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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 26 octobre 1990, n° 1299-90

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Briand

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

Mme Magne, M. Jacob

Avocat :

Me Deredato.

TGI Bobigny, 16e ch., du 14 déc. 1989

14 décembre 1989

Rappel de la procédure:

Le jugement:

a déclaré M Serge coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis à Dugny le 4 janvier 1989 et courant décembre 1988 et par application des articles 2-1°, article 1er de la loi du 1er août 1905, article 7 de la même loi et 44 loi du 27.12.1973.

l'a condamné à 30 000 F d'amende,

a ordonné l'affichage du jugement pendant 7 jours sur la porte du garage X, <adresse>à Dugny, aux frais de M,

ordonné la publication du jugement dans le journal Parisien (édition Seine-Saint-Denis) aux frais de M. M sans que le coût puisse excéder 3 000 F;

l'a condamné aux dépens liquidés à 66,25 F.

Sur les intérêts civils, après avoir reçu M. Briand en sa constitution de partie civile, a condamné M à lui payer la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues;

A condamné M aux dépens de l'action civile (montant non précisé au jugement).

Appels:

Appel a été interjeté par:

1°) M Serge, le 20 décembre 1989

2°) le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny le 21 décembre 1989.

Décision:

rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi;

Serge M a été poursuivi devant le Tribunal de Bobigny (16e chambre) sous la prévention:

"- d'avoir à Dugny (93), le 4 janvier 1989, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation du produit, avec cette circonstance que ledit délit a eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme, en l'espèce, étant professionnel de l'automobile, en vendant à Mickaël Briand un véhicule de marque Citroën type CX 2200, immatriculé 3318 JA 94 dont l'examen technique par un expert en automobile faisait apparaître qu'il était dangereux à la conduite en raison d'une très mauvaise réaction de la direction, d'un temps mort au braquage et dont la crémaillère était fortement vétuste avec, de surcroît, un compteur kilométrique hors d'état puisqu'indiquant lors de l'examen technique 75 539 kms alors qu'il était porté sur le livre d'achat des véhicules d'occasion de Serge M un kilométrage de 96 728 kms, délit prévu et puni par les articles 1er, 2, 6, 7 de la loi du 1er août 1905;

"- d'avoir à Dugny (93), courant décembre 1988, effectué une publicité comportant des allégations, indications pu présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les qualités du revendeur, en l'espèce, en faisant insérer dans un journal d'annonces de la région de Saint-Germain (78) sous la rubrique "Le journal de l'occasion" - offre réservée aux particuliers", un encart en vue de la vente du véhicule ci-dessus mentionné, alors qu'il est, en réalité, un professionnel", délit prévu et réprimé par les articles 44-1 et 44-II de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905.

Par jugement en date du 14 décembre 1989, le tribunal a déclaré Serge M coupable des faits qui lui sont reprochés, l'a condamné à 30 000 F d'amende, a ordonné l'affichage dudit jugement pendant sept jours sur la porte du garage X à Dugny, aux frais du condamné ainsi que sa publication, par extraits aux frais également du condamné, dans le journal "Le Parisien", édition de Seine-Saint-Denis, a reçu Mickaël Briand en sa constitution de partie civile et a condamné Serge M à lui verser la somme de cinq mille (5 000) francs à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues.

Appel de cette décision a été régulièrement interjeté tant par le prévenu que par le Ministère public.

Assisté de son conseil, Serge M sollicite de la cour sa relaxe du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, soutenant qu'il avait fait cette annonce destinée aux particuliers comme garagiste et qu'il avait payé ladite annonce en tant que professionnel soit 200 F; qu'en ce qui concerne le délit de tromperie, il argue de sa bonne foi, s'agissant d'un véhicule vendu en l'état à un prix très bas.

Quant à la partie civile, elle sollicite de la cour la confirmation du jugement sur ce qui la concerne.

