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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 7 décembre 1995, n° 819

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Conseil national de l'ordre des pharmaciens, UFC Que Choisir, Union régionale des consommateurs Provence-Alpes Cote d'Azur, UFC 06, Union départementale des consommateurs des Alpes-Maritimes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ellul

Substitut général :

M. Bérard

Conseillers :

Mmes Coux, Delpon

Avocats :

Mes Deur, Vatier, Bihl, Tuillier

TGI Grasse, ch. corr., du 21 sept. 1993;…

21 septembre 1993

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Par acte du 20 janvier 1992 l'Union fédérale des consommateurs (UFC Que Choisir) a fait citer directement devant le Tribunal correctionnel de Nice Max R ainsi que sa société X en qualité de civilement responsable du chef de publicité mensongère et tromperie, délits prévus et réprimés par les lois du 1er août 1905 et 22 décembre 1973 pour avoir mis en vente un produit intitulé B ne possédant pas les propriétés énergétiques annoncées ;

Selon jugement contradictoire en date du 20 mars 1992 le Tribunal correctionnel de Nice a déclaré Max R coupable du délit de tromperie, l'a condamné à la peine de 30 000 F d'amende et recevant l'UFC, l'Union départementale des consommateurs (IDCAM) l'Union régionale des consommateurs de la Région Alpes Côte d'Azur (URCOPACA) en leur constitution de partie civile, a encore condamné in solidum" R Max et la société X civilement responsable à payer :

10 000 F à titre de dommages et intérêts et 3 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à l'UFC 06 ;

1 500 F à titre de dommages et intérêts à partager entre UDCAM et l' URCOPACA

Par ailleurs le tribunal correctionnel a ordonné la publication de la décision par extrait sur le journal Marie France sans que l'insertion ne puisse dépasser 5 000 F ;

Selon déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Nice en date du 27 mars 1992 Max R et la société X ont relevé appel de cette décision ;

le 30 mars 1992 le Ministère public a formé appel incident ;

le 6 avril 1992 l'UFC 06 a également usé de cette voie de recours ;

R Max a par ailleurs fait l'objet d'autres procédures:

1°) Il a été cité à la requête du Ministère public devant le Tribunal correctionnel de Nice

- "pour avoir à Valenciennes et sur le territoire national diffusé une publicité sous forme de dépliants publicitaires comportant des allégations, indications fausses ou de nature à induire en erreur en l'espèce sur les qualités substantielles d'un produit " B2 " présenté comme "apportant le régime rapide efficace, tonique et équilibré souhaité";

- pour avoir trompé le contractant par quelques moyen ou procédé que ce soit sur la nature, l'espèce, les qualités substantielles la composition ou la teneur en principes utiles, sur l'aptitude à l'emploi les risques inhérents à l'utilisation, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre en l'espèce relatifs à un produit diététique "B2" ;

Délits prévus et réprimés par les articles 44-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1993,

44-II alinéas 3, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de ladite loi et 1 de la loi du 1er août 1905 modifié par loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 ;

2°) Par ordonnance du juge d'instruction de Grasse en date du 5 février 1993 R, PDG de société X et société Y a été renvoyé devant le Tribunal de police de Grasse pour avoir :

- détenu en vue de la vente six produits destinés à une alimentation particulière additionnés de produits chimiques ou de substances biologiques autres que ceux dont l'emploi est déclaré licite par arrêté ministériel ou sans respecter les pourcentages maximaux et minimaux d'emploi des additifs autorisés;

- omis de déclarer au Préfet des Alpes-Maritimes la mise sur le marché des six produits susvisés;

Faits prévus et réprimés par les articles 33 de l'arrêté ministériel du 20 juillet 1977, 6,7,9 du décret 81-574 du 15 mai 1981, arrêtés ministériels des 11 mars 1988 et 4 août 1986, 11 et 13 de la loi du 1er août 1905 ;

3°) par une autre ordonnance en date du 10 septembre 1992 le juge d'instruction de Grasse a encore renvoyé devant le tribunal correctionnel de son siège R pour avoir :

- omis de faire assurer la direction technique de sa succursale sise 21 secteur Bleu n° 73 (îlot P) à Carros par un pharmacien assistant responsable de l'application dans ladite succursale des règles édictées dans l'intérêt de la santé publique,

- dirigeant un établissement de préparation de vente de gros ou de distribution de médicaments, produits et objets visés aux articles L. 511 et L. 512 du Code de la santé publique, fait fonctionner ledit établissement dans des conditions n'offrant pas toutes garanties pour la santé publique par absence notamment de locaux aménagés agencés et entretenus en fonction des opérations pharmaceutiques qui y sont effectuées, de moyens matériels et de personnel nécessaires à l'exercice de ces activités (formation des personnels, encadrement pharmaceutique, prélèvements aux fins de contrôle insuffisants);

- débité à titre gratuit ou onéreux des spécialités thérapeutiques au sens de l'article L. 601 du Code de la santé publique sans avoir reçu au préalable les autorisations de mise sur le marché délivrées par le ministre des Affaires sociales, en l'espèce les produits suivants :

- dénomination spéciale " d'A " :

alfalfa, ananas, bamboosil, bouillon blanc, chrysantellum americanim, cupaline, eupeune, exosuline, fasoline, gelee royale, gimgembre, ginkgo, cugulon, gui, ind'ail, konjac, levure de bière, menthe, menyanthe, mincigrap, ortie, papaye, partenelle, pectifibre, petite pervenche, plantain, radis noir, salsepareille, spiruline, vergerette du canada.

- dénomination spéciale "B"

- dénomination spéciale "C"

algue, ananas, angélique, anis vert, asperule odorante, bourdaine, camomille, cannelle, citronnelle, cosse de haricot, éphédra, espèces pectorales, ginkgo, gui hibiscus, hysope, immortelles, lierre terrestre, menthe poivrée, oranger amer, oranger doux, ortie blanche, petite centaurée, plantain, prêle, queue de cerise, réglisse, séné foliole sureau, Thym, tilleul fleur, valériane, vergerette du canada, verveine, vihurnum ;

- dénomination spéciale "D"

- dénomination spéciale E

ARKOVITAL B complexe, Arkovital E, arkovital selénium, arkovital carbonate de soude, arkovital dolomit, arkovital gucotransfer, arkovital phosphate bicalcique, betaselen, enzymox;

- dénomination spéciale " F"

- dénomination spéciale "G";

- dénomination spéciale " H " et "I"

- modifié les formes pharmaceutiques fabriquées sans autorisation préalable du ministre chargé de la Santé, en l'espèce une spécialité pharmaceutique ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché sous le nom d'A et diffusé sous l'appellation " B ", par ailleurs refusée par le ministre de la Santé;

