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Décisions

Cass. crim., 23 mai 1995, n° 94-82.483

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié.

Versailles, 9e ch., du 18 mars 1994

18 mars 1994

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par M Antoine, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 18 mars 1994, qui, pour ouverture illicite d'un établissement de préparation et de vente en gros de produits pharmaceutiques, mise en vente de substances médicamenteuses falsifiées et usage d'attestation inexacte, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie, 511, 518 et 596 du Code de la santé publique, 6 du Code de procédure pénale, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine M coupable d'avoir ouvert en 1986, 1987 et 1988 un établissement de vente en gros de médicaments sans autorisation et l'a condamné de ce chef;

"alors que l'article 2 de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 a déclaré amnistiés les délits commis avant le 22 mai 1988 lorsque, pour ceux-ci, seule une peine d'amende est encourue; qu'une peine d'amende de 24 000 francs à 240 000 francs est seulement prévue par l'article 518 du Code la santé publique pour l'ouverture sans autorisation d'un établissement ayant pour activité la vente de médicaments, lorsqu'il n'y a pas récidive; qu'en l'espèce, les faits reprochés au prévenu concernant l'ouverture de l'établissement litigieux sont antérieurs au 22 mai 1988 de sorte qu'en ne déclarant pas amnistié le délit réprimé par l'article 518 du Code susvisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés";

Attendu que le délit d'ouverture illicite d'un établissement de préparation et de vente en gros de produits pharmaceutiques reproché au prévenu est puni non seulement d'une peine d'amende par l'article 518 du Code de la santé publique, mais encore d'une peine complémentaire de fermeture de l'établissement par l'article L. 519 du même Code, celle-ci fût-elle facultative; que l'article 2-1 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie étant applicable aux délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue, le demandeur soutient à tort que l'infraction, commise avant le 22 mai 1988, est amnistiée; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 511, 596 et 598 du Code de la santé publique, du principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, 112-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine M coupable d'avoir, sans autorisation, ouvert un établissement de vente en gros de médicaments visés aux articles 511 et 512 du Code de la santé publique courant 1986, 1987 et 1988 et l'a condamné de ce chef;

"aux motifs que la preuve est intégralement rapportée qu'Antoine M a ouvert un établissement de préparation, de vente en gros de médicaments à partir de substances ayant des qualités curatives pour les cancers et étant décrites ainsi pour le traitement de ces affections;

"alors qu'aux termes de l'article 121-3 du nouveau Code pénal et 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, la constatation d'une intention, d'une imprudence, d'une négligence ou d'une mise en danger délibérée d'autrui est exigée pour tout crime ou délit; que ces dispositions nouvelles plus douces s'appliquent aux faits commis avant leur entrée en vigueur et non encore définitivement jugés de sorte que les faits prétendument constitutifs d'ouverture d'établissement ayant pour objet la vente de médicaments sans autorisation supposent, pour être caractérisés, que le prévenu ait eu l'intention de commettre un tel délit; qu'aucune des énonciations de l'arrêt n'établit la preuve de l'élément intentionnel de sorte que la cour d'appel a méconnu les textes susvisés";

Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511, L. 512, L. 518, L. 603 du Code de la santé publique, 2 de la directive 65-65 CEE du 26 janvier 1965, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine M coupable d'avoir ouvert un établissement de préparation, de vente en gros et de distribution en gros de médicaments, produits visés aux articles L. 511 et L. 512 du Code de la santé publique et l'a condamné de ce chef;

"aux motifs que Mme Gouze de Saint-Martin, pharmacien inspecteur de la santé, a valablement énoncé que si Antoine M pouvait faire des achats en gros de substances actives et s'il pouvait diviser la quantité pour la vendre et exclusivement à des pharmaciens, il ne pouvait aller au-delà et notamment pas en flaconner la substance active en y ajoutant du lactose; ce seul fait est suffisant pour transformer juridiquement une substance chimique en médicament par fonction, par destination et par présentation; que la doxorubicine est un produit anti-cancéreux essentiellement utilisé en injonction, avec adjonction de lactose, en tout cas d'un solvant;

"alors que, d'une part, ces motifs sont en contradiction avec les autres constatations et énonciations de l'arrêt attaqué desquelles il résulte que le prévenu a procédé au retrait des flacons de solvant des boîtes livrées par les laboratoires Roger Bellon mais que cet élément est inopérant pour écarter la qualification de médicament attribué à la substance sachant que l'action du produit se trouve dans la poudre et non dans le solvant;

