit savoir où le miel a été produit".
Que plus encore, dans une correspondance à la société Bernard M du 30 avril 2001, toujours, la Direction Départementale de la Concurrence et de la Consommation des Fraudes indique que l'analyse pollinique ne suffit pas pour déterminer avec certitude l'origine florale ou végétale du miel et que ce résultat seul ne permet pas de se prononcer sur l'exactitude de l'origine indiquée; que la majorité des analyses versées aux débats par les experts de la DGCCRF ayant été faites sur des miels de printemps, il est donc normal que l'on ne trouve pas de miel de châtaignier, puisque ce dernier fleurit à la fin de l'été (juillet et août) ;
Que l'appellation utilisée sur l'étiquetage de la société Bernard M "Miel Fleur des Vosges" prouve sa volonté d'informer clairement les consommateurs et de ne provoquer aucune équivoque possible avec "le Miel de Sapin des Vosges" ;
Qu'en effet, il convient de rappeler que les sapins n'ayant pas de fleurs, le "Miel de Sapin" est donc un miel fabriqué par les abeilles à partir des excréments de sucre de pucerons, miel de Mielat, et ce par opposition au miel de nectar qui, lui, provient des fleurs.
Qu'en aucun cas, le Syndicat de l'AOC "Miel de Sapin des Vosges" ne saurait se prévaloir eu égard d'une part, à sa faible quantité 1 ,3 % de la production, et d'autre part, quand à sa spécificité, le tenant de l'intégralité du miel produit dans les Vosges ;
Que la dénomination "Fleurs des Vosges" ne revendique aucune appellation particulière ni monoflorale, ni multiflorale, pas plus qu'une dominance, ni une égalité entre les miellées entre elles.
Que Monsieur M doit être relaxé des fins de la poursuite.
- Sur les constitutions de parties civiles :
Que ces dernières sont tout d'abord irrecevables, tout du moins en ce qui concerne celles du Syndicat Apivosges et l'INRA, dans la mesure où les poursuites intentées à l'encontre de Monsieur M ne concernent pas une fraude relative au "Miel de Sapin des Vosges" mais en toute hypothèse ne concernerait qu'une fraude à l'appellation "Vosges" ;
Qu'en ce qui concerne les autres syndicats d'apiculteurs, leurs demandes de constitution de parties civiles ne pourront être que rejetées compte tenu de la relaxe que la cour prononcera au bénéfice de Monsieur Michaud.
Sur quoi, la cour :
Attendu que le rapport d'analyses n° 96-14160 de la DGCCRF du miel litigieux fait état de ce que le pollen dominant est celui du châtaignier et relève également la présence d'un pollen isolé 'l'eucalyptus" pour conclure que le miel est à dominante châtaignier, que l'eucalyptus n'est pas caractéristique des Vosges et qu'une dénomination Miel l'Apiculteur Fleur des Vosges n'est pas conforme.
Qu'un autre rapport d'analyse n° 96-14161 relèvera "Miel à dominante châtaignier - les pollens d'Eucalyptus, lavande et thym sont d'origine méridionale, celui ciste Lodaniférus d'origine espagnole, le Lorantus europeus d'origine hongroise pour confirmer la non-conformité du produit avec se dénomination ;
Que les analyses n'étaient pas contradictoires ;
Que lors du procès-verbal de 1ère comparution de Monsieur M du 5 décembre 1997, ce dernier précise :
" La référence dans une appellation de miel à un nom géographique oblige seulement le producteur du miel à commercialiser exclusivement un miel provenant de cette région sous cette appellation "
puis :
"Je vous remets un récapitulatif de nos achats et de nos ventes concernant le miel des Vosges qui est un des plus chers à l'heure actuelle sur le marché pour nous. Lorsque nous avons des sur-stocks de miel de certaines qualités, comme le miel des Vosges, il nous arrive de le commercialiser en le déclassant...."
Qu'en application de l'article L. 215-12 du Code de la consommation, Monsieur M a sollicité une contre-expertise des miels litigieux ;
Que le rapport de commission d'expert du 4 août 1998 est plus nuancé ;
Qu'il en ressort que les résultats analytiques des deux experts sont comparables et les 4 échantillons sont similaires ;
Qu'il convient de relever les éléments suivants :
"Une teneur très élevée en pollens de châtaignier (72 à 88 %) exprimée en pourcentage relatif des pollens identifiés et quantifiés (ce qui exclut une simple pollution du miel par ce pollen); Les miels présentent des caractères orgonoleptiques identiques... et sont fortement marqués par la miellée de châtaignier, le châtaignier est bien présent dans les collines du versant Est des Vosges.
