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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 25 novembre 1997, n° 97-699

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

DDCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lapeyrere

Substitut :

général: M. Bérard

Conseillers :

Mmes Delpon, Montelimard

Avocat :

Me Pardo.

TGI Draguignan, ch. corr., du 15 févr. 1…

15 février 1995

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

M. R Alfred a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Draguignan pour avoir, en tout cas depuis temps non prescrit et dans le ressort du tribunal de ce siège, à (localité)(83) le 14 décembre 1993 trompé ou tenté de tromper le contractant sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises, en l'espèce tromperie sur le mode d'obtention artisanale d'huile d'olive commercialisée sur l'identité et la qualité de son fabricant;

faits prévus et réprimés par l'article L. 231-1 du Code de la consommation.

Par décision contradictoire en date du 15 février 1995, le Tribunal correctionnel de Draguignan a déclaré Alfred R coupable des faits qui lui sont reprochés et en répression a été condamné à la peine de 75 000 F d'amende; il en a relevé appel le 17 février 1995 et le Ministère public le 20 février 1995.

II a été cité à comparaître devant la cour par acte délivré à personne le 2 septembre 1997.

Alfred R comparaît devant la cour assisté de son avocat.

Il sollicite sa relaxe et soutient que le procès-verbal de l'agent des fraudes fait état de constatations erronées ou mal interprétées en sa défaveur et qu'il ne saurait donc servir de fondement à des poursuites et à une condamnation de ce chef.

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré.

Sur ce LA COUR

Attendu que le présent arrêt sera contradictoire à l'égard de Alfred R;

Attendu que les appels déclarés dans les délais légaux sont recevables en la forme;

Attendu que la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a dressé procès-verbal le 14 décembre 1993 à l'encontre de Alfred R, moulinier à huile à (localité), par tromperie ou tentative de tromperie et présentation de nature à induire en erreur sur les caractéristiques essentielles de la marchandise origine, caractère artisanal, identité de fabricant.

Attendu que lors de leur visite au moulin de Alfred R les agents verbalisateurs ont relevé que celui-ci utilisait pour la vente de l'huile d'olive trois modèles d'étiquettes:

- 1er modèle: "huile d'olives vierge extra" obtenue par simple pression à froid naturellement selon la tradition au moulin X (localité)

- 2e modèle: "Huile d'olives vierge extra" obtenue par simple pression à froid moulin X Alfred R - contenance 500 cl 94 704017 (localité)

- 3e modèle: Alfred R <numéro tél>contenance 100 cl à consommer de préférence avant le ...

Attendu que ces agents verbalisateurs ont retenu que Alfred R commercialisait l'huile qu'il produit lui-même à son moulin (à partir de ses propres olives ou de celles d'oléiculteurs varois qui lui vendent une partie de l'huile ainsi obtenue) au prix de 48 F le litre en 1992 et de 50 F le litre en 1993 uniquement sur place et l'huile qu'il achète à Y et revend sur les marchés au cours de ses tournées au prix de 28 à 29 F le litre.

Attendu que les agents verbalisateurs, qui ont indiqué dans leur procès-verbal que M. R avait reconnu qu'il ne précisait pas à sa clientèle la provenance de l'huile qu'il achète à Y et que celle-ci pouvait penser qu'il s'agissait d'huile produite au moulin, ont déduit de ces déclarations et de ces constatations que le contexte dans lequel est vendue cette huile est de nature à tromper le consommateur, et à l'induire en erreur sur les caractéristiques essentielles du produit, sa provenance locale, son mode d'obtention artisanal, l'identité et la qualité de son fabricant car il s'agit d'une vente ambulante par un moulinier dans une zone oléicole, cette huile étant seulement désignée par le dénomination "Huile d'olive vierge extra" portée sur un écriteau, et dépourvue d'étiquetage informatif ou munie d'une étiquette comportant au moins le nom du moulinier.

Attendu que les constatations des agents verbalisateurs ont été opérées au moulin de Alfred R et non pas sur les marchés lors de ses ventes ambulantes, à telle enseigne qu'ils n'ont pas vu les étiquettes apposées sur les récipients servant à la commercialisation de l'huile et ne peuvent donc affirmer que sur ceux renfermant celle achetée à Y se trouvait les étiquettes selon les trois modèles mentionnés pouvant permettre aux consommateurs de croire que cette huile provenait du moulin X et donc de les tromper.

Attendu que sans être contredit par des constatations contraires le prévenu a affirmé qu'il ne vendait sur les marchés que de l'huile provenant de chez Y sous la dénomination "Huile d'Olive vierge extra" correspondant à la dénomination de son fournisseur figurant sur un écriteau sans précision d'origine et sans étiquetage, mais à un prix moins élevée que celle négociée à son moulin, ce qui permettait au consommateur de ne pas se tromper sur la qualité des deux produits l'un par rapport à l'autre.

Attendu que le délit de tromperie ou de tentative de tromperie visé dans la prévention ne peut reposer sur des considérations subjectives ou des déclarations telles que le 'consommateur peut penser que.." mais sur des constatations formelles et matérielles de nature à apporter la preuve que le commerçant a voulu sciemment et par des manœuvres spécifiques tromper son client, c'est à dire en l'espèce vendre de l'huile "Y" comme si elle provenait du moulin X de R.

Attendu que tel n'étant pas le cas en l'espèce selon les constatations opérées, Alfred R sera relaxé de la poursuite dirigée contre lui et le jugement déféré infirmé de ce chef.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle; Au fond, Infirme le jugement déféré; Relaxe Alfred R des fins de la poursuite dirigée contre lui; Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.