Débité à titre gratuit ou onéreux un médicament au sens de l'article L. 511 du Code de la santé publique destiné à la réalisation de préparations magistrales à l'officine et caractérisée par une dénomination spéciale, en l'espèce "A" sans avoir reçu au préalable une autorisation de mise sur le marché délivré par le ministre chargé des Affaires sociales ;

- détenu en vue de la vente, mis en vente ou vendu des médicaments, simples ou composés, sur des conditionnements desquels ont été omis les mentions obligatoires suivantes: nom et dose de chacune des substances actives contenues dans le produit préparé, et d'avoir ainsi détenu, mis en vente et vendu des remèdes secrets, au sens de l'article R. 5094 du Code de la santé publique, en l'espèce une préparation sous la dénomination spéciale "A" ;

- diffusé de la publicité auprès du public, relative à des médicaments dont la délivrance n'est pas obligatoirement soumise à prescription médicale et qui ne sont pas remboursés par les organismes de sécurité sociale et relative à des produits et objets mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 511 du Code de la santé publique sans l'autorisation du ministre chargé de la Santé et dénommée " visa de publicité " est délivrée après avis de la commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments ;

- omis de faire figurer sur lesdites publicités destinées au public et concernant des médicaments la mention "ceci est un médicament";

- omis de déposer, dès leur diffusion, les publicités relatives, aux médicaments produits et objets mentionnés à l'article L. 551 du Code de la santé publique destinées aux personnes appelées à prescrire ou délivrer ces médicaments produits et objets ou à les utiliser dans l'exercice de leur art, auprès du ministre chargé de la Santé publique, en ce qu'elles ne reprennent pas les mentions exigées par la législation, ou encore des publicités ne reprenant pas les indications thérapeutiques et contre-indications fixées par l'autorisation de mise sur le marché et toute autre décision ministérielle ultérieure les concernant ;

- diffusé des publicités sous la forme de plaquettes (La Nouvelle Phytothérapie, la nouvelle tisane, revues Arkosanté...) comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur un ou plusieurs des éléments ci-après, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, propriétés, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, portée des engagements pris par l'annonceur et relatives à des produits de santé commercialisés par la société laboratoires X et par ailleurs faisant l'objet des préventions ci-dessus visées;

Faits qui constituent les délits prévus et réprimés par les articles R. 5115-6, L. 518, L. 596 alinéa 3, L. 601, R. 5128 B, R. 5110, L. 601-1, R. 5094, R. 5095, R. 5096, L. 56, R. 5047, L. 551, L. 556, R. 5048, R. 5052-1, R. 5052-3 du Code de la santé publique, 44-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 44-11 alinéas 3, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de ladite loi et 1 de la loi du 1er août 1905 ;

La société X a été citée en qualité de civilement responsable de son dirigeant ;

Par jugement contradictoire du 21 septembre 1993 le Tribunal correctionnel de Grasse après avoir ordonné la jonction des trois procédures et relaxé R des chefs :

- d'avoir débité à titre gratuit ou onéreux des spécialités thérapeutiques au sens de l'article L. 601 du Code de la santé publique sans avoir reçu au préalable, les autorisations de mise sur le marché délivrées par le ministre des Affaires sociales,

en ce qui concerne les produits A, J, K et L,

en ce qui concerne les C,

en ce qui concerne D,

en ce qui concerne E,

en ce qui concerne B,

en ce qui concerne F;

- d'avoir modifié les formes pharmaceutiques fabriquées sans autorisation préalable du ministre chargé de la Santé, en l'espèce une spécialité pharmaceutique ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché sous le nom d'A et diffusé sous l'appellation 'B", par ailleurs refusée par le ministre de la Santé ;

- d'avoir diffusé une publicité sous forme de dépliant publicitaire contenant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles du produit B2 ;

L'a déclaré pour le surplus coupable des faits qui lui sont reprochés et en répression l'a condamné à cent mille francs d'amende et à douze amendes de 600 F chacune;

A ordonné la publication par extrait du jugement aux frais du condamné dans le Quotidien du médecin, le Monde et le Figaro (sans que le coût maximal n'excède la somme de 50 000 F) ;

A ordonné l'affichage du jugement à la porte principale du siège de la société X pendant sept jours;

Et dit que la contrainte par corps s'exécutera suivant les modalités fixées par les articles 749, 750 et 751 du Code de procédure pénale modifiés par la loi du 30 décembre 1985 ;

Par ailleurs statuant sur les actions civiles le tribunal a :

- reçu le conseil national de l'Ordre des Pharmaciens en sa constitution de partie civile et condamné R Max à lui payer la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- reçu l'URCOPACA et l'UFC 06 en leur constitution de partie civile, et a en conséquence déclaré R Max responsable du préjudice subi par ces associations de consommateurs et l'a condamné à leur verser à chacune la somme de 1 F à titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- déclaré les sociétés X et Y civilement responsables des agissements du condamné et tenues à ce titre solidairement avec lui des réparations civiles;

Par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Grasse en date du 24 septembre 1993 appel de cette décision a été interjeté par Max R.

Le 27 septembre 1993 le Ministère public a formé appel incident;

Le conseil national de l'Ordre des Pharmaciens a également usé de cette voie de recours le 30 septembre 1993 ;

Les recours exercés à l'encontre des jugements du Tribunal correctionnel de Nice en date du 20 mars 1992 et du Tribunal correctionnel de Grasse en date du 24 septembre 1993 ont été examinés à l'audience du 14 septembre 1995;

Régulièrement cité R Max a comparu assisté de son conseil lequel a déposé des conclusions tant au nom de celui-ci qu'au nom de ses sociétés (savoir X et Y) pour demander à la cour:

- constater l'extinction de l'action publique pour toutes les poursuites sanctionnées par les dispositions des articles 518 et 556 du Code de la santé publique ;

Pour les poursuites basées sur les dispositions des articles 44-1 et 44-2 de la loi du 27 décembre 1973 et de l'article 1 de la loi du 1er août 1905 ;

- dire et juger amnistiées, au sens des articles 7 et suivants de la loi du 3 août 1995, les infractions éventuellement retenues;

De relaxer R Max de tous les chefs de poursuites retenus contre lui et débouter en conséquence les parties civiles aux motifs essentiels ;

- que le délit visé à l'article L. 596 du Code de la santé publique n'est pas constitué ;

- qu'en ce qui concerne la vente de spécialités pharmaceutiques, la responsabilité pénale ne saurait être retenue dans la mesure où soit les AMM avaient été obtenues soit les dossiers avaient été déposés avant le 31 décembre 1988, que 14 spécialités visées à la prévention n'étaient pas des médicaments par présentation mais des compléments alimentaires, que les M et les G (dont B) notamment ne sauraient se confondre avec un médicament classique visé et protégé par l'article L. 511 du Code de la santé publique, que le tribunal correctionnel a commis une erreur juridique importante en considérant qu'il fallait une AMM pour les produits homéopathiques comme les comprimés de Tabapax ;

