Cass. crim., 4 novembre 2003, n° 02-87.426
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Gailly
Avocat général :
M. Finielz
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par X Robert, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 15 octobre 2002, qui, pour vente ou mise en vente de produits propres à effectuer la falsification de denrées servant à l'alimentation humaine, l'a condamné à 1500 euros d'amende; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-2 et 111-3 du Code pénal, L. 213-3, L. 214-1, L. 214-2 et L. 214-3 du Code de la consommation, du décret n° 72-309 du 21 avril 1972, du règlement CE n° 2087-97 du 20 octobre 1987, du règlement CE n° 822-87 du 16 mars 1987, des articles 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Robert X coupable de falsification;
"aux motifs que le moyen proposé comme exception de nullité qui consiste à soutenir que les faits poursuivis ne sont pas punissables en l'absence de décret en Conseil d'Etat pris pour l'application du règlement communautaire n° 2087-97 remplaçant le règlement n° 822-87 portant organisation du marché viti-vinicole, doit s'analyser en réalité comme un moyen de défense au fond relatif à la violation du principe communautaire et national de la légalité des délits et des peines; que cependant, contrairement à ce que soutient le prévenu, les poursuites sont légalement fondées; qu'en effet, chaque nouveau règlement a prévu en annexe des tables de concordance entre ses articles et ceux du règlement abrogé, précisant que toute référence au règlement abrogé devait s'entendre comme étant faite au nouveau texte; que de ce fait, bien qu'antérieur, le décret n° 72-309 du 21 avril 1972 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes constitue un texte d'application du règlement CEE 822-87 et de ceux qui lui ont succédé et fait rentrer les dispositions du règlement 2087-97 du 20 octobre 1997 ainsi que ceux qui lui succéderont dans le champ d'application des chapitres II et III du livre II titre 1 du Code de la consommation, tel que prévu par l'article L. 214-3 du même Code; que, selon l'article 249 du traité des Communautés européennes, ces règlements sont directement applicables dans tout Etat membre; qu'ils ne constituent qu'une des mesures d'exécution prévues par les articles L. 214-1 et L. 215-1 et L. 215-4 du Code de la consommation; que par ailleurs, l'interdiction d'utilisation de l'albumine de sang quelle qu'elle soit, répond à des impératifs de santé publique et ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de l'objectif visé et aux précautions prises par les Etats membres; que le fait que cette substance soit toujours autorisée pour les vinaigres et les cidres n'est pas de nature à remettre en question le bien-fondé de la finalité de cette disposition et sa proportionnalité au regard des buts recherchés (arrêt, pages 5 et 6);
"alors qu'un règlement communautaire contenant des dispositions qui entrent dans le champ d'application des articles L. 212-1 à L. 216-9 du Code de la consommation n'est susceptible de servir de base aux poursuites du chef de falsification qu'à la condition qu'un décret en Conseil d'Etat ait constaté que les dispositions de ce règlement et celles des règlements communautaires qui les modifient, constituent des mesures d'exécution prévues aux articles L. 214-1, L. 215-1, dernier alinéa et L. 215-4 du même Code; que, sauf à méconnaître le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, la sanction pénale de la méconnaissance d'un tel règlement suppose que le décret susvisé ait été pris préalablement à la commission des faits; qu'en l'espèce, il est reproché au demandeur d'avoir vendu, postérieurement au 1er novembre 1997, un produit cenologique à base d'albumine de sang, quoique le recours à cette substance, comme auxiliaire technologique dans l'élaboration du vin, soit prohibé, à compter de cette date, en vertu d'un règlement CEE n° 2087-97 du 20 octobre 1997, modifiant le règlement CEE n° 822-87 du 16 mars, 1987; qu'en estimant, pour rejeter le moyen du prévenu tiré de la méconnaissance du principe de la légalité des délits et des peines, que bien qu'antérieur au règlement susvisé, le décret n° 72-309 du 21 avril 1972 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, constitue un texte d'application du règlement CEE 822-87 du 16 mars 1987 ainsi que de ceux qui ont vocation à lui succéder, pour en déduire que ces deux règlements du 16 mars 1987 et 20 octobre 1997 constituent l'une des mesures d'exécution prévues par les articles L. 214-1, L. 215-1 et L. 215-4 du Code de la consommation, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions d'appel du prévenu (page 10), si un décret, en vigueur à la date des faits visés à la prévention, et nécessairement postérieur au règlement du 20 octobre 1997 a, conformément à l'article L. 214-3 du Code de la consommation, constaté que les dispositions du règlement communautaire susvisé constituaient des mesures d'exécution prévues à l'article L. 214-1 du même Code, la cour d'appel, qui se détermine par des motifs inopérants, a privé sa décision de toute base légale";
Attendu que Robert X, oenologue, est poursuivi, en application de l'article L. 213-3, alinéa 1er, 4, du Code de la consommation, pour avoir exposé, mis en vente ou vendu, connaissant leur destination, des matières propres à effectuer la falsification des vins, à savoir un produit oenologique à base d'albumine de sang séché;
Attendu que, pour le déclarer coupable du délit reproché, l'arrêt attaqué énonce que l'adjonction d'albumine de sang est interdite par l'article 15 du règlement 822-87-CEE du 16 mars 1987, modifié par le règlement 2087-97-CEE, portant organisation commune du marché viti-vinicole, alors applicable dans tous les Etats membres;
Attendu que, par ces seuls motifs, la cour d'appel, qui a, fait application à bon droit, du règlement 2097-97-CEE, entré en vigueur le 1er novembre 1997 et directement applicable sans mesure portant réception en droit interne, a caractérisé l'exposition, la mise en vente et la vente de produits non conformes à la réglementation en vigueur au sens de l'article L. 213-3, alinéa 1er, 4, du Code pénal;
Attendu que le moyen, inopérant en ce qu'il invoque les dispositions de l'article L. 214-3 du Code de la consommation, doit être écarté;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.