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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. com., 24 novembre 2000, n° 785

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sport Equipement (SA), Terzibachian

Défendeur :

La Redoute Catalogue (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

M. Blin, Mme Lonne

Avoués :

Me Magnan, SCP Martelly-Maynard-Simoni

Avocats :

Mes Bonnaffons, Bertrand.

TGI Marseille, du 25 janv. 1996

25 janvier 1996

Le 24 février 1983, M. Edouard Terzibachian a déposé la demande d'enregistrement de la marque nominale Sun Valley pour désigner les produits et services de la classe 25 de la classification internationale, marque enregistrée sous le n° 1228644 et dont l'enregistrement a été renouvelé le 5 février 1993.

Le 15 mars 1988, M. Terzibachian a déposé la demande d'enregistrement de la marque complexe comportant le même élément nominal dans les classes 14, 18, 25 et 28, pour désigner notamment, les vêtements pour hommes, dames et enfants, à savoir: robes, pantalons, pull-overs, vestes, chemises, combinaisons de ski, blousons, tricots, manteaux, imperméables, ceintures, cravates, écharpes, chaussettes, chaussures, chapeaux". Cette marque enregistrée sous le n° 1454958 a été renouvelée le 24 juin 1998.

Par contrat du 18 mars 1988, le propriétaire de la marque Sun Valley, enregistrée à l'Institut national de la propriété industrielle sous le n° 1454958 en a concédé la licence exclusive à la SA Sport Equipement.

Le 21 septembre 1988, il a déposé une troisième demande d'enregistrement de la marque Sun Valley, dans son seul élément nominal, dans différentes classes dont la classe 25. Cet enregistrement sous le n° 1490591 a été renouvelé le 18 septembre 1998.

Par exploit du 22 avril 1994, M. Edouard Terzibachian et la SARL Sport Equipement ont assigné la SA La Redoute Catalogue devant le Tribunal de grande instance de Marseille aux fins de faire juger:

- que l'offre à la vente et la vente par la SA La Redoute Catalogue d'une certaine catégorie de vêtements et notamment des tee-shirts, des sweat-shirts et bermudas s'adressant à une clientèle particulière et essentiellement jeune sous l'appellation Deep Valley, constituent la contrefaçon et l'imitation illicite de la marque française Sun Valley déposée le 5 mars 1988 sous le n° 6444 et enregistrée sous le n° 1454958 en application des dispositions des articles L. 713-1-2-3 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle.

- qu'en créant une confusion dans l'esprit du public par la diffusion de vêtements de même catégorie mais d'une qualité médiocre à un prix inférieur aux vêtements contrefaisants, sous l'appellation Deep Valley et en faisant usage du procédé de vente par correspondance, la SA La Redoute Catalogue s'est rendue coupable de concurrence déloyale et illicite, au préjudice de la société Sport Equipement bénéficiaire du contrat de concession de licence exclusive du 18 mars 1988.

M. Terzibachian et la SA Sport Equipement ont donc sollicité qu'il soit fait défense à la SA La Redoute Catalogue de poursuivre lesdits actes de contrefaçon sous peine d'une astreinte de 10 000 F par infraction constatée et qu'un expert soit désigné afin de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la SA La Redoute Catalogue.

Ils ont également sollicité la condamnation de cette dernière à verser à M. Terzibachian la somme de 1 000 000 F à valoir sur la réparation du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon, et à la société Sport Equipement celle de 1 000 000 F du même chef et celle de 500 000 F au titre de la concurrence déloyale.

Ils ont sollicité en outre à titre de dommages et intérêts supplémentaires la publication du jugement.

Par jugement rendu le 25 janvier 1996, le Tribunal de grande instance de Marseille a débouté M. Terzibachian et la société Sport Equipement de leurs demandes, a débouté la société La Redoute Catalogue de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts et a condamné M. Terzibachian et la société Sport Equipement au paiement de la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration du 7 mai 1996, M. Edouard Terzibachian et la SA Sport Equipement ont relevé appel de ce jugement.

M. Edouard Terzibachian et la SA Sport Equipement demandent à la cour de:

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

- dire qu'ils n'ont formé aucune demande nouvelle, au sens des article 565 et 566 du nouveau Code de procédure civile.

- juger que l'offre à la vente et la vente par l'intimée d'une certaine catégorie de vêtements et notamment des tee-shirts, des sweat-shirts et bermudas s'adressant à une clientèle particulière et essentiellement jeune sous l'appellation Deep Valley constituent la contrefaçon et l'imitation illicite de la marque française Sun Valley déposée le 15 mars 1988 sous le n° 6444 et enregistrée sous le n° 1454958 ainsi que de la marque nominale Sun Valley déposée en renouvellement le 5 février 1993 sous le n° 1228644 ou encore de la marque nominale Sun Valley déposée en renouvellement le 18 septembre 1998 pour désigner notamment des vêtements pour hommes, dames, et enfants en classe n° 25 de la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, conformément aux dispositions des articles L. 713-1-2-3 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle.

- juger qu'en créant une confusion dans l'esprit du public par la diffusion de vêtements de même catégorie mais d'une qualité médiocre à un prix inférieur aux vêtements contrefaits sous l'appellation Deep Valley et en faisant usage du procédé de vente par correspondance, l'intimée s'est rendue coupable de concurrence déloyale et illicite au préjudice de la société Sport Equipement, bénéficiaire d'un contrat de concession de licence exclusive de la marque Sun Valley en date du 18 mars 1988.

- juger que ce comportement commercial déloyal et parasitaire devra être sanctionné, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil ainsi que sur le fondement des dispositions de la loi du 2 juillet 1963 à l'égard de la société Sport Equipement.

- interdire à l'intimée l'utilisation à l'avenir, à quelque titre que ce soit, de l'appellation et de la marque Deep Valley, sous astreinte non comminatoire et définitive de 5 000 F par infraction constatée et par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.

- désigner un expert afin de déterminer l'importance du chiffre d'affaires réalisé par l'intimée qui a vendu dans plusieurs établissements situés en France des quantités de vêtements extrêmement importantes sous le marque Deep Valley.

- condamner la SA La Redoute Catalogue à payer à M. Edouard Terzibachian la somme de 1 000 000 F à valoir sur les dommages et intérêts définitifs qui lui seront alloués en réparation de son préjudice moral occasionné par la contrefaçon des marques dont il est propriétaire ainsi qu'en réparation des préjudices résultant de la dévalorisation et de la dépréciation desdites marques.

- condamner la SA La Redoute Catalogue à payer à la société Sport Equipement la somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon, sur le fondement de l'article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle, en l'état du contrat de licence exclusive dont elle bénéficie.

- condamner la SA La Redoute Catalogue à payer à la société Sport Equipement la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire.

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux professionnels au choix des appelants et aux frais de l'intimée sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 20 000 F.

- condamner la SA La Redoute Catalogue au paiement d'une somme de 40 000 F au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. Terzibachian et la société Sport Equipement concluent:

- que le mot Valley ne constitue pas la désignation habituelle des vêtements ni ne décrit une de leurs qualités essentielles ou un élément caractéristique.

- que le mot Valley employé dans la marque complexe Sun Valley a un caractère suffisamment distinctif à lui seul et constitue l'élément essentiel et caractéristique de cette marque pour désigner des vêtements en classe 25.

- qu'il ne forme pas avec les mots Deep ou Sun un tout indivisible lui faisant perdre son individualité.

- que la désignation Deep Valley reproduit un élément isolable, distinctif et essentiel de la marque Sun Valley.

- que l'adjonction de l'adjectif qualificatif monosyllabique Deep n'altère en rien le pouvoir attractif de la marque et ne fait pas disparaître la contrefaçon.

- que la contrefaçon est ainsi établie sur le fondement des dispositions des articles L. 713-2 a) et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle.

- qu'il n'existe pas de contradiction entre l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle et l'article 5-1 a) de la directive n° 89-104 du 21 décembre 1988.

- que la contrefaçon est réalisée par la seule matérialité de la reproduction servile ou quasi-servile de la marque sans qu'il y ait à rechercher s'il y a possibilité de confusion.

- qu'outre le caractère essentiel loué par le terme Valley, le remplacement de Sun par Deep ne modifie pas suffisamment la marque pour écarter en tout état de cause une contrefaçon par imitation sur le fondement de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

- que l'intimée utilise le terme Valley avec une première et une dernière lettre de taille supérieure; qu'il y a là une volonté de ressemblance entre les deux marques qui ne fait qu'accroître le risque de confusion dans la clientèle.

La SA La Redoute Catalogue réplique:

- que le seul dépôt de marque invoqué par les demandeurs en première instance était celui de la marque semi-figurative complexe Sun Valley déposée le 15 mars 1988 et enregistrée sous le n° 1454958.

- qu'en conséquence les références aux autres marques Sun Valley déposées sous forme nominale simple sont hors débats, s'agissant de demandes nouvelles en appel.