- qu'en ce qui concerne le délit de publicité irrégulière tel que visé par l'article L. 556 du Code de la santé publique n'est pas établi dans la mesure où celle-ci n'émane pas des sociétés X et Y ne s'appliquait pas à vanter des thérapies particulières ;

- que les poursuites concernant la gamme des produits additionnés de produits chimiques sont nulles pour violation de l'article 12 de la loi du 1er août 1905, pour manque de base légale au regard de la directive du Conseil de la CEE n° 89-398 du 3 mai 1989 ;

- qu'en ce qui concerne le produit "B" d'une part les laboratoires X se sont attachés à respecter scrupuleusement l'avis CEDAP du 17 mai 1989, la poursuite retenant à tort l'application de l'arrêté du 20 juillet 1977 sans intérêt en l'espèce et d'autre part les poursuites ne peuvent prospérer en l'état de l'abrogation de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 et de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Le Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens (ci-après désigné CNOP) représenté aux débats a fait déposer des conclusions tendant :

- au rejet des conclusions de R (et de ses sociétés) visant à obtenir le bénéfice de la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;

- à la condamnation de R au paiement d'une somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts outre 30 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en faisant valoir que toutes les infractions qui lui sont reprochées sont à l'évidence constituées ;

L'UFC "Que choisir" représentée aux débats s'attachant à soutenir essentiellement que le produit amincissant BIO 200 est bien soumis aux dispositions de l'arrêté du 20 juillet 1977 et non à celles dérogatoires sur les mélanges nutritifs, a conclu pour sa part à la confirmation du jugement du 21 septembre 1993 ainsi qu'à la condamnation solidaire de R et X à lui payer une indemnité de 8 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

L'UDCAM a conclu à la confirmation du jugement du Tribunal correctionnel de Nice en date du 20 mars 1992;

L'URCOPACA régulièrement citée n'a pas comparu;

Le Ministère public a requis l'application de la loi ;

Sur ce LA COUR

Attendu que les recours exercés dans les formes et délais légaux doivent être déclarés recevables ; que s'agissant en l'occurrence de recours formés contre des décisions se rapportant à des faits connexes reprochés à un seul prévenu la cour ordonne la jonction des procédures afin de statuer par un seul et même arrêt au contradictoire de toutes les parties à l'exception de l'URCOPACA partie civile, ni présente ni représentée ;

Attendu que les juges répressifs doivent se prononcer sur tous les chefs de prévention dont ils sont saisis ; que la cour constate en l'espèce que le premier jugement du Tribunal correctionnel de Nice en date du 20 mars 1992 n'a pas statué sur le délit de tromperie visé par la citation délivrée à la requête de l'UFC ; que la deuxième décision du 21 septembre 1993 ne s'est pas plus prononcée sur le délit de tromperie sur les qualités substantielles du produit B tel que visé par la citation directe délivrée à la requête du Ministère public le 23 juillet 1992 ; qu'il convient en conséquence d'annuler ces décisions et de statuer sur tous les chefs de prévention après évocation.

Attendu qu'en ce qui concerne les faits délictueux imputés à Max R (docteur vétérinaire) PDG des SA X et Y (entreprises sises dans la ZI de Carros dont l'objet social est notamment la fabrication, la distribution en gros des produits pharmaceutiques et exploitation de spécialités ou autres médicaments) tels qu'ils résultent de la procédure et des débats, il convient de rappeler que celui-ci est en premier lieu poursuivi, suite à un rapport d'inspection survenu en février 1991, pour infraction aux articles L. 596 et L. 518 du Code de la santé publique (CSP) et ce pour avoir omis de désigner un "pharmacien responsable" par la succursale ouverte à côté de l'établissement principal sis ZI secteur Bleu n° 55 à Carros, ouverture autorisée par arrêté de la direction de la Pharmacie en date du 12 mars 1986 et d'autre part pour mauvaise tenue générale du laboratoire ;

Attendu que l'article L. 596 du Code de la santé publique édicte que toute entreprise qui comporte au moins un établissement pharmaceutique (ce qui est le cas de la société X) doit être la propriété d'un pharmacien ou d'une société à la direction de laquelle participe un pharmacien dénommé "pharmacien responsable" et que dans chaque établissement pharmaceutique un pharmacien délégué veille au respect de la réglementation, la désignation d'un pharmacien délégué n'étant cependant pas obligatoire lorsque le pharmacien responsable y exerce;

Attendu qu'en l'espèce la SA "Laboratoire X" ayant son siège ZI Carros secteur Bleu n° 55 a été autorisée à ouvrir un établissement pharmaceutique de fabrication à l'Ilot P n° 73 ZI de Carros le 1er juin 1982 et qu'à la demande du pharmacien responsable en l'occurrence Daniel S le 5 juillet 1985 ladite société a été ensuite autorisée le 12 mars 1986 à ouvrir un autre établissement pharmaceutique de fabrication situé au siège social même savoir secteur Bleu n° 55; que l'arrêté du 12 mars 1985 a précisé d'une part que l'établissement secteur bleu n° 55 autorisé le 1er juin 1982 devenait une succursale de l'autre et qu'il aurait d'autre part, pour activité, le contrôle et le stockage des produits finis fabriqués ;

Attendu qu'il est constant au vu de ce qui précède que la SA X avait dès l'origine, en conformité de la législation, un pharmacien responsable et que lors de l'inspection de février 1991 il était encore en place en la personne de M. Christian B que les inspecteurs ont rencontré sur place ZI de Carros et auquel ils ont exposé leurs griefs ;

Qu'ainsi quand bien même considérerait-on l'établissement dénommé "succursale", comme un établissement autonome la législation ci-dessus rappelée n'exige pas qu'il ait été contrôlé par un deuxième "pharmacien responsable" dans la mesure où il était (est encore) la propriété de la société X;

Que R Max doit être en conséquence relaxé de ce chef de prévention comme il doit l'être pour "avoir fait fonctionner un établissement n'offrant pas toutes les garanties pour la santé publique" puisqu'en effet la responsabilité à ce titre incombait, en application de l'article L. 546 du Code de la santé publique, personnellement au "pharmacien responsable";

Attendu qu'il convient en outre de rappeler que Max R a été poursuivi par le Ministère public et par l'Union fédérale des consommateurs, pour publicité mensongère et tromperie sur les qualités substantielles pour avoir mis en vente courant octobre 1989, un produit dénommé "B" préparation de régime amincissant commercialisée en sachet à diluer ou en flacon de 200 ml contenant le produit liquide et présentée dans les plaquettes publicitaires diffusées par la société X comme un "produit élaboré pour nourrir et soutenir votre organisme pendant un régime alimentaire de trois jours, favorise un amincissement rapide, équilibré, tonique";

