CA Paris, 13e ch. B, 27 novembre 1996, n° 96-04587
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bertolini
Avocat général :
Mme Auclair
Conseillers :
Mmes Barbarin, Marie
Avocat :
Me Lacamp.
Rappel de la procédure :
La prévention:
R Thao Bou et T Khy Henri sont poursuivis pour avoir à Vitry-sur-Seine et sur le territoire national courant 1994
- trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise ; sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre en détenant en vue de la vente 2 064 boites de lychees au sirop dont l'étiquette mentionne un poids net égoutté supérieur au poids net égoutté réel, commercialisant 24 336 boites de lychees au sirop dont l'étiquetage mentionne un poids net égoutté supérieur au poids net égoutté réel.
- effectué une publicité mensongère en commercialisant des boites de lychees au sirop indiquant sur leur étiquetage un poids net égoutté erroné,
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire a relaxé R Thao Bou et T Khy Henri des fins de la poursuite (du chef de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, courant 1994, à Vitry-sur-Seine, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation et de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant 1994, à Vitry-sur-Seine, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation)
Les appels :
Appel a été interjeté par :
- M. le Procureur de la République, le 1er avril 1996 contre M. R Thao Bou, M. T Khy Henri
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
MM. R Thao Bou et T Khy Henri ont été poursuivis devant le Tribunal correctionnel de Créteil sous la prévention d'avoir à Vitry-sur-Seine, courant 1994,
1°) trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de la marchandise ; sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre en détenant en vue de la vente 2 064 boites de lychees au sirop dont l'étiquetage mentionne un poids net égoutté supérieur au poids net égoutté réel en commercialisant 24 336 boites de lychees au sirop dont l'étiquetage mentionne un poids net égoutté supérieur au poids net égoutté réel, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
2°) effectué une publicité mensongère en commercialisant des boites de lychees au sirop indiquant sur leur étiquetage un poids net égoutté erroné, infraction prévue par l'article L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.
Par jugement contradictoire en date du 28 mars 1996, le tribunal les a relaxés.
Appel de cette décision a régulièrement été interjeté par le Ministère public.
A l'audience du 23 octobre 1996, les prévenus, assistés de leur conseil, demandent à la cour, par voie de conclusions:
- de déclarer les opérations de contrôle nulles ou, en tout cas, inopposables à leur égard et, en conséquence, de les relaxer;
- subsidiairement, de les exonérer de leur responsabilité pénale ;
- très subsidiairement, de constater que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis.
Ils font valoir notamment, à l'appui de leur recours, que la différence en moins entre le poids réel des lychees égouttés et celui mentionné sur l'emballage est extrêmement faible et que les risques d'erreur sont nombreux. Or, le contrôle n'a pas été selon eux, effectué de manière contradictoire, puisque aucun responsable de la société X n'a participé à ces pesées, et le procès-verbal établi par la DGCCRF ne donne aucune indication sur la date du dernier contrôle effectué sur l'appareil de mesure ni sur les modalités du contrôle.
Par ailleurs, ils soutiennent que la preuve n'est pas rapportée que le poids net du produit ait été inférieur à celui indiqué sur l'emballage lors du conditionnement, les lychees ayant pu subir une très légère perte de poids pendant les six mois qui ont couru entre la date de leur mise en boites et celle du contrôle.
Ils font valoir également qu'en vertu des articles 4 et 5 du décret du 31 janvier 1978, ils étaient autorisés à mettre en vente un produit ne présentant pas un manquant supérieur à 36 grammes, par rapport au poids net égoutté de 255 g et que l'écart reproché n'étant que de 2,7 g, l'élément matériel de l'infraction est inexistant.
Ils affirment que, contrairement à ce qui est indiqué dans le procès-verbal de la DGCCRF, ils font procéder à des contrôles réguliers des produits qu'ils mettent en vente par le Laboratoire Central d'Alimentation et produisent des factures de cet organisme en date des 16 février, 21 avril et 22 mai 1995. Ils estiment, dès lors, que l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas établi.
Enfin, M. R fait valoir qu'il a délégué ses pouvoirs, notamment en ce qui concerne la surveillance de la conformité des produits, à M. T et qu'il n'y avait donc pas lieu de le poursuivre.
Le Ministère public estime que si l'infraction de publicité mensongère n'est pas établie, la tromperie est caractérisée, même si le déficit en fruits est faible et qu'elle est imputable aux deux prévenus.
En conséquence, il demande à la cour de condamner MM. R et T, chacun à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une amende et d'ordonner en outre la publication et l'affichage de la décision de condamnation.
