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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 28 janvier 1998, n° 96-06952

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Miramond

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

Mme Petit, M. Paris

Avocat :

Me Faivre.

TGI Bobigny, 15e ch., corr., du 3 oct. 1…

3 octobre 1996

Rappel de la procédure:

La prévention:

R Kadour est poursuivi pour avoir à Pierrefitte, courant octobre 1994 jusqu'en mai 1995 trompé Madame Miramond contractante sur les qualités substantielles de la prestation de service en n'effectuant pas les réparations de l'automobile selon les règles de l'art puisqu'il a remplacé le moteur d'origine par un moteur d'une cylindrée inférieure et que le système électrique est totalement défaillant.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a :

Déclaré R Kadour coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,

Faits commis courant octobre 1994 jusqu'au 31 mai 1995, à Pierrefitte, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation

et, en application de cet article,

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,

L'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné,

Statuant sur l'action civile,

Reçu Martine Miramond en sa constitution de partie civile

Condamné Kadour R à lui payer la somme de 40 000 F à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues.

Les appels:

Appel a été interjeté par :

Monsieur R Kadour, le 4 octobre 1996, sur les dispositions pénales et civiles contre Madame Miramond Martine

M. le Procureur de la République, le 4 octobre 1996 contre Monsieur R Kadour;

Opposition à arrêt de défaut:

Par déclaration, en date du 27 juin 1997, R Kadour a formé opposition à l'exécution d'un précédent arrêt de défaut, de cette chambre, rendu le 23 avril 1997 et non signifié, qui a :

Statuant publiquement, par défaut à l'encontre de Kadour R, et contradictoirement à l'égard de Martine Miramond,

Dit que les faits visés à la prévention avaient été commis sur une période courant du mois d'octobre 1994 jusqu'au 31 mai 1995 ;

Confirmé le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité,

L'a infirmé en répression,

Condamné Kadour R à la peine de 5 mois d'emprisonnement,

Confirmé la décision critiquée sur les dispositions civiles,

Y ajoutant,

Condamné Kadour R à verser, à Martine Miramond la somme supplémentaire de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné.

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'opposition formée par Kadour R à l'exécution de l'arrêt de défaut du 23 avril 1997 de cette chambre de la cour;

Considérant qu'à la suite de cette opposition, il échet de mettre à néant ledit arrêt et de se prononcer à nouveau sur les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Par voie de conclusions Kadour R sollicite, par infirmation, sa relaxe; à titre subsidiaire, il demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise technique ; il fait valoir essentiellement qu'il lui est reproché d'avoir procédé à l'installation, sur le véhicule de Martine Miramond, d'un moteur d'occasion d'une cylindrée inférieure à celle d'origine; qu'en réalité, il a remplacé par deux fois le moteur dudit véhicule ; que, si en définitive, le dernier moteur n'a pas davantage fonctionné, cela tient à des "raisons étrangères" aux réparations par lui effectuées : qu'en l'espèce, le véhicule Seat de la partie civile était équipé d'un moteur de Volkswagen Golf diesel, de 1 900 cm3 ; qu'il s'agissait là d'un moteur d'une longévité remarquable ;

Que Martine Miramond a déclaré lors de l'audience devant le tribunal correctionnel que son moteur était hors d'usage et que l'échange standard n'était pas possible en raison du kilométrage trop élevé ; qu'en réalité la culasse de ce moteur était cassée ;

Qu'elle a ajouté qu'on lui demandait, par ailleurs, une somme comprise entre 40 000 et 50 000 F pour le remplacement par un moteur neuf, ce qui dépassait ses moyens financiers ;

Que c'est dans ces conditions qu'elle avait demandé au prévenu de réaliser le remplacement par un moteur d'occasion ;

Que le concluant pensant pouvoir trouver un moteur de ce type dans une casse, a accepté de réaliser l'opération pour la somme de 10 000 F que pour rendre service, il prêta même son véhicule personnel BMW à titre gracieux ;

Que, toutefois, malgré ses efforts, il ne put trouver un moteur convenable, sans doute parce que ce type de moteur très robuste était très recherché;

Que le prévenu trouva simplement un moteur presque neuf; mais qu'il lui était demandé la somme de 25 000 F, ce qui n'était pas compatible avec le budget de Madame Miramond;

