CA Paris, 13e ch. A, 24 septembre 1991, n° 2384-91
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Couderette
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
MM. Martinez, de Thoury
Avocat :
Me Lacaille.
Rappel de la procédure
Le jugement
Le tribunal a déclaré M Ricardo coupable d'avoir à Paris, le 13 mars 1990, en tout cas depuis temps non prescrit, refusé à un consommateur la vente d'un service sans motif légitime,
Et par application des articles 33 du décret 86-1309 du 29/12/1986, 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 33 alinéa 1 du décret 86-1309 du 29/12/1986 R. 25 du Code pénal,
L'a condamné à la peine d'amende de 2 500 F;
Le tribunal a condamné le prévenu aux dépens envers l'Etat liquidés à la somme de: 105,28 F;
Appels
Appel a été interjeté par:
1°) M Ricardo, le 7 décembre 1990, par l'intermédiaire de son conseil,
2°) le Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance de Paris, le même jour,
Décision
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré;
S'y référant pour l'exposé de la prévention et des faits:
Par voie de conclusions, Ricardo M demande à la cour de le relaxer purement et simplement des fins de la poursuite du fait qu'il existait le 13 mars 1990 vers 13 H 30 un motif légitime lui permettant dans le café tabac brasserie qu'il exploite de refuser de servir le plaignant Marc J.
Il explique que ce jour-là à l'heure du déjeuner Marc J est entré, accompagné d'une femme, dans l'établissement; que ces personnes se sont assises à une table de 4 places du restaurant; que la femme a commandé le plat du jour mais que Marc J n'a voulu demander qu'un croque-monsieur; que priés de ne pas utiliser une table de 4 personnes alors au surplus que les croque-monsieur ne sont servis qu'au bar, les 2 clients se sont alors assis à une table de 2 places; Ricardo M précise qu'il a été contraint de répéter à marc J qu'à cette heure de la journée les croque-monsieur n'étaient servis qu'au bar et que devant le refus de l'intéressé de se plier à cette règle il lui a indiqué qu'il ne le servirait pas et l'a prié de quitter l'établissement, ce que Marc J et la personne qui l'accompagnait ont effectivement fait.
Ricardo M estime que la demande de Marc J revêtait un caractère manifestement anormal alors qu'il est parfaitement légitime pour un commerçant d'organiser son commerce comme il l'entend dans la mesure où les conditions de vente s'appliquent à l'ensemble de la clientèle et sont indispensables à la bonne commercialisation du produit; que c'est très légitimement que l'exploitant d'une brasserie surtout de surface très restreinte comme la sienne prévoit qu'aux heures de pointe les tables seront réservées aux repas tandis que les simples consommations liquides ou solides ne seront servies qu'au bar.
Il souligne, en outre, que la mauvaise foi de Marc J est caractérisée dans la mesure où ses demandes ont été présentées dans l'intention délibérée de gêner et d'entraver l'activité commerciale en cherchant à perturber le service ainsi que cela résulte des attestations produites.
Ricardo M fait ainsi valoir que Marc J n'établit pas l'illégitimité du refus de le servir qui lui a été opposé, au contraire, pour un motif légitime;
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service sauf motif légitime.
Considérant qu'il est constant en l'espèce que Ricardo M a refusé de servir Marc J qui lui avait commandé dans son établissement un croque-monsieur en étant assis à une table de 2 places avec une personne l'accompagnant qui, elle, avait demandé le plat du jour; que le prévenu motive ce refus par le fait qu'aux heures de pointe cette consommation n'est servie qu'au bar.
Considérant que la cour estime que le motif invoqué par Ricardo M dans ces conditions n'est pas légitime en raison même de la commande de la deuxième personne mentionnée se trouvant à une table de 2 places avec Marc J, dans la mesure où ce dernier était obligé pour être servi de se séparer de cette personne qui l'accompagnait sauf pour celle-ci à être contrainte de venir consommer au bar le plat qu'elle avait demandé et que Ricardo M ne pouvait lui refuser de servir à table.
Considérant, par ailleurs, qu'il ne ressort pas de la procédure et notamment des attestations produites par le prévenu que, comme l'affirme celui-ci, Marc J ait eu l'intention délibérée de gêner et d'entraver ou de perturber le service; que la cour relève à cet égard que Ricardo M a déclaré lors de l'enquête que lorsqu'il a invité Marc J et la femme qui l'accompagnait à s'installer à une table de 2 personnes il l'avait fait "sans aucune réflexion, gentiment".
Considérant qu'il résulte ainsi des éléments du dossier et des débats que Ricardo M a refusé de servir Marc J et que le motif de ce refus n'est pas légitime.
Considérant que le premier juge a, dès lors, retenu à bon droit le prévenu dans les liens de la poursuite.
Considérant que le tribunal a fait en répression, une juste application de la loi pénale à l'égard de Ricardo M; qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise.
Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Confirme le jugement déféré Rejette comme non fondées toutes conclusions plus amples ou contraires, Condamne Ricardo M aux dépens liquidés à la somme de: 285,15 F.