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Décisions

CA Bordeaux, 3e ch. corr., 14 janvier 1992, n° 1229-91

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Mougere

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bizot

Substitut :

général: M. Benech

Conseillers :

Mme Edoux de Lafont, M. Esperben

Avocats :

Mes Dubois, Perret.

TGI Angoulême, ch. corr., du 3 juill. 19…

3 juillet 1991

Faits: Par actes en date du 11 juillet 1991 reçus au secrétariat greffe du Tribunal de grande instance d'Angoulême, la prévenue et le Ministère public ont relevé appel d'un jugement contradictoire rendu par ledit tribunal le 3 juillet 1991 à l'encontre de C Dany épouse G, poursuivie comme prévenue d'avoir:

- à Vignoux/Barengeon (18), le 2 mars 1990, trompé Mme Bousquet Mauricette épouse Mougere sur les qualités substantielles d'un chien caniche,

fait prévu et réprimé par les articles 1, 6, 7 de la loi du 1er août 1905, 51 alinéa 2 du Code pénal,

- à Chabanais et en Charente, courant février 1990, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce sur les qualités substantielles d'un chien caniche,

fait prévu et réprimé par les articles 44, I, 44 II al. 7, 8, 44 II al. 9, 10 de la loi du 27 décembre 1973, 1 de la loi du 1er août 1905;

Sur l'action publique:

Le tribunal l'a relaxée du chef de publicité mensongère et l'a déclarée coupable du délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise et l'a condamnée à la peine d'amende de 4 000 F;

Sur l'action civile:

A reçu Mme Bousquet épouse Mougere Mauricette en sa constitution de partie civile;

A condamné Mme C Dany épouse G à verser à Mme Bousquet épouse Mougere la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et aux dépens de l'action civile;

Le 11 juillet 1991, Mme C Dany épouse G a interjeté appel des dispositions pénales et civiles du jugement du Tribunal de grande instance d'Angoulême du 3 juillet 1991. Le même jour le Ministère public a formé appel incident. Ces appels sont recevables en la forme.

Madame C Dany épouse G, première appelante, conclut à la confirmation de la décision précitée en ce qui concerne la publicité mensongère et à la réformation pour le délit de tromperie. Elle affirme n'avoir jamais garanti à Madame Mougere que le chien vendu serait confirmé au livre des origines françaises (LOF). Elle souligne en outre que l'administration des Fraudes a indiqué qu'un chien non-confirmé pouvait cependant être un sujet d'exposition. Elle considère que le délit de tromperie n'est pas constitué car l'animal vendu à l'âge de 9 mois n'était pas adulte et elle ne pouvait pas savoir si le chien présenterait des défauts ne permettant pas sa confirmation. Au surplus, elle fait observer que Madame Mougere était une habituée des concours nationaux et internationaux bien avant l'achat du caniche litigieux. Par conséquence, elle sollicite sa relaxe de ce chef.

Le Ministère public, appelant incident, requiert la réformation du jugement déféré en ce qui concerne la publicité mensongère. Il estime que l'annonce faite par Madame G contenait des indications fausses ou de nature à induire en erreur madame Mougere car le chien était mentionné comme "sujet à exposition". Or il est apparu qu'il présentait des tares rendant impossible la confirmation et qu'il ne pourrait obtenir aucune médaille ni prix comme l'escomptait Madame Mougere. Il requiert en outre la confirmation de la décision sur le délit de tromperie.

Madame Mauricette Mougere, partie civile intimée, demande à la cour de confirmer le jugement du 3 juillet 1991 et de condamner Madame G à lui verser la somme de 8 000 F sur la base de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et à supporter les dépens y compris les frais de la sommation interpellative s'élevant à 283,81 F. elle fait plaider que l'annonce publicitaire et le contrat de vente mentionnent "sujet expo" alors que la décision de refus de confirmation établit l'inaptitude du caniche vendu à être un sujet d'exposition. Elle estime que cette mention et le prix de vente élevé sont des éléments permettant de lui faire croire que le chien présentait toutes les qualités pour être confirmé et qu'il pourrait participer à diverses expositions dans le but d'obtenir un prix. Elle a donc été trompée sur les qualités substantielles de cet animal. Elle conteste formellement avoir la qualité d'éleveur professionnel mais elle reconnaît sa passion pour les chiens et sa participation habituelle à des expositions canines. Elle soutient qu'elle ne pouvait pas déceler les vices assez peu courant que présentait l'animal.

