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Décisions

Cass. crim., 14 mai 1990, n° 88-87.575

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Bayet

Avocat général :

Mme Pradain

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Me Roue-Villeneuve.

Pau, ch. corr., du 16 nov. 1988

16 novembre 1988

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi commun formé par B Adrien, B Béatrice, K Marie-Jeanne, la société anonyme X, civilement responsable, contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Pau, en date du 16 novembre 1988 qui, prononçant sur les intérêts civils dans la procédure suivie contre eux du chef de l'infraction prévue par l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les a condamnés à divers dommages-intérêts.- Vu le mémoire ampliatif commun aux demandeurs et le mémoire en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

"en ce que l'arrêt confirmatif a déclaré que les faits dénoncés par les parties civiles étaient susceptibles de constituer une contravention aux dispositions de l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

"aux motifs que la subordination inscrite dans le texte incriminé s'entend non pas dans le sens d'une autorité s'exerçant sur une personne comme en l'espèce s'exerce l'autorité de l'établissement thermal sur les médecins affectés au service dudit établissement et liés contractuellement avec lui, situation mise en exergue par le tribunal, mais que la subordination doit être comprise dans le sens d'une condition ajoutée à un service pour obtenir prestation d'un autre service soit dans le cas présent, le curiste n'est admis à effectuer la cure dans l'établissement Y qu'à la condition qu'il accepte la prestation de service du médecin lié à l'établissement; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal a relevé la violation de la liberté du choix du médecin (articles 6 et 7 du Code de déontologie médicale) et qu'il a fait parfaitement la distinction entre les deux prestations de service, l'une inhérente au déroulement de la cure, l'autre d'ordre médical; que le fait de refuser au patient d'exécuter la première prestation parce qu'il ne veut pas accepter la seconde constitue une infraction mise à la charge des trois prévenus;

"alors que, d'une part, la pratique des ventes liées prohibée par l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 suppose que soit imposée aux consommateurs la vente ou la fourniture d'au moins deux biens ou services parfaitement dissociables et ne saurait, par conséquent, concerner des prestations de service supposant impérativement notamment en vertu de la réglementation en vigueur l'accomplissement de plusieurs opérations successives nécessaires pour que soit menée à bien ladite prestation, ce qui est précisément le cas d'une cure thermale dont l'efficacité et voire même l'innocuité suppose l'examen préalable du patient par un médecin;

"alors que, d'autre part, en tout état de cause, l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'incriminant que le fait de subordonner la vente ou la fourniture d'une prestation de service à une autre vente ou prestation, la Cour en déclarant faire application de ce texte au simple fait d'imposer le choix d'une personne pour l'exécution d'une prestation de service a violé le principe d'interprétation stricte de la loi pénale et par là même entaché sa décision d'un manque de base légale;

"et alors qu'enfin la violation de la liberté du choix du médecin à la supposer constituée ne saurait davantage justifier l'application des dispositions de l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986";

Vu lesdits articles; - Attendu qu'aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Jean Baderspach, Franck Alquier-Bouffard et le syndicat national des médecins des stations thermales marines et climatiques de France, tous trois parties civiles, ont fait citer directement devant la juridiction de police Béatrice et Adrien B, respectivement président et directeur général de la société anonyme X, Marie-Jeanne K, responsable d'établissement et ladite société, cette dernière prise comme civilement responsable de ses trois préposés, du chef de l'infraction définie par l'article 30 précité;

Attendu que prononçant sur les conséquences dommageables de ladite infraction et pour déclarer celle-ci établie à l'encontre des prévenus, les juges du fond exposent que Jean Baderspach, s'étant rendu aux thermes Y muni d'une ordonnance du docteur Alquier-Bouffard prescrivant un traitement thermal conforme aux conditions de l'entente préalable de sécurité sociale, s'est vu refuser la cure au motif que l'établissement Y n'accepte pas les curistes suivis par des médecins ne faisant pas partie de l'établissement; que les juges relèvent qu'en l'espèce il y a bien distinction entre les deux prestations de service litigieuses, l'une inhérente au déroulement de la cure, l'autre d'ordre médical, et que le fait de refuser au patient d'exécuter la première pour la raison qu'il ne veut pas accepter la seconde, constitue l'infraction reprochée;

Mais attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations qui établissent à l'égard d'un consommateur l'existence d'un refus de prestation de service, tel que prévu par l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher d'office si ce refus pouvait être dicté par un motif légitime, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de la décision; Que la cassation est dès lors encourue;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé: casse et annule en toutes ses dispositions civiles l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Pau, en date du 16 novembre 1988 et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée: Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris.