Cass. com., 28 avril 2004, n° 02-18.185
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NRJ (SA)
Défendeur :
Vortex - Skyrock (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
Mes Choucroy, Le Prado
LA COUR: - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2002), que la société Vortex, qui exploite une radio dénommée Skyrock, a fait paraître les 24 février et 3 mars 2000 dans la presse des annonces publicitaires ainsi libellées; "Skyrock; première radio musicale à Paris devant NRJ; à armes égales, sur Paris et la Petite Couronne, Skyrock est la première radio musicale. Sur l'Ile-de-France, où NRJ dispose de 4 émetteurs supplémentaires, Skyrock est seconde"; que se prévalant de la publicité comparative illicite que ces messages auraient constitué, la société NRJ, qui exploite une radio éponyme, a assigné la société Vortex en réparation de son préjudice;
Sur le second moyen: - Attendu que la société NRJ fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande relative à la publication du 5 septembre 2000 dans le Figaro de l'annonce de Skyrock, alors, selon le moyen, que l'arrêt n'a pas expliqué en quoi cette demande formulée en appel, ne se rattachait pas suffisamment à la demande initiale, bien que cette demande "additionnelle" s'avérait être le complément de la demande initiale dans la mesure où l'annonce publicitaire parue dans le Figaro réitérait les annonces antérieures avec le même slogan "Skyrock première radio musicale à Paris devant NRJ (...) sur la base des radios musicales Paris + Petite Couronne" en visant aussi " Ile-de-France " et où NRJ faisait également le même grief de publicité comparative illicite qui était ainsi renforcé; que l'arrêt a donc violé l'article 566 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que se prononçant sur la demande additionnelle présentée par voie de conclusions du 29 septembre 2000 devant le tribunal, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que cette demande ne se rattachait pas par un lien suffisant à la demande initiale, n'encourt pas le grief du moyen; que celui-ci n'est pas fondé;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche: - Vu l'article L. 121-8 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits; - Attendu que pour rejeter la demande de la société NRJ, l'arrêt retient que la publicité litigieuse suggère que, malgré un réseau d'émetteurs inférieur à celui de NRJ et une puissance d'émission moindre ainsi qu'un nombre de canaux strictement régis par le CSA, Skyrock concurrence NRJ en certaines zones et notamment à Paris où les conditions d'émission et de réception sont sensiblement comparables, parvenant ainsi à devancer, selon les études effectuées par Médiamétrie, sa concurrente la plus directe en matière de radio musicale;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la publicité critiquée mettant en comparaison les deux radios était loyale et véridique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche: Vu l'article L. 121-8 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits; Attendu que pour rejeter la demande de la société NRJ, l'arrêt retient que cette annonce se borne, dans un domaine, la radio, où les données des études de mesure d'audience sont par essence volatiles, à mettre en exergue les performances de la station Skyrock sans pour autant assortir cette performance de digressions ou de propos dénigrants;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, sans rechercher si la comparaison critiquée portait sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables des services en cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche: - Vu l'article L. 121-8 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits; - Attendu que pour rejeter la demande de la société NRJ, l'arrêt retient qu'en l'absence de toute volonté de dévalorisation d'un service concurrent, les conditions d'application de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ne sont pas réunies;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère illicite et par suite déloyal de la publicité comparative se déduit du non-respect des conditions auxquelles celle-ci est autorisée, sans qu'il soit besoin d'établir un comportement intentionnellement dénigrant de l'annonceur, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs: casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société NRJ relative aux publicités dénoncées dans son assignation introductive d'instance, l'arrêt rendu le 27 juin 2002, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.