CA Paris, 13e ch., 22 mai 1990, n° 0181-90
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Association professionnelle de solidarité des agences de voyages
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Martinez
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
Mme Petit, M. Rocheron
Avocats :
Mes Jourdan, de Beaurepaire, Selnet.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le tribunal a relaxé des fins de la poursuite Henry O du chef de tromperie sur la nature, l'origine ou la qualité d'une prestation de service, sans peine ni dépens;
Le tribunal a déclaré L Gérard et B Maurice coupables d'avoir à Choisy-le-Roi et sur le territoire national courant janvier, février et mars 1986, trompé ou tenté de tromper le contractant sur la nature et les qualités substantielles de la prestation de service en laissant figurer sur les contrats et sur la vitrine de l'agence "voyages Y" la mention de la garantie financière offerte par l'association professionnelle de solidarité des agences de voyages alors que cette garantie avait été supprimée le 19 décembre 1985,
Et, par application des articles 1er et 16 de la loi du 1er août 1905, 7 et 6 de la loi du 1er août 1905,
a condamné:
L à la peine d'amende de 8 000 F,
B Maurice à la peine d'amende de 5 000 F,
Sur l'action civile: le tribunal a reçu l'association professionnelle de solidarité des agences de voyages en sa constitution de partie civile, et a condamné solidairement L, B Maurice et C Philippe (non en cause d'appel) à lui verser la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Le tribunal a condamné chacun pour leur part, L Gérard, B Maurice, aux dépens envers l'Etat liquidés à la somme de 592,21 F;
Appels
Appel a été interjeté par:
1°) L Gérard, le 18 octobre 1989,
2°) le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil, le 25 octobre 1989, à l'encontre de Henry O, L Gérard et B Maurice.
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
La cour statue sur l'appel relevé par L Gérard, prévenu du jugement précité auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention. Le Ministère public a également relevé appel de la décision intimant les trois prévenus: Henry O, B Maurice et L Gérard.
Par voie de conclusions L Gérard qui ne conteste pas la matérialité des faits, sollicite par infirmation sa relaxe. Il fait valoir que rien n'établit à son encontre l'intention frauduleuse retenue contre lui par la prévention. Il fait grief à la décision qu'il critique d'avoir, pour caractériser l'élément moral, soutenu qu'en qualité d'associé il avait été mis au courant par B du retrait par l'APSAV de sa garantie et que par ailleurs il exerçait une véritable gérance de fait et surveillait en particulier toute comptabilité. Qu'en conséquence, il lui appartenait de faire disparaître lui-même toute trace de la mention de la garantie sur les imprimés de réservation ou du moins de veiller à ce que le nécessaire soit fait correctement par le chef de l'agence X. Que, faute par lui d'avoir procédé lui-même à cette rectification, cette carence caractérisait son intention délictuelle. Il articule au soutien de sa bonne foi que c'est dans un souci de rationalisation de son exploitation qu'il s'est rapproché de la société de voyages Y et plus spécialement afin de bénéficier des avantages procurés par la licence A. qu'il fut informé postérieurement à l'acquisition de sa participation dans le capital de la société Voyages Y; Que celle-ci, faute d'une régularisation dans les délais, n'était plus titulaire d'une licence A, et ne bénéficiait plus de la caution APS. Que par ailleurs la comptabilité sociale n'était pas régulièrement tenue. Que, c'est dans ces conditions et uniquement afin de répondre aux investigations du fisc qu'il prit la charge des écritures comptables en retard. Il affirme que là s'est limité son rôle au sein de cette société. Il conteste avoir jamais exercé une quelconque activité au sein et dans les locaux de la société voyages Y dont le seul gérant était B qui seul avait reçu la notification par l'APSAV du retrait de la caution accordée à la société. Qu'en conséquence, à lui seul incombait la charge de détruire les références de l'APSAV sur les imprimés.
Le Ministère public demande à la cour d'aggraver les peines prononcées à l'encontre de B et L. Il estime par ailleurs la prévention établie à l'égard de Henry O qui a bénéficié selon lui à tort d'une décision de relaxe. Il sollicite la condamnation de celui-ci aux mêmes peines que ses co-prévenus estimant qu'ils étaient tous co-gérant de fait de la société Y.
Assisté de son conseil, B Maurice prévenu intimé, qui ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés, sollicite la confirmation de la décision critiquée.
