CA Montpellier, 3e ch. corr., 25 juillet 1995, n° 0279-95
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jammet
Conseillers :
Mme Ilhe Delannoy, M. Peiffer
Avocat :
Me Artignan.
Rappel de la procédure:
Le jugement rendu le 8 février 1995 par le Tribunal correctionnel de Montpellier a:
Sur l'action publique déclaré S épouse B Marie-Ange coupable:
- d'avoir en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique:
- à Frontignan (34) du 1er janvier 1992 au 4 mars 1992:
* effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur des bouteilles de "Muscat de Frontigan" qui étaient en réalité du Muscat de Rivesaltes et du Grand Roussillon;
faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 du Code de la consommation;
* trompé sur la nature, l'origine, la quantité ou les qualités substantielles en l'espèce en vendant 28,79 hl de Muscat de Rivesaltes pour un Muscat de Frontignan et 5,44 hl de Grand Rousillon pour du Muscat de Frontigan;
faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;
* vendu, mis en vente ou en circulation des produits naturels ou fabriqués portant une appellation d'origine qu'elle savait inexacte;
faits prévus et réprimés par les articles 29 du décret du 31 mai 1936, 8 al. 3, 8 al. 3-1, al. 2 de la loi du 6 mai 1919, L. 721-1 du Code de la propriété intellectuelle;
* porté de fausses indications de provenance sur des vins;
faits prévus et réprimés par les articles 1, 2 de la loi du 26 mars 1930, 1 de la loi du 1er août 1905;
en répression, l'a condamnée à la peine de 10 000 F d'amende et a déclaré la SARL X civilement responsable.
Appels:
Les appels ont été interjetés:
par la prévenue et le civilement responsable le 16 février 1995 et par le Ministère public le 16 février 1995.
Décision:
LA COUR, après en avoir délibéré,
Attendu que S épouse B Marie-Ange comparaît assistée de son conseil; qu'il sera statué par arrêt contradictoire à son égard;
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des débats les faits suivants:
Le cinq mars 1992, à 9 heures, les inspecteurs de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à Montpellier se rendaient au magasin de vente de vins situé <adresse>à Frontignan où ils étaient reçus par B Jean-Claude employé, B Robert retraité et B Marie-Ange gérante de la société.
Ils effectuaient un inventaire complet des vins détenus par ce négociant en présence de B Jean-Claude.
Ils examinaient ensuite les registres de la comptabilité matière (entrées et sorties) de la société et la vérification du registre des appellations d'origine contrôlées était également effectuée.
De même, ils prélevaient certains produits détenus en stock.
Le 9 mars 1992, Marie-Ange B adressait une lettre au service des Fraudes expliquant que le muscat de Frontignan prélevé le 5 mars 1992 dans la cuve n° 6, contenant 40 litres, est: "une fin de tirage composé de l'égouttage du groupe d'embouteillage, des manches de la pompe, du filtre, lequel étant rincé à l'eau au premier vin que l'on envoie; vin qu'on récupère afin de ne pas l'envoyer dans la mise en bouteilles. Il serait donc normal que ces quelques litres, vidés pour la plupart par le haut de la cuve avec les seaux ayant servi à recueillir l'égouttage, aient des degrés un peu fantaisistes".
Le laboratoire interrégional de la DCCRF de Montpellier devait conclure dans son rapport d'analyse que ce muscat de Frontignan était non conforme, son titre alcoométrique acquis étant de 14,33 % vol donc inférieur à 15 % vol (minimum légal).
Ce produit ne pouvait donc pas prétendre à l'appellation Muscat de Frontignan.
Le onze mars 1992, ces mêmes inspecteurs se rendaient à la SARL X afin d'entendre B Marie-Ange.
Cette dernière leur remettait l'inventaire commercial de sa société au 31 décembre 1991.
En effet la déclaration de stock à cette même date déposée auprès des services fiscaux de Sète était rédigée de manière incomplète puisque ne figurait, par produit, aucune dénomination précise.
