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Décisions

Cass. crim., 10 mai 1995, n° 94-83.274

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

M. Jorda

Avocat général :

M. Galand

Avocat :

Me Copper-Royer

TGI Paris, 31e ch., du 9 avr. 1993

9 avril 1993

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par Y Gérard, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 7 juin 1994, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, les a condamnés le premier à 5 000 francs d'amende avec sursis, a déclaré la seconde civilement responsable, et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1, 6, 7 de la loi du 1er août 1905, L. 213-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, l'a condamné à une amende de 5 000 francs avec sursis et à des réparations envers la partie civile;

"aux motifs qu'il "convient de rappeler que Gérard Langeais achetait le 28 avril 1989 pour le prix de 41 500 francs un véhicule de marque Lada auprès de la société X dont Gérard Y était à l'époque le gérant; que cette automobile était une voiture de démonstration ayant parcouru environ 6 000 km et pour laquelle une remise de prix de 6 911 francs était accordée outre la pose d'un autoradio gratuit; qu'après avoir utilisé normalement son véhicule pendant presque deux ans en effectuant près de 50 000 kilomètres, Gérard Langeais était amené à le faire examiner puis réparer à la suite d'une collision avec une congère ayant nécessité un dépannage "à la barre" et s'apercevait à cette occasion de l'existence d'un accident antérieur qui lui avait été caché lors de la vente; que l'enquête de police permettait de confirmer qu'en janvier ou février 1989 l'automobile litigieuse avait effectivement été accidentée par Emmanuel Gonzales, chef d'atelier de la société X, qui en avait avisé son supérieur hiérarchique et qu'après remise en état et passage au marbre par un sous traitant, sans déclaration à l'assurance, le véhicule avait été vendu à Gérard Y sans que l'existence du sinistre antérieur ne lui soit révélée; "... que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications; "... que la dissimulation et la réticence sont une des formes de la tromperie; "... que le mutisme du vendeur d'une voiture d'occasion sur un accident antérieur revient à tromper l'acheteur sur l'une des qualités substantielles de la marchandise, un tel fait étant de nature à écarter certains acquéreurs même si les dégâts causés au véhicule ont été réparés conformément aux règles de l'art;

"alors que, d'une part, le vendeur qui omet d'avertir le client de ce que le véhicule mis à la vente a subi un accident dont la réparation a été parfaite ou celui qui dans les mêmes conditions déclare que le véhicule n'a pas subi d'accident, ne commet pas l'infraction, s'agissant dans un cas d'une omission et dans l'autre d'un simple mensonge; "qu'il n'est pas contesté que le véhicule n'avait subi qu'un accident léger dont la réparation avait été parfaite; que la Cour de Paris ne pouvait, sans s'expliquer davantage, affirmer que le silence du vendeur sur l'accident antérieur revenait à tromper l'acheteur sur l'une des qualités substantielles de la marchandise; que la cour d'appel a dès lors méconnu le principe sus-énoncé et violé les articles susvisés;

"alors que, d'autre part, la LADA n'avait pas subi de choc important diminuant sa valeur; qu'elle avait eu un accident léger qui avait été immédiatement réparé; qu'en tenant les réparations alors effectuées pour dépourvues de conséquences et en s'attachant au seul mutisme du vendeur, sans s'expliquer sur la nature du choc non révélé, la Cour de Paris n'a pas donné de base légale à sa décision vis-à-vis des articles précités;

"et alors qu'enfin, la Cour de Paris avait relevé que la voiture avait été réparée conformément aux règles de l'art après l'accident non révélé; que le véhicule n'avait roulé que 6 000 km quand M. Langeais l'a acheté; qu'il a parcouru ensuite 50 000 km sans incident; que l'automobile est entrée alors en collision avec une congère et a été dépannée "à la barre"; que le premier accident n'a donc pu jouer aucun rôle et que la Cour de Paris, en retenant que le mutisme à son sujet avait trompé M. Langeais sur l'une des qualités substantielles de la marchandise, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'imposaient au regard des articles susvisés"; "que la même cour devait s'interroger sur la nature du premier accident et le montant des réparations qu'il avait entraînées, ainsi que sur son incidence, 50 000 km après; qu'en ne procédant pas aux recherches nécessaires, la Cour de Paris n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes dispositions";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société X, dont Gérard Y est le gérant, a vendu à Gérard Langeais une voiture automobile de démonstration sans indiquer à l'acquéreur que ce véhicule avait été endommagé à la suite d'un accident; que Gérard Y est poursuivi pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, la juridiction du second degré relève, par motifs propres ou adoptés, que le véhicule a été vendu "après remise en état et passage au marbre par un sous-traitant sans déclaration à l'assurance"; qu'elle note, à propos de l'absence d'accident, que "chacune des parties s'accorde à reconnaître cet élément comme essentiel pour la détermination à contracter"; qu'elle retient "que la dissimulation et la réticence sont une des formes de la tromperie" et "que le mutisme du vendeur d'une voiture d'occasion sur un accident antérieur" est "un fait de nature à écarter certains acquéreurs même si les dégâts causés au véhicule ont été réparés conformément aux règles de l'art";

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.