CA Rennes, 8e ch., 5 février 2004, n° 03-03960
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Caillarec (SA)
Défendeur :
Guillon, ASSEDIC de Bretagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Segondat
Conseillers :
Mme L'Hénoret, M. Patte
Avocats :
Mes Simon, Dugue, Lautridou.
Vu le jugement rendu le 2 avril 2003 par le Conseil de prud'hommes de Quimper qui, saisi par Monsieur Thierry Guillon engagé le 14 octobre 1991 par la SA Caillarec en qualité de représentant salarié statutaire et licencié le 19 juillet 2001 pour insuffisance de résultats, d'une contestation du bien-fondé de cette mesure, a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SA Caillarec à lui payer: 16 000 euros à titre de dommages-intérêts, 7 116,78 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 3 919,44 euros + 391,95 euros au titre d'un rappel de prime et 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tout en constatant que la SA Caillarec reconnaissait lui devoir 487,84 euros au titre du 13e mois et 160,99 euros au titre de la prime de 3 %.
Vu l'appel formé le 5 mai 2003 par la SA Caillarec à qui le jugement avait été notifié le 8 avril 2003.
Vu les conclusions déposées le 21 octobre 2003 oralement soutenues à l'audience par la SA Caillarec tendant à la réformation du jugement et demandant à la cour de juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de juger qu'il lui reste dû 194,14 euros sur le solde du compte de Monsieur Guillon, d'ordonner le remboursement des sommes versées par provision, de lui donner acte de la régularisation acceptée à hauteur de 160,99 euros et de juger que les régularisations se compenseront avec le remboursement des sommes versées par provision.
Vu les conclusions en réponse déposées le 3 décembre 2003 oralement soutenues à l'audience par Thierry Guillon sollicitant la confirmation du jugement, le paiement d'une astreinte et 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 26 septembre 2003 par l'ASSEDIC de Bretagne sollicitant 4 323,92 euros en remboursement des allocations versées au salarié.
1°) Sur le licenciement:
Considérant qu'engagé le 14 octobre 1991 en qualité de représentant non statutaire, Monsieur Guillon a fait l'objet d'un licenciement le 19 juillet 2001 notifié dans les termes suivants:
"Nous faisons suite à notre entretien du mardi 17 juillet 2001 à 17 heures en nos bureaux.
Nous vous avons rappelé les dispositions prises pour essayer d'améliorer vos performances en terme de pénétration de secteur:
- élargissement de votre secteur,
- emploi du personnel d'après-vente plus qualifié,
- renforcement du bureau d'études froid,
Force est de constater que malgré nos courriers suivants:
- 15 septembre 1999
- 18 octobre 2000
- 26 janvier 2001
- 11 avril 2001
vos résultats n'ont fait que décliner.
A la fin juin, on totalisait à peine 100 000 F HT de CA par mois sans aucune perspective d'atteinte, en fin d'année, des quotas minima.
On notera que malgré votre ancienneté dans la maison (10 ans) vos quotas étaient nettement inférieurs à la moyenne de la société.
Aussi, compte tenu de cette situation déficitaire et vu le préjudice encouru par la société, nous avons pris la décision, après réflexion de vous licencier".
Considérant que pour critiquer le jugement qui a estimé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que les objectifs visés par l'employeur dans la lettre de licenciement n'avaient aucun caractère contractuel à défaut de signature par Monsieur Guillon de l'avenant les fixant, la SA Caillarec fait valoir que, désormais, la fixation des objectifs n'a plus à être contractualisée, que ceux-ci étaient réalistes mais que Monsieur Guillon ne les a pas atteints bien qu'il ait eu l'expérience et les moyens nécessaires et bien que la société ait tenté de le recadrer et qu'en définitive, il n'a pas su réagir ni anticiper les besoins des clients potentiels, privilégiant le quantitatif par rapport au qualitatif;
Or considérant que s'il n'est pas disconvenu que les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction pourvu qu'ils soient réalistes de sorte que les premiers juges ne pouvaient se fonder exclusivement sur leur non-ratification par le salarié sans rechercher si les objectifs assignés étaient réalistes, raisonnables et compatibles avec le marché, il est nécessaire de rappeler que l'insuffisance de résultat ne constitue pas en soi une cause de licenciement, lequel n'est justifié que s'il procède soit d'une insuffisance professionnelle soit d'une faute imputable au salarié;
Considérant qu'en l'espèce, si l'objectif de 2,8 millions de francs assigné en 2001 comme en 2000 à Monsieur Guillon apparaît raisonnable au regard du secteur confié et de la clientèle y attachée, force est de constater que rien ne démontre que la non-atteinte de ce chiffre en 2001 procède de l'insuffisance professionnelle ou d'une faute imputable à Monsieur Guillon.
Considérant en effetd'une part qu'en 2001, le secteur de Monsieur Guillon a été restreint (limite nord) etqu'un commercial (Monsieur Lorgere) y a été missionné suivant contrat du 27 février 2001.
Considérant d'autre part que l'insuffisance professionnelle d'un représentant qui a 10 ans d'ancienneté et 17 ans d'expérience ne peut être établie par la comparaison de ses chiffres au cours d'un seul exercice avec ceux de trois commerciaux sur les 9 de l'entreprise évoluant sur des secteurs différents pas plus qu'avec ceux de son successeur qui s'est vu confier 2 secteurs réunis.
Considérant enfin que le récapitulatif des commandes passées de janvier à juin 2001 n'établit pas que Monsieur Guillon n'ait pas su travailler correctement son secteur ni visiter les bons clients au cours de cette période comme le soutient la société Caillarec.
Considérant que, par ces motifs se substituant à ceux des premiers juges, le licenciement est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Considérant que les dommages-intérêts alloués sur le fondement de l'article L. 122-14 du Code du travail ont fait l'objet d'une exacte appréciation; qu'en outre l'ASSEDIC est fondée, par application de ce texte, à solliciter le remboursement des indemnités servies à Monsieur Guillon dans la limite de 6 mois.
2°) sur les rappels de salaire:
Considérant que Monsieur Guillon a perçu la somme de 67 788,24 F incluant l'indemnité de licenciement à hauteur de 24 993,30 F et l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 22 963,51 F; qu'il ne lui est par conséquent plus due aucune somme à ces titres, sa prétention tendant à voir fixer l'indemnité de licenciement à 46 683 F n'étant nullement fondée au regard de l'article 35 de la convention collective de la métallurgie du Finistère, applicable au contrat de travail.
Considérant que la société Caillarec qui est encore redevable des dommages-intérêts ci-dessus alloués ne peut prétendre à aucun remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire;
Qu'elle reste néanmoins redevable du 13e mois et d'une somme de 757,06 euros au titre de la prime de 3 % outre les congés payés y afférents.
Considérant que l'astreinte sollicitée n'est pas opportune;
Considérant que l'équité commande de faire droit aux prétentions de Monsieur Guillon fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs: LA COUR, Confirme le jugement sur le licenciement, les dommages-intérêts et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute Monsieur Guillon de sa demande d'indemnité de préavis et congés payés y afférents déjà réglé par la SA Caillarec; La condamne à payer à Monsieur Guillon: * 757,06 euros + 75,70 euros au titre de la prime de 3 % et congés payés y afférents; * 487,84 euros au titre du 13e mois; * 1 000 euros au titre des frais non répétibles d'appel; Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires; Condamne la société Caillarec à payer aux ASSEDIC de Bretagne la somme de 4 323,92 euros versés à Monsieur Guillon pour la période du 6 mai 2002 au 2 septembre 2002; Condamne la SA Caillarec aux dépens.