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Décisions

Cass. crim., 6 février 1997, n° 95-82.795

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culie

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

Le Foyer de Costil

Avocat :

Me Luc-Thaler.

Dijon, ch. corr., du 20 avr. 1995

20 avril 1995

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par L Maurice, L David, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 20 avril 1995, qui, pour infractions aux dispositions du Code rural relatives au contrôle sanitaire des animaux vivants présentés à l'abattage, les a condamnés, le premier, à deux amendes de 5 000 francs, le second, à trois amendes de 5 000 francs; - Joignant les pourvois en raison de leur connexité; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'issue d'un contrôle sanitaire effectué dans un centre d'abattage, ayant conduit à constater sur plusieurs bovins des traces d'injection au niveau du collier, les services vétérinaires ont effectué des prélèvements de tissus musculaires en vue de leur examen et consigné les carcasses; que deux analyses successives ayant démontré la présence d'anabolisants, les viandes ont été retirées de la mise à la consommation, après que l'abatteur, détenteur de la marchandise, eut été informé de la possibilité qu'il avait de saisir la juridiction administrative pour contester cette mesure; Que les investigations effectuées pour retrouver les personnes ayant présenté ces bovins à l'abattage ont permis d'établir qu'après plusieurs changements de propriétaires, ces animaux avaient eu, en dernier lieu, pour propriétaires, Maurice et David L; que ceux-ci ont été poursuivis, sur le fondement des articles 3, 5 et 26 du décret du 21 juillet 1971 et 1er de l'arrêté ministériel du 22 novembre 1984, pour avoir exposé, fait circuler ou mis à la consommation des denrées animales contenant des anabolisants non autorisés par la réglementation sanitaire;

En cet état, - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 4, 5 et 26 du décret n° 71-645 du 20 juillet 1971, 1er de l'arrêté ministériel du 22 novembre 1984, 12 de la loi du 1er août 1905, 1er, 10 et suivants du décret du 22 janvier 1919, 593 du Code de procédure pénale, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 ancien, 111-2 nouveau du Code pénal, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble violation des droits de la défense;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'illégalité de la procédure d'expertise et déclaré les prévenus coupables d'avoir exposé, mis en vente, fait circuler des denrées animales ayant reçu des anabolisants interdits, "- Maurice L, les 4 octobre 1993 et le 13 octobre 1993, deux bovins femelles non conformes aux normes, "- David L, le 13 décembre 1993, trois bovins femelles non conformes aux normes;

"aux motifs que les dispositions du décret du 22 janvier 1919 n'étaient pas applicables à l'espèce;

"alors que l'article 26 du décret du 21 juillet 1971 renvoie expressément à la loi du 1er août 1905 et à ses décrets d'application; qu'il est constant que le décret du 22 janvier 1919 a été pris pour l'application de la loi du 1er août 1905; que l'article 12 de la loi du 1er août 1905 porte que toutes les expertises nécessitées par l'application de la présente loi seront contradictoires; que le décret du 22 juillet 1919 prévoit de façon très précise pour les contrôles bactériologiques ou de pureté biologique, les conditions dans lesquelles les prélèvements et l'expertise doivent être effectués; que force est de constater que les dispositions du décret du 22 juillet 1919 prévues pour les prélèvements et analyses n'ont pas été respectées en l'espèce où les bovins concernés introduits vivants dans un centre d'abattage ont été soumis à un contrôle de pureté biologique sans que les prévenus, propriétaires des bovins contrôlés, aient été mis en mesure de se défendre conformément aux dispositions du décret du 22 janvier 1919; qu'ainsi c'est à tort que la Cour a refusé d'accueillir l'exception d'illégalité de la procédure et de renvoyer les prévenus des fins de la poursuite";

Attendu que les prévenus ont soulevé devant les juges du fond une exception de nullité de la procédure prise de ce que les analyses en vue de la recherche d'anabolisants, à l'origine des poursuites, n'avaient pas été faites selon la procédure prévue par le décret du 22 janvier 1919 et qu'en toute hypothèse les résultats de ces analyses ne leur avaient pas été notifiés, les privant ainsi de la possibilité de présenter des observations;

Attendu que, pour écarter les conclusions de Maurice et David L, les juges du second degré retiennent, par motifs propres ou adoptés, que les poursuites n'ont retenu à la charge des prévenus aucun des délits prévus par la loi du 1er août 1905, portant répression des fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, ou à un texte pris pour son application, mais une contravention prévue et punie par les articles 1, 3, 4, 5 et 26 du décret du 21 juillet 1971 pris pour l'application des articles 258 et 259 du Code rural, relatifs au contrôle sanitaire des animaux et des viandes, et qu'ainsi les dispositions du décret du 22 janvier 1919 n'étaient pas applicables aux faits de la cause; Qu'ils ajoutent que la non-conformité des denrées a été en l'espèce établie, en application aux dispositions du décret du 21 juillet 1971 précité et des arrêtés ministériels des 20 octobre 1980 et 22 novembre 1984, par la mise en évidence, par deux laboratoires vétérinaires successifs, de résidus dans les tissus, et que les résultats des contrôles, en l'absence du propriétaire des animaux incriminés, ont été portés à la connaissance de l'abatteur, détenteur de ces bêtes;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il n'est nullement démontré ni même allégué que le détenteur de la marchandise ait contesté les résultats des analyses, la cour d'appel a justifié sa décision; Qu'en effet, les contrôles organisés par les articles 258 et 259 du Code rural et par les textes pris pour leur application, qui ressortissent au domaine de la police sanitaire, ne sont pas subordonnés, faute de références expresses et non équivoques à ce texte, au respect des dispositions des articles L. 215-9 et suivants du Code de la consommation substituées à celles du décret du 22 janvier 1919 prévues en matière de contrôle bactériologique ou de pureté biologique; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 4, 5 et 26 du décret n° 71-645 du 20 juillet 1971, 1er de l'arrêté ministériel du 22 novembre 1984, 593 du Code de procédure pénale, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 ancien, 111-2 nouveau du Code pénal, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble violation des droits de la défense;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d'avoir exposé, mis en vente, fait circuler des denrées animales, en l'espèce des bovins ayant reçu des anabolisants interdits;

