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Décisions

Cass. crim., 18 mai 1994, n° 93-80.992

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Jean Simon

Avocat général :

M. Monestié

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Capron.

Versailles, 9e ch., du 27 janv. 1993

27 janvier 1993

Rejet du pourvoi formé par N Michel, la société anonyme X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 27 janvier 1993, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, a condamné le premier nommé à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR: - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 2 du décret du 4 octobre 1978, 592 et 593 du Code de procédure pénale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré N coupable de fraudes;

"aux motifs que le millésime du modèle d'une voiture est une qualité substantielle même si le véhicule est neuf; qu'il y a défaut de conformité avec la commande en cas de livraison d'une voiture neuve construite antérieurement au changement de millésime; que les trois véhicules litigieux ont été facturés avant le 1er juillet 1990 et ne pouvaient bénéficier du millésime 1991, indiqué sur le bon de commande ou la facture;

"alors qu'aux termes de l'article 2 du décret du 4 octobre 1978, pris pour l'application de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, "tout véhicule automobile conforme au modèle dont le fabricant a fixé les caractéristiques pour une année déterminée est désigné par le millésime de ladite année, appelée " année modèle "; qu'en l'espèce, comme le soulignait le prévenu dans ses conclusions d'appel, il n'était pas contesté que les trois véhicules litigieux étaient conformes à la notice descriptive détaillée établie par le constructeur pour les modèles de l'année 1991; que dès lors, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans violer le texte susvisé, affirmer qu'ils ne pouvaient être désignés par le millésime 1991;

"alors, d'autre part, que le décret du 4 octobre 1978 ayant, dans la hiérarchie des normes, une valeur supérieure à l'arrêté du 2 mai 1979 pris pour son application, l'article 5 dudit arrêté, selon lequel "seuls peuvent porter le millésime d'une année modèle déterminée, les véhicules vendus à l'utilisateur à partir du 1er juillet de l'année civile précédente" ne peut tenir en échec les dispositions de l'article 2 du décret qui permettent à tout véhicule automobile conforme au modèle dont le fabricant a fixé les caractéristiques pour une année déterminée d'être désigné par le millésime de ladite année; qu'ainsi, l'arrêt attaqué qui s'est exclusivement fondé sur la date à laquelle les véhicules auraient été vendus, pour affirmer qu'ils ne pouvaient bénéficier du millésime 1991, a violé le décret du 4 octobre 1978;

"et alors, enfin, que dès lors qu'il n'était pas contesté que les trois véhicules litigieux étaient conformes à la notice descriptive détaillée établie par le constructeur pour les modèles de l'année 1991, la circonstance totalement extrinsèque aux qualités du véhicule qu'ils aient été vendus à l'utilisateur avant le 1er juillet 1990, à supposer même qu'elle ne puisse leur permettre d'être désignés par le millésime 1991, n'a pu être de nature à tromper les cocontractants sur les qualités substantielles desdits véhicules ";

Attendu que, pour rejeter les conclusions du prévenu qui soutenaient que les véhicules vendus aux parties civiles étaient effectivement des modèles 1991, la juridiction du second degré retient notamment que lesdits véhicules mis en circulation avant le 1er juillet 1990 ne pouvaient être vendus sous le millésime 1991 et énonce que le millésime du modèle d'une voiture est une qualité substantielle " même si le véhicule est neuf et sans qu'il soit besoin de vérifier que d'un millésime à l'autre il y a un écart technique appréciable ";

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; Qu'en effet, les dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 2 mai 1979 pris en application du décret du 4 octobre 1978, selon lesquelles seules peuvent porter le millésime d'une année modèle déterminée les véhicules vendus à l'utilisateur à partir du 1er juillet de l'année précédente, ne sont pas contraires à l'article 2 dudit décret mais ne font qu'en fixer les modalités d'application; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 592 et 593 du Code de procédure pénale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré N coupable de fraude à l'égard de Mme Guinle;