- qu'il convient d'analyser les prétendus actes de contrefaçon au regard de la seule marque semi-figurative complexe n° 1454958.

- que la marque des appelants constitue une marque dénominative complexe et emblématique comportant un élément figuratif (un personnage tenant un surf sous le bras) et un élément nominal : les termes Sun Valley retranscrits avec un graphisme particulier.

- que la marque des appelants constitue un tout indivisible dont le caractère distinctif n'est conféré que par l'assemblage de l'élément nominal et de l'élément figuratif, chacun des éléments se fondant dans un ensemble pour y perdre toute individualité et distinctivité.

- que la reproduction d'un élément d'une marque complexe ne peut être constitutive de contrefaçon que si l'élément reproduit est essentiel et distinctif de la marque complexe en cause.

- que le caractère essentiel du terme Valley n'est nullement établi en l'espèce car ce mot ne possède pas à lui seul la capacité d'exercer la fonction distinctive de la marque complexe et emblématique.

- que les dispositions du livre VII du Code de la propriété intellectuelle qui régissent le droit des marques en France ne sont que la retranscription en droit Français de la directive européenne n° 89-104 du 21 décembre 1988 qui rapproche les législations des Etats membres et s'impose aux différents Etats signataires dont la France.

- que les juridictions nationales sont par conséquent tenues d'interpréter les dispositions du Code de la propriété intellectuelle conformément aux textes et aux objectifs de la directive européenne du 21 décembre 1988.

- que l'application de cette directive, de la jurisprudence dégagée par la Cour de justice des Communautés européennes ainsi que les décisions des Chambres d'enregistrement et d'opposition de l'Office d'Harmonisation du Marché Intérieur écartent toute contrefaçon entre les dénominations Sun Valley et Deep Valley.

- que l'article 5-1) de la directive du 21 décembre 1988 établit deux hypothèses d'interdiction d'usage en matière de marques:

* l'usage d'un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques, c'est-à-dire une reprise stricto sensu et servile d'un signe antérieur.

* l'usage d'un signe similaire pour des produits ou services identiques ou similaires susceptibles de créer une confusion dans l'esprit du public.

- qu'il en résulte que la reprise de l'intégralité des éléments qui composent une marque complexe, déclinés selon la même configuration pour désigner des produits ou des services identiques à ceux visés à son enregistrement, constitue un acte de contrefaçon par reproduction au sens de l'article 713-2 du Code de la propriété intellectuelle sans qu'il soit nécessaire de recourir à la démonstration d'une confusion dans l'esprit du public.

- qu'en revanche la reprise de l'un des éléments d'une marque complexe, pour des produits ou services identiques ou similaires à la marque antérieure, constitue le délit civil d'imitation illicite au sens de l'article 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, pour lequel une confusion dans l'esprit du public doit être prouvée.

- qu'il résulte de l'analyse des textes et de la jurisprudence communautaire qu'en l'absence de reproduction à l'identique du signe revendiqué comprenant la reproduction de l'intégralité des éléments de la marque dans le même ordre et pour les mêmes produits, il ne saurait tout au plus y avoir qu'une imitation illicite de la marque.

- que les juridictions françaises ont introduit un concept en totale contrariété avec le droit communautaire qui est celui de "contrefaçon partielle" ou de "contrefaçon par reproduction de l'élément distinctif d'une marque complexe" qui consiste à rattacher des faits d'imitation illicite relatifs à une reprise partielle de la marque et nécessitant donc l'établissement de la preuve d'une confusion dans l'esprit du public à l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle qui ne nécessite pas cette preuve.

- que la jurisprudence communautaire ignore la notion de contrefaçon partielle ou par adjonction, une marque ne pouvant être scindée en plusieurs éléments et faire l'objet de protections cumulatives sur chacun des éléments pris séparément.

- qu'il ne saurait donc pas y avoir en l'espèce contrefaçon de marque stricto sensu au sens des articles L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle et 5-1 a) de la directive européenne, la société La Redoute Catalogue ne reproduisant pas à l'identique la marque revendiquée.

- qu'il ne saurait au surplus y avoir imitation illicite de marque au sens des articles 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle et 5-1 b) de la directive de 1988.

- que l'imitation illicite de marque suppose à tout le moins qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.

- que sur ce point les appelants ne procèdent que par affirmations non corroborées par des éléments probants.