Sur l'action publique

Il est constant que dans la revue "Vos chiens" du mois de février 1990, Madame G a fait insérer l'annonce suivante "caniche nain mâle blanc, 9 mois, sujet expo, bonne pigmentation, dentition complète, facilités de paiement".

Le 2 mars 1990, madame Mougere a acquis cet animal pourvu d'un certificat de naissance du LOF au prix de 6 000 F.

a. Sur le délit de publicité mensongère

Madame Mougere prétend que l'annonce publicitaire était mensongère car elle était de nature à l'induire en erreur sur la qualité substantielle de cet animal qu'elle voulait présenter à des expositions canines, le refus de confirmation ne lui permettant pas de faire concourir l'animal.

En fait, il apparaît que cette annonce a été publiée dans une revue spécialisée s'adressant à un public de connaisseurs dont faisait partie Madame Mougere. En outre pour un spécialiste "sujet expo" ne signifie pas pour un chiot de 8 à 9 mois qu'il a reçu confirmation puisque cette dernière n'a été demandée et ne peut l'être qu'à 12 mois. Il résulte de la lettre du Directeur Départemental de la Répression des Fraudes du 19 février 1991 qu'un chien non-confirmé peut être un sujet d'exposition. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont relaxé Madame G du chef de délit de publicité mensongère.

b. Sur le délit de tromperie

Madame Mougere prétend que lors de la vente elle a été trompée par madame G sur la qualité substantielle de l'animal qu'elle croyait pouvoir faire confirmer.

L'acte de naissance enregistré au LOF établit que le chien Eliot est né le 4 juin 1989; que lors de la conclusion du contrat le 2 mars 1990 il était âgé de 9 mois. L'expert de la Société centrale canine a le 27 juin 1990 refusé de confirmer cet animal, le considérant comme inapte "la crête n'étant pas présente, le crâne étant rond et les oreilles courtes repliées à la commissure". Dans sa lettre du 19 février 1991, le Directeur Départemental de la Répression des Fraudes a précisé que ces défauts constituaient des tares entraînant une inévitable non-confirmation du chien. Cependant, le refus de confirmation étant intervenu alors que le chien avait 12 mois, il n'est pas démontré que lors de l'achat et la livraison de l'animal, ces traces étaient connues de la vendeuse, le chien n'ayant pas terminé sa croissance. En outre, le contrat ne fait pas mention d'une garantie de confirmation. Madame Mougere, passionnée pour les caniches et faisant concourir ce genre d'animal savait bien que la confirmation était nécessaire pour que ce caniche puisse obtenir un prix à une exposition. Il existe un doute sur l'intention frauduleuse de madame G. C'est donc à tort que le premier juge l'a retenue dans les liens de la prévention, il convient donc de la relaxer du chef de tromperie.

Sur l'action civile

Madame G étant relaxée la constitution de partie civile de Madame Mauricette Mougere est irrecevable.

Par ces motifs LA COUR, après en avoir délibéré hors la présence du Ministère public et du greffier, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare recevables les appels de la prévenue et du Ministère public, Sur l'action publique Confirme la décision du 3 juillet 1991 en ce qu'elle a relaxé Madame G du chef de publicité mensongère, Réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Dit que le délit de tromperie n'est pas constitué et relaxe Madame G de ce chef, Sur l'action civile Réforme la décision déférée et déclare irrecevable la constitution de partie civile de madame Mougere; Laisse les dépens à la charge du trésor public.