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Décisions

CA Aix-en-Provence, 9e ch. C, 5 février 2004, n° 2004-82

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Riposo

Défendeur :

Nespoulous (ès qual.), Sodige (SA), AGS - CGEA de Marseille

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mucchieli

Conseillers :

Mmes Montélimard, Lapeyrere

Avocats :

Mes Andrac, Périe, Imbert, Depieds, Mangin.

Cons. prud'h. Marseille, du 27 avr. 2000

27 avril 2000

En suite de son licenciement pour inaptitude définitive à l'emploi, Alain Riposo, embauché en qualité de VRP exclusif par la SA Sodige à compter du 1er juin 1992, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de son ancien employeur au paiement d'une indemnité de clientèle, d'un rappel de congés payés dans la limite de la prescription et de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Le Conseil de prud'hommes de Marseille, par jugement en date du 27 avril 2000, a condamné la SA Sodige à payer à Alain Riposo 1 459,79 F à titre de rappel de congés payés et 65 868 F net à titre de complément d'indemnité de clientèle et débouté Alain Riposo du surplus de ses demandes.

Appelant de cette décision Alain Riposo conclut à la condamnation de la SA Sodige à lui payer:

- 39 720,08 euros à titre de complément d'indemnité de clientèle,

- 3 983,49 euros à titre de rappel de congés payés,

- 3 200 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il demande en outre que la décision soit déclarée opposable au CGEA.

La SA Sodige et maître Nespoulous, ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession, désigné à ces fonction s par jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 14 août 2003, concluent, formant appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a alloué à Alain Riposo la somme de 10 041,51 euros à titre d'indemnité de clientèle restant due, subsidiairement à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de Alain Riposo à payer à la SA Sodige et à Maître Nespoulous ès qualité la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils font valoir:

Au principal que n'étant pas l'auteur volontaire de la rupture la société ne saurait être tenue au paiement de l'indemnité de clientèle.

Subsidiairement, que l'indemnité due ne saurait excéder la somme de 22 867,35 euros à laquelle avait été évalué le rachat par Alain Riposo de la carte de Monsieur Clément, dont il convient de déduire l'indemnité spéciale de rupture versée.

Que la demande en paiement des congés payés afférents à la période du 1er juin 1992 au 31 décembre 1993 est prescrite et que l'offre de régler un reliquat de 222,54 euros doit être déclaré satisfactoire;

Qu'aucune résistance abusive n'est justifiée l'éventuel retard dans le paiement d'une somme d'argent ne pouvant générer qu'un intérêt moratoire.

Le CGEA conclut à la réformation du jugement, la SA Sodige étant seulement auteur provoqué de la décision de rupture en l'état de l'obligation de mettre fin au contrat pour cause d'inaptitude médicalement constatée.

Subsidiairement, à la confirmation du jugement:

En toute hypothèse à sa mise hors de cause pour les demandes relative aux dommages-intérêts fondée sur des actions en responsabilité contractuelle.

Il demande encore à la cour de dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties (L. 143-11-1 du Code du travail), compte tenu du plafond applicable (articles L. 143-11-7 et L. 143-11-8 du Code du travail) ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de fonds de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponible entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 143-11-7 du Code du travail.

De dire que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L. 621-48 du nouveau Code de commerce.

Motifs de la décision:

I. Sur la demande en paiement de l'indemnité de clientèle:

Aux termes de l'article L. 751-9 du Code du travail en cas de résiliation du contrat à durée indéterminée ainsi que dans le cas de cessation du contrat de travail par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail, l'employé a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée créée ou développée par lui.

Alain Riposo a été déclaré par la médecine du travail inapte définitive à son poste de travail de VRP et à tout poste dans l'entreprise et a été en conséquence licencié par la SA Sodige son employeur par lettre du 28 décembre 1998.

Le contrat a donc été résilié en suite de circonstances indépendantes de la volonté du VRP et la condition initiale du droit à indemnité de clientèle est remplie.

La seule acceptation du versement spontané, par l'employeur, de l'indemnité spéciale de rupture, ne suffit pas à caractériser la renonciation à l'indemnité de clientèle laquelle doit être expresse alors que le VRP a au contraire saisi la juridiction d'une demande en paiement de l'indemnité de clientèle.

Le droit à indemnité est subordonnée à la création, à l'apport ou au développement d'une clientèle.

Aux termes du protocole d'accord du 30 avril 1992 entre la SA Sodige, Monsieur Clément précédent VRP et Alain Riposo, son successeur, l'emploteur autorisait l'ancien VRP à céder sa clientèle à Alain Riposo.L'indemnité de clientèle attribuée à Monsieur Clément est évaluée à 150 000 F. Elle est payée par Alain Riposo mais avancée par la SA Sodige, l'indemnité ainsi avancée devant être retenue sur les commissions dues à Alain Riposo.

La clientèle ainsi rachetée doit être considérée comme apportée par Alain Riposo.

Les éléments versés aux débats établissent que la clientèle ainsi apportée n'a pas été en valeur augmentée. Le chiffre d'affaires réalisé par Alain Riposo est inférieur à celui réalisé par son prédécesseur Monsieur Clément.En effet en 1993 première année de plein exercice d'Alain Riposo le chiffre d'affaires réalisé est de 1 348 254 F alors qu'en 1991 celui réalisé par Monsieur Clément au titre de la dernière année de plein exercice était de 1 734 389 F. En 1996, dernière année de plein exercice, Alain Riposo n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires de 871 774 F.

Alain Riposo ne justifie pas par ailleurs avoir amené des clients autres que ceux rachetés.

En l'absence de toute justification d'un développement plus ample de cette clientèle apportée s'appréciant en un accroissement en nombre de client et en valeur, la juste évaluation des premiers juges de l'indemnité correspondant à la valeur d'achat de la carte sera confirmée.

II. Sur les congés payés:

La demande en paiement d'un complément de congés payés a été formée le 28 décembre 1998, date de réception par la société Sodige de la convocation à l'audience de conciliation.

Les congés payés, élément de la rémunération, sont comme tel soumis à la prescription quinquennale.

Les premiers juges ont donc justement déclaré prescrite toute demande au titre de rappel de congés payés antérieur au 31 décembre 1993.

Pour déterminer selon la règle du 1/10e le montant des congés payés et prétendre à un solde non payé, Alain Riposo a inclus dans sa base de calcul le montant de frais de voyage aux Antilles, lesquels sont aux termes du contrat de travail seulement avancés au VRP moyennant une augmentation du tarif général en France.

Ces frais professionnels ne constituent pas un complément de salaire et ne peuvent être inclus dans la rémunération servant de base au congés payés peu important les modalités mises en œuvre par l'employeur pour obtenir du client le remboursement de ces frais.

Les premiers juges ont donc justement exclus de la base de calcul lesdits frais et fixé à la somme de 222,54 euros, correspondant à l'absence de réintégration dans la base de calcul des congés payés de la dernière année de l'indemnité afférente à l'année précédente, les congés payés encore dus.

III. Sur la résistance abusive:

Le salarié ne caractérise pas la résistance abusive de l'employeur et sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts.

IV. Sur les frais irrépétibles:

Aucun impératif d'équité n'impose de faire en l'occurrence application au bénéfice de l'intimée des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire et en matière prud'homale, Reçoit l'appel, Vu le jugement du Tribunal de commerce de Marseille convertissant le redressement judiciaire de la SA Sodige en plan de cession et désignant Maître Nespoulous en qualité de commissaire au plan, Infirme la décision entreprise, Fixe la créance de Alain Riposo au passif de la SA Sodige aux sommes suivantes: - 222,54 euros à titre de congés payés pour la période non prescrite, - 10 041,51 euros à titre de solde d'indemnité de clientèle, Déboute Alain Riposo de ses demandes plus amples, Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 143-11-1 et suivants du Code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 143-11-7 et L. 143-11-8 du Code du travail, Dit que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle est évaluée le montant total des créances garanties (L. 143-11-1 du Code du travail) compte tenu du plafond applicable (articles L. 143-11-7 et L. 143-11-8 du Code du travail) ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 143-11-7 du Code du travail, Dit que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L. 621-48 du nouveau Code de commerce, Dit les dépens frais privilégiés de la procédure collective.