"alors que, d'autre part, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur la qualification de produit intermédiaire applicable en la cause sur le fondement de la directive susvisée, a privé sa décision de base légale";

Les moyens étant réunis; - Attendu que, pour déclarer Antoine M coupable d'ouverture illicite d'un établissement de préparation et de vente en gros de produits pharmaceutiques, l'arrêt attaqué relève que la société X qu'il dirige s'est approvisionnée en gros en une spécialité pharmaceutique anti-cancéreuse à base de doxorubicine auprès de laboratoires français et britannique, puis a importé du Japon de la doxorubicine et de la daunomycine en vrac; que les juges énoncent que, sans être titulaire de l'autorisation ministérielle exigée par l'article L. 598 du Code de la santé publique, la société a vendu ces médicaments, après nouveau conditionnement et étiquetage, sous la dénomination d'Adriamycin à une société néerlandaise avec laquelle elle avait passé un contrat de fourniture;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit retenu à la charge du prévenu et justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; qu'en effet, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal; d'où il suit que les moyens doivent être écartés;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 213-3 et L. 213-4 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine M coupable d'avoir mis en vente des substances médicamenteuses falsifiées et l'a condamné de ce chef;

"aux motifs qu'il a consciemment vendu des substances médicamenteuses falsifiées dont il ne peut être certain, même avec le contrôle des lots par le destinataire, qu'aucune des ampoules ou des flacons conditionnés dans le dosage à utiliser, n'ait pas contenu une substance Daunomycine non détectée pour être insérée dans un lot testé et révélé conforme;

"alors que le délit de mise en vente de substances médicamenteuses falsifiées n'est caractérisé que si la falsification des substances vendues est certaine; que, dès lors, en déclarant le prévenu coupable de ce délit au motif qu'il est possible qu'un lot testé et révélé conforme ait néanmoins contenu une substance daunomycine, la cour d'appel, qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas donné de base légale à sa décision";

Attendu que, pour déclarer Antoine M coupable de mise en vente de substances médicamenteuses falsifiées, délit prévu et puni par l'article L. 213-3 du Code de la consommation, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu a, en connaissance de cause, sans modifier l'étiquetage, fait substituer à la doxorubicine, principe actif composant le médicament que la société X exportait aux Pays-Bas, de la daunomycine, antibiotique de la même famille mais possédant des indications thérapeutiques distinctes;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué; d'où il suit que le moyen ne peut être admis;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine M coupable d'usage de fausses attestations et l'a condamné de ce chef;

"aux motifs qu'Antoine M ne contestait pas que le document transmis le 20 janvier 1988 à M. Bergel contenait une erreur, le mot fabriqué (manufactured) apparaissant sur le document n'étant pas le bon, celui-ci aurait dû être autorisé (authorized); qu'un doute a subsisté quant à l'imputabilité du faux avis que les deux certificats du 14 janvier 1988 soumis à expertise ont révélé qu'ils proviennent tous deux de la même machine, que les mentions manuscrites, ajout et signature, de surcharge ont la même origine de main et que seule l'écriture de Parry présente certains accords avec les mentions manuscrites;

"alors que l'usage de fausse attestation n'existe que si l'altération de vérité a été réalisée sciemment par son auteur; qu'en l'espèce, si le terme "manufactured" figurant sur le document transmis à M. Bergel le 20 janvier 1988 était incorrect, cet élément qui prouve seulement l'existence d'une mention erronée est insuffisant pour caractériser le délit de faux qui n'est caractérisé que s'il est établi que son auteur a eu la volonté de réaliser un mensonge écrit; qu'en s'abstenant de rechercher si la mention erronée avait été intentionnellement portée par l'auteur de l'écrit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision";

Attendu que, pour déclarer Antoine M coupable du délit d'usage de fausse attestation, l'arrêt attaqué relève qu'il a transmis à sa cliente néerlandaise un document attestant que les lots de médicaments livrés à celle-ci avaient été fabriqués par la société italienne Farmitalia; que les juges ajoutent que le prévenu savait que ce certificat d'origine destiné au sous-acquéreur américain, établi sur papier à en-tête de la filiale britannique de la société Farmitalia, était faux tant dans sa forme que par son contenu;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit poursuivi; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.