CA Paris, 13e ch. A, 23 mars 1998, n° 97-06797
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Syndicat indépendant des crématistes animaliers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Paris
Avocat général :
M. Blanc
Conseillers :
MM. Zamponi, Binoche
Avocats :
Mes Bloch, De Chesse.
Rappel de la procédure:
La prévention:
René C est prévenu d'avoir, à Etampes, le 18 mai 1995:
- trompé les consommateurs sur les qualités substantielles des prestations offertes par la société SA X dont il est le pénalement responsable, en l'espèce les crémations individuelles d'animaux (conditions de réalisation ainsi que coût des prestations).
Faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
- trompé la Direction de la Concurrence, Consommation et de la Répression des Fraudes, contractants, sur les qualités substantielles de la prestation de crémation individuelle d'animaux familiers puisqu'il ressort de l'enquête qu'il s'agit d'incinérations collectives facturées au prix des incinérations individuelles telles que pratiquées par les concurrents.
Faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
Jacques D est prévenu d'avoir, à Etampes, le 18 mai 1995, trompé la Direction de la Concurrence, Consommation et de la Répression des Fraudes, contractants, sur les qualités substantielles de la prestation de crémation individuelle d'animaux familiers puisqu'il ressort de l'enquête qu'il s'agit d'incinérations collectives facturées au prix des incinérations individuelles telles que pratiquées par les concurrents.
Faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire:
Sur l'action publique:
- a déclaré René C coupable des faits visés à la prévention,
- vu les articles susvisés, l'a condamné à une amende délictuelle de 20 000 F,
- a déclaré Jacques D non coupable,
- l'a relaxé des fins de la poursuite sans peine ni dépens pour les faits susvisés à la prévention.
- la décision a été assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable René C,
- vu l'article 473 du Code de procédure pénale, a dit que la contrainte par corps s'exercera, s'il y a lieu, à l'encontre de René C, dans les conditions prévues par les articles 749 et suivants du Code de procédure pénale.
Sur l'action civile:
- a déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile du Syndicat indépendant des crématistes animaliers,
- a condamné René C à lui payer la somme de 1 franc de dommages-intérêts et celle de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Appel a été interjeté par:
Monsieur C René, le 16 juin 1997, sur les dispositions civiles et pénales.
M. le Procureur de la République, le 18 juin 1997 contre Monsieur C René, Monsieur D Jacques.
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par René C et le Ministère public à l'encontre du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention.
Par voie de conclusions, René C sollicite, par infirmation, sa relaxe, et le débouté des prétentions de la partie civile; il fait valoir, essentiellement, qu'il n'y a pas eu d'incinérations individuelles d'animaux le 18 mai 1995, seule date visée dans la prévention, et que les délits qui lui sont reprochés ne sont constitués, ni à l'égard des consommateurs, ni à l'égard de la DGCCRF; qu'en tout état de cause, les incinérations individuelles relèvent du seul article L. 216-1 du Code de la consommation et que l'article L. 216-4 du même Code interdit tout changement de qualification; enfin, qu'en sa qualité de PDG de la société X, il avait délégué ses pouvoirs à Jacques D, directeur de l'établissement d'Etampes, étant observé qu'il ne peut lui être imputé le moindre fait personnel de nature à engager sa propre responsabilité.
Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement dont appel à l'encontre de René C, et s'en rapporte à la sagesse de la cour pour ce qui concerne Jacques D; il reconnaît que la prévention ne vise que la seule date du 18 mai 1995, mais il fait observer que les prévenus avaient une parfaite connaissance de ce qui leur était reproché; sur le fond, il estime que les compartiments des bacs n'étaient pas hermétiques, ce qui générait un mélange des cendres de plusieurs animaux; sur la validité de la délégation de pouvoir invoquée par René C, il considère que seul le PDG pouvait décider du "modus operandi".
Par voie de conclusions, Jacques D sollicite la confirmation du jugement dont appel qui l'a renvoyé des fins de la poursuite; il fait valoir, essentiellement, qu'aucune incinération individuelle n'a été pratiquée le 18 mai 1995, et que l'article L. 216-1 du Code de la consommation n'est pas visé dans la prévention; sur le fond, il conteste la possibilité d'un mélange des cendres animalières, mais reconnaît, oralement, la validité de la délégation de pouvoir de René C. Représenté par son conseil, le Syndicat indépendant des crématistes animaliers (SICA), partie civile intimée, sollicite la confirmation du jugement dont appel; il estime qu'il n'y a pas d'incinérations individuelles, mais des crémations collectives en l'absence de fours individuels; il considère que l'effet de souffle suffit à mélanger les cendres.
Sur l'action publique:
Considérant qu'il convient de rappeler qu'il est reproché à René C, PDG de la société X, spécialisée dans la crémation des animaux de compagnie, et à Jacques D, directeur de l'Etablissement d'Etampes, d'avoir pratiqué des incinérations collectives au tarif des incinérations individuelles; qu'en l'espèce, la DGCCRF a relevé que les crémations "individuelles" étaient pratiquées dans des bacs compartimentés; qu'elle a estimé que les compartiments n'étaient pas suffisamment étanches pour éviter tout risque de mélange des cendres par effet de souffle; que seule l'utilisation de fours individuels était susceptible de générer une véritable incinération individuelle;
Considérant toutefois que la cour constate que la prévention ne vise qu'une seule date, soit celle du 18 mai 1995, ainsi qu'il résulte des énonciations des mandements de citation et du jugement; que ce point n'est pas discuté par le Ministère public;
Considérant que la DGCCRF a procédé à un contrôle le 18 mai 1995; que, nonobstant, aucune crémation individuelle n'a été pratiquée ce jour-là; que le procès-verbal établi par l'administration ne comporte à cet égard aucun constat d'incinération, et ne fait état d'aucun prélèvement; que ledit procès-verbal relève, tout au contraire, la présence des bacs de crémation dans le local de stockage du matériel de l'unité; que l'action publique ne saurait davantage s'appuyer sur l'enquête de gendarmerie qui est largement postérieure à la date du 18 mai 1995;
Considérant, dès lors, que la cour constate, qu'à la date du 18 mai 1995, les "consommateurs" ne pouvaient faire l'objet d'une tromperie, en l'absence d'incinérations individuelles; que, par ailleurs, la DGCCRF n'était pas contractante de la société X; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de statuer sur l'imputabilité d'une infraction qui ne peut être matériellement établie à la date visée;
Considérant que la cour, dans ces conditions, et par infirmation, renverra René C des fins de la poursuite et confirmera le jugement entrepris qui a relaxé Jacques D;
Sur l'action civile:
Considérant qu'au regard de la décision de relaxe à intervenir, sur les dispositions pénales, la cour déboutera la partie civile de ses demandes;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Sur l'action publique: Confirme le jugement dont appel qui a relaxé Jacques D, Statuant sur le surplus de la prévention. Infirme la décision critiquée, Renvoie René C des fins de la poursuite, Sur l'action civile: Infirme le jugement dont appel. Déboute le Syndicat indépendant des crématistes animaliers (SICA), partie civile, de ses demandes.