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Décisions

Cass. crim., 22 août 1995, n° 94-84.385

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gondre

Rapporteur :

M. Culié

Avocat général :

M. Le Foyer de Costil

Avocat :

Me Jacoupy.

Montpellier, 3e ch., du 5 juill. 1994

5 juillet 1994

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par T Pierre, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre, en date du 5 juillet 1994, qui l'a condamné à 20 000 francs d'amende pour détention de boissons corrompues et a ordonné la confiscation des vins saisis. - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation: (sans intérêt);

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 3, 30 et 36 du traité de la CEE, 74, 79, 82 et 83 du règlement CEE n° 822-87 portant organisation commune du marché viti-vinicole, 1 et 3 du règlement CEE n° 2048-89 du 15 juin 1989 portant règle générale relative au contrôle dans le secteur viti-vinicole, 1 du règlement CEE n° 2676-90 du 17 septembre 1990 déterminant les méthodes d'analyse applicables dans les secteurs du vin, L. 213-4 du Code de la consommation, 11-4 de la loi du 1er août 1905, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de détention de boissons corrompues;

"aux motifs que le prévenu ne conteste pas la validité des analyses réalisées par le laboratoire de la répression des fraudes qui conclut au mouillage des vins réceptionnés à Sète; qu'il reconnaît par là même que ces vins ne répondaient pas à la réglementation en vigueur et ne pouvaient être mis sur le marché français; que si, sur un plan pratique, il est courant qu'un négociant importateur ne rentre pas les vins étrangers qu'il achète dans ses propres chais, il n'en demeure pas moins que le responsable de l'acte commercial est bien l'importateur qui était juridiquement propriétaire du vin; que l'article 11-4 de la loi du 1er août 1905 applicable à la date des faits précisait que "dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives... à la loyauté des transactions commerciales..."; que le responsable de la première mise en marché d'un produit est donc tenu de vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur; que la mise en marché résulte en l'espèce du dédouanement de cette marchandise par la société X qui, par conséquent, l'a effectivement importée et introduite sur le territoire français; qu'il lui appartenait donc de vérifier la conformité des produits qu'elle avait reçus; qu'en l'espèce, s'il est vrai qu'une analyse du produit a été effectuée par les établissements Boetto le 21 février 1992 qui a révélé "sa conformité à la législation française", il est indiqué que cette conformité ne concernait "que les éléments dosés" alors qu'il apparaît que l'analyse n'a pas porté sur le mouillage éventuel du produit; qu'il ressort de la lettre du chef de service régional de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du 24 mars 1993 qu'un accord avait été passé courant août 1991 entre les responsables du négoce importateur et l'Administration afin que les vins importés fassent l'objet d'une analyse spectrométrique de masse par le laboratoire de la répression des fraudes avant dédouanement; que Pierre T, professionnel du négoce de vins, ne pouvait ignorer cet accord; qu'il en ressort une insuffisance de contrôle de la conformité des produits par le prévenu alors qu'il en avait l'obligation personnelle en sa qualité d'importateur et que ce contrôle devait être effectué même s'il devait occasionner un retard dans la mise du produit sur le marché;

"alors, d'une part, que la détention étant l'élément matériel ou corpus de la possession, le possesseur non détenteur se trouve exclu du champ d'application de l'article 4 de la loi du 1er août 1905, devenu article L. 213-4 du Code de la consommation; qu'ainsi, en déclarant le prévenu coupable du délit de détention de boissons corrompues tout en relevant que l'intéressé n'avait pas rentré le vin litigieux dans ses propres chais, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations;

"alors, d'autre part, que l'importateur en France de produits d'origine communautaire n'a l'obligation de contrôler la conformité de ces marchandises à la réglementation nationale qu'autant que celle-ci ne se confond pas avec la réglementation communautaire et que la même obligation de contrôle ne pèse pas sur le producteur; qu'en imposant, en l'espèce, au prévenu, le contrôle de la conformité de la marchandise aux prescriptions du règlement CEE n° 822-87 du 16 mars 1987 portant organisation commune du marché viti-vinicole qui s'imposait déjà au producteur italien, la cour d'appel a violé le texte visé au moyen;

"alors, enfin, qu'un protocole conclu entre une autorité administrative et des organisations syndicales constitue une simple déclaration d'intention dépourvue de valeur juridique et de force contraignante; qu'ainsi, en se fondant sur le seul accord prétendument passé courant août 1991 entre l'Administration et les responsables du négoce importateur pour décider que le prévenu avait l'obligation de faire procéder avant dédouanement à la recherche du mouillage éventuel du produit par spectrométrie de masse isotopique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 28 février 1992, Pierre T, négociant en vins, a fait dédouaner et entreposer à Sète, dans les cuves d'un tiers, 2 900 hectolitres de vin de table en provenance d'Italie; qu'à la suite d'un prélèvement effectué le jour même par le service de la répression des fraudes, ce lot de vin s'est avéré mouillé à 20 % minimum et non conforme à la réglementation communautaire;

Attendu que, pour déclarer Pierre T coupable du délit de détention de boissons falsifiées prévu à l'époque des faits par l'article 4 de la loi du 1er août 1905, devenu l'article L. 213-4 du Code de la consommation, l'arrêt attaqué relève notamment que, s'il est vrai que les vins litigieux ne sont jamais passés par les chais du prévenu, celui-ci n'en était pas moins devenu propriétaire par l'opération de dédouanement et qu'en tant que responsable de la première mise sur le marché, il était tenu par l'article 11-4 de la loi du 1er août 1905, alors applicable, de vérifier que le produit était conforme aux prescriptions en vigueur; que si, dès l'arrivée du navire au port de Sète, le 21 février 1992, Pierre T a fait procéder par un laboratoire privé à une analyse qui a révélé sa conformité à la législation française, celle-ci ne concernait que les éléments dosés et n'a pas porté sur le mouillage éventuel du produit; que le contrôle exercé par l'importateur était d'autant plus insuffisant qu'un accord était intervenu courant août 1991 entre les responsables de la profession et l'Administration afin que les vins importés fassent l'objet d'une analyse spectrométrique de masse par le laboratoire de la répression des fraudes et que Pierre T ne pouvait ignorer cet accord;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que le prévenu détenait par personne interposée, dans des cuves dont il était le locataire ou l'utilisateur, un vin falsifié destiné à la revente, et dès lors qu'il lui appartenait de s'assurer de sa qualité marchande au moment d'en prendre livraison, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de détention de boissons falsifiées dont elle l'a déclaré coupable; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.