"aux motifs qu'ils avaient commis cette infraction en insérant dans le circuit aboutissant à la vente au consommateur des animaux de boucherie dont la viande ne correspondait pas aux normes exigées pour qu'elle soit reconnue propre é la consommation;

"alors, d'une part, que les juges correctionnels ne peuvent prononcer de peine à raison d'un fait pénalement sanctionné qu'à la condition de caractériser toutes les circonstances exigées par la loi pour que ce fait soit punissable; qu'ils sont tenus de restituer aux faits leur véritable qualification en tenant compte de tous les éléments de l'espèce; qu'en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 21 juillet 1971, seuls sont soumis aux dispositions de ce texte les animaux dont la chair est destinée à être livrée au public en vue de la consommation, les denrées animales et les denrées d'origine animale présentées pour la consommation ou susceptibles d'être livrées au public en vue de la consommation; que les éléments du dossier établissent que les prévenus avaient introduit des bovins vivants dans un centre d'abattage - ce qui n'est interdit, ni pénalement sanctionné par aucun texte lorsque ces animaux ne sont pas destinés à être présentés au public en vue de la consommation - et n'ont, ni par personne interposée ni personnellement, exposé ou fait circuler ou mis en vente aucune denrée animale au sens des articles 5 et 1er du décret du 21 juillet 1971, le fait d'introduire des bovins dans un centre d'abattage ne pouvant s'analyser en une exposition, une circulation ou une mise en vente au sens de ce texte; qu'en déclarant les prévenus coupables d'avoir exposé, fait circuler ou mis en vente des denrées animales non conformes aux normes exigées pour qu'elles soient reconnues propres à la consommation en insérant dans le circuit aboutissant à la vente au consommateur des animaux de boucherie dont la viande ne correspondait pas à ces normes, cependant qu'il résulte des éléments du dossier que les prévenus se sont bornés à introduire leurs bovins dans un centre d'abattage, que lesdits bovins n'ont été ni exposés ni mis en vente et qu'ils n'ont pas non plus circulé au sens des articles 4 et 5 du décret du 21 juillet 1971, en sorte que les infractions d'exposition, circulation et mise en vente de denrées animales pour lesquelles ils étaient poursuivis n'étaient pas constituées, les juges d'appel ont méconnu leurs pouvoirs et prononcé une déclaration de culpabilité illégale;

"alors, d'autre part, que les juges correctionnels ne peuvent requalifier les faits qui leur sont déférés qu'à la condition de ne rien changer aux faits tels qu'ils leur ont été dénoncés dans l'acte qui les saisit; que la citation reprochait seulement aux prévenus "d'avoir exposé, mis en vente, fait circuler des denrées animales en l'espèce des bovins non conformes aux normes, en l'espèce ayant reçu des anabolisants interdits"; qu'ainsi, la prévention ne se référait pas à des animaux de boucherie dont la viande aurait été destinée à la consommation; qu'il résulte d'ailleurs du dossier de procédure que les bovins visés par la prévention ont simplement été introduits dans un centre d'abattage - ce qui est conforme aux dispositions de l'article 2 du décret de 1971 qui interdit l'abattage clandestin - sans qu'il apparaisse nulle part que ces bovins eussent été destinés à être présentés à la vente pour la consommation; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre des prévenus après avoir énoncé qu'ils avaient inséré dans le circuit aboutissant à la vente au consommateur des animaux de boucherie dont la viande ne correspondait pas aux normes exigées pour qu'ils soient propres à la consommation, cependant que cette dernière circonstance - viande propre à la consommation - n'était pas visée par la citation et ne résultait au surplus d'aucun des éléments du dossier, les juges d'appel ont excédé leur saisine et prononcé une déclaration de culpabilité illégale";

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des faits visés à la prévention, les juges du fond relèvent qu'en insérant dans un circuit, aboutissant à la vente au consommateur de viandes de boucherie, des bêtes auxquelles ils avaient injecté des stéroïdes, en fraude de la réglementation sanitaire, Maurice et David L ont commis une infraction entrant dans les prévisions des articles 5 et 26 du décret du 21 juillet 1971 interdisant et réprimant l'exposition, la circulation et la mise à la vente de denrées animales non conformes aux normes sanitaires en vigueur;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors, d'une part, que l'article 1er, II, alinéa 1, du décret susvisé inclut expressément dans la notion de "denrée animale" les "animaux de boucherie présentés à la consommation, vivants ou non, entiers ou découpés", et, dés lors, d'autre part, qu'il n'a nullement été allégué par les prévenus, devant les juges du fond, que l'introduction de leurs bovins au centre d'abattage avait une autre cause que la vente de viandes de boucherie, la cour d'appel a justifié sa décision; Que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, comme nouveau et mélangé de fait, doit être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette les pourvois.