- qu'en l'espèce aucune confusion n'est possible entre les marques Sun Valley et Deep Valley compte tenu du graphisme bien particulier de la marque Sun Valley qui comporte un élément figuratif important (un personnage avec une planche de surf), de la différence importante et du caractère bien distinctif de leur dénomination d'attaque (Deep, Sun), de l'absence d'interférence de signification entre les deux dénominations, de la différence des modes de distribution (vente par correspondance pour la Redoute, commercialisation des produits dans des boutiques pour la société Sport Equipement).

En conséquence la SA La Redoute Catalogue demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la SA La Redoute Catalogue n'a pas commis d'acte de contrefaçon de marque ni d'imitation illicite de la marque Sun Valley, ni d'acte de concurrence déloyale et en ce qu'il a débouté M.Terzibachian et la société Sport Equipement de l'ensemble de leurs demandes.

A titre subsidiaire elle conclut au sursis à statuer jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice des Communautés européennes, saisie d'une question préjudicielle par le Tribunal de grande instance de Paris dans un jugement du 23 juin 2000.

La SA La Redoute Catalogue demande toutefois la réformation partielle du jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.

Elle sollicite la condamnation in solidum de M. Terzibachian et de la société Sport Equipement au paiement des sommes suivantes:

* 100 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dénigrement sans preuve des produits de la société La Redoute.

* 20 000 F pour appel abusif.

* 40 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée; en l'absence de moyen constitutif de fin de non-recevoir susceptible d'être relevé d'office, il convient de le déclarer recevable.

La marque des appelants constitue une marque complexe et emblématique comportant un élément figuratif (un personnage tenant une planche de surf sous le bras) et un élément nominal Sun Valley dont les termes sont retranscrits avec un graphisme particulier.

La marque Deep Valley de la société La Redoute Catalogue est une marque nominale, aucunement emblématique.

L'argumentation des appelants tendant à faire juger principalement que la marque Deep Valley constitue une contrefaçon par reproduction quasi-servile de la marque Sun Valley, repose sur le caractère, selon eux, essentiel et suffisamment distinctif à lui seul du mot Valley dans la marque complexe, figurative et dénominative, Sun Valley.

La SA La Redoute Catalogue oppose à ce moyen la directive européenne n° 89-104 du 21 décembre 1988 et l'interprétation qui en est faite, selon laquelle pour apprécier la contrefaçon au sens de l'article 713-2 du Code de la propriété intellectuelle il n'y a pas lieu de considérer isolément les divers éléments constitutifs d'un signe distinctif à partir du moment où le signe incriminé ne reproduit pas à l'identique la marque revendiquée.

Les marques françaises sont actuellement régies par le livre VII du Code de la propriété intellectuelle qui reprend les règles édictées par la loi du 4 janvier 1991, laquelle a retranscrit en droit français les principes édictés par la première directive européenne du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

L'article 713-2 a) du Code de la propriété intellectuelle interdit "la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que: formule, façon, système, imitation, genre, méthode, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement".

L'article 5-1) de la première directive du 21 décembre 1988 édicte:

"La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque."

Cette directive prévoit donc deux hypothèses:

- l'usage d'un signe identique à la marque, pour des produits et services identiques.

- l'usage d'un signe similaire, susceptible de créer une confusion dans : l'esprit du public.

Selon le préambule de la directive du 21 décembre 1988 rapprochant les Etats membres sur les marques "la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est de garantir la fonction d'origine de la marque, est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les produits ou les services; la protection vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services; il est indispensable d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion; le risque de confusion, dont l'appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés, constitue la condition spécifique de la protection..."

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qu'en l'absence de reproduction à l'identique de la marque revendiquée comprenant la reproduction de l'intégralité des éléments de la marque selon la même configuration et pour les mêmes produits, la contrefaçon est appréhendée sous l'angle de l'imitation et de la démonstration d'un risque de confusion.

Il incombe au juge national d'interpréter et d'appliquer les dispositions de droit interne à la lumière des dispositions et des objectifs de la directive européenne dont il est issu, et de la jurisprudence dégagée par la Cour de justice des Communautés européennes.

La marque Deep Valley n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque déposée Sun Valley, il ne peut pas y avoir contrefaçon au sens de l'article L. 713-2 a) du Code de la propriété intellectuelle mais seulement imitation illicite de la marque sur le fondement de l'article L. 713-3 b) dudit Code.

L'article 713-3 b) interdit, lorsqu'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, "l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", ce qui correspond au contenu de l'article 5-1 b) de la directive européenne.

Le risque de confusion doit être apprécié globalement et cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celle-ci.