Attendu que l'analyse de ce produit effectuée par la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation de Lille sur un des trois échantillons prélevés dans une pharmacie de Valenciennes a révélé que cette spécialité contenait 6,40 g de protéines pour 100 g de produit et une valeur calorique de 330 Cal pour 100 g;

Qu'au vu de ces résultats qui ont été communiqués à Max R par la gendarmerie, le 27 juin 1991, lequel a refusé de voir procéder à une contre-expertise, l'administration des Fraudes a considéré que ce produit élaboré par Y et destiné à l'évidence, au vu de la publicité comme favorisant l'amincissement, était à ranger dans la catégorie des denrées alimentaires et boissons destinées à une alimentation particulière, ne correspondait pas aux normes fixées par les articles 32, 33 et 34 de l'arrêté du 20 juillet 1977 sur les produits diététiques et de régime dont l'infraction est prévue par l'article 1er du décret du 15 mai 1981 et réprimée par la loi du 1er août 1905 ;

Qu'en effet elle avait pu déterminer que le taux de protéines, contenu par B était insuffisant puisque inférieur à celui fixé à l'article 33 de l'arrêté susvisé dans la mesure où d'une part le rapport entre la valeur calorique des protides renfermées par lui et la valeur calorique totale du produit était de 0,077 pour une norme réglementaire minimum de 0,3 et d'autre part la proportion des protides par rapport à la valeur calorique du produit était de 19,4 g pour 1 000 Kcal alors que le ratio réglementaire est compris entre 70 et 90 g pour 1000 Kcal ;

Que Max R qui n'a pas sollicité de contre-expertise et qui devant les premiers juges n'a pas soulevé de moyen tiré d'une prétendue violation de la disposition de la loi du 1er août 1905 relative aux expertises effectuées par le service des Fraudes est mal fondé à critiquer les résultats rapportés par l'administration ou invoquer en cause d'appel, pour la première fois, une quelconque nullité procédurale ;

Qu'il convient en l'espèce de rappeler que les poursuites sont relatives à des faits délictueux commis courant 1989 et que par voie de conséquence R ne peut, pour exciper de sa prétendue bonne foi, se prévaloir de la législation intervenue postérieurement et notamment du décret du 29 août 1991 ; qu'il ne peut pas plus soutenir que son produit B répondait alors parfaitement aux normes figurant à l'avis donné le 17 mai 1989 par la Commission interministérielle et interprofessionnelle d'études des aliments destinés à une alimentation particulière dans la mesure où les résultats qu'il produit proviennent d'une analyse privée faite courant avril 1990 et pouvant concerner le même produit sensiblement amélioré pour le faire correspondre aux normes réglementaires applicables ; que dès lors R doit être déclaré coupable du délit de tromperie commis en 1989 et notamment le 4 octobre 1989 date des prélèvements de trois échantillons de B effectués dans une pharmacie de Valenciennes ; qu'en effet R Max a mis à cette date sur le marché un produit non conforme à la spécialité invoquée ; que la mauvaise foi du prévenu est d'autant plus caractérisée qu'il n'avait pas encore informé le Préfet du département du lieu de fabrication de la mise en vente du produit ce qu'il ne devait faire que le 2 mai 1990 soit postérieurement à l'élaboration du nouveau produit analysé le 17 avril 1990 ;

Que par ailleurs en mettant le produit B2 dans le circuit commercial en 1989, accompagné de documents publicitaires le présentant faussement (dans la mesure où il avait une faible teneur en protéines) comme apportant un "régime rapide efficace tonique et équilibré" "élaboré pour nourrir et soutenir l'organisme" Max R s'est bien rendu coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur tel que prévu et réprimé par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 repris à l'identique et transposé à l'article L. 121-1 du Code de la consommation de même que l'article 1er de la loi du 1er août 1905 a été transposé à l'article L. 213-1 du même Code, ce qui rend vaines les ratiocinations du prévenu relatives à l'abrogation de la loi pénale ;

Que les délits de fraude et publicité mensongères étant constitués il convient de déclarer en conséquence recevables les constitutions de parties civiles de l'UDCAM et l'URCOPACA, l'UFC qui étaient intervenues à l'audience du 6 mars 1992 devant le Tribunal correctionnel de Nice puis pour les deux dernières nommées devant le Tribunal correctionnel de Grasse pour stigmatiser les agissements délictueux de R de nature à compromettre la santé des consommateurs ;

Attendu qu'à la suite d'un rapport déposé le 15 mai 1991 par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des Alpes-Maritimes Max R a été poursuivi pour avoir détenu en vue de la vente, six produits (à savoir un aliment riche en protéines d'apport vitaminique et minéral parfum café, un autre dénommé "poids plum", un autre dénommé "croq faim", une préparation hyperprotidique, hypocalorique à la L. Carnitine, de la Muciline préparation instantanée en poudre pour régime hypocalorique, des comprimés hypocaloriques à la L. Carnitine Adipolyse) destinés à une alimentation particulière additionnés de produits chimiques ou de substances biologiques autres que ceux dont l'emploi est déclaré licite par arrêté ministériel ou sans respecter des pourcentages maximaux et minimaux d'emploi des additifs autorisés et en outre d'avoir omis de déclarer leur mise sur le marché au Préfet des Alpes-Maritimes ;

Que ces infractions, à les supposer établies, sont des contraventions de simple police qu'il convient donc en application de l'article 1er de la loi du 3 août 1995 de déclarer en ce qui les concerne, l'action publique éteinte ;

Attendu que dans son rapport en date du 28 mars 1991 adressé au pharmacien régional de la santé à l'issue de son inspection du Laboratoire X, le professeur chargé de la mission d'inspection a considéré que cette entreprise pharmaceutique avait enfreint les dispositions des articles L. 601, L. 601-1, L. 551 et R. 5045 à 5055-4 du Code de la santé publique pour avoir mis sur le marché diverses spécialités pharmaceutiques médicaments sans avoir obtenu préalablement une autorisation de mise sur le marché (AMM) ainsi que les dispositions des articles L. 556, R. 5047, R. 5048, R. 5052-3, 5052-1 du Code de la santé publique pour avoir fait relativement à ces produits une publicité irrégulière tant auprès du public, que des médecins ou pharmaciens;

Que c'est donc dans ces circonstances qu'au terme d'une information Max R a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Grasse pour ces divers délits et également pour publicité de nature à induire en erreur parue sous forme de plaquettes (la Nouvelle Phytothérapie, revues Arkosanté) sur les qualités substantielles des produits de santé commercialisés par X ;

