CA Paris, 5e ch. B, 26 juin 2003, n° 2001-13764
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Accessoires Sélection (SARL)
Défendeur :
Salangane (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
MM. Faucher, Remenieras
Avoués :
SCP Varin-Petit, SCP Monin
Avocats :
Mes Vercken, Quintin.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Accessoires Sélection, exerçant sous le nom commercial "Baboune", contre le jugement rendu le 15 juin 2001 par le Tribunal de commerce de paris, qui a:
- dit que la société Accessoires Sélection a commis des actes de concurrence déloyale,
- condamné ladite société à payer à la société Salangane, en réparation du préjudice causé à celle-ci, la somme de 200 000 F,
- interdit à la société Accessoires Sélection,
* d'utiliser les termes "Pashmina" et "Pashminette" pour désigner l'étole objet du litige, à peine d'une astreinte de 5 000 F par infraction constatée à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement et pendant 30 jours,
* de diffuser le catalogue automne-hiver 2000-2001, à peine d'une astreinte de 5 000 F par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- ordonné, sous la même astreinte, la destruction par la société Accessoires Sélection des catalogues en stock,
- ordonné la publication du dispositif du jugement dans trois revues au plus, au choix de la société Salangane et aux frais de la société Accessoires Sélection, dans la limite d'un montant de 60 000 F,
- condamné la société Accessoires Sélection à payer à la société Salangane 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- ordonnée l'exécution provisoire, à l'exception des mesures de destruction et de publication et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de la société Accessoires Sélection.
Le litige porte sur la diffusion par la société Accessoires Sélection (Baboune) d'un catalogue "automne-hiver 200-2001" proposant une écharpe, fabriquée en matière synthétique et vendue au prix de 99 F, mais désignée comme étant une "étole Pashmina", la société Salangane qui, spécialisée dans la vente par correspondance d'accessoires de mode aux personnels des entreprises et des collectivités, commercialise des étoles en laine d'agneau ou en acrylique, y voyant un acte de concurrence déloyale, ce pourquoi elle a fait assigner la société Accessoires Sélection le 19 janvier 2001.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 14 mars 2003, l'appelante soutient, pour l'essentiel, que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la publicité qui lui est reprochée ne pouvait pas tromper le consommateur en créant un risque de confusion dans son esprit dès lors que la composition réelle du produit: "100 % viscose" était mentionnée en caractères très apparents; que le prix demandé excluait qu'il puisse s'agir de véritable laine cashmere "Pashmina", provenant de chèvres des hauts plateaux de l'Himalaya, produit naturel cher et impossible à confondre avec le viscose; que l'appellation "Pashmina" n'est pas protégée; qu'enfin la société Salangane, qui commercialisait des étoles en pure laine à un prix légèrement supérieur sans utiliser l'appellation "Pashmina", ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre la publicité incriminée et la mévente dont elle se plaint, cependant qu'elle ne justifie pas du stock d'invendus qu'elle invoque;
La société Accessoires Sélection demande donc à la cour d'infirmer le jugement attaqué, de débouter la société Salangane de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 4 573,47 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
La société Salangane, intimée, conclut, aux termes de ses dernières écritures, signifiées le 28 février 2003, à la confirmation du jugement attaqué à la condamnation de l'appelante à lui payer 4 753 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'à supporter les dépens.
Cela étant exposé,
Considérant que la société Accessoires Sélection "Baboune", dont le catalogue incriminé s'adresse aux comités d'entreprises et collectivités ("catalogue spécial comité d'entreprise et collectivité"), comme celui de la société Salangane, ne conteste pas que le mot "Pashmina", même s'il ne fait l'objet d'aucune protection particulière, désigne, ainsi qu'il résulte des articles de la presse spécialisée qui sont produits, une laine fine, légère et très recherchée provenant de chèvres élevées au Tibet, au Népal et, plus largement, sur les hauts plateaux de l'Himalaya; qu'en proposant, dans son catalogue automne-hiver 2000-2001, une écharpe sous la désignation "étole Pashmina", la société Accessoires Sélection a donc manifestement entendu bénéficier de la notoriété et des qualités attribuées à la laine "Pashmina", bien que le produit vendu sous cette dénomination fût en réalité fabriqué en viscose; que, s'il est vrai que la mention "100 % viscose" figure dans la description de l'article, elle se trouve cependant noyée dans ce texte de cinq lignes, lui-même imprimé en petits caractères en italique sur fond crème, sous la désignation "Etole Pashmina", qui, elle, est imprimée en grands caractères gras et droits, de couleur blanche, se détachant nettement sur un fond bordeaux, de sorte qu'il existe visuellement une flagrante disproportion entre les mentions "Pashmina" et "100 % viscose", au net détriment de la seconde;
Que la relative modicité du prix demandé ne pouvait suffire à dissiper la confusion susceptible d'être créée par la désignation de l'article, le consommateur moyen ne disposant pas nécessairement de termes de comparaison et pouvant croire à une promotion particulièrement avantageuse, s'agissant d'un produit réputé provenir d'Asie, où l'on sait que les coûts de main d'œuvre sont faibles et que les matières premières, même de qualité, peuvent dans certains cas être acquises à des prix bas;
Que la circonstance que l'appellation "Pashmina" ne fait l'objet d'aucune protection particulière et que la société Salangane ne peut revendiquer aucun droit sur elle ne met pas obstacle à ce que puisse être retenue à l'encontre de la société Accessoires Sélection une publicité trompeuse;
Que c'est donc par une exacte appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont retenu que la société Accessoires Sélection avait, en se livrant à une publicité trompeuse, commis un acte de concurrence déloyale au détriment de la société Salangane, qui commercialise par correspondance de la même manière, auprès de la même clientèle, des articles de même nature;
Considérant que le catalogue "automne-hiver 2000" de la société Salangane proposait des étoles "100 % laine d'agneau", de dimensions comparables aux étoles "Pashmina" de Baboune (Accessoires Sélection) au prix de 129 F, supérieur de 30 % à celui des articles litigieux;
Considérant que c'est avec raison que les premiers juges, au vu de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Salangane et des documents y annexés, faisant ressortir que le taux d'invendus d'étoles pure laine a été en 2000 près de 12 fois moins élevé qu'en 1997 et 1999 - cet article n'apparaissant pas pour 1998 -, ont estimé que cette mévente, survenue l'année même où la société Accessoires Sélection a diffusé le catalogue litigieux était, au moins pour partie, la conséquence de la concurrence déloyale dont s'est rendue coupable la société Accessoires Sélection, quand bien même les étoles de Salangane n'étaient pas proposées sous l'appellation "Pashmina", qui eût été au demeurant tout aussi trompeuse;
Que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi par la société salangane et des mesures de réparation adéquates;
Considérant que le jugement attaqué sera donc confirmé en toutes ses dispositions, sous la réserve que la publication du dispositif de ce jugement devra être complétée par la mention de sa confirmation par le présent arrêt;
Considérant que la société appelante, qui succombe, devra supporter les dépens d'appel, ce qui entraîne le rejet de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; qu'il convient d'allouer de ce chef à la société intimée une somme complémentaire de 2 000 euro;
Par ces motifs: Confirme le jugement attaqué, étant précisé que la publication du dispositif dudit jugement sera complétée par la mention de sa confirmation par le présent arrêt, Condamne la société Accessoires Sélection à payer à la société Salangane 2 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, Le déboute de sa demande ayant même fondement, La condamne aux dépens et admet la SCP Monin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.