En premier lieu, pour soutenir qu'il y a contrefaçon par imitation, les appelants font manifestement référence à un graphisme des termes Sun Valley tel qu'il résulte d'un catalogue versé aux débats dans lequel effectivement les lettres sont un peu penchées, les lettres S et Y sont de plus grande taille, les lettres comprises entre le S et l'Y sont soulignées par un trait légèrement en courbe et le personnage courant avec une planche de surf est placé sous les mots Sun Valley.

Or ce graphisme n'est pas celui qui figure dans le certificat d'enregistrement d'origine n° 1454958 du 15 mars 1988, renouvelé le 24 juin 1998.

Les appelants ne justifient pas que le graphisme nouveau adopté dans le catalogue sus-visé et qui modifie tant l'écriture des termes Sun Valley que l'emplacement du dessin ait fait l'objet d'une protection particulière.

Il convient donc de se référer au certificat d'enregistrement de la marque Sun Valley dans lequel elle est composée d'un personnage courant avec une planche de surf sous le bras, placé au-dessus des termes Sun Valley lesquels sont écrits avec un graphisme très particulier: le haut du S empiète sur la barre gauche du U, les voyelles U, A et E apparaissent en gras et le E de Valley est figuré avec une calligraphie particulière, étant précisé que les lettres sont de même taille et alignées de façon parfaitement rectiligne.

La marque Deep Valley est quant à elle seulement nominale : les deux mots sont écrits l'un sur l'autre et surmontés d'un trait légèrement incurvé, le V et le Y de Valley sont de plus grande taille que les autres lettres.

A cet égard, il ne peut donc pas y avoir de confusion possible entre les deux marques.

En second lieu, selon les appelants, dans Deep Valley, le mot Valley conserve son pouvoir distinctif propre si bien que l'acheteur français d'attention moyenne risque de commettre une confusion sur l'origine des produits.

La simple association que pourrait faire le public entre deux marques par le biais d'un mot commun ne suffit pas, encore faut-il que l'élément Valley concentre à lui seul le caractère prédominant de la marque, sa force attractive.

Or le concept exprimé à travers le mot Sun, que tout consommateur français connaît parfaitement comme étant la traduction en anglais du mot soleil, est radicalement différent du concept exprimé par le terme Deep, dont le sens français de profond est sûrement plus largement ignoré du public.

Il apparaît que le terme Valley, qui n'est pas à lui seul particulièrement évocateur ni particulièrement attractif, prend un caractère attractif par son association avec le mot Sun qui le précède, et ce d'autant que si l'on se réfère au catalogue produit aux débats la marque concerne des vêtements légers (maillots de bain, tee-shirts, bermudas) qui évoquent une vie au soleil.

Il est évident que la dénomination Deep Valley ne renferme pas du tout cette signification et ne crée pas un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne.

Enfin les appelants principaux ne justifient en aucune manière de la notoriété particulière dont la marque Sun Valley jouirait auprès du public.

Les griefs de concurrence déloyale invoqués par la société Sport Equipement ne sont pas réellement distincts des actes allégués de contrefaçon et d'imitation illicite de la marque, étant relevé qu'il n'apparaît pas que les vêtements Deep Valley soient de qualité médiocre.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Terzibachian et la société Sport Equipement de toutes leurs demandes.

La demande en dommages-intérêts formée par la SA La Redoute Catalogue n'est pas justifiée, celle-ci ne démontrant pas la faute commise par M. Terzibachian et par la société Sport Equipement dans l'exercice d'une action qu'ils ont estimée devoir engager pour faire reconnaître leurs droits.

En l'absence d'abus dans la procédure dont la cour est saisie, la SA La Redoute Catalogue sera également déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour appel abusif.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA La Redoute Catalogue les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager en cause d'appel.

Au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, M. Terzibachian et la société Sport Equipement devront verser ensemble à la SA La Redoute Catalogue la somme de 12 000 F.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit l'appel principal et l'appel incident, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 janvier 1996 par le Tribunal de grande instance de Marseille, Y ajoutant, Déboute la SA La Redoute Catalogue de sa demande en dommages-intérêts pour appel abusif, Au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne in solidum M. Terzibachian et la société Sport Equipement à verser à la SA La Redoute Catalogue la somme de 12 000 F, en cause d'appel, Condamne M.Terzibachian et la société Sport Equipement aux dépens d'appel et autorise la société civile professionnelle Martelly-Maynard-Simoni, titulaire d'un office d'avoué près la cour, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.