Toutefois, à notre connaissance, il n'a jamais été constaté de production monoflorale de miels de châtaignier dans les Vosges ou alors de façon anecdotique... En conclusions, les miels que nous avons analysés ne paraissent pas caractéristiques de zone de production annoncée" (ces conclusions ne sont pas catégoriques).
Que dans la revue "l'Apiculture Française" il est mentionné :
"Les collines sous-vosgiennes présentent de belles forêts d'acacias et de châtaigniers qui se plaisent sur les versants bien ensoleillés et sur les terrains calcaires qui se réchauffent facilement" (D.13 annexe 7), puis dans l'atlas photographique d'analyse pollénique des miels réalisé par Jean Louveaurc, il est confirmé "les châtaigniers sont abondants en France, dans le Massif Central, les Pyrénées. les Alpes, la Bretagne, une partie de la Normandie, le Morvan, les environs de Paris, les Maures et l'Esterel, le Versant est des Vosges les miels de châtaigniers sont donc très courants en France....
Que ces revues scientifiques vont à l'encontre des affirmations de certaines parties civiles, le terme "Vosges" englobant tout le massif vosgien et non pas seulement le département des Vosges que d'ailleurs (côte 32) l'Office National des Forêts, dans une lettre du 8 janvier 1997, avec pour objet "répartition du tilleul et des châtaigniers dans le département des Vosges relate que "le châtaignier n'est que très exceptionnellement présent et uniquement sous la forme d'individus isolés" (mais le secteur est restrictif par rapport au massif Vosgien).
Que le jugement rendu par le Tribunal civil de première instance de Nancy du 25 avril 1952 a statué ainsi :
"....Dit et juge en outre qu'ont seuls droit à l'appellation d'origine "Miel des Vosges, Montagne ou plaine", les miels naturels récoltés exclusivement dans la région ainsi délimitée Département de la Meurthe et Moselle en partie, à savoir Cantons de Cireg-sur-Vezeuve, Badonviller et Baccarat, Département de la Moselle en partie, à savoir : arrondissement de Sarrebourg. Département des Vosges en partie, à savoir arrondissement de Saint-Die, Remiremont, Epinal et Mirecourt, Cantons de Lamarche, Vittel, Dompaire, Charmes, Darnay et Monthureux-sur-Saone.... "
Qu'il convient de relever que les produits litigieux ne font pas référence au terme "Montagne" (annexe 5-D.13) ni à celui de "Miel de Sapin des Vosges" (AOC décrets du 30 juillet 1996 et arrêté du 30 juillet 1996) (Les sapins n'ayant pas de fleurs, le Miel de Sapin est un miel fabriqué par les abeilles à partir des excréments de sucre de pucerons, miel de miellat, et ce, par opposition au miel de nectar qui lui provient des fleurs).
Que par ailleurs, Monsieur M a démontré l'adéquation entre les acquisitions du miel des Vosges (ou présentés comme tel par ses fournisseurs) et la vente sous l'appellation "fleur des Vosges", étant rappelé que Monsieur M se fournissait en miel soit directement auprès d'apiculteurs de Vosges qui le vendaient comme miel des Vosges, soit auprès de sociétés intermédiaires de négoce et de courtage en miel, sous cette même dénomination ;
Que n'ayant pas vendu plus de miel des Vosges qu'elle en avait acquis (le miel des Vosges étant l'un des plus chers), la mauvaise foi de la société M n'est pas démontrée.
Que Madame Tisse, qui avait participé à la contre-expertise, indique dans une lettre du 14 mars 2001 qu'on ne relie jamais le pourcentage de pollens présents avec un miellée majoritaire, on peut avoir une pollution par des pollens, et cela arrive très souvent avec le châtaignier, en ajoutant "quant à une dénomination géographique, votre mandant doit savoir où le miel a été produit".
Qu'en utilisant le terme "miel fleurs des Vosges", il n'y avait aucun risque d'équivoque avec l'appellation "Miel de Sapin des Vosges" ;
Que, conformément à ce qui a été jugé en première instance, la preuve n'est pas rapportée tant sur le dossier d'information qu'au cours des débats, que le prévenu ait intentionnellement trompé ou tenté de tromper les consommateurs sur la nature, l'origine ou les qualités substantielles du miel qu'il a commercialisé sous la dénomination "Fleurs des Vosges" et il ne peut également lui être fait le reproche d'avoir apposé sur les produits mis en vente en appellation d'une origine inexacte.
Qu'il convient donc de confirmer en toutes ses dispositions tant pénales que civiles le jugement entrepris.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort Reçoit les appels comme recevables en la forme Au fond, Sur l'action publique Confirme le jugement rendu le 12 décembre 2000 par le Tribunal correctionnel de Pau, en ce qu'il a relaxé Monsieur M des fins de la poursuite Sur les actions civiles Confirme également le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes Le tout par application de l'article 470 du Code de procédure pénale.