Après examen comptable de tous les documents fiscaux (congés et factures) pour la période du 31 décembre 1991 au 4 mars 1992, les enquêteurs concluaient que la balance comptable avait permis de montrer la vente de 36,85 hl de vin avec l'appellation Muscat de Frontignan alors qu'il ne pouvait en aucun cas y prétendre.
Sur quoi:
Attendu que les appels réguliers dans la forme et les délais sont recevables;
Sur l'action publique:
Attendu qu'après examen de tous les documents fiscaux (factures et congés pour la période du 31 décembre 1991 au 4 mars 1992), les inspecteurs de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont relevé:
- un excédent de sorties de 36,85 hl pour le muscat de Frontignan,
- des manquants de 5,44 hl pour le Muscat de Rivesaltes,
- que les enquêteurs ont conclu de ces constatations que les manquants relevés ont pu compenser en tout ou partie les excédents de Muscat de Frontignan;
Attendu qu'en tout état de cause, il est établi que 36,85 hl de vin ont été commercialisés sous l'appellation Muscat de Frontignan alors qu'ils ne pouvaient bénéficier de cette appellation;
Qu'en effet, la vérification des documents fiscaux et la facturation a montré que pour la période du 31 décembre 1991 au 4 mars 1992 Marie-Ange B a mis en vente et a vendu 36,85 hl ou 3 685 litres de vin doux naturel sous l'appellation contrôlée illégale de "Muscat de Frontignan" qui provenait en fait des volumes manquant en Muscat de Rivesaltes et Grand Roussillon;
Attendu qu'informée des constatations et des conclusions des inspecteurs Marie-Ange B a déclaré pour sa défense:
- "Le manquant en Muscat de Frontignan s'explique par la perte de 50 litres environs par tirage. L'excédant s'explique que nous avons vendu en vrac le Muscat de Rivesaltes, sans l'appellation, sous la marque commerciale Muscat Maynau";
Attendu que de tels arguments ne sont pas fondés pour la période considérée;
Qu'en effet tout d'abord, le manquant représente 40 % du volume facturé en sortie;
Qu'en outre la société X n'a effectué que trois mises en bouteilles durant la période considérée et qu'en conséquence il aurait fallu effectuer 3.685: 50 soit 73 mises en bouteilles environs en tenant compte d'une perte selon la prévenue de 50 litres environ lors de chaque mise en bouteille;
Attendu d'autre part que selon la prévenue l'excédent (sur le papier) en Muscat de Rivesaltes s'expliquerait par le fait que celui-ci a été vendu sous l'appellation Muscat Maynau;
Or, attendu d'une part que cette opération de déclassement n'apparaît pas sur le registre des appellations d'origine et que de plus cette pratique est soumise à autorisation et qu'en l'espèce aucune autorisation n'a été sollicitée pour ce genre d'opération;
Attendu enfin que la prévenue allègue pour sa défense que les enquêteurs n'auraient pas tenu compte de la vente en vrac du Muscat de Frontignan;
Or, attendu que les opérations de vente en vrac ne peuvent être réalisées que sur "sorties", le passage des quantités du négoce au détail étant formalisé obligatoirement par un document fiscal dont il a été forcément tenu compte dans le relevé effectué lors du contrôle;
Attendu en effet qu'en agissant comme elle l'a fait Marie-Ange B a réalisé un bénéfice illicit de 26 184 F pour la période du 1er janvier 1992 au 4 mars 1992;
Qu'en conséquence, il convient de réformer la peine d'amende prononcée et d'infliger à la prévenue une sanction qui soit proportionnée au profit retiré de telles opérations soit une amende de 30 000 F;
Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement, par arrêt: contradictoire à l'égard de S épouse B Marie-Ange contradictoire à l'égard de la SARL X et en matière correctionnelle; En la forme: Reçoit les appels réguliers et dans les délais. Au fond: Sur l'action publique: Confirme en son principe de culpabilité la décision déférée. Emendant sur la peine, Condamne Marie-Ange S épouse B à la peine d'amende de 30 000 F. Déclare la SARL X civilement responsable. Fixe comme de droit la durée de la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer. Le tout par application des textes visés au jugement et à l'arrêt, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.