Considérant qu'il est constant que, courant décembre 1988, Serge M exploitant à Dugny (93) du garage X, faisait insérer dans un journal d'annonces de la région de Saint-Germain (78) "8 jours Saint-Germain", à la rubrique "le journal de l'occasion, offre réservée aux particuliers", les lignes suivantes: "2 500 F AV, dans l'état, CX Pallas 2200, garage X, <numéro de téléphone>";

Qu'à la suite de cette annonce, le 4 janvier 1989, Mickaël Briand faisait l'acquisition auprès de Serge M de ce véhicule immatriculé 3318 JA 94 destiné à son fils unique, pour la somme de 2 000 F;

Que l'utilisateur et son père ayant décelé des anomalies dans la direction de la voiture, après avoir tenté vainement de faire reprendre le véhicule par le vendeur, qui avait rétorqué qu'ils n'avaient "pas acheté une Rolls", faisaient dès le 9 janvier 1989 examiner celui-ci par le cabinet d'expertise Herment-Pérignon à Suresnes (92) qui constatait: "très mauvaise réaction de la direction, temps morts en braquant à droite ou à gauche, la crémaillère est fortement vétuste" et qui concluait: "ce véhicule est très dangereux à la conduite";

Que, dès le 30 janvier 1989, mme Nicole Briand portait plainte au parquet;

Considérant que, s'adressant à un professionnel de l'automobile, les époux Briand étaient en droit de s'attendre à acquérir un véhicule sûr, car il allait de soi, pour eux, que le garagiste avait effectué, avant la mise en vente, les contrôles les plus élémentaires;

Qu'en vendant le véhicule en l'état, malgré un "léger jeu", selon son propre aveu, dans la direction, jeu qu'il avait lui-même décelé lorsqu'il avait ramené le véhicule des établissements Picquet de Chamigny-sur-Marne (94) à son garage, et qui, en réalité rendait, selon l'expert, ce véhicule très dangereux à la conduite, Serge M s'est rendu coupable du délit de tromperie qui lui est reproché;

Que, d'ailleurs, il apparaît que le prévenu a tenté d'échapper à sa responsabilité en rajoutant sur la décharge de responsabilité, en dessous de la mention "véhicule vendu dans l'état" l'indication "pour pièces" alors que l'essai de la voiture sur quelques kilomètres avec le jeune Briand démontrait bien qu'il s'agissait de la vente d'un véhicule destiné à rouler;

Considérant qu'en revanche le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur n'est pas caractérisé dès lors que le prévenu, dans l'annonce elle-même, ne s'est pas présenté comme un particulier mais comme un professionnel de l'automobile et que c'est précisément en raison de cette qualité que les époux Briand se sont adressés à lui, persuadés d'acquérir un véhicule dont les contrôles de sécurité avaient été effectués;

Qu'en ce qui concerne les peines pour le délit de tromperie, la cour fera une application plus sévère de la loi pénale en ajoutant à l'amende une peine d'emprisonnement ferme; et que, d'autre part,; il y a lieu d'ordonner l'affichage et la publication de la décision à intervenir;

Considérant, par ailleurs, que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour Mickaël Briand, partie civile, des agissements répréhensibles de Serge M; qu'il y a donc lieu de confirmer, sur ce point, le jugement attaqué;

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement; Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public; Infirmant partiellement le jugement attaqué, relaxe Serge M du chef du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur. Déclare celui-ci coupable de tromperie sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi de la marchandise vendue, avec cette circonstance que le délit a eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme et le condamne à trois mois d'emprisonnement et à trente mille (30 000) francs d'amende. Ordonne la publication du présent arrêt, par extraits, aux frais du condamné dans le journal Le Parisien, édition de Seine-Saint-Denis, sans que le coût de l'insertion puisse dépasser la somme de six mille (6 000) francs hors taxes. Ordonne l'affichage du même arrêt, par extraits, pendant sept jours, sur papier format 21 cm x 29 cm, aux frais du condamné sur la porte du garage X, <adresse>à Dugny (93); Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles; Condamne Serge M aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers liquidés à 568,94 F; Le tout par application des articles 1er et 2-1°, 7 de la loi du 1er août 1905, 463 du Code pénal, 473, 512 du Code de procédure pénale.