Attendu que le rapport susvisé vise en premier lieu la mise sur le marché sans AMM des A ; que sous cette dénomination générique la société Arkhopharma a commercialisé exclusivement en pharmacie sous une forme galénique des poudres de plantes médicinales (Alfalfa, Ananas, Bamboosil, Bouillon Blanc, Chrysantelluin, Americanim, Cupaline, Eupeune, Exosuline, Fasoline, Gelée royale, Gimgembre, Ginkgo, Cugulon, Gui, Ind'ail, Konjac, levure de bière Menthe, Menyanthe, Mincigrap, Ortie, Papaye, Partenelle, Pectifibre, Petite Pervenche, Plantain, Radis Noir, Salsepareille, Spiruline, Vergerette du canada) présentées chacune dans un emballage dont la couleur correspond à l'origine du mal à traiter ;

Attendu qu'en ce qui concerne ces produits R Max n'a jamais contesté, ainsi qu'il le rappelle dans ses conclusions, le fait qu'il s'agit bien de médicaments phytothérapiques;

Que d'ailleurs, force est de constater en l'espèce que les "A" sont présentées sous forme galénique en flacon dans un emballage coloré, la couleur ayant été choisie en fonction du mal à traiter (rouge circulation, couleur mauve : digestion et effet fibres...) et que les notices les accompagnant les présentent comme une "gamme complète de plantes médicinales du monde entier sélectionnées comme étant les plus actives pour de très nombreuses indications thérapeutiques" de nature à "traiter efficacement" la fatigue, l'asthénie les troubles du sommeil, la nervosité, les problèmes circulatoires (en améliorant le retour veineux, en renforçant la paroi des capillaires) le cholestérol, l'hypertension légère, les rhumatismes et l'arthrose, les troubles digestifs et hépatiques, les affections bronchiques, enrayer les infections urinaires, autant de propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines qui les désignent à l'évidence comme des médicaments au sens de l'article L. 511 du Code de la santé publique, pour lesquels la commercialisation nécessitait préalablement une AMM conformément à l'article 601 du Code de la santé publique ;

Attendu que parmi les trente spécialités d'A telles que visées par l'ordonnance de renvoi du 10 septembre 1992 et ci-dessus énumérées il convient de distinguer le cas de celles dénommées J, K et L comme il convient d'ailleurs de distinguer celui du produit dit "D" également visé à la prévention ;

Qu'en effet pour le produit "D" il convient d'observer que R a été définitivement condamné par arrêt de notre cour en date de 3 février 1992 (pourvoi rejeté le 16 septembre 1992) pour l'avoir commercialisé en violation des articles L. 518 et L. 601 du Code de la santé publique;

Qu'il ne saurait donc en application de l'article 6 du Code de procédure pénale être jugé une nouvelle fois pour les mêmes faits ; que pour les trois autres que R ne conteste pas avoir commercialisé (à la date du rapport d'inspection du 29 mars 1991) sans AMM il faut noter que R Max avait bénéficié d'un arrêt de non lieu en date du 13 décembre 1988 rendu par la chambre d'accusation devenu définitif (rejet de pourvoi formé par le CNOP par arrêt du 6 février 1992) qui avait alors considéré que bien que relevant de la réglementation générale du médicament le non lieu prononcé par le juge d'instruction devait être confirmé faute d'élément intentionnel. R n'ayant fait que "suivre les directives de l'administration en principe éclairée" (sic) ; que dans ces circonstances et en l'absence de charges nouvelles les poursuites ne pouvaient être engagées de ce chef; que la responsabilité pénale de R ne sera donc pas retenue à cet égard ;

Attendu que si R reconnaît que les A dénommées Bamboosil, Bouillon Blanc, Chrysanthellum américanum, Cupaline, Eupaline, Exolusine, Fasline, Ginkgo, Gugulon, Ortie, Papaye, Partenelle, Petite Pervenche, Plantain, Radis Noir et Vergerette du Canada sont bien des médicaments qu'il a effectivement commercialisés sans avoir au préalable une AMM il soutient qu' il ne saurait être poursuivi à ce titre dans la mesure où d'une part il avait, conformément à "l'avis aux fabricants" paru au Journal Officiel des 15, 16, 17 août 1988 déposé des dossier d'AMM avant le 31 décembre 1988 et d'autre part qu'il a bien obtenu certaines AMM savoir pour le bouillon blanc (23/7/1990) Cupaline (14 mai 1991) Ortie (25 novembre 1992) Papaye (1er juillet 1991) Partenelle (16 juillet 1991) Vergerette du Canada (30 avril 1991);

Attendu que la cour ne saurait suivre l'argumentation développée sur ce point par le prévenu ; qu'en effet il est constant que R était dans l'illégalité, pour avoir commercialisé ces produits sans avoir sollicité d'AMM et que seule l'intervention du législateur pouvait ôter le caractère délictueux à son comportement et non point le simple avis (quand bien même émanerait-il de la plus haute autorité administrative) dont il se prévaut, lequel laisse entendre qu'il n'y aurait pas de poursuites pour le cas où les dossiers d'AMM seraient déposés avant le 31 décembre 1988 ; que par ailleurs le fait qu'il ait, postérieurement à la constatation des délits, régularisé la situation ne fait pas disparaître lesdites infractions en l'occurrence délits continus, qui n'étaient point prescrits le 3 juin 1991, date du réquisitoire introductif;

Attendu que R Max soutient encore qu'il ne saurait être poursuivi pour les spécialités A contenant des produits naturels aux vertus thérapeutiques traditionnelles "connues de manière ancestrale par le consommateur, moyennement avisé" comme l'Alfalfa, l'Ananas, la Carotte, la Gelée Royale, le Konjac, la Levure de Bière, la Menthe, la Spiruline, Menyanthe, Eupaline, Salseparielle, Gui, produits constituant des compléments alimentaires et en aucun cas des médicaments par fonction au sens de l'article L. 511 puisque non incorporés dans l'annexe 2 de l'arrêté 90-22 Bis du 30 décembre 1990;

Mais attendu que l'argumentation de R doit encore être rejetée dans la mesure où leur emballage ainsi que la publicité qui en est faite notamment dans l'ouvrage édité et diffusé (au prix de 25 F) par les éditions Romart les présentent bien comme ayant des vertus curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; qu'à titre d'exemple, il convient de noter que :

- "l'Alfalfa" ou "Medicago Sativa" décrit comme contenant une vitamine K Antihémorragique, un oestrogène végétal (coumestrol) et des saponines responsables de son action " anticholéstérol " est présentée comme bénéfique notamment pour combattre la fatigue, l'anémie, la spasmophilie, les excès de cholestérol, ainsi que pour ses effets bienfaisants en cas de ménopause et d'ostéoporose,