Sur ce, LA COUR
Rappel des faits
Le 25 octobre 1994, deux agents de la DGCCRF agissant sous l'autorité du directeur départemental du Val-de-Marne dressaient procès-verbal à l'encontre de M. R Thao Bou, président du conseil d'administration de la société "X", <adresse>à Vitry, pour procéder à un contrôle des quantités nominales (c'est-à-dire annoncées sur le conditionnement) de conserves de fruits au sirop et qu'ils avaient été reçus par M. W directeur financier, qui avait demandé à deux employés, M. M Frédéric et D, de les assister ;
Qu'ils avaient procédé au contrôle de poids d'un lot de 2 064 boites de lychees au sirop importées de Chine, par tirage au hasard de 20 boites;
Les agents des fraudes précisaient qu'à l'aide d'une balance contrôlée par la Direction Régionale de l'industrie et de la recherche, ils avaient contrôlé, pour chacune des 20 boites, le poids brut du préemballage, le poids net du produit (fruits + sirop) et le poids net égoutté des fruits et qu'il s'avérait que si le poids net moyen était supérieur au poids net annoncé sur les boites, la moyenne des poids net égouttés était de 249,5 g au lieu de 255 g indiqués sur l'étiquetage, soit une différence en moins de 5,5 g;
Par ailleurs, en contrôlant les factures, les agents verbalisateurs s'étaient aperçus que le stock contrôlé de 2 064 boites appartenait à un stock initial de 26 400 boites et en déduisaient que 24 336 boites de lychees au sirop présentant la même anomalie avaient été commercialisées ;
Ils rappelaient qu'en application de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, le responsable de la première mise sur le marché (en l'espèce la société X, importatrice du produit) était tenu de vérifier que le produit était conforme aux règlements en vigueur et observaient que malgré des procédures antérieures, l'entreprise X ne procédait toujours à aucun contrôle interne.
Enfin, ils estimaient, faute de production d'une délégation de pouvoir, que M. R était responsable des deux infractions visées à la prévention;
M. T Khy Henri, directeur commercial à la SA X, était entendu par les services de gendarmerie à la demande du parquet. Il déclarait que les marchandises n'étaient contrôlées par un laboratoire privé que lors de leur première exportation.
Il reconnaissait la matérialité de l'infraction mais affirmait qu'il n'y avait aucune volonté de tromper la clientèle et remettait aux enquêteurs une délégation de pouvoirs que lui avait fait M. R Thao Bou le 30 juillet 3991 aux termes de laquelle il était notamment responsable de la direction et du contrôle du service des achats.
Discussion
1°) Sur la régularité du contrôle effectué par la DGCCRF
Considérant que les agents verbalisateurs ont indiqué dans leur rapport qu'ils avaient effectué les pesées à l'aide d'une balance contrôlée par la Direction Générale de l'Industrie et de la Recherche et qu'en première instance, en réponse aux conclusions des prévenus, le Directeur Départemental du Val-de-Marne a précisé que la balance Mettler utilisée était régulièrement vérifiée et, au besoin, réétalonnée par le laboratoire Régional de la Répression des Fraudes à Massy;
Qu'aucun texte n'exige que les agents habilités par l'article L. 215-1 du Code de la consommation à rechercher et à constater les infractions prévues aux chapitres II à VI du même Code justifient des dates de contrôle des instruments de peséeet que les procès-verbaux qu'ils établissent valent jusqu'à la preuve contraire, qui ne peut être rapportée que par témoin ou par écrit;
Considérant que les prévenus ne sauraient non plus faire valoir que le contrôle n'a pas été contradictoire et qu'aucun responsable de la société X n'a assisté aux pesées alors, d'une part, qu'il est indiqué au procès-verbal que M W, directeur financier, a désigné deux employés pour assister les contrôleurs dans leurs opérations de pesée et qu'en application des articles L. 215-3 et L. 215-4 du Code de la consommation et des articles 4, 5 et 5 bis du décret du 22 janvier 1919 pris pour leur application, ils pouvaient librement procéder à des contrôles dans les locaux commerciaux de la société X, notamment à des contrôles élémentaires dans le but d'identifier les marchandises ou de déceler leur éventuelle non-conformité aux caractéristiques qu'elles doivent posséder:
Qu'il s'ensuit que le contrôle n'est pas entaché d'irrégularité ;
2°) Sur la prévention
Considérant qu'il résulte du procès-verbal établi le 25 octobre 1994 par des agents de la DGCCRF que le contrôle métrologique effectué sur un échantillonnage de 20 boites de lychees au sirop prises au hasard a permis de vérifier que, si le poids net du produit (poids du sirop + poids des lychees) était en moyenne supérieur à celui indiqué sur l'étiquetage, le poids net égoutté (c'est-à-dire le poids des fruits) était en moyenne de 249,5 grammes au lieu des 255 grammes annoncés, soit une différence en moins de 5,5 grammes ;
Considérant qu'il résulte du tableau présenté à l'article 4 du décret n° 78-166 du 31 janvier 1978 que, pour un poids net nominal de 255 grammes, l'erreur maximale tolérée est de 9 grammes ;
Qu'aucun des préemballages du lot contrôlé ne présente un manquant supérieur à cette valeur, alors que l'article 4 alinéa 3 2° prévoit que 2 % des préemballages peuvent présenter un manquant supérieur, et que l'article 5 du même décret dispose qu'il est interdit de vendre, de mettre en vente ou de détenir en vue de la vente un préemballage présentant un manquant supérieur à deux fois la valeur figurant au tableau de l'article 4 (soit, en l'espèce, 18 grammes);
Que l'élément matériel des infractions visées à la prévention est donc inexistantet qu'il convient, dès lors, pour des motifs différents, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a relaxé les deux prévenus ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement reçoit l'appel du Ministère public confirme le jugement déféré en ce qu'il a relaxé M. R Thao Bou et M. T Khy Henri des chefs de tromperie et de publicité mensongère. Le tout par application des articles 512 et suivants du CPP.