CA Paris, 13e ch. A, 12 novembre 1996, n° 96-04271
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Hattab
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Avocat général :
M. Blanc
Conseiller :
M. Guilbaud
Avocat :
Me Coudray.
Rappel de la procédure:
La prévention:
L Claude est poursuivi pour avoir à Villemonble le 4 juillet 1994 en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, trompé le cocontractant sur la nature, l'espèce, les qualités substantielles de la marchandise en l'espèce en ayant vendu aux époux Hattab une voiture présentée comme étant une Volkswagen type Golf Turbo pour 54 500 F alors qu'il s'agissait d'une Golf Boston Diesel estimée à environ 38 000 F;
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a déclaré L Claude:
coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis le 4 juillet 1994, à Villemonble, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation
et, en application de ces articles,
l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis
l'a condamné à payer une amende de 3 000 F
a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné
l'a condamné à payer à Mme Véronique Hattab, partie civile, la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts et en outre la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
- Monsieur L Claude, le 13 juin 1996 contre Madame Zenou Véronique
- M. le Procureur de la République, le 13 juin 1996 contre Monsieur L Claude
Décision:
Rendue contradictoirement à l'égard du prévenu, par défaut à l'égard de la partie civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels du prévenu et du Ministère public du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention,
Assisté de son conseil, L Claude, qui conteste les faits reprochés, sollicite par infirmation sa relaxe estimant qu'il n'a aucunement trompé Mme Hattab lors de l'achat de son véhicule.
Madame Hattab, partie civile intimée, bien que régulièrement citée ne comparaît pas. Il sera statué à son encontre par défaut.
Monsieur l'Avocat général qui estime les faits établis, requiert la confirmation du jugement déféré.
Considérant qu'il convient de rappeler que le 14 septembre 1994, Madame Hattab déposait plainte à l'encontre du prévenu.
Considérant qu'elle exposait qu'après avoir acheté au garage "X" à Villemonble, dont le prévenu est le responsable, un véhicule automobile de maque Volkswagen "type Turbo D" pour la somme de 55 802 F, elle apprenait le lendemain par son assureur que le numéro de série du véhicule ne correspondait pas à une Golf Turbo D mais à une Golf Diesel.
Considérant que suite à un avis technique donné par M. Gautherot, expert, tel que sollicité par le parquet, et qui concluait ainsi: "le véhicule présenté est un modèle Golf Boston équipé d'un moteur 60 CH DIN pourvu d'un pot d'échappement catalytique sans turbo compresseur; sa puissance fiscale est de 5 CV"; L Claude fut attrait devant la juridiction répressive sous la prévention de tromperie sur la marchandise;
Considérant que les premiers juges, s'estimant insuffisamment informés, ont, avant dire droit, ordonné une expertise confiée à M. Gérard Grosse.
Que suite au dépôt du rapport de l'expert, le Tribunal de grande instance de Bobigny a déclaré le prévenu coupable aux termes du jugement dont appel.
Considérant que devant la cour, L Claude critique la décision déférée;
Considérant qu'il expose que Madame Hattab a cru que le garage avait voulu lui vendre un véhicule ne correspondant pas à un "Turbo Diesel" alors qu'en réalité, cette voiture est réellement équipée d'un turbo compresseur;
Que la preuve en est rapportée puisque le bon de commande, la facture, le VW, la carte grise et le carnet d'entretien portent tous la mention caractéristique TD, ce qui veut dire Turbo Diesel;
Considérant qu'il conclut à sa relaxe en l'absence de toute tromperie puisque le véhicule est bien équipé d'un Turbo et que c'est un Diesel;
Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications;
Considérant en effet qu'il ressort du rapport d'expertise de M. Gérard Grosse qu'il est vrai que l'examen du véhicule a bien confirmé la présence d'un turbo compresseur (celui-ci étant un dispositif qui permet, grâce à l'entraînement d'une double turbine par les gaz d'échappement du moteur, d'augmenter la pression du mélange air/carburant avant son admission dans les cylindres (les gaz d'échappement poussent une première turbine solidaire d'une seconde turbine qui, entrant en rotation, comprime les gaz d'admission); ainsi, cette augmentation de pression à l'admission permet d'accroître le rendement du moteur (puissance et couple) sans recourir à des régimes (vitesse de rotation du moteur) élevés;
Que cependant en l'espèce le constructeur a jugé opportun sur ce modèle de compenser l'installation d'un pot d'échappement catalytique (absorbeur important de puissance) par l'adjonction d'un turbo compresseur;
Qu'ainsi, ce véhicule, commercialisé par le constructeur sous l'appellation Golf Boston Diesel Catalyseur peut être considéré comme la version "propre" de la Golf Boston Diesel type 19 JP 24, le turbo compresseur n'ayant pour autre fonction que d'éviter une perte de puissance importante (conséquence de l'épuration des gaz d'échappement) qui aurait rendu sa commercialisation délicate;
Considérant que l'expert précise que le constructeur réserve l'appellation Turbo Diesel à ses modèles haut de gamme (Boston TD ou GTD) d'une puissance de 80 chevaux et que l'examen du bon de commande et de la facture laisse apparaître une erreur d'appellation flagrante au niveau de la désignation du modèle ainsi que l'absence d'indication du type constructeur ("Type Mines") qui seul permet une identification claire et incontestable du véhicule;
Qu'enfin, l'expert constate que la mention "Boston", indispensable, ne figure sur aucun des deux documents (ni d'ailleurs sur le véhicule);
Considérant qu'in fine, l'expert indique que la différence entre les variantes Boston TD et GTD du modèle 80 chevaux réside dans les équipements moins nombreux sur la version Boston TD que sur la version GTD (direction assistée, etc.), ce qui explique l'écart de cote Argus entre les deux modèles;
Considérant que l'expert conclut que le véhicule en cause ne peut être considéré comme un modèle TD, la présence du turbo compresseur étant annihilée par celle du pot d'échappement catalytique et qu'il convient donc de retenir l'appellation du constructeur Golf Boston Diesel Catalyseur, l'écart de cote Argus entre les modèles Golf GTD et Golf Boston Diesel Catalyseur au moment de la transaction étant de 10 700 F;
Considérant en conséquence que la cour estime que Claude L, et bien qu'il s'en défende, s'est bien rendu coupable des faits tels que visés à la prévention;
Considérant en effet que L Claude, qui a agi en qualité de professionnel de l'automobile a, en inscrivant sur le bon de commande: "Modèle Golf TD" et sur la facture "Véhicule Golf TD" et ce en l'absence d'une part de l'indication du type constructeur "Type Mines" qui seul permet une identification incontestable du véhicule - sciemment trompé son co-contractant sur la nature, l'espèce et les qualités substantielles de la marchandise vendue, étant par ailleurs observé que L a vendu aux époux Hattab la voiture litigieuse pour 54 500 F alors qu'en réalité son prix réel était estimé à 38 000 F;
Considérant que le jugement dont appel sera confirmé sur la déclaration de culpabilité et en répression, les premiers juges ayant fait au prévenu une juste application de la loi pénale;
Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée sur les intérêts civils, le tribunal ayant équitablement apprécié le préjudice subi par la partie civile et découlant directement des faits visés à la prévention;
Considérant que le jugement dont appel sera confirmé sur les dispositions civiles;
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de L Claude, par défaut à l'égard de Zenou Véronique épouse Hattab; Vu le jugement du 1er juin 1995, Vu le rapport d'expertise du 15 janvier 1996, Vu le jugement dont appel du 4 avril 1996, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le prévenu.