- l'Eupaline" présentée comme indiquée pour les infections à répétition : grippe, rhume, fièvre, maladie virale, foie paresseux;

- la "Ményanthe" vantée pour ses effets en cas de digestion difficile, crise de foie, spasme gastrique, migraine, dermatose,

- la "Carotte" présentée comme efficace pour la protection de la peau, des dermatoses, les troubles de la vision crépusculaire;

- La "Levure de Bière" : décrite comme contenant des substances antibactériennes actives notamment contre certains staphylocoques est vantée pour son efficacité en cas de problèmes phonères ou de peau (acné peu sèche) bronchite, rhinite, grippe en prévention;

Que la cour déclarera donc R coupable pour avoir débité à titre gratuit ou onéreux les A (à l'exception des trois visées à l'arrêt de non-lieu du 13 décembre 1988) médicaments au sens de l'article 511 du Code de la santé publique ;

Attendu que l'ordonnance de renvoi du 10 septembre 1992 saisissant le Tribunal correctionnel de Grasse vise encore les produits dénommés C (gélules contenant des huiles diverses, savoir : foie de morue, ricin, onagre, bourrache, paraffine) commercialisés par la société X alors qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une AMM ; qu'à cet égard il ressort que par arrêt en date du 6 décembre 1990 (devenu définitif à la suite du rejet le 6 février 1992 du pourvoi introduit par le CNOP) la chambre d'accusation de la cour de céans a confirmé le non-lieu rendu le 13 décembre 1988 par un précédent juge d'instruction de Grasse saisi pour les mêmes faits délictueux sur plainte avec constitution de partie civile du CNOP ; que dans ces circonstances et faute d'existence de charges nouvelles les présentes poursuites ne peuvent prospérer ; que R ne sera donc pas retenu dans les liens de la prévention pour ces A;

Attendu qu'il est encore reproché à R Max d'avoir encore enfreint les dispositions de l'article L. 601 du Code de la santé publique pour avoir mis sur le marché et sans avoir obtenu d'AMM 35 tisanes à base de plante diverses (algue, anis vert, aspérule odorante, bourdaine, ginkgo, hibiscus, hysope...) telles que visées à l'ordonnance de renvoi du 10 septembre 1992 commercialisées sous la dénomination "A" ;

Attendu que dans le fascicule édité par les Editions Romart, à la demande de R, intitulé Plantes Médicinales - La nouvelle tisane -, vantant exclusivement les mérites et les propriétés des Arkofusettes, il est indiqué que la composition d'une tisane-médicament" est "un acte réfléchi qui doit répondre à certaines règles précises, notamment en ce qui concerne le choix des plantes. On associe généralement deux plantes qui agissant en synergie donnent une activité thérapeutique maximale"; qu'il y est encore précisé que l'infusion d'un sachet contenant 1 g de plante dans 1/4 de litre d'eau bouillante peut être utilisée soit comme boisson, soit en gargarisme et en bains de bouche pour les maux de gorge ou les enrouements passagers (exemples: le bouillon blanc, la camomille matricaine) sous forme de lotions ou de compresses pour calmer les démangeaisons, des affections de la peau ou pour nettoyer les petites plaies; qu'enfin, il y figure une "liste des problèmes de santé qui se trouvent améliorés par l'utilisation des nouvelles tisanes" aux nombres desquelles les excès de cholestérol, douleurs abdominales, varices, rhumatismes, problèmes de foie, migraine, manifestations articulaires douloureuses.., liste suivie d'une dizaine de pages rappelant les propriétés curatives ou préventives des diverses plantes contenues dans les Arkofusettes ainsi que la posologie à suivre, savoir à titre d'exemples pour l'hypertension légère : vergerette du canada et oliviers, ou viburnum et ginkgo, pour la bronchite chronique : hysope, ou bouillon blanc et lierre;

Qu'il résulte de ce qui précède que les substances contenues dans les Arkofusettes sont présentées à l'évidence comme des produits ayant chacun des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines, R Max doit être retenu dans les liens de la prévention de ce chef, les articles L. 511 et L. 601 du Code de la santé publique ne faisant aucune distinction selon qu'il s'agit d'un produit chimique ou un autre obtenu à partir de plantes pulvérisées;

Que d'ailleurs la Cour de justice des Communautés européennes a, par un arrêt Johannes Stephanus Tervoort du 28 octobre 1992, dit pour droit (notamment à propos de la commercialisation de tisanes considérées généralement comme un aliment) qu'un produit recommandé ou décrit comme ayant des propriétés préventives ou curatives est un médicament au sens des dispositions de l'article 1er paragraphe 2 premier alinéa de la directive 65-65 CEE du Conseil du 26 janvier 1965 même s'il est considéré comme un produit alimentaire et même s'il n'a aucun effet thérapeutique connu en l'état actuel des connaissances scientifiques ;

Attendu que R a été encore renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Grasse pour avoir, toujours en violation des mêmes articles, mis en vente des produits sous la dénomination "E" savoir "E B Complexe, E E, E Sélénium, E Carbonate de Soude, E Dolomite, E Gucotransfer, E Phosphate Bicalcique, Setaselen, Enzymox, qui seraient selon le Professeur Cristau chargé de mission ayant rédigé le rapport d'inspection en date du 28 mars 1991 "des compositions à base de vitamines et/ou des sels minéraux" lesquelles nécessiteraient préalablement à leur mise à la consommation, la délivrance d'une AMM ;

Que le prévenu soutient qu'il doit être relaxé de ce chef pour ces types de produits aux motifs qu'il ne s'agit nullement de médicament par fonction ou présentation mais en réalité "d'apports nutritionnels, conseillés", lesquels n'ont nullement besoin d'AMM;

Mais attendu que l'argumentation de R qui ne conteste pas que ces produits E contiennent soit des vitamines, soit un ou plusieurs oligo-éléments ne résiste pas à l'examen alors surtout qu'il en vante les propriétés notamment dans la revue Arkosanté en y affirmant notamment à propos de E Phosphate Bicalcique (dosé à 93 mg de calcium d'origine naturelle et 72 mg de phosphore qu'il est recommandable à la femme enceinte, tout comme d'ailleurs E B complexe (dont les gélules contiennent de la vitamine B1, B2, B5, B9) dans la mesure où celle-ci durant sa grossesse souffre d'un déficit important en vitamines B "déficit qui tend à se creuser tout au long de la grossesse contribue à aggraver la fatigue consécutive à l'accouchement et se trouvera à la source d'une fragilité du système nerveux comme d'une moindre résistance aux infections";

Que ces produits essentiellement à bases de vitamines ou d'oligo-éléments doivent être considérés comme des médicaments par présentation ou par fonction que R doit donc être retenu dans les liens de la prévention pour les E;

