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Décisions

Cass. crim., 23 mai 1995, n° 94-81.673

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

Mme Verdun

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocat :

Me Boullez.

Toulouse, ch. corr., du 3 mars 1994

3 mars 1994

Rejet du pourvoi formé par D Michel, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, du 3 mars 1994 qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR: - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1901 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un garagiste coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, et en répression, la condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et à verser à la partie civile 60 000 francs à titre de dommages-intérêts;

"aux motifs que un véhicule déjà immatriculé à l'étranger doit faire l'objet d'une réception, à titre isolé, au cas présent, par le service des Mines et qu'il convient donc, avant toute revente d'effectuer cette formalité, indispensable à l'établissement de la carte grise; "que le prévenu, qui, en dépit de la lettre du 13 décembre 1991, a agi en qualité de mandataire de M. Guguen ainsi que celui-ci, l'a d'ailleurs écrit et déclaré, professionnel de l'automobile, ne pouvait ignorer au moment de la transaction de la partie civile, que le défaut d'accomplissement de cette formalité rendait impossible l'immatriculation du véhicule acquis par Dutertre; "qu'il ne saurait à cet égard s'exonérer de sa responsabilité pénale, en fournissant un bon de commande dont la sincérité est d'ailleurs contestée, portant que l'acquéreur faisait son affaire de l'immatriculation et du passage du véhicule au services des Mines, dès lors qu'il résulte de ce qui précède, que la qualité de professionnel de l'automobile expérimenté de la vente des véhicules étrangers, lui permettait de savoir, nécessairement, que l'immatriculation était en l'état impossible au moment même où il obtenait cette décharge; "que ce faisant, le prévenu a trompé son contractant sur les qualités substantielles de la chose vendue, puisqu'il lui a fourni un véhicule qu'il était dans l'incapacité absolue de faire immatriculer en l'état et donc inapte à la circulation; "c'est dans ces conditions, que le tribunal a exactement apprécié les faits de la cause et a justement déclaré le prévenu coupable de l'infraction visée dans la prévention, telle qu'elle est énoncée dans le jugement déféré;

"alors que d'une part, la tromperie est un mensonge qui concerne les qualités substantielles d'une marchandise, et l'impossibilité dans laquelle se trouve l'acquéreur d'un véhicule immatriculé à l'étranger de l'immatriculation en France n'affecte pas les qualités substantielles ni l'aptitude à l'emploi de ce bien que la Cour qui constate qu'au moment de la vente, le véhicule ne pouvait être immatriculé en France, n'ayant pas fait l'objet d'une réception à titre isolé par le service des Mines, et qu'il a été vendu immatriculé au Canada avec une carte grise canadienne, ce qui écartait tout fait de tromperie, na pas déduit de ses constatations les conséquences légales au regard des textes visés au moyen;

"alors que, d'autre part, la tromperie, pour être punissable, doit résulter d'une intention frauduleuse; qu'en l'espèce, la Cour constate que l'acquéreur faisait son affaire de l'immatriculation en France du véhicule et du passage du véhicule au service des Mines, ce qui écartait toute mauvaise foi et toute réticence du vendeur du véhicule; que la Cour qui na pas caractérisé l'intention coupable du demandeur, na pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen;"

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel D, gérant de la SARL X, qui exploite un garage, a vendu à Christophe Dutertre un véhicule automobile importé, déjà immatriculé, du Canada, qu'il lui a remis avec un certificat d'immatriculation provisoire; que, ce véhicule n'ayant pas été réceptionné par le service des Mines, l'acquéreur n'a pu obtenir la délivrance de la " carte grise "; qu'à la suite de ces faits, Michel D est poursuivi, sur le fondement de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, pour tromperie sur l'aptitude à l'emploi de la marchandise vendue;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui soutenait que l'acquéreur l'aurait, aux termes des stipulations figurant sur le bon de commande, déchargé des formalités nécessaires à l'immatriculation en France du véhicule, et déclarer le délit constitué, les juges du second degré relèvent que Michel D ne pouvait, en sa qualité de professionnel expérimenté dans la vente d'automobiles étrangères, ignorer que le défaut de réception du véhicule mettrait obstacle à la délivrance de la " carte grise "; qu'ils ajoutent qu'en fournissant un véhicule dont l'immatriculation, et par voie de conséquence, le maintien en circulation sur le territoire national étaient, en l'état, impossibles, le prévenu a trompé son contractant sur l'aptitude à l'emploi de la marchandise vendue;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, caractérisant le délit retenu en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; Que, dès lors, le moyen doit être écarté;

Et sur le second moyen de cassation pris de la violation es articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le dirigeant d'une société en liquidation judiciaire, prévenu de délit de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule vendu, à verser la somme de 60 000 francs à la partie civile, à titre de dommages-intérêts;

"aux motifs que Dutertre, régulièrement constitué partie civile, est naturellement fondé à demander le remboursement du préjudice dont il a personnellement souffert en relation directe avec l'infraction commise à ses dépens; "qu'il résulte des pièces produites, qu'il a engagé à propos du véhicule acquis 55 676 francs, auxquels il convient d'ajouter les troubles de jouissance qu'il a inévitablement subis;

"alors que lorsque la personne morale a déposé son bilan, le créancier ne peut se constituer partie civile qu'en raison du montant de sa créance qu'en l'espèce, le demandeur avait fait valoir dans des conclusions demeurées sans réponse que la SARL D avait déposé son bilan, qu'elle était pourvue d'un liquidateur et que M. Dutertre, partie civile, n'avait pas produit à l'état des créances et qu'il ne démontrait pas avoir subi un préjudice distinct et particulier causé par le demandeur personnellement, que la Cour en condamnant ce dernier à verser à M. Dutertre la somme de 60 000 francs à titre de réparations civiles, a violé les textes visés au moyen ";

Attendu que, pour condamner Michel D, gérant de la société X, alors en liquidation judiciaire, à des réparations civiles, les juges d'appel énoncent que la victime est fondée à lui réclamer réparation du préjudice ayant directement résulté pour elle de l'infraction qu'il a commise; Qu'en cet état, et dès lors que le prévenu n'invoquait pas être lui-même l'objet d'une procédure collective, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir le grief allégué; qu'en effet, le dirigeant d'une société commerciale en liquidation judiciaire, qui n'est pas lui-même l'objet d'une procédure collective, doit répondre sur son patrimoine personnel des conséquences dommageables de ses agissements délictueux, eussent-ils été commis pour le compte de la société; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.