Cass. com., 12 mai 2004, n° 01-14.140
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Topper Expansion (Sté)
Défendeur :
Roset (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
Me Cossa, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 31 mai 2001), que la société Topper Expansion a assigné la société Roset en paiement de dommages-intérêts, pour violation d'une clause d'exclusivité territoriale figurant dans deux contrats successifs de distribution à durée déterminée, lui confiant la distribution des meubles fabriqués par cette société, et pour dénonciation abusive du second de ces contrats ; Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : Attendu que la société Topper Expansion fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la violation de la clause d'exclusivité territoriale, alors, selon le moyen : 1°) qu'après avoir constaté qu'il ne s'évinçait pas avec évidence des stipulations contractuelles que l'exclusivité concédée à la société Topper Expansion portait aussi sur les foires organisées dans le XVe arrondissement de Paris, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si au regard de l'article 1162 du Code civil, l'interprétation du contrat de distribution exclusive des produits de la collection Ligne Roset auprès de la clientèle des particuliers pour un usage résidentiel et privatif dans ce secteur de la ville de Paris devait se faire contre le concédant et en faveur du concessionnaire, de sorte que la Foire de Paris et le Salon d'automne organisés à la Porte de Versailles dans le XVème arrondissement auraient dû être couverts par l'exclusivité territoriale ; qu'en interprétant ledit accord, sans s'interroger sur cette règle d'interprétation, avant de rejeter la demande, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux juges du fond de rechercher dans un acte étranger à l'une des parties en cause, des renseignements de nature à éclairer leur décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les stipulations du contrat signé par la société Roset avec le nouveau concessionnaire ne concernant pas les mêmes parties, ne pouvait pas être utile pour l'interprétation des contrats conclus par la société Roset avec la société Topper Expansion ; qu'en se déterminant de la sorte pour rejeter la demande, la cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil ; 3°) qu'après avoir constaté que, durant leur deuxième contrat de concession exclusive de vente sur le XVème arrondissement de Paris, la société Roset avait supprimé, en décembre 1995, l'autorisation de distribuer les articles de la Ligne Roset lors des foires et salons organisés à la Porte de Versailles, autorisation qu'elle accordait jusqu'alors à la société Topper Expansion, la cour d'appel devait en déduire que le concédant avait commis une faute en modifiant unilatéralement l'équilibre contractuel ; qu'en déboutant néanmoins la société Topper Expansion de son action en responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 4°) qu'à l'appui de sa demande de dommages-intérêts, la société Topper Expansion avait, dans ses conclusions d'appel, reproché à la société Roset, en supprimant, en décembre 1995, l'autorisation jusque là donnée de distribuer lors des foires et salons organisés à la Porte de Versailles, avant de renouveler le contrat de distribution exclusive, en octobre 1996, sans modifier les termes du contrat qui lui permettait jusqu'alors de participer à ces manifestations, de l'avoir trompée pour conserver un concessionnaire exclusif reconnu dans le secteur du XVème arrondissement de Paris, tout en accaparant pour elle-même la partie la plus rentable de cette concession : la Foire de Paris et le Salon d'automne ; que le moyen était péremptoire ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu en premier lieu que c'est par une appréciation souveraine des termes de la convention, qui n'étaient ni clairs, ni précis, que la cour d'appel, sans encourir le grief de la première branche, a statué comme elle a fait ;
Attendu, en deuxième lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu qu'en l'espèce le contrat conclu entre la société Roset et le nouveau concessionnaire n'était pas utile à l'interprétation de la convention faisant litige ;
Et attendu enfin qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, que la société Topper Expansion avait accepté le nouveau contrat sans aucune modification, alors que le litige concernant les Foires et Salons était déclaré, et qu'elle aurait donc dû exiger que son exclusivité soit clairement stipulée, si elle n'acceptait pas la décision de la société Roset et l'interprétation qui la sous-tendait, la cour d'appel, qui a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a fait l'exacte application de la loi du contrat; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : Attendu que la société Topper Expansion fait en outre grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de distribution avant le terme fixé contractuellement, alors, selon le moyen : 1°) que s'il autorisait sa résiliation pour non-réalisation des objectifs de chiffre d'affaires fixés par la société concédant pour la durée d'un exercice, le contrat de distribution à durée déterminée ne permettait de procéder à la résiliation qu'au vu des résultats de l'exercice, celui-ci achevé ; qu'après avoir constaté qu'un objectif minimum avait été fixé à la société Topper Expansion par lettre du 21 octobre pour l'exercice 1996 qui devait se terminer à la fin du mois de septembre 1997, la cour d'appel a considéré que la société Roset avait pu légitimement notifier la résiliation par lettre du 26 juin 1997 pour insuffisance de résultat sur l'exercice considéré ; qu'en admettant de la sorte que la société Roset ait pu notifier, en cours d'exercice, par avance, la résiliation du contrat pour insuffisance de résultats, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'aux termes de l'article 17 du contrat de distribution à durée déterminée, rapporté par l'arrêt, la société Roset s'était réservée le droit de résilier ledit contrat en cas d'inexécution par la société Topper Expansion d'une seule des obligations et ce, trois mois après une mise en demeure restée infructueuse ; qu'après avoir établi que la société Topper Expansion avait présenté et vendu des produits concurrents sans l'accord de la société Roset, ce qu'interdisait le contrat de distribution exclusive, la cour d'appel devait rechercher si le concédant avait mis en demeure la concessionnaire d'avoir à cesser ces agissements ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant de déclarer légitime la résiliation du contrat pour violation de l'obligation de non-concurrence, la cour d' appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l' article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la société Topper Expansion ayant seulement soutenu devant la cour d'appel que la baisse de son chiffre d'affaires n'était imputable qu'au comportement de la société Roset, le moyen, pris d'une part, de ce que cette société n'était pas en droit, au vu de l'insuffisance de ce chiffre d'affaires, de dénoncer le contrat avant la fin de l'exercice, et de ce qu'elle ne pouvait, d'autre part, procéder à cette dénonciation, pour vente de produits concurrents, sans avoir adressé une mise en demeure préalable, est en ses deux branches, nouveau, mélangé de fait et de droit, et par là-même irrecevable ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.