Attendu que R qui ne conteste pas plus avoir mis sur le marché un autre produit E dénommé "Azinc" sans avoir au préalable obtenu d'AMM soutient qu'il ne doit pas être poursuivi de ce chef au motif (d'ailleurs admis par le Professeur Cristau dans son rapport du 28 mars 1991) qu'il s'agirait du même produit régulièrement commercialisé sous le vocable "E" ;

Que si le motif allégué par le prévenu peut le cas échéant aboutir à une atténuation de sa responsabilité, il ne saurait pour autant entraîner sa relaxe de ce chef dans la mesure où il a enfreint les prescriptions légales pour avoir sciemment commercialisé le produit litigieux sans l'aval de l'administration de tutelle ;

Attendu que R doit être déclaré cependant encore coupable pour avoir commercialisé sans AMM préalable sous le vocable"Asiatitrats", d'une part des poudres de plantes d'origine chinoise sous forme de matières poussiéreuses non conditionnées destinées aux pharmaciens pour réaliser des préparations magistrales et d'autre part des mélanges de poudres de plantes chinoises conditionnées en gélules et "prêtes à l'emploi" c'est-à-dire à leur absorption par des malades ;

Qu'en effet en ce qui concerne l'une comme l'autre des catégories, il convient d'observer que dans plusieurs fascicules diffusés par les Editions Roman (dont en cours d'information il a reconnu être propriétaire) et intitulés "les Asiatitrats -Plantes de la pharmacopée chinoise") - "Formulaire de prescription des Asiatitrats" et Asiatitrats "15 formules de phytothérapie chinoise ces produits sont présentés avec de multiples indications thérapeutiques (asthénie avec troubles digestifs, impuissance, pathologie veineuse, gynécologie, pathologie artérielle, arthrose) et posologie, avec mention en caractères gras : "pour prescrire il suffit d'indiquer sur l'ordonnance Asiatitrats formule n° X" et la posologie";

Que dans ces circonstances l'argumentation développée par R, tendant à sa relaxe ne résiste pas à l'examen dans la mesure où l'analyse ci-dessus fait ressortir que ces produits sont bien des médicaments par présentation;

Qu'au surplus c'est à bon droit que le prévenu est poursuivi pour avoir mis en vente des remèdes secrets (délit prévu par l'article L. 569 du Code de la santé publique) dans la mesure où les investigations ont révélé, ce qui n'est pas contesté par R que les mélanges de plantes chinoises conditionnés en gélules étaient distribués avec un étiquetage non conforme aux prescriptions des articles R. 5094 à R. 5096 pour ne comporter qu'un simple numéro ;

Attendu qu'il est encore constant que R a bien commercialisé à travers les réseaux pharmaceutiques sans AMM préalable, un produit dénommé "B" en boîte de 20 gélules présenté comme étant un mélange de 4 plantes chinoises pour "lutter contre les refroidissements et la grippe" et qui devait être pris " dès les premiers symptômes d'un refroidissement ou d'un accès grippal à raison de six gélules par jour pendant trois jours "; que ce produit apparaît encore comme un médicament par présentation et les arguties développées à cet égard par le prévenu, qui doit être retenu de ce chef de prévention, sont sans intérêt ;

Attendu que l'article 17 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme laquelle n'a pas été abrogée considère comme médicaments les produits présentés comme "supprimant l'envie de fumer ou réduisant l'accoutumance au tabac" sans faire une quelconque distinction entre les remèdes homéopathiques et autres;

Que dans ces circonstances R doit être retenu dans les liens de la prévention pour avoir commercialisé sans AMM préalable les produits Tabapax (boîte de 60 comprimés à sucer - contre l'envie de fumer) ainsi que les cigarettes NTB (aux "plantes" avec un goût et un parfum "agréable" pour vous arrêter de fumer), elles-mêmes présentées dans le magazine Arkosanté comme ayant une efficacité démontrée en la matière et non comme un simple adjuvant dans les cures de désintoxication tabagique ; que ces produits devaient dans ces circonstances obtenir une AMM avant leur commercialisation;

Que l'argumentation développée par R relative à la notion de médicament homéopathique, ainsi qu'à l'application de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, faisant suite à la directive 92-73 CEE du 22 septembre 1992 ne paraît pas pertinente dans la mesure où notamment celle-ci est postérieure aux faits délictueux poursuivis et que par ailleurs il ne rapporte pas la preuve de ce que le produit Tabapax (fabriqué à partir d'une teinture mère) satisfait bien entièrement aux prescriptions de l'article L. 601-3 du Code de la santé publique;

Attendu que la responsabilité pénale de R est encore recherchée pour avoir commercialisé un produit dénommé "F" présenté comme un produit cosmétique alors que selon le rapport Cristau à l'origine des poursuites il n'entrerait pas dans cette catégorie puisque selon l'article L. 658-1 du Code de la santé publique le produit cosmétique est celui qui est appliqué sur la peau et les muqueuses ;

Attendu que dans les prospectus à la disposition du public émis par le fabricant pour en vanter les bienfaits, celui-ci définit ce produit (présenté en boîte de 40 gélules au "réductol" - la posologie conseillée étant de 1 gélule matin et soir par cure de un mois renouvelable) notamment comme un complexe d'antioxydants puisque contenant notamment les vitamines C et E, le bécarotène, le sélénium destinés à lutter contre les "radicaux libres" et ralentir le vieillissement ; qu'il y est encore mentionné que dans Forganisme après absorption orale le carotène se transforme en rétinol puis en acide rétinoïque beaucoup mieux que le rétinol qui est en action d'équilibre, et que l'acide rétinoïque stimule les fibroblastes d'où une régénération bénéfique au niveau de la peau" ; qu'enfin il fait encore référence aux propriétés des autres composants (huile de bourrache, lecithine, ADN, acide éhondroïtique) qu'il contient et qui sont décrites comme favorisant l'apport d'acide lénoléique et acide gamma linolénique, et dacides gras essentiels ;

Qu'au vu des éléments de fait ci-dessus énoncés les gélules susvisées ne peuvent être considérées comme un produit cosmétique dans la mesure où elles contiennent à l'évidence des substances ayant une action thérapeutique au sens de l'article L. 511 du Code de la santé publique puisque destinées notamment à restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques;

Que R doit en conséquence être retenu dans les liens de la prévention pour avoir mis sur le marché un tel produit sans avoir préalablement obtenu d'AMM ;