Henry O, bien que régulièrement cité ne comparaît pas. Il est établi par la signature sur l'accusé de réception de la lettre recommandée qu'il a eu connaissance de la citation. Il sera statué à son encontre par application de l'article 410 du Code de procédure pénale.
Représentée par son conseil, l'APSAV sollicite la confirmation du jugement dont appel et la condamnation des prévenus à lui payer la somme de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
I. L:
Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications.
Considérant en effet que l'élément moral du délit de tromperie est la conscience qu'a le prévenu de ce que la chose vendue ne possède pas les qualités qu'il a énoncé à son co-contractant.
Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a retenu le prévenu dans les liens de la prévention.
Considérant que pour sa part la cour relève que L a reconnu à l'audience s'occuper de la comptabilité de la société Y qu'il a mise sur ordinateur.
Que, par ailleurs, L a reconnu devant le juge d'instruction qu'ayant appris que l'agence Y n'avait qu'une licence B, il a, au double titre de directeur de l'agence de voyage Z et d'actionnaire majoritaire avec C de la société Y, lui-même effectué auprès de la Préfecture les démarches nécessaires afin d'obtenir la licence A.
Considérant que cette attention devait permettre aux deux agences Z et W dont C était le gérant de continuer leurs activités propres au même titre et dans le même temps que la société Y.
Considérant que la cour considère que ces différentes activités ne sont pas celles d'un actionnaire mais qu'elles constituent en réalité des actes de gestion effectués par un directeur d'entreprise.Qu'elles impliquaient que L devait nécessairement connaître de la situation et de l'activité de l'agence Y.Que d'ailleurs il a déclaré au magistrat instructeur: "L'APSAV a refusé de" nous "accorder sa garantie. Nous "avons perdu la garantie APS. J'ai su que l'APS "nous" avait adressé une lettre recommandée pour notifier cette perte de garantie. J'ai eu la lettre en main."
Considérant qu'à juste titre la prévention a reproché à L d'avoir continué en toutes connaissance de cause début 86 de faire état vis-à-vis de la clientèle de la société Y - dont avec C - il était actionnaire majoritaire et l'un des gérants de faits, de la garantie financière de l'APSAV alors que qu'il avait eu connaissance du retrait de celle-ci.
Considérant qu'il convient par ailleurs d'observer que par un premier jugement du tribunal de commerce en date du 20.03.1986 une procédure de redressement judiciaire était ouverte à l'encontre des sociétés de voyages Y, Z et W et Me Philippot désigné en qualité d'administrateur judiciaire. Qu'un second jugement en date du 17.04.1986 réunira sous une seule procédure générale les trois procédures simplifiées ouvertes à l'égard des sociétés précitées entraînant la fermeture de l'agence le 7.05.1986.
Considérant que, contrairement à ce que soutient le prévenu, se trouve ainsi démontrée l'interconnexion existant entre les trois sociétés au sein desquelles le prévenu exerçait un rôle prépondérant.
Considérant qu'il convient donc de confirmer sur la culpabilité et en répression le jugement dont appel qui a fait une juste application de la loi pénale.
II. B Maurice:
Considérant que par adoption des motifs pertinents des premiers juges, la cour confirmera sur la culpabilité et en répression le jugement dont appel en ce qui concerne B.
III. O Henry:
Considérant qu'à juste titre les premiers juges ont relaxé Henry O des fins de la poursuite. Qu'en effet, il n'est pas établi par l'information qu'il ait eu, eu égard à ses fonctions, très modestes, au sein de l'entreprise, un rôle de gestion pouvant entraîner sa responsabilité pénale.
Considérant que la cour confirmera la décision de relaxe dont a bénéficié Henry O.
Sur les intérêts civils:
Considérant qu'il y a lieu de confirmer sur les intérêts civils le jugement critiqué qui a fait droit à la demande de la partie civile du franc symbolique à titre de dommages-intérêts.
Considérant que la cour fera droit partiellement à sa demande au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Par ces motifs: LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de L Gérard et de B Maurice, par application de l'article 410 du Code de procédure pénale à l'égard de O Henry, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, Y ajoutant, condamne L Gérard et B Maurice à payer à la partie civile la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires, Condamne L Gérard et B Maurice aux dépens d'appel liquidés à la somme de 526,38 F.