Que le concluant put seulement trouver un moteur diesel de 1 600 cm3 et proposa, par téléphone, de l'installer, ce que Martine Miramond accepta;

Que l'installation d'un moteur de cylindrée inférieure ne saurait être considérée comme une tromperie alors qu'il s'agit d'une réparation avec un moteur d'occasion, précisément pour éviter le coût d'un moteur neuf; qu'il est fréquent que des moteurs de cylindrée différente soient montés sur la même carrosserie ;

Que le prévenu acheta ce premier moteur pour le prix de 8 000 F et le fit installer sur le véhicule Seat par son mécanicien ;

Qu'il est exact que le véhicule démarra mais retomba en panne pour des problèmes de circuit électrique ;

Qu'entre-temps, le concluant qui voyait son état de santé s'aggraver, dut cesser son activité ;

Qu'il n'a jamais voulu commettre de tromperie mais a rencontré des difficultés pour trouver un moteur d'occasion en bon état dans la limite du budget de sa cliente ;

Qu'en fait le prévenu avait accepté d'acheter un nouveau moteur d'occasion ce qui lui occasionna une dépense supplémentaire de 14 000 F;

Qu'ayant fermé son garage, il confia la réparation à un autre garagiste, Monsieur Tertouche, auquel il régla le coût de la main d'œuvre ;

Que les services de Police notaient à la date du 23 juin 1995, que "Madame Miramond reprend possession de son véhicule apparemment réparé au niveau mécanique, mais ne se trouvant pas en état de marche, car tout le système électrique est défaillant par manque de la cassette électronique";

Que les services de Police procéderont à l'audition de Monsieur Tertouche qui confirmera qu'il avait assuré l'installation d'un nouveau moteur fourni par Monsieur R, et précisé que des réparations étaient encore nécessaires sur le circuit électrique;

Qu'il ajouta qu'il ne voulait pas dépenser un centime pour la cassette électronique, le prix d'une telle pièce n'ayant pas été prévu ;

Qu'il est donc établi qu'il y a eu deux remplacements successifs du moteur et que le second moteur fourni par Monsieur R, et posé à ses frais était bien de la cylindrée d'origine de 1 900 cm3 ;

Que le concluant n'avait jamais été chargé de procéder à la réparation d'un circuit électrique dont il n'avait pu, à l'origine vérifier l'état puisque le véhicule se trouvait complètement en panne ;

Qu'il tient à préciser à cet égard, que lorsque la Seat lui a été amenée, la culasse était démontée et grippée, l'état général du véhicule était usagé;

Que ceci explique, du reste, que Martine Miramond n'ait pas voulu engager de frais dépassant la valeur vénale de la voiture ;

Que Martine Miramond qui n'a pas voulu faire réparer sa voiture dans les conditions normales a ensuite présenté des réclamations financières démesurées ;

Qu'elle avait déclaré devant le tribunal correctionnel qu'un véhicule neuf de ce type coûtait entre 80 et 90 000 F alors que le sien n'était plus économiquement réparable, puisque le moteur était cassé après avoir parcouru près de 200 000 kilomètres ; qu'elle n'a pas craint de solliciter devant le tribunal correctionnel la somme de 119 000 F ;

Qu'elle expose dans sa note que son fils avait racheté un moteur à la casse pour le prix de 7 500 F et avait réparé le véhicule qui se trouvait de nouveau en état de circuler ; que ceci démontre qu'elle n'a pas hésité à réclamer des sommes sans proportions avec l'état réel du véhicule lorsqu'elle l'a confié au prévenu ;

Que la cour retiendra que la tromperie retenue à l'encontre du concluant consistant dans le remplacement du moteur hors d'usage par un moteur de cylindrée inférieure, ne saurait être retenue alors qu'il a bien fait installer à ses frais un moteur de même cylindrée ;

Que son comportement témoigne de sa bonne foi puisqu'il a remplacé deux fois le moteur à ses frais et a prêté son véhicule personnel pendant la durée des réparations ;

Qu'il ne s'oppose pas, à titre subsidiaire, à la désignation, avant dire droit, d'un expert technicien automobile, pour que soit déterminé l'état du véhicule litigieux à l'époque où il lui fût confié, que soit décrite la nature des réparations réalisées par ce dernier, et que soit donné un avis circonstancié sur les réparations restant à effectuer ;

Monsieur l'Avocat général relève qu'il n'existe, dans cette affaire, ni d'avis, ni facture, ni contrat ; il considère qu'une mesure d'expertise technique s'avérerait sans objet, puisque le moteur initial de 1 900 cm3, puis le moteur de 1 600 cm3 ont disparu ;

Il constate que Martine Miramond voulait faire réparer son véhicule aux moindres frais, et s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la question de culpabilité ; il fait observer que, si la cour entre en voie de condamnation, il conviendra de préciser que les faits visés à la prévention ont été commis sur une période courant du mois d'octobre 1994 jusqu'à fin mai 1995 ;

Martine Miramond, partie civile intimée, sollicite la confirmation du jugement dont appel, et la condamnation de Kadour R à lui verser la somme supplémentaire de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ;

Elle fait valoir, essentiellement, qu'elle avait donné son accord, à l'origine, pour un échange de moteur ; que, nonobstant, son véhicule avait été immobilisé pendant des mois ; qu'actuellement, la Seat ne marche toujours pas, bien que l'ancien moteur de 1 900 cm3 soit venu remplacer celui de 1 600 cm3 ;

Sur l'action publique

Considérant qu'il convient de rappeler que, courant octobre 1994, Martine Miramond confiait son véhicule automobile de marque Seat au Garage X à Stains, entreprise dont le gérant était Kadour R, et ce afin de faire procéder au remplacement du moteur; qu'après avoir récupéré sa voiture, Martine Miramond tombait en panne presque immédiatement, ce qui l'obligeait à ramener son engin au garage du prévenu ; que Kadour R gardait le véhicule environ 6 mois sans y effectuer le moindre travail ; qu'il s'avérait que, lors de l'intervention du mois d'octobre, le moteur défaillant avait été remplacé par un bloc d'une cylindrée inférieure, rendant impossible la connexion correcte des branchements électriques ;

Considérant que Kadour R qui ne conteste pas avoir été le gérant du Garage lors du dépôt du véhicule Seat, a indiqué, à la cour, qu'il avait procédé au remplacement du moteur diesel de 1 900 cm3 par un bloc diesel de 1 600 cm3, avec l'accord du fils Miramond, et que, dans un deuxième temps, devant l'échec de l'opération, il avait mis en place un nouveau moteur de 1 900 cm3 ;

Considérant qu'il convient de rejeter la demande d'expertise technique formulée par le prévenu compte tenu des transformations successives subies par le véhicule qui rendent une telle mesure totalement inopérante;

Considérant que la cour constate qu'en l'absence de contrat, de devis ou de factures, il n'est pas établi que les multiples opérations réalisées sur le véhicule Seat l'aient été en pleine connaissance de cause par la partie civile ou son fils; qu'en l'état, la cour constate que la voiture litigieuse n'a pas été traitée conformément aux régles de l'art, puisqu'elle ne pouvait fonctionner avec un moteur de 1 600 cm3 ;qu'elle considère, sur ce point, que Kadour R, en tant que professionnel de l'automobile, ne pouvait ignorer les conséquences d'une telle substitution ;que sa bonne foi ne saurait donc être retenue;

Considérant, dès lors, que la cour estime que, c'est par des motifs pertinents qu'elle fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit, retenu Kadour R dans les liens de la prévention ; qu'il échet de confirmer le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ;étant précisé que les faits ont été commis d'octobre 1994 jusqu'au 31 mai 1995;

Considérant que la décision critiquée sera également confirmée en répression, les premiers juges ayant fait au prévenu une juste application de la loi pénale ;

Sur l'action civile

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par Martine Miramond, et découlant directement des faits visés à la prévention ; que le jugement dont appel sera donc confirmé sur les dispositions civiles ;

Considérant que la cour condamnera Kadour R à verser à la partie civile la somme supplémentaire de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit Kadour R en son opposition régulière, Met à néant l'arrêt du 23 avril 1997 de cette chambre de la cour Statuant à nouveau sur les appels du prévenu et du Ministère public, Rejette les conclusions de Kadour R aux fins de relaxe, Dit n'y avoir lieu d'ordonner une expertise, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions étant précisé que les faits poursuivis ont été commis d'octobre 1994 jusqu'au 31 mai 1995, Y ajoutant, Condamne Kadour R à verser à Martine Miramond la somme supplémentaire de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.