Attendu que R doit être encore retenu dans les liens de la prévention pour avoir diffusé des publicités relatives, sous la forme de plaquettes ("La nouvelle Phytothérapie", "La Nouvelle Tisane", revue Arkosanté) comportant des allégations, indications de nature à induire en erreur portant notamment sur les qualités substantielles, espèce, l'origine, des produits de santé commercialisés sans avoir fait l'objet préalablement d'AMM ; qu'en effet le délit est caractérisé dans la mesure où R inspirateur des textes parus dans des prospectus, publicités émises notamment par la société X, soit par les Editions Romart (dont il a reconnu être le propriétaire) a présenté ces produits (notamment les A mentionnées comme vendues exclusivement en pharmacie) de manière à ce qu'ils apparaissent comme de véritables spécialités pharmaceutiques bénéficiant par là-même, de toutes les garanties préalables à la mise sur le marché ;

Attendu que les revues et prospectus publicitaires énumérés plus haut, dans lesquelles étaient vantées les vertus curatives des produits n'ayant pas fait l'objet d'une autorisation sur le marché, ont été diffusés notamment dans le public, en infraction de l'article 551 du Code de la santé publique puisque R ès qualités de dirigeant de droit ou de fait des sociétés les ayant émises n'a pu justifier de l'obtention de visa tel que prévu aux articles R. 5047 et suivants du Code de la santé publique ;

Qu'il sera donc déclaré coupable de ce chef de prévention, comme il sera déclaré coupable pour avoir enfreint les dispositions de l'article R. 5052-3 du Code de la santé publique, puisqu'il n'a pas justifié avoir déposé les publicités susvisées et dont certaines étaient destinées aux personnes appelées à prescrire ou délivrer les médicaments, auprès du ministre chargé de la Santé ;

Attendu que R doit être aussi retenu dans les liens de la prévention pour n'avoir pas fait figurer (conformément à l'article R. 5048 du Code de la santé publique) sur les publicités destinées au public et concernant les médicaments ou produits présentés comme tels la mention "ceci est un médicament" ;

Attendu que l'argumentation développée par R relative à l'amnistie en application de la loi du 3 août 1995 des délits qui lui sont reprochés et punis d'une simple amende n'est pas fondée dans la mesure où les textes visés à la prévention édictent outre l'amende des peines complémentaires telles que la fermeture temporaire ou définitive de l'établissement ou encore l'interdiction de la vente ou la saisie ou confiscation des médicaments en infraction, mesures empêchant le bénéfice de l'amnistie en application de l'article 2 de ladite loi ;

Attendu qu'en considération des délits dont R est déclaré coupable, la cour le condamnera donc à la peine:

- 130 000 F d'amende dont 50 000 F avec sursis simple;

Qu'il convient d'ordonner en outre la publication du présent arrêt par extrait dans le "Quotidien du Médecin", le "Moniteur des Pharmacies" et "Top Santé", le tout aux frais de R et ce en application de l'article 7 de la loi du 1er août 1905 devenu L. 216-3 du Code de la consommation;

Attendu qu' il convient de déclarer recevables et fondées les constitutions de parties civiles de l'URCOPACA, de l'UDCAM ainsi que de l'UFC habilitées à défendre les intérêts des consommateurs comme le CNOP est fondé à agir pour faire respecter les intérêts professionnels des pharmaciens;

Qu'il sera alloué :

- au CNOP la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et 6 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- à l'UFC 06 la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et 6 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- à l'UDCAM la somme de 750 F à titre de dommages et intérêts

- à l'URCOPACA la somme de 750 F à titre de dommages et intérêts;

Attendu que le mandat social étant exclusif de tout lien de subordination, il convient de mettre hors de cause les sociétés X et Y qui ne peuvent de ce fait être déclarées civilement responsables de R.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de R, des sociétés X et Y, de l'Union fédérale des consommateurs (UFC Que Choisir) de l'Union départementale des consommateurs des Alpes-Maritimes (UDCAM) du Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens (CNOP) et par défaut à l'égard de l'URCOPACA, en matière correctionnelle, Déclare les appels recevables en la forme, Ordonne la jonction des diverses procédures suivies contre R Max, au fond : Annule les jugements du Tribunal correctionnel de Nice et Grasse en date des 20 mars 1992 et 21 septembre 1993 ; Sur l'action publique: Evoquant et statuant à nouveau 1°) - Relaxe R des fins de la poursuite Pour défaut de pharmacien responsable de succursale ainsi que pour avoir fait fonctionner un établissement pharmaceutique dans des conditions ne présentant pas toutes les garanties pour la santé publique ° Pour avoir commercialisé irrégulièrement le produit "D" les A "J, K et L" ainsi que les C; 2°) - Déclare l'action publique éteinte du fait de l'amnistie en ce qui concerne les contraventions de police visées à l'ordonnance de renvoi en date du 5 février 1993, en se rapportant à la mise en vente de six produits additionnés de substances chimiques autres que celles déclarées licites et omission de déclaration au Préfet de leur mise sur le marché 3°) - Déclare R coupable des autres chefs de prévention savoir - Délit de tromperie sur les qualités substantielles du produit "B" et délit de publicité mensongère se rapportant au même produit; - Délit de commercialisation de spécialités pharmaceutiques sans autorisation de mise sur le marché délivrées par le Ministre des Affaires Sociales : savoir les produits dénommés A (à l'exception de celle visées plus haut et ayant fait l'objet de la relaxe) les F, les Arkofusettes, les E (y compris le produit Azinc) les G, B, Tabapax, les cigarettes NTB, - délit visé à l'article L. 569 du Code de la santé publique pour avoir mis en vente des remèdes secrets - délit de publicité irrégulière pour avoir fait diffusé auprès du public de la publicité relative à des médicaments sans avoir préalablement sollicité de visa et d'avoir omis d'y indiquer la mention "ceci est un médicament" - délit de publicité irrégulière pour avoir omis de déposer les documents publicitaires destinés aux professionnels auprès du ministre de la Santé - délit de publicité de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles des A et autres produits présentés comme des médicaments En répression condamne R à 130 000 F d'amende dont 50 000 F avec sursis simple dans les conditions prévues aux articles 132-29 à 132-39 du Code pénal - Ordonne la publication du présent arrêt par extrait dans - le Quotidien du Médecin - Le Moniteur des Pharmacies - Top Santé; 2°) Sur l'action civile Déclare recevables et fondées les constitutions de partie civile, du CNOP, ainsi que des associations de consommateurs UFC 06, URCOPACA, UDCAM; En conséquence condamne R à payer: au CNOP 10 000 F à titre de dommages-intérêts et 6 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à l'UFC 06 10 000 F à titre de dommages-intérêts et 6 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; à l'UDCAM 750 F à titre de dommages et intérêts à l'URCOPACA 750 F à titre de dommages et intérêts; Met hors de cause les sociétés X et Y; dit qu'en application des dispositions de l'article 473 du Code de procédure pénale modifié par la loi 93-2 du 4 janvier 1993, la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du Code de procédure pénale. Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.