"aux motifs que selon le bon de commande du 18 mai 1990, portant millésime 1991, Mme Guinle a acquis une Fiat Uno, la facture étant établie le 4 juillet 1990 avec mention année modèle 1991; que ce même véhicule avait fait aussi l'objet d'une facture du 25 mai 1990 avec mention "mis en circulation le 25 mai 1990"; que le véhicule mis en circulation le 25 mai 1990 ne pouvait être facturé neuf le 4 juillet 1990 et Mme Guinle n'était pas le client final; que ce véhicule ne remplissait pas les conditions du millésime 1991;

"alors, d'une part, qu'en se bornant à se référer à une mention portée sur une facture, pour affirmer que le véhicule n'avait pas été vendu neuf le 4 juillet 1990, sans rechercher d'une part, s'il avait fait, avant cette date, l'objet d'une première immatriculation et d'autre part, s'il avait déjà enregistré un certain nombre de kilomètres au compteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;

"alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se mettre en contradiction avec les pièces du dossier et notamment la carte grise du véhicule vendu à Mme Guinle, faisant apparaître que la première mise en circulation datait du 9 juillet 1990, affirmer que ce même véhicule avait été mis en circulation le 25 mai 1990 ";

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré N coupable de fraude à l'égard de M. Auvergnon;

"aux motifs que le bon de commande n° 200-561 porte l'année modèle 1991 et la mention livraison prévue le "fin juin 1990"; que l'intérêt du 2e bon de commande non sincère n° 200-571 était d'occulter que la vente avait été parfaite et la livraison effectuée avant le 1er juillet 1990; que la facturation établie tardivement, après établissement d'un deuxième bon de commande, est inopérante pour établir le millésime; que M. Auvergnon a été trompé sur cette qualité substantielle du véhicule qui lui a été vendu;

"alors, d'une part, que M. Auvergnon qui a signé les deux bons de commande successifs, qui a reçu livraison du véhicule, dont il ne conteste pas qu'il soit conforme au modèle type de l'année 1991 ainsi que l'a attesté le constructeur Fiat, n'a pu être trompé ni sur la date de la vente, ni sur les caractéristiques techniques du véhicule; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé l'article 1er de la loi du 1er août 1905;

"et alors, d'autre part, que l'arrêt qui ne s'explique nullement sur la volonté de N de tromper son cocontractant est, en toute hypothèse, dépourvu de toute base légale ";

Et sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré N coupable de fraude à l'égard de M. Olszewski;

"aux motifs que M. Olszewski explique qu'il a signé le second bon de commande en blanc et qu'il n'avait pas su que le véhicule était un véhicule de démonstration ayant fait 113 kilomètres avant la livraison; que M. Olszewski a été trompé sur les qualités substantielles que constituent l'année modèle déterminée par la première mise en circulation, le caractère neuf par opposition au caractère véhicule de démonstration;

"alors que dans ses conclusions d'appel, le prévenu faisait valoir, pièces à l'appui, que le crédit obtenu directement par M. Olszewski auprès de l'organisme Slibail pour un montant de 114 833,41 francs correspondait exactement au montant porté sur le second bon de commande, le premier ayant été établi pour un montant de 106 400 francs, et que c'était donc nécessairement ce second bon que l'acheteur avait lui-même transmis à l'organisme de crédit-bail en sorte qu'il ne pouvait prétendre l'avoir signé en blanc et n'avoir pas eu connaissance des mentions exactes relatives au kilométrage parcouru et à l'année modèle; qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à démontrer que Olszewski avait été parfaitement informé des caractéristiques du véhicule vendu, quant au millésime et au kilométrage déjà parcouru, la cour d'appel a privé sa décision de motif ";

Les moyens étant réunis; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, en partie reprises aux moyens, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de tromperie sur les qualités substantielles des véhicules vendus dont elle a déclaré le prévenu coupable; Que les moyens, qui reviennent à remettre en question les faits et circonstances de la cause souverainement appréciés par les juges du fond après débat contradictoire